Bon, définitivement c'camp est bizarre, un jour on m'dit d'aller aider l'gars qui sert de mécano, un jour on m'dit d'aller aider à réparer. J'commence un peu à regretter l'époque où j'en faisais l'moins possible à m'reposer dans mon herbe fraiche. D'un autre côté, ça m'permet d'voir d'nouvelles têtes et d'me faire des nouvelles connaissances, ma mère s'rait fier de moi si elle voyait à quel point j'étais d'venu quelqu'un de respectable.. enfin d'à peu près respectable j'crois. C'était différent, avant, j'avais pas b'soin de v'nir voir les gens, ils venaient à moi directement ou alors dans des cas d'extrêmes urgences j'avais juste à m'pointer et c'était bon. Mais avec l'nouveau monde, ça m'forçait à réfléchir parfois et à faire l'effort entier moi-même, au début c'était chiant mais j'me suis habitué, Kerry et Mike, ils m'ont au moins appris ça avant d'crever comme des merdes : faut être sociable dans c'nouveau monde si on veut pas être considéré comme inutile et s'faire buter alors bon, j'm'suis p'têt un peu résigné à bosser avec les aut'membres du camp du coup.

Bref, aujourd'hui c'est atelier construction dans l'bâtiment, j'ai rendez-vous avec un gars que j'ai vu vit'fait, j'sais qu'il s'occupe des minots parfois. Faut dire qu'vu la ribambelle qu'y a ici ça doit être pire qu'une garderie quand il doit s'en occuper. Une horreur, fin pour c'une horreur, p'têt que lui il aime les gosses hein, j'juge pas chacun ses plaisirs dans la vie après tout. R'garde moi j'aime bien les filles qui savent m'répondre et frapper s'il le faut, pourtant j'suis pas tant bizarre qu'ça, fin j'crois pas, en fait j'en sais foutr'ment rien j'crois. Faudrait que j'demande à la p'tite latina si j'suis bizarre ou pas même si j'suis sûr qu'elle va m'dire oui, sympathique comme une porte d'prison qu'elle est. Bref, j'passe dans l'camp, j'vois tous ces gens qui ont l'air d's'éclater à faire leurs trucs et leurs machins vitaux, faut croire qu'quand j'étais tout seul j'me faisais nettement moins chier qu'eux, j'me demande s'ils ont déjà essayé d'vivre tout seul ou s'ils ont toujours vécu dans c'genre de p'tite secte toute mignonne ou tout le monde connait tout l'monde et tout l'monde baise avec tout l'monde sûr'ment.

Enfin, j'passe un mur, j'vais faire j'sais pas quoi mais j'croise l'petit gars en question. Un p'tit brun, il est maigrelet comparé à moi j'me demande bien c'qui va m'apprendre à faire parce que d'nous deux j'crois que c'moi le plus apte à faire le genre de trucs qu'on appelle de la "réparation". Après, y va p'têt me prouver l'contraire mais bon, sur l'coup j'avoue que j'souris un peu en l'voyant. "Salut, c'est Serena qui m'envoie, j'suis là pour t'aider à faire.. j'sais pas trop quoi elle m'a dit mais j'ai pas ret'nu pour être tout à fait franc." Pis j'm'en tamponne un peu de ce qu'elle m'dit. "En tout cas j'sais qu'j'dois t'aider à réparer des trucs alors m'voilà." J'jette mes bras sur le côté pour lui montrer qu'moi j'y peux rien s'il doit m'trimbaler pour l'aider, c'la faute des boss du camp, moi j'suis un gars sympa en vrai, ça tiendrait qu'à moi, y bosserait tout seul pour faire les choses bien sans m'avoir dans les pattes et moi j'pourrais faire autre chose genre.. rien.

