Quooooi ? hoqueta Olivia avec de grands yeux, totalement prise dans l’histoire de Daniella. Si elle devait s’y attendre, à cette rencontre avec un garçon dehors avec qui elle avait consommé après cinq ans d’abstinence forcée ! Mais c’est qui ce gars ? Un inconnu de passage ou quoi ? Demanda-t-elle. Je le connais ?!

Probablement pas, mais de fait, Olivia se sentait obligée de demander tout de même. Elle pinça les lèvres et poussa un petit soupir contrarié. Avec tout ça, Daniella semblait aussi perdue, et avec ce sac de nœuds qu’était sa vie, il n’y avait pas de raisons qu’il en soit autrement. Elle échangea un bref regard avec Sari, esquissant une petite grimace discrète. Elle ne pouvait pas dire mieux : au fond, peut-être que sa meilleure amie finissait juste de se compliquer l’existence. Qu’elle n’arrivait pas à poser une relation simple, que ça ne lui comprenait pas. Mais au parfait bourreau dans une relation, il y avait aussi une parfaite victime, non ?

Fred est immature, admit volontiers Olivia : Vous êtes adultes, pas là pour des amours de cour de récré pourtant, mais toi, tu… Tu devrais apprendre à poser ce que tu veux, Daniella, et à aller moins vite en besogne, elle ne parlait pas de sexe. Elle parlait de sentiment. Si tu n’es pas, toi-même, stable, tu n’attireras que des gens, eux aussi, instables, et ça, c’était presque scientifique. Pour Xander, ça va être compliqué, il a visiblement pas l’intention de rentrer de Seattle de ce que j’ai compris… Elle tourna ses yeux vers Sari : Tu en penses quoi, toi ? Demanda-t-elle.

Elle ne jugeait cependant pas son amie. Elle était ainsi mais ça n’était pas du tout une fatalité. Viendrait un moment où, peut-être, elle évoluerait, elle se consacrerait à son véritable objectif de vie. Elle avait traversé des moments de vie compliquée, d’autant plus que son premier amour était un homme violent, qui lui avait fait beaucoup de mal. Il y avait des blessures qui n’étaient pas encore cicatrisées là-dessous, et qui méritaient, peut-être, que Daniella arrête de les ignorer.

C’était juste une petite frayeurs ! Rassura-t-elle la brune alors, n’ayant pas du tout envie de s’attarder sur le sujet. Oui, et si jamais toi aussi tu as des petites histoires d’amour à nous raconter, Sari, on est totalement à l’écoute ! Ajouta-t-elle avec un sourire mutin.

Quelle pouvoir avait Daniella en cet instant. Ses deux compagnes étaient suspendues à ses lèvres. « Nooooon ! » lâcha Sari en même temps qu’Olivia, les joues colorés de rose, alors que Daniella leur faisait comprendre avec des gestes explicites sa rencontre à Tacoma.

« Pour Xander… Je suis désolée, mais je ne pense pas qu’il reviendra, » souffla-t-elle en repensant à son comportement à la distillerie. « Il semblait déterminé à faire bonne impression aux Exilés, et il me paraissait bien, parmi eux. » Elle n’aimait pas porter des nouvelles aussi dures, mais il valait mieux que Daniella soit au courant immédiatement. Si jamais elle choisissait de garder espoir par rapport à cette relation, au moins, elle saurait dans quoi elle s’engageait.

« Le conseil d’Olivia est très bon, » dit Sari en hochant la tête. « Il faut d’abord avec une relation saine avec soi-même avant d’en avoir avec les autres. J’ajouterais aussi que cela dépend de ce que tu es prête à donner et à recevoir… Mais je ne suis sûrement pas la mieux placée pour donner des conseils sentimentaux. Je n’ai jamais eu de relation sérieuse, » confia-t-elle doucement, avec un soupçon de honte. « Ma vie amoureuse a été au mieux inintéressante, au pire catastrophique. » Visiblement, cela avait attiré leur attention. Sari toussota, essaya d’attirer l’attention sur le beau temps qu’il faisait dehors, puis soupira. Elle comprit qu’elle ne serait pas tranquille sans en dire davantage, et ce serait hypocrite de sa part de leur en vouloir.

Quelle bêtise de ne pas avoir un verre avec elle. Elle était beaucoup trop sobre pour cette conversation. « Disons que j’ai parfois été assez… naïve. » Comme toujours, c’était un bel euphémisme. « Et malchanceuse. Je n’ai connu que des extrêmes. Vous préférez les histoires où je me fais embobinée par des casanova, ou celle où j’ai été demandé très sérieusement en mariage par l’amant d’une nuit ? » C’était ce dernier qui l’avait convaincu de renoncer à toute vie sentimentale. Et elle s’en était très bien portée, pendant trois ans. Et puis, l’apocalypse avait eu lieu, et cela avait entériné cette décision.

« Je serais ravie de te voir en cuisine, » sourit Sari à Daniella, saisissant immédiatement le double avantage d’une aide supplémentaire et d’une source fiable de potins. De plus, si Olivia n’avait pas protesté, c’est que Daniella devait posséder quelques compétences dans le domaine.

Lorsqu’Olivia l’invita à leur confier des « petites histoires d’amour », elle faillit s’étrangler. « Voyons, où vas-tu chercher des idées pareilles, ahah ! » Visiblement nerveuse et désireuse de changer de sujet, elle désigna le ventre rond d’Olivia. « Mais s’il y en a une qui semble avoir des choses croustillantes à nous raconter, ici, c’est toi ! » Le peu que Sari savait de Ludwig, c’était grâce à son frère. « Peut-être Daniella est-elle au courant de tout, » commença-t-elle, retrouvant de l’assurance au fur et à mesure qu’elle s’éloignait du sujet sensible. « Mais ce n’est pas mon cas ! »

Vraiment ? souffla Olivia avec un sourire enthousiaste. Voilà qui réveillait vraiment en elle sa fibre bavarde ! Soit tu en dis trop, soit pas assez, confia-t-elle à Sari avec un petit rire amusé : Je crois que je vais avoir du mal à choisir entre ces deux propositions !

Ses yeux se tournèrent avec Daniella. Bizarrement, elle avait l’impression d’aussi retrouver Romy dans cette discussion. L’égyptienne aurait pu être là, présente elle aussi, à sourire discrètement dans son coin en amenant, par moment, quelques phrases qui prenaient soudainement du sens pour ses amies. La jeune femme lui manquait énormément, et c’était dans des instants comme celui-ci qu’elle avait l’impression d’être vidée de son absence.

Il y a quelqu’un qui te plait ici ? Demanda-t-elle à Sari avec enthousiasme, elle plissa le regard comme pour essayer de lire en elle. Passer l’agitation constante de la vie de Daniella, elle se saisit de la main de cette dernière : Il est juste parti, il n’est pas mort. Ça vous laisse encore une chance d’en discuter.

C’était un avantage, tout le monde ne pouvait pas avoir cette possibilité, elles le savaient toutes les deux. Quant à Ludwig et elle, Olivia eut un air un peu idiot sur le visage : malgré la frustration de sa condition, il y avait tout de même les sentiments qu’elle éprouvait pour lui et qui étaient sincères !

Nous sommes amoureux, je suis enceinte de lui, et on essaie de faire en sorte que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes, assura-t-elle. Ludwig est vraiment bien, c’est un homme parfait pour moi, je n’en doute pas un seul instant !

Un bref soupir lui échappa. Les filles semblaient impliquer dans la discussion et Olivia passa de l’une à l’autre. Elle était en sécurité ici, et ce qui lui tannait l’esprit, ce secret un peu honteux, le serait sans doute aussi. Elle pinça les lèvres. Hésita. Et se dit que pour encourager les autres, elle devrait se livrer également de toute façon :

Ok, vous voulez du croustillant, j’en ai. Elle prit son courage à deux mains alors : J’étais mariée avant, pendant longtemps. J’ai rencontré mon mari en Italie quand je me formais pour mon travail, j’y ai vécu quelques années et il a tout fait pour me séduire. Quand on est rentré en Amérique et qu’on s’est installés à Seattle, on travaillait beaucoup et… On avait du mal à se voir, je crois… Etait-ce vraiment une bonne excuse ? J’ai découvert des messages sur son téléphone, souffla-t-elle. De femmes, je crois que ça n’était pas toujours la même, mais c’était explicite, et je n’ai jamais osé le lui dire, termina-t-elle alors, confuse.

Elle força un sourire. Ça lui faisait mal évidemment, la trahison restait douloureuse malgré le temps passé mais… C’était justement du passé, non ?