« C’est certain. » répondit Valérian à Daniella avec un petit sourire, lorsqu’elle souligna qu’il était préférable de perdre une veste plutôt que la vie. S’il aimait taquiner la jeune femme, le grec avait bien conscience de lui être redevable. Aucun doute qu’elle lui avait sauvé les miches, ce jour-là !

Une lueur d’inquiétude traversa les yeux de Valérian lorsque Daniella évoqua, en riant, la possibilité de lui raser la tête, pour s’assurer qu’aucun poux n’y reste : « Ah, euh, j’aimerais mieux éviter, dans la mesure du possible. » répondit-il poliment, quoique manifestement inquiété par cette perspective. Depuis qu’il vivait à la distillerie, le grec avait en effet retrouvé ses vieilles habitudes et prenait, de fait, un soin tout particulier à l’entretien de ses cheveux. Chaque matin, son rituel consistait à consciencieusement les ordonner et tailler sa barbe. Le grec agissait ainsi pour se donner l’illusion d’une sophistication, d’un savoir-vivre qui n’avait plus lieu d’être en ce monde. Soigneux et pointilleux de nature, il exécrait en effet le laisser-aller, tout comme la négligence.

Il était donc absolument hors de question qu’on lui rase la tête ! Quitte à choisir, le grec préférait être couvert de poux plutôt que chauve. Sans compter qu’il aurait ainsi l’air ridicule ! Yulia ne manquerait pas de se foutre de lui s’il rentrait dans cet état à la distillerie.

« Ne t’en fais pas, Shawna. Noie-les dans le vinaigre, s’il le faut. L’essentiel est que je sois débarrassé de ces foutues bestioles. » répondit Valérian à la métisse avec une pointe de désinvolture. Il risquait d’empester après ça, mais tant pis !

« Ils sont arrivés, oui. » reprit-il ensuite, au sujet d’Isaac et de son groupe : « Le trajet s’est déroulé sans encombre, et les travaux vont déjà bon train. Ils devraient être revenus chez vous sous peu. » Si le grec avait craint une cohabitation houleuse entre les siens et le groupe de fermiers, force était de constater que chacun faisait des efforts pour que celle-ci se passe au mieux. Même les exilés, d’ordinaire prompts à se chercher des noises, paraissaient ronger leur frein en la présence des fermiers. Ce qui était inespéré ! « Xander ? » les cheveux couverts de vinaigre, Valérian jeta un coup d'oeil à Daniella, qui s’inquiétait manifestement pour le brun : « Oui, il semble aller bien. » Le grec se souvint effectivement avoir vu Alexander arriver dans un piteux état aux No man’s land, le jour de l’attaque du convoi : « Sois tranquille, nous veillerons à ce qu’il rentre en un seul morceau. » ajouta t-il avec un mince sourire.    

Shawna lui demanda ensuite de passer le bonjour à ses proches : « Je n’y manquerai pas. » lui promit Valérian, avant d’essuyer une goute de vinaigre qui roulait jusqu’à ses yeux : « J’en conclus que c’est la première fois que tu viens au No man’s land ? L’endroit ne manque pas de charme, n’est-ce pas ? Si l’on fait abstraction de la crasse et du manque flagrant d’éducation des locaux, bien entendu. » Comme pour appuyer ses propos, un homme, qui titubait dangereusement à quelques mètres d’eux, une bouteille d'alcool à la main, fit tout à coup un rot sonore avant de grommeler des injures à l’adresse d’un interlocuteur invisible.

Les yeux plissés, Valérian écouta attentivement les recommandations de la métisse quant-aux poux et hocha la tête : « Par « tout ça », j’imagine que tu veux dire : hormis mes colocataires. » dit le grec avec un sourire mièvre. Ce qui était bien dommage, en soi. Il avait des jours où, excédé par les disputes et la mauvaise humeur de ses compagnons, Valérian aurait en effet apprécié pouvoir les enfermer dans des sacs poubelle pour avoir la paix, ne serait-ce qu’un instant.

Vint ensuite le sujet de l’attaque de la Marina et toute trace de malice quitta aussitôt les yeux du grec. La réaction de Daniella ne trompa pas Valérian qui la couvrit d'un regard soucieux. Il était après tout normal qu’elle ait été durement éprouvée par cette soirée aux allures de cauchemar. La dernière fois qu’il l’avait vue, la jeune femme avait servi d’otage à God et sa clique. Un homme, Jack, avait par ailleurs été abattu sous ses yeux. Il y avait de quoi ressortir traumatisée de tels événements.

Les yeux de Valérian se posèrent ensuite sur le bras de Shawna que meurtrissaient d’impressionnantes marques de brûlures. Il carra brièvement les mâchoires, détourna le regard et dit : « Je suis sincèrement désolé que vous ayez eu à vivre tout ça. » Et qu’elles en aient souffert : « Ces salauds ont payé. Ils ne risquent plus de faire de mal à qui que ce soit, maintenant. » ajouta le grec, avec un éclat féroce dans les yeux.  

Valérian laissa un bref silence se couler entre eux, puis reprit d'un air faussement détaché : « Comment vont Cora et Romy ? Et euh… » il fit un effort pour se remémorer le nom de ceux qu’il avait croisés, ce jour-là : « Ludwig, c’est ça ? » le grec se rappelait de ce jeune homme dégingandé et timide qui, contre toute attente, était parvenu à abattre God.

La réflexion suivante de Daniella fit franchement pouffer Valérian : « Ah ! Je suis sûr que tu me trouves irrésistible, hein ! Personne ne porte les cheveux gras aussi bien que moi. J'en suis certain. »

« Tu risques d’empester le vinaigre pendant quelques jours. » S’exclama alors la jeune femme avant de se mettre à rire. Elle échangea un regard complice avec Daniella, fronçant légèrement le nez à cause de l’odeur forte. Elle pulvérisa alors une bonne partie du contenu de sa bouteille sur les cheveux sombre du grec.

Le trio parla ensuite de l’arrivée de certains membres de The Haven à la distillerie, envoyés là-bas pour aider ses membres à améliorer leur refuge. Une aide précieuse en échange d’un service rendu quelques mois plus tôt. Le groupe de Valérian avait accepté, en compagnie du vieux Greene, de les aider à retrouver Elena, Caroline, Eli et Simon qui avaient disparu depuis un moment. Et s’ils avaient retrouvé leur piste, seul Simon avait été retrouvé, mort malheureusement. Mais la métisse ne s’attarda pas sur le sujet, affichant simplement un sourire rassuré en sachant les siens en sécurité. Elle laissa la brune et son client parler brièvement de Xander. Shawna remarqua alors les yeux brillants de son amie, mais sans réellement comprendre pourquoi elle réagissait ainsi.

« C’est la seconde fois, en fait. Corrigea alors la lionne tout en continuant son travail. Elle massa longuement le cuir chevelu du brun, pour que chaque mèche sombre soit imbibée de vinaigre. L’odeur était désagréable, la vue des poux grouillant sous ses yeux également, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Néanmoins, en bonne professionnelle, elle s’appliquait à rendre le moment agréable. Le massage en faisait partie, elle espérait que l’homme apprécierait. « Tu sais… Je ne sors pas beaucoup d’habitude. Tu es plutôt chanceux de pouvoir me croiser une deuxième fois. » Dit-elle d’une voix un peu plus enjôleuse avant de se décaler légèrement pour lui accorder un air malicieux. Mais elle disait la vérité. Elle n’était pas vraiment habituée aux sorties régulières. Et les mésaventures de la Marina n’avaient pas arrangé les choses. La coiffeuse avait renoué avec ses vieux démons, sa blessure ayant ravivé ses peurs et ses craintes de l’extérieur. Mais après en avoir longuement parlé avec Duncan et sa sœur, elle avait fini par mettre tout ça de côté. « Si les affaires marchent bien, je pense que je reviendrai de temps en temps. » C’était un projet qui la motivait, malgré ses réticences à sortir. Mais entourée de plusieurs des siens, elle s’en sentait capable.

« Isaac m’a dit que c’était assez animé par chez vous ! » S’amusa-t-elle lorsqu’il évoqua ses colocataires. Elle avait entendu le cavalier parler des quelques semaines qu’il avait passé en compagnie de Raina. Visiblement, le groupe de Valérian était composé de plusieurs fortes têtes.

Attrapant finalement un peigne à sa ceinture, Shawna se mit à démêler les cheveux du brun, emprisonnant également quelques bestioles au passage. Elle prit de soin d’essayer les dents du peigne dans un morceau d’essuie-tout avant de le mettre dans la poubelle près d’elle. Elle répéta les mêmes gestes longuement tout en l’écoutant parler de l’attaque de la Marina. Il s’excusa pour ce que la métisse avait vécu. « Oh… Ne t’en fais pas… C’est du passé. J’ai mis un peu de temps pour m’en remettre mais ça va mieux. » Comme il venait de le dire, le plus important était de s’être débarrassé du leader ennemi, ce God. Sûrement que tous seraient plus tranquille maintenant.

En revanche, lorsqu’elle l’entendit prononcer le prénom de Romy, son cœur se serra. Elle releva alors les yeux vers Daniella, ne sachant quoi dire.