Les derniers jours avaient été plutôt calme. Dans la maison, Maya ne prenait pas le temps de se confronter à l'adolescente avec qui elle habitait, beaucoup trop concentrée sur Nathan, sa convalescence mais aussi la réparation de sa jambe qui lui avait pris beaucoup de temps et d'énergie. Il y avait aussi l'office de médiation que la jeune chercheuse était en train de remettre en état avec l'aide de Clayton. Si elle n'était plus en charge d'un groupe entier, Maya prenait au sérieux sa nouvelle tâche. Elle espérait que l'ambiance du Fort resterait bonne, car les vaccinés n'étaient pas encore sorti d'affaire et pouvaient susciter une hostilité de la part de certaines personnes.

Les moments de repos étaient ceux où la jeune femme disparaissait de tout les groupes sociaux auxquels elle appartenait. Elle posait généralement sa main sur l'épaule de son père, penché sur une carte du Fort dans le salon, pour lui faire signe qu'elle montait. Daniel avait acquiescé ce jour-là, ravi de voir sa fille capable de pouvoir monter quatre à quatre les marches jusqu'à sa chambre. Elle avait donné le prototype de sa pointe de sagaie en os, plus légère mais aussi plus difficile à réaliser à Clyde, lorsqu'ils avaient eu l'occasion d'échanger quelques jours plus tôt. Il fallait alors que la jeune femme se penche sur la possibilité de concevoir une lance, dont la pointe serait réalisée en silex mais de la même forme que ce fameux prototype. Il fallait cependant que Maya prête attention à la densité de la pierre, qui risquait de devenir plus vulnérable à mesure que son épaisseur s'amoindrissait. Penchée sur son travail, Maya s'assit donc à son bureau pour commencer à travailler. C'est du moins le projet qu'elle avait expliqué en détail à Johnson le matin même, absorbée par les idées qui se bousculaient dans sa tête.

« Oui oui j'suis là... » Avait-elle annoncé quand elle entendit que quelqu'un tentait de se rendre dans sa chambre. Maya poussa un sceau rempli d'un tas de caillou encore vierge de sa taille et laissa la porte s'ouvrir. Elle était assise par terre, les jambes arquées – la vraie comme la fausse – car bien souvent, elle préférait le sol à la raideur de sa chaise. « Hey ! » Lâcha alors avec un enthousiasme soudain la chercheuse en voyant Johnson apparaître dans l'encadrement de la porte. Maya vit vite apparaître un soda au cola et à la vanille qu'il lui mis sous le nez avec un demi-sourire. Maya attrapa la canette et lui tira le bras pour qu'il vienne s'asseoir par terre près d'elle, car elle était incapable de se relever si vite. « J'ai bien avancé mais j'accepte la pause boss ! » Répondit alors la brune en esquissant un large sourire en attrapant le col du t-shirt du brun pour venir déposer ses lèvres sur les siennes avant d'appuyer sur la canette. Un peu d'air s'échappa de celle-ci lorsqu'elle fût ouverte. Maya esquissa un sourire espiègle et haussa les sourcils : « Tu sais qu'on en trouvait presque plus nul part de c'machin avant l'épidémie ? C'était la seule boisson sucrée que j'acceptais d'avala depuis la rémission.  » Avait commenté la brune en libérant Johnson de son baiser avant de lever la canette et de boire une gorgée. Elle la déposa par terre à côté d'elle et lui montra le travail qu'elle avait effectué jusqu'à présent.

« Bon on voit la forme principale tu vois, mais c'est pas encore ça. Il faut pas que ce soit trop fin sinon ça casse, mais si c'est trop épais, on perd l'aérodynamisme de la lance. Et puis pour du corps à corps si c'est tranchant c'est mieux... » Maya parlait vite, le cerveau en éruption, mettant sous le nez de Johnson le carnet dans lequel elle avait griffonné schéma et croquis maladroits en plus de quelques annotations. Elle ne se rendit même pas compte qu'elle avait monopolisé la parole sans même lui demander comment il allait depuis le matin où ils s'étaient vu. Quand Maya releva la tête, elle le surprit en train de la fixer. Elle esquissa un sourire en coin, dévoilant une fossette creusée et haussa les épaules, un peu gênée : « Quoi ? »

Maya ne put s'empêcher de rire à la remarque de Johnson. Il était vrai que durant leur première vraie discussion, lorsqu'ils étaient allé boire un verre au Summer's, Casey avait presque affiché une moue moqueuse en servant à la chercheuse cette boisson... Originale. Il y avait tout un stock sur l'île et Maya devait bien être la seule pour apprécier ce genre de plaisir, tandis que d'autres préféraient les alcools forts ou la bière. Mais pour elle, impossible d'avaler une seule goutte d'alcool. Elle fit mine de donner une tape dans l'épaule à Johnson lorsqu'il renchérit sur le sujet. Depuis quelques temps, elle le découvrait encore plus à l'aise ; elle avait même l'impression qu'il n'était vraiment à l'aise qu'avec elle et cela la touchait réellement.

Quand il eut ce petit silence, ponctué ensuite par toutes les précisions de Maya à propos de ce qu'elle était en train de faire, la jeune femme ne s'attendait pas à une telle réponse du militaire. Ses joues devinrent plus rose et elle sentit quelque chose cogner dans son estomac, un sentiment qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Lui dire qu'elle était belle, était quelque chose de plutôt rare pour la jeune chercheuse. Bien que cela fasse plus de dix ans que la maladie était derrière elle, Maya n'avait jamais fait l'effort de se réapproprier son corps autrement qu'en faisant du sport. Elle voyait son enveloppe charnelle comme quelque chose de fonctionnel : il fallait assurer son état de marche. Plaire aux autres ? Pour quoi faire ? Ca n'était pas vital après tout, pensait-elle bien souvent. Cependant, que Johnson lui dise cela lui faisait prendre conscience de quelque chose : non seulement elle lui plaisait parce qu'ils se sentaient bien ensemble tout simplement, mais en plus, elle lui plaisait physiquement.

Quand la main du grand brun se glissa près de son épaule pour qu'elle parvienne à la regarder, Maya esquissa un sourire. Elle s'approcha de lui, gardant les jambes arquées en venait les laisser choir à la taille du trentenaire. En lui annonçant partir en mission avec Levi, Maya commença par faire la moue. Elle savait que Levi ne l'appréciait pas vraiment et la prenait pour ce qu'elle paraissait au premier abord : une frêle survivante qui n'avait réussi à rester en vie que grâce à l'aide des autres. Maya savait que c'était entièrement faux, elle savait ce qu'elle valait et savait aussi qu'il ne la connaissait pas, mais ne pouvait s'empêcher d'avoir un petit pincement au cœur à l'idée qu'on puisse penser cela d'elle. Puis, quand il fût question de New Eden, le sourire de Maya s'effaça. Elle était inquiète bien sûr, non pas comme une future veuve éplorée mais comme une chef de meute inquiète pour les siens.

Johnson cependant, était un combattant de métier, il avait accepté d'être éclaireur pour le groupe et Maya était sûre qu'il s'en sortirait très bien, elle ne doutait pas de ses pleines capacités. Son bras semblait se porter bien mieux et il avait les bons réflexes pour agir en cas de danger. Après tout, ils étaient en guerre. D'un geste lent et observateur, Maya s'approcha un peu plus de Johnson. Elle tendit une main vers sa mâchoire et lui caressa la joue d'un geste tendre. Elle prenait son temps pour détailler son visage, le temps de retenir le placement de ses grains de beautés et de ses fossettes. « Tu peux pas t'empêcher de jouer les soldats hein ? » Dit-elle à demi-mots avant d'esquisser un triste sourire sur le visage. « Mais de toutes façons, ce n'est qu'une formalité. Vous êtes un bon groupe et tu es forcé de revenir... Sinon... » Maya fit un geste du regard pour venir poser ses yeux sur une lance jonchant sur le sol à côté d'eau. « Disons que ce truc est mieux dans la chair d'un mordeur que dans le muscle d'une fesse, crois-moi. »

La jeune chercheuse plaisantait bien sûr. Ce qu'elle préférait par-dessus tout, c'était quand elle voyait se creuser les fossettes de chaque côtés des lèvres du brun. De minuscules ridules d'expressions apparaissaient également. Il avait un sourire communicatif, comme elle, la raison pour laquelle elle avait envie de le voir apparaître plus souvent. Cependant, elle hocha la tête doucement pour venir coller son front contre le sien, s'appuyant sur son torse de sa main de libre, changeant de position en posant le genoux de sa jambe valide au sol. Elle ferma les yeux étroitement avant de les rouvrir et de sourire à son complice. « Bien sûr que je l'veux... » Lâcha-t-elle en un murmure avant de venir coller ses lèvres sur les siennes.

Maya retint ses pulsions émotives pour se décider à détacher son visage du sien, quittant ses lèvres avec regret avec un sourire presque béat sur le visage. À contre cœur, elle s'appuya sur l'épaule de Johnson pour se relever avant de lui tendre la main pour l'inviter à l'imiter. Rapidement, elle se mis à débarrasser ses travaux en cours, réunissant pierres et schémas sur son bureau. Elle voulait simplement laisser les choses en ordre, mettre tout cela de côté : s'ils passaient un moment rien que tous les deux, alors elle aurait tout le temps de son absence pour se concentrer sur le reste. « Viens... » Dit-elle en lui prenant la main pour l'attirer vers le lit qu'ils avaient déjà partager ensemble quelques jours plus tôt, éreintés par le danger qu'ils avaient encourus cette nuit-là. En s'asseyant sur le lit, sa jambe valide sous ses cuisses, sa prothèse pendant le long du lit, elle pressa la main de Johnson dans la sienne, qui paraissait alors si petite. « Tu sais... J'ai bien envie de passer du temps avec toi aussi après ton retour de l'expédition... Et même encore après. » Presque timide, Maya leva la tête vers Johnson en affichant un sourire en coin à vous faire fondre, espiègle et en même temps envahie par ses sentiments.

Johnson était réceptif à l'humour de la jeune chercheuse, il y avait quelque chose de tellement innocent dans son regard, que le cœur de Maya fondait un peu plus à chaque fois qu'elle passait du temps avec lui. C'était une relation qu'elle appréciait. De ce point de vue, elle se sentait effectivement aussi à l'aise avec Johnson qu'avec George, à l'époque. Il y avait une réelle complicité au quotidien, un rapproche significatif dans l'intimité qui était inévitable, mais le reste du temps, Maya avait toujours l'impression d'être elle, et personne d'autres, de ne pas devenir une entité avec Johnson, ni à ses yeux, ni aux yeux du monde. Bien sûr, leur relation n'était qu'à leurs prémisses, mais la brune ne regrettait pas d'avoir un jour proposé au grand militaire de passer un peu de temps avec elle. Et puis dans un sens, c'était lui qui était venu vers elle la première fois après tout.

« Tu sais très bien que je t'ouvrirai la porte de jour comme de nuit de toutes façons... » Répondit-elle avec un sourire en coin après qu'il l'ait embrassé sur le front. Plus ils étaient là, couchés sur ce lit, plus Maya voulait être au plus près de lui, un peu plus encore. Elle ne savait pas bien où allait mener cette relation, mais une chose était sûre, la présence de Johnson la rassurait, lui donnait le sourire. Elle avait envie de croiser son visage dans la foule, qu'elle distinguerait entre mille. Elle avait envie de passer des instants privilégiés comme celui-ci en sa compagnie. Et surtout, et c'était quelque chose d'inédit, ou en tout cas de très rare, elle se sentait véritablement désirée de tous les points de vue. C'était quelque chose avec laquelle Maya n'était pas familière. Et même si elle détestait le rattacher à son ancien métier ou à sa condition, elle avait une totale confiance en Johnson, parce qu'il avait été militaire, elle craignait beaucoup moins pour sa vie.

Avec George, ça avait été différent. À l'époque, Maya était en charge des Moles et George était un camarade au grand cœur. Même s'il était fin charpentier, il avait de la bonhomie dans le regard mais aussi dans les actes, n'était pas le plus grand des stratèges et comptait sur l’entièreté du groupe pour sa survie. Seulement, cela n'avait pas fait de lui un boulet ou quoi que ce soit, sa mort avait été un tragique accident qui aurait pu arrivé à n'importe lequel d'entre eux. Mais ici et maintenant, Maya oublia peu à peu ce souvenir pour se concentrer sur l'instant présent... Et peut-être même l'avenir.

Ils échangèrent bientôt quelques baisers fort en sens mais aussi de plus en plus impératifs et profonds. Maya se laissait guider par le grand brun et enfouie une main dans les cheveux en désordre de Johnson en savourant cet instant. Elle se laissa entraîner jusqu'au creux du lit, les cheveux étalés en soleil autour de son visage. Bien sûr que le sourire et le regard de Maya était explicite. Dans cette catégorie, si l'amour et les relations n'étaient pas au cœur de ses pensées de survivante au quotidien, elle était une vraie boule d'émotion, prête à exploser lorsque le désir se faisait ressentir. Le baiser de Johnson était langoureux, elle voulait sentir le poids de son corps sur elle. Quand il vint détâcher son visage du sien pour lui confier quelque chose qu'elle considéra comme essentiel pour la suite, Maya leva les yeux vers lui. Son regard brillait d'envie, encouragé par leur complicité. Elle afficha après sa déclaration un sourire béat. Elle vint lui caresser la joue, cette ridule d'expression qu'elle aimait tant, la forme de sa mâchoire... « Me remercier pour quoi ? J'ai juste appris à te découvrir... Et je veux te découvrir davantage... Si tu veux bien... » Dans le message de Maya, il y avait deux lectures potentielles qui avaient la même finalité : aller plus loin, physiquement mais aussi durablement. Dans ces mots, on comprenait alors que Maya ne voulait pas partager ce moment avec elle juste pour cette nuit mais pour toutes les autres nuits également.

Elle passa sa main dans sa nuque pour l'attirer vers elle et capturer ainsi de nouveau ses lèvres, dans un baiser beaucoup plus demandeur et envieux. Elle promena les doigts de son autre main le long de son dos avant de venir glisser cette dernière sous son t-shirt. Maya prenait son temps pour le découvrir, aussi parce qu'elle voulait laisser durer la chose pour ne pas tout de suite à aborder la partie la plus délicate : retirer sa prothèse pour ne pas être gênée pendant leur échange. Car si Maya était tout à fait à l'aise avec sa prