Elle lui avait fait un signe de tête lorsqu'il s'était excusé pour la laisser seule dans sa chambre. Sal était restée plantée là a observer distraitement l'endroit, les mains dans les poches de son blouson de cuir jusqu'à ce qu'Anton revienne. C'était sobre en ranger, rien de superflu, très loin de sa cabine à elle sur le bateau... Elle y avait vraiment cru, qu'elle pourrait y vivre confortablement. Il y avait quelques outils toujours sur la table, des pièces mécaniques ici et là, des livres, des cd, quelques vêtements au sol et des jouets pour Voodoo au travers de tout ça.

La blonde eut un petit pincement au coeur à nouveau en pensant à son chat. Il faudrait qu'elle tente d'éviter les macchabées et qu'elle aille voir si sa boule de poil avait survécu, cachée quelque part.

Épuisée, Sal retirait nonchalamment ses bottes, puis ses chaussettes. Juste ça, ça lui faisait un bien fou. Normalement elle n'aurait jamais accepté la charité qu'on lui avait offerte ce soir, mais les circonstances du moment l'avaient poussée à docilement suivre l'ex-flic sans même s'y opposer. D'ailleurs, parlant du loup la porte s'ouvrait derrière et Anton revenait dans la chambre. La petite blonde l'imita et pendit son blouson au portemanteau. Pieds nus sur le sol froid de la distillerie, Salem passait une main sur son visage avant de finir par se frotter ses yeux fatigués.

Ses yeux rougis se posèrent ensuite sur son hôte qui brisait le silence. Arquant un sourcil, la jeune androgyne écoutait les avertissements, mais aussi les craintes de son ami. Si seulement il savait. Il était peut-être bien temps de lui dire, de dire tout haut ce qui lui faisait honte auparavant.

- Anton. J'aurai pas peur de toi. Jusqu'à maintenant c'est plutôt moi qui crains de te faire peur demain. Je... j'imagine que c'est pas la vibe que je dégage, mais... J'aime tuer et encore plus torturer les gens qui j'considère le méritent. Voilà, s'était dit, enfin dit. J'suis peut-être un peu dérangée sur les bords en fait. Son regard fuyait vers un coin de la pièce. Au moins tu sais maintenant.

Elle n'osait plus trop s'approcher du lit pour le coup. Il aurait peut-être bien besoin d'un moment là... Un instant Sal considérait même remettre ses bottes et son blouson pour repartir dormir dans son pickup. La honte s'ajoutait à tout le reste pour le coup, elle en pouvait plus, la mécano était exténuée physiquement et mentalement.

Salem sembla terrifié quand elle lui parla, pas de ce qu’il pouvait faire. Mais de ce qu’elle-même pouvait accomplir comme horreur. Il la regarda, elle avait les yeux rouges, sans se détourner et l’écouta lui raconter ses craintes. Quand elle se tue, une forme de chaleur se forma dans le ventre d’Anton. C’était… inattendu. C’est vrai qu’elle ne semblait pas spécialement cruelle ni même barbare.

Du haut de son mètre soixante, et derrière ses yeux verts. Anton se redressa de toute sa taille pour s’approcher d’elle. Il se planta à moins d’un mètre d’elle et croisa les bras : Alors nous sommes deux idiots violents et cruels et dérangés Salem. Tu ne peux pas me faire peur non plus Salem… En fait… j’aimerais bien en savoir plus sur toi. Cette personne que tu es réellement. Il n’avait pas peur de la savoir violente et dérangée, ça le rassurait pas mal d’aspect en fait. De savoir qu’il n’était pas le seul dans ce cas de figure.

Sans un mot, il la prit dans ses bras pour la serrer dans ses bras. Une étreinte amicale provoqué par leur honnêteté. A l’oreille de Salem il lui dit non sans humour, mais avec une certaine gravité néanmoins : Tu dois être sacrément dérangée pour m’apprécier de toute façon. Demain, on montrera à ces mecs l’erreur qu’ils ont fait Ensuite, il l’entraina jusqu’au lit. Pas question de faire quoi que ce soit évidement, mais ce serait plus agréable pour parler, si tant est qu’elle voulait en parler.

Sur le dos, les mains croisés derrière la tête, l’ancien flic regardait le plafond… il murmura doucement : Il y a quelques semaines, j’ai retrouvé trois des types ayant attaqué mon chez moi. L’un d’eux a tiré sur ma… fille adoptive. Je ne l’ai pas tué, je lui ait crevé les yeux avec la pointe de mon couteau avant de l’abandonner sur place à la merci des rôdeurs il ferma ensuite les yeux. Si Salem était aussi brutale et cruelle que lui, alors il pourrait parler et expier tout ce qu’il avait fait durant toutes ces années… peut-être se sentirait-il mieux.