Bon, ben voilà, j'étais là pour mettre les mains dans la merde comme on dit, j'le regarde après m'être présenté, j'regarde l'mur. Ouais faut dire qu'd'puis leur mésaventure avec les morts, c'pas nécessairement la grande éclate au niveau d'la sécurité du camp. Faut dire qu'ces saloperies s'étaient bien décidés à essayer d'les bouffer tous autant qu'ils étaient, fallait croire qu'ils étaient appétissants tous autant qu'ils étaient. En plus y avait l'autre mexicain qui s'était fait bouffer l'bras alors fallait croire qu'ils avaient vraiment envie d'eux, autant qu'moi j'vais envie d'me faire un tacos remplis à ras bord de plein d'bonnes choses qu'y avait avant dans notre vie et qui nous manquait. P'tain, c'était quand même mieux avant quand il était dans l'Arizona, à s'taper des sandwichs entre deux cours avec ses potes plutôt qu'à s'faire chier à boucher un mur pour éviter qu'des cons qu'avaient pas su s'laver les mains essayent de les bouffer comme s'ils étaient d'p'tains de reese's.

Enfin bref, j'sors d'mes pensées là-dessus, j'y reviendrais p'têt un jour mais l'gars m'fait un grand sourire alors j'lui en échange un, j'ai quand même pas envie d'passer pour un méchant gars en plus si on enlève sa dégaine d'toxico, il a l'air d'être bien sympa. Y s'présente, j'aime bien son prénom, Joey, ça m'fait penser à Joey Ramone, c'le genre d'prénom qu'aurait plu à ma mère ça, j'aurais p'têt pu m'appeler Joey aussi pis ça sonne américain, ça va m'changer de toutes les latinos qui peuplent c'camp mais bon, j'vais rien lui dire là-d'ssus, j'sais bien qu'on va encore m'dire que c'raciste d'dire ce qu'on pense alors qu'on l'pense. Il commence à m'expliquer c'qu'on doit faire et j'le dévisage. J'ai bien compris qu'fallait qu'on comate l'trou vu sa gueule mais j'crois qu'il m'a perdu à partir du moment où il a commencé à m'parler d'un truc qui s'appelle un torchis. J'sais pas trop ce dont y m'parle, moi j'fais un truc qui s'appelle du ciment et j'comate les murs ça va plus vite normalement mais bon, j'vois qu'monsieur veut être créatif alors on va jouer avec son argile s'y veut. Pis il avance un peu plus en m'disant qu'c'est un mélange d'terre pour remplacer l'ciment alors j'tire la conclusion qu'on a pas d'ciment ici. Ensuite y m'dévoile la fin d'son plan avec des plaques d'métal.. bordel c'gars est beaucoup trop intelligent pour moi, j'sais pas pourquoi on m'a mis avec lui j'vais encore passer pour un con.

Y prend une hache, m'la tend et m'demande si j'peux faire du p'tit bois, j'lui souris. "C'dans mes cordes, c'genre de trucs, patron." En tout cas, ça l'est plus que d'essayer d'comprendre comment va marcher son plan. J'm'avance pour prendre la hache et j'regarde l'bois, c'l'heure d's'amuser un peu. J'en prends quelques uns et j'commence à faire mon boulot, ça m'fait du bien d'faire un truc un peu physique et qui va servir quand même, parfois j'ai une conscience collectif, fin j'crois, ça s'en rapproche en tout cas à peu près. Au bout de deux, trois j'me tourne vers lui, faut que j'lui pose une question quand même parce qu'j'ai un truc qui m'trotte dans la tête d'puis un bout d'temps. "Hé, j'ai vu que tu t'occupais d'gosses du coin." Je le regarde avec un p'tit sourire, j'suis sûr que c'ce que j'pense mais bon. "Est-ce que c'pour.. fin t'vois.." J'met la hache sur l'sol et j'lui fais un fameux signe d'un doigt qui rentre dans un trou. "Avec les p'tites veuves du coin ?" J'me reprends vite fait. "Mais attention, j'dis pas ça pour t'juger hein, franchement j'trouve ça plutôt malin si c'ta technique, moi j'pourrais m'occuper d'gosses mais honnêtement bien joué si c'ça." Il a l'air d'être vach'ment malin alors bon, j'me dis que ça s'trouve c'est vraiment ça.

Ma question était p'têt un peu trop direct mais bon, c'pas d'ma faute aussi, quand j'vois un gars comme lui qu'a l'air d'être futé comme un r'nard j'me dis qu'sûrement qu'il a trouvé une combine de c'genre là pour s'faire les p'tites veuves du coin et rentabiliser un peu la souffrance de d'voir garder les mômes de tout le monde. J'passe une d'mes mains sur ma barbe quand y m'répond au début et qu'y m'dit qu'il a toujours aimé les gamins, bordel, faut vraiment être bizarre pour aimer les gosses, moi, j'pourrais pas m'en occuper d'un, j'ai d'jà assez d'mal à penser à m'faire survivre moi-même alors un gosse j'y pense même pas, surtout qu'au début ça fait chier t'peux pas baiser pendant neuf mois avec la mère déjà pis après faut attendre qu'elle s'remette de l'accouchement, pis après tout l'reste d'sa vie, il dérange les moments intimes avec ses cris et ses pleures ou même ses cauchemars qui l'font débarquer en pleine nuit pour faire chier l'monde. Bref, c'vraiment pas une panacée d'avoir un gosse alors aimer s'occuper d'celui des autres faut quand même être sacrément maso, j'trouve en tout cas.

Pis il a l'air surpris quand j'rentre dans l'vrai sujet, ouais, vu ses yeux, j'ai sûrement grillé son plan et y sait pas trop quoi m'répondre, autant dire qu'j'suis baisé dans l'immédiat. J'espère juste qu'y m'en voudra pas, t'façon j'dirais rien à personne, j'respecte trop son idée pour dire quoique c'soit, c'type il est pas fait dans le même roc qu'moi mais il est né avec un cerveau qui l'met au-dessus des autres, j'crois donc j'respecte la chaîne alimentaire, j'lui laisse son idée et les p'tites d'moiselles qu'il arrive à chopper comme ça et j'ferme ma gueule. J'suis pas forcément le type l'plus cool de l'univers mais j'suis au moins respectueux des autres gars qui font des efforts pour tremper l'biscuit, j'ai quelques qualités parfois, j'l'avoue. Pis y s'mit à rire et mon sourire s'élargit, j'le savais, ça s'voyait qu'il l'avait fait exprès t'façon, j'sens ces choses-là moi, il a pas b'soin d'me mentir, j'peux l'comprendre moi aussi, c'l'apocalypse forcément t'cherches un peu de réconfort ou tu peux et t'uses de choses qui seraient pas forcément moral l'reste du temps mais bon, qui va s'en soucier, de toute façon, Dieu, il existe sûrement pu ou alors c'devenu un des leurs vu comme il les aide tout l'temps à trouver d'nouvelles victimes à bouffer comme si d'rien était.

Pis ensuite, y m'assure qu'c'est pas vrai, qu'j'me suis complètement trompé, r'tournement d'situation, Don Juan veut me la jouer comme s'il le faisait pas exprès et j'peux pas l'croire. C'pas possible, ou alors j'ai du louper un truc dans la roulette de la vie et c'gars a gagné un charisme exceptionnel auprès des femmes qui lui permet d'serrer facilement. J'le dévisage un peu quand y m'dit qu'c'mal avant d'lui répondre. "Moi j'juge vraiment pas hein, c'l'apocalypse mais tout l'monde a b'soin d'faire ce genre de trucs quand même quoi alors bon." J'hausse les épaules avant d'rajouter. "Après si tu l'fais pas exprès bah t'ptêt juste doué avec les d'moiselles." J'souris un peu plus. "Pis t'façon, t'sais j't'aurais pas dénoncé ni piqué l'idée si ça avait été vraiment voulu, j'suis pas un faux frère moi, j'respecte c'genre de choses, on est tous des hommes, on a des b'soin et on est dans l'même bateau." En même temps qu'j'finis ma phrase, j'prends un bout d'bois et j'abat ma hache d'ssus. "En tout cas, ça fait plaisir d'voir qu'on a des cerveaux comme toi dans nos rangs, c'sûr qu'on est obligé d'tous survivre tant qu'vous êtes là." Autant essayer d's'en faire un copain si c'était un malin en plus, moi j'serais les muscles, lui, la tête comme dans les duos d'policier.

C'sûr que la discussion volait pas bien haut, ça, j'pouvais pas dire l'contraire mais bon, ça détendait l'atmosphère pis l'temps qu'on discute un peu d'ces techniques pour mettre des jolies demoiselles dans l'lit ça m'évitait d'avoir à trop m'forcer à travailler, comme quoi c'était doublement payant dans un sens, fin j'crois. J'passe ma main sur mon front en finissant mon p'tit débat sur l'fait qu'il le fait exprès ou non d's'occuper des enfants pour s'faire les mamans. Dans un sens, j'me dis que même s'il fait l'modeste, c'quand même sûr'ment l'seul gars du camp qui peut regarder les p'tits dans les yeux et leur dire qu'il a baisé leur maman sans qu'c'soit faux et ça c'quand même fort, très fort même. Bon après forc'ment selon l'âge qu'ils ont ça a moins d'impact, s'il l'dit à une p'tite de 3 ans elle va pas nécessair'ment capter toute la finesse de l'phrase et elle va p'têt en avoir rien à faire mais ça, c'pas vraiment d'sa faute au brun, son talent peut pas être r'connu à tout âge sinon Mozart serait connu par tous les enfants d'trois ans. J'relève la hache et j'la rabat sur un bout d'bois que j'venais d'poser ici sans attendre la suite d'la conversation, faut bien qu'j'en fasse un, pour faire comme si j'bossais un minimum sinon y va s'douter d'quelque chose et j'vais avoir des problèmes avec les p'tites demoiselles qui s'occupent du camp et j'ai pas envie qu'on m'casse encore les burnes avec ça.

Mais l'ptit gars m'répond, y m'demande si y a des filles qu'j'regarde ou qu'j'convoite et j'lui fais un sourire. Y sait pas dans quel sujet y vient d'se lancer. J'repose la hache contre ma jambe et j'lui fais un grand sourire de charmeur avant d'me lancer. "Ecoute, j'suis pas trop du genre à m'lancer l'défi d'avoir une fille qui m'intéresse." J'lui fais un p'tit clin doeil pour qu'il comprenne. "J'laisse pour les autres, moi j'suis du genre à prendre les d'moiselles qui passent.. littéralement." C'était pas vraiment vrai, j'ai quand même quelques limites faut pas déconner mais j'poursuis. "Donc nan, j'ai pas vraiment d'terre en vue où planter mon pavillon." J'sais pas si ça s'dit mais un pavillon j'crois que c'une sorte d'drapeau qu'on plante sur une ile pour dire qu'elle est à nous alors ça m'va. "Y en a bien toujours une ou deux qui me plaisent plus que les autres mais moi j'vais te dire, s'attacher dans ce bas monde, c'commencer à s'tuer mon pote, un jour ou l'autre va finir par y avoir un accident et faudra qu'tu fasses des choix qu'tu veux pas faire." Alors j'hoche les épaules. "Et moi j'veux pas l'faire c'choix-là donc." Etrangement, d'habitude j'chercher moins à expliquer ça mais bon, là on est entre mecs, j'pense qu'il pourra m'comprendre.

"Et toi ?" J'le r'garde en gardant mon air amusé. "T'as une p'tite d'moiselle qui te fait chavirer ton cœur parmi toutes les p'tites mamans qui passent sous tes yeux et dans ton lit." Pendant qu'j'finis ma phrase j'applique les directives qu'il m'a donné et j'prends l'bois que j'ai fendu pour l'poser dans la brouette, c'était pas particulièrement c'qu'avait l'air d'être l'plus fun mais bon, ça d'vrait le faire sans grand problème et puis comme ça, mon nouveau pote s'ra content du résultat et de mon boulot, il ira dire à la capitainerie que le mousaillon à bien bosser et qu'on peut lui foutr'la paix pendant quelques temps avec un peu d'chance. J'y crois po vraiment à ça mais bon, dans l'doute, j'peux p'têtre essayer d'le mettre d'mon côté si vous voyez un peu pourquoi.