T’es quand même un vieux schnock, t’inquiète, que je blague en le regardant, alors qu’il essaie de pas l’être ou que c’est pas son but.

Enfin moi ça me fait marrer mais il m’en faut peu pour ça. Puis, ça doit être les hormones au passage – j’ai toujours été bon public mais encore plus aujourd’hui. Un soupir m’échappe et je relève le nez vers George. Il a raison : tout finit par se calmer. D’une manière ou d’une autre, les agitations s’apaisent avec un peu de temps, c’est juste que c’est épuisant. Et parfois à la distillerie, c’est compliqué de vraiment trouver ces moments de calme.

De toute façon on continue à papoter, et alors que je prends la tasse pleine de thé, j’soupire vaguement en réfléchissant. Il me dit qu’il a l’âge d’être mon père, et j’peux pas m’empêcher de penser à lui l’espace d’une seconde. Ça fait si longtemps que j’ai pas eu de ses nouvelles, ou que je l’ai pas vu tout simplement, c’est très étrange. Je crois que j’ai encore du mal à me souvenir de comment il était. Froid, évidemment, mais il a jamais été autre chose que froid. Sauf qu’il m’a pas eu jeune, comme ma mère :

Alors tu as pas loin de la soixantaine ? J’veux bien que l’exercice – et le thé – ça conserve mais à ce point ? que je souffle avec un sourire amusé. Bon, p’t’être plus la cinquantaine on va dire, mais on sait jamais avec les hommes. Après je devrais pas être étonnée, Xander aussi est âgé et on dirait pas !

J’ai droit à une gorgée de thé finalement, et je me redresse sur mon assise pour ajouter :

C’est sans doute une injustice biologique, genre, les hommes vieillissent mieux tu vois ? Ouais, puis nous on doit les supporter plus longtemps parce qu’on a une meilleure espérance de vie dans la foulée donc voilà où on en est. Dans tous les cas, je m’en fiche de ça : je veux cette histoire de rencontre entre George et Anton. Même si je suis pas la plus grande fan d’Anton, j’aime les histoires : Ok, tu as mon attention, que je lui signale, et je redeviens sage.