***

Sa montre le réveilla. Il était 4h00. Anton voulait partir le plus tôt possible pour surprendre leurs éventuels adversaires dans leur sommeil. Il faisait encore nuit noir. Il posa un regard sur la tâche clair que formait les cheveux de la blonde à côté de lui. Il la laissa dormir encore quelques minutes, se levant pour aller chercher son fusil d’assaut et de le vérifier. Ce serait un rude combat, à n’en pas douter un seconde ! Il remplit également ses chargeurs à la lueur faible passant par la fenêtre, guidé par une habitude solidement ancré, il n’avait même plus besoin de voir ce qu’il faisait.

Finalement, il eut du mouvement dans le lit et Anton vit du coin de l’œil que Salem commençait à se réveiller elle aussi. Je vais allumer la lumière, cache tes yeux . Une fois cela fait, il enfila ses rangers et son manteau. Il chargea son fusil et fit claquer la culasse. Ça plus son pistolet et quatre couteaux. Il ne laissait rien au hasard, Il récupéra aussi son pied de biche, ça pourrait lui servir à un moment ou un autre. Il laissa le temps à la blonde de se préparer, sans trop la presser. Avant de finalement lui poser la grande question : Prête à aller récupérer ton chez toi ? Tu conduits ?

Il s'était levé et était venu se planter devant elle tout en croisant le bras. Sal déglutissait péniblement, prête à se faire jeter dehors, regardant ses pieds. Ils avaient beau avoir mentionné de la violence, elle venait quand même de dire à voix haute qu'elle n'était qu'une putain de sadique et qu'elle exerçait sa justice bien personnelle en décidant qui vivait et qui mourrait... Sauf que voilà, Anton lui disait qu'au contraire ils étaient deux. Qu'il n'aurait pas peur et qu'il souhaitait au contraire apprendre à mieux la connaître, malgré cette confession. En un instant, Salem se retrouvait dans les bras de l'ex-flic sans trop comprendre sur le coup. En fait, il n’avait pas l'air de la baratiner... Ça avait pas l'air de l'avoir choqué...

À l'espèce de blague qu'il lui chuchotait à l'oreille, la petite blonde ne put s'empêcher d'expirer fortement de l'air, chose la plus près d'un rire et d'un sourire dont elle était capable en l'état des choses. Alors, ils faisaient bien la paire ? Deux demeurés violents. La pression sur son coeur  était un peu moins forte d'un coup, comme si on venait de lui enlever un petit poids, de dire la vérité et d'être accepter ne lui enlèverait pas tout le mal qui la pesait, mais c'était certainement un petit truc en moins qui lui permettrait de respirer juste un petit peu plus.

Sal suivait Anton au lit. Son corps, endolori par les nuits passées sur la banquette arrière de son pickup, se détendit en l'espace de quelques secondes au contact du matelas. Laissant s'échapper un petit soupire, Salem se frottait les yeux, épuisée par les derniers jours. Incapable de garder ses paupières ouvertes plus longtemps, elle les fermait tout en écoutant Anton.

- Bien fait. Soufflait-elle.

Sal repensait aux trucs qu'elle avait déjà fait, aux gens qu'elle avait punis... Avec Zayn. La mécano pouvait encore sentir ses yeux devenir humides sous ses paupières closes. Valait peut-être mieux ne pas causer de ça ce soir en fait. D'écouter et de partager une autre fois.

***

Morphée l'avait assommée à coup de GHB la nuit dernière. Une nuit noire, sans rêves, sans même conscience d'avoir dormis. De sentir Anton à côté d'elle, sa respiration calme, ça l'avait achevée et fait sombrer rapidement la veille, là elle avait du mal a émerger, ayant l'impression de s'être couchée il y avait seulement une petite heure.
À moitié éveillée, elle avait passé un bras sur sa figure pour se cacher de la lumière, puis s'était relevée lentement pour s'asseoir au bord du lit. Putain ce qu'elle devait avoir une sale gueule. Sa première vraie nuit par contre, depuis... La blonde se frottait le visage avant de se passer une main dans sa tignasse en désordre. Après une petite minute, la mécano se levait enfin pour aller enfiler ses bottes et son blouson. Son couteau retrouvait sa place dans son étui accrocher à sa hanche, son sac sur ses épaules, tout comme son carquois et son arc. Sortant le magasine de son pistolet, Sal revérifiait ses munitions. LE chargeur était plein et il lui restait un peu de munitions dans son sac. Ça irait, ce serait pas son arme de prédilection de toute façon.

- J'conduis. Répondait-elle encore un peu dans les vapes, les plans n'avaient certainement pas changé.

Une petite heure plus tard, ils arrivaient à Monroe. L'endroit avait pas trop changé, si on oubliait la végétation qui avait méchamment repris certains endroits. Machinalement, Salem empruntait les routes, puis les embranchements menant à chez elle. Chemin fait mille fois dans son ancienne vie qu'elle aurait pu faire les yeux fermés. C'était d'ailleurs un avantage, car la petite mécano put éteindre les phares d'avance pour ne pas se faire repérer, quelques rues avant Simon's Road même. Salem garait d'ailleurs son véhicule bien loin de leur objectif, ayant un plan en tête.

- On va passer par la forêt. Je connais bien le coin. Ils nous verront pas arriver, on pourra évaluer le nombre et décider comment on s'y prend.

Elle éteignait le moteur et attrapait son sac à dos et ses affaires sur la banquette arrière avant de sortir.

- On va en avoir pour une vingtaine de minutes dans les bois. Suit moi de près, mon père et moi on avait posé plusieurs pièges à loups. Des pièges tout court aussi.

Là dessus, Sal se faisait un chemin derrière une maison, étant prudente de ne pas se faire surprendre par goules, vivants ou animaux. Contournant un arbre mort avachi par terre, la petite blonde se fondait dans la nature, malgré la raison de leur présence ici, Salem ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu moins lourde. Les grands espaces naturels, c'étaient sacrément son truc en fait et ça lui avait manqué. Il y avait quelques cerfs de l'autre côté de la rivière qui s'enfuirent quand le duo passa sur l'autre rive. Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent d'ailleurs aux premiers pièges rouillés du père de Sal. Celle-ci, en silence, le pointa à Anton et le contourna. Un peu plus loin, c'est une goule plus ou moins récente qui râlait, une patte coincée dedans. La blonde ne ralentit même pas le rythme et lui planta la lame de son couteau de chasse en travers du crâne. L'androgyne n'aurait su dire si c'était l'un des pillards ou un pauvre type qui était passé au mauvais endroit dans la forêt... Pas le moment de songer à ça. Le garage était enfin en vue.

S'accroupissant dans les hautes herbes, avec les rayons du soleil qui commençaient à poindre le bout de leur pif, Salem se retournait vers Anton tout en arrachant un peu d'herbe pour avoir accès à la terre en dessous, histoire de lui faire un petit plan des lieux.

- J'doute qu'il y en aille dans la maison, mais au cas, à ça ressemble à ça, puis le garage à ça. Pas beaucoup d'issus, c'était le but. Le toit est plat, donc s'ils sont armés d'armes à distance, faudra faire gaffe. Normalement, il y a une vieille carcasse de voiture ici, ce qui pourrait nous offrir un peu de protection.

Elle continuait comme ça en chuchotant, essayant de n'oublier aucun détail pour leur donner un maximum de chance, dessinant dans la terre meule les plans de l'endroit.

Salem acquiesçait aux dires d'Anton. La forêt elle connaissait comme sa poche et comme Anton venait de la suivre et d'écouter ses remarques, ils avaient un avantage clair vu la situation actuelle.

- Oui, j'suis douée à l'arc. J'pense qu'on a effectivement plus de chance en faisant diversion. Normalement ils viendront pas tous ensemble, on pourra en débarrasser quelques-uns sans qu'ils soient trop en surnombre. Sal réfléchissait quelques secondes, avant rajouter un truc. Faut agir rapido sinon c'est eux qui vont nous surprendre, mais on a contourné quelques pièges à loups pas loin, j'vais les repositionner devant nous, comme ça y aura des chances qu'ils marchent dedans en venant par ici.

Oui,  ça, ça pourrait leur sauver les miches ! Sans attendre, Salem filait rapidement dans les feuillages et les grandes herbes qui les entouraient. Elle savait exactement où trouver ses pièges, ne lui restait plus qu'à les attraper par les chaînes en prenant bien soin que la détente ne touche à rien le temps du déplacement.

En un rien de temps, la petite blonde était revenue et bougeait avec précaution, tout en installant les pièges à loups de façon à les camoufler aux endroits où il lui semblerait logique qu'on tente de passer pour venir dans leur coin.

Revenant au côté de l'ex-flic, ne restait plus qu'à trouver un point à couvert et attirer cette bande de fils de putes.

- J'vais prendre l'arbre par là. Fit-elle tout bas, en pointant un gros tronc un peu plus loin qui lui donnerait une belle ligne de tir. Le temps qu'Anton se planque aussi et ils étaient prêts. Ne restait plus qu'à faire diversion.

Fallait trouver un truc qui allait fonctionner, mais qui crierait pas traquenard. Un bruit pas normal dans les bois peut-être ? Déposant son sac par terre, Sal en sortir deux outils métalliques. Les frappant ensemble, elle espérait que cela attirerait les connards qui se méfieraient d'un son pareil.

Spoiler:

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