Je l'écoute alors qu'elle m'explique tout ça, grignotant mes p'tits cadeaux et buvant mon jus d'orange. Ça a l'air fun, d'être capable de se défendre, dans le fond. Je hoche la tête par moment histoire de lui montrer que je suis, mais au fond de moi, c'est toujours pareil : j'me dis que c'est pas pour moi. Y'a un monde entre le sport de combat et moi. Comme si j'suis déconnecté de mon corps.

Enthousiaste, Mallowe se met du coup en tête de me montrer, genre physquement, certaines techniques. J'suis prêt à lui rappeler qu'elle s'est un peu faite péter les côtes hier, mais elle a l'air tellement motivée que j'ferme ma gueule et que j'obéis sagement.
Quand elle me pousse, j'encaisse mollement le coup, sans détacher mes yeux d'elle.

- Okay …

Avec précaution, j'lève ma main et j'fais le truc au niveau de son nez, pas très à l'aise, peu désireux de lui faire mal ou un truc dans le genre.
Malgré tout, j'connais bien cette technique, pour en avoir fait les frais plus d'une fois avec mes bourreaux. Quand ils voulaient, c'était maintenant. Et si j'étais pas assez rapide, toutes les techniques étaient bonnes pour me foutre au sol.

- Moi, te pousser, t'es sûr ?

J'mime plus que j'agis réellement, et quand elle me le fait à son tour, j'me rappelle à quel point c'est pas agréable, au point où ça me file un frisson d'angoisse.
Heureusement, on passe vite à autre chose. J'reste-là, planté comme un i, incapable de savoir quoi faire de mon corps alors qu'elle m'explique toutes ses techniques. C'est gentil de sa part, hein, j'suis vraiment, fonciérement touché du temps qu'elle prend. D'ailleurs j'essaie de lui montrer de l'intérêt. Mais quand t'as jamais été un violent, c'est difficile de s'y mettre, même après cinq ans d'apocalypse, même après deux à avoir enduré le pire.

- C'est impressionnant comme des simples torsions peuvent calmer un type.

J'lui souris en me redressant.

- Et tout ça tu l'as appris quand t'étais dans cette … arène ? Vaughn m'en a parlé je crois. Vous étiez tous ensemble, c'est ça ? Avec hm... Isha, j'crois, et d'autres ?

Maintenant que le sujet et abordé, j'me rends compte que Vaughn est effectivement super discret sur sa vie, et ça me rend mal. J'ai dû tout lui raconter de la mienne en long en large et en travers, et lui … Il m'avait montré sa marque au fer rouge quand il a vu mes marques et cicatrices sur mon corps, et m'en a vaguement parlé mais … Pas plus. J'suis qu'un putain d'égoïste égocentrique.

- Au moins ça vous sert, maintenant, je tente de relativiser.

Mallowe lui avait montré deux exercices hyper simples afin de le rassurer et lui prouver que certains trucs étaient à sa portée pour lui sauver la vie.
Pour être honnête elle n'en avait pas trouvé de plus faciles et s'attendait à le voir soudainement curieux par ces exemples n'exigeant même pas une bonne forme sportive.

Mais quand elle le surprit à se lever comme un mollasson et s'exécuter vaguement sans aucune motivation aux premiers mouvements comme aux suivants, elle resta comme deux ronds de flancs et baissa les bras presque déprimée.

Ca existait des gus qui avaient aussi peu d'énergie et de réflexes de survie ?
Il fallait croire que oui mais elle n'en avait jamais vu.
Comment avait-il réussit à ne pas mourir depuis tout ce temps là ?

Tandis qu'elles se posait mille et unes questions sur cet étrange énergumène, ses yeux, agrandis par l'étonnement étaient restés plantés dans ceux de Dany comme deux pastilles auto-collantes sur une feuille de papier avant de bafouiller:
mais... Comment t'as fait pour être encore en vie aujourd'hui ? Tu t'es laissé cogner sans jamais rétorquer ?

La jeune fille était vraiment estomaquée au point qu'elle se demandait s'il n'appartenait pas à la famille avec les ectoplasmes mais après tout, peut-être s'était-il réfugié jadis dans un camp sans jamais en sortir ?

Pour le coup elle ne trouvait plus rien à lui dire ni à lui faire faire alors elle s'assit et dans sa confusion se servit un verre de jus d'orange ce qui était rarissime et quand il lui posa des questions sur l'arène elle fut heureuse de changer de sujet.
Non, répondit-elle, un type m'avait déjà appris les bases ici, à Seattle. Mais je me suis perfectionnée à Detroit en effet.

Il était au courant que Vaughn et Isha en avaient également fait partie aussi annonça-elle:
oui, nous étions tous ensembles, j'étais leur chef et on étaient là pour la gloire de César, autant te dire que ce n'était pas tous les jours faciles...

Il en avait conclut que cette expérience leur servait à présent. Certes ils avaient appris à se battre mais le revers de la médaille avait quand-même été lourd. Ils avaient tous fait du trou par exemple... Quant à Isha, le conditionnement à l'ultra violence ne l'avait malheureusement pas aidé en ce qui concernait ses affaires de cœur.
L'ex-tribun se remémora ces geôles maudites creusées sous la terre, humides, froides, sans lumière, pleines de rats affamés et les séances de tortures qui allaient avec.

Elle garda le silence. Elle avait été assez épargnée malgré tout grâce à son statut mais d'autres avaient payés le prix fort.
Elle le toisa à nouveau et décida de ne rien lui raconter.
Il n'avait rien dit sur lui-même, elle n'allait pas dévoiler leur vie commune entre son ex-barman et son ex-champion, cela ne le regardait pas et puis, elle ne le connaissait pas suffisamment pour lui faire confiance. S'il voulait des détails, il n'aurait qu'à demander à Vaughn.

Elle termina son jus de fruit puis, un peu gênée murmura:
bon bah... Je ne vois pas ce que je peux t'apporter d'autre... Mais si un jour tu as besoin de moi, n'hésite pas, tu sais où me trouver maintenant.

Un froid s'était installé mais elle ne le laisserait pas tomber pour autant. C'était un ami à Vaughn donc quelqu'un à protéger et malgré tout, elle m'aimait bien; au moins il était drôle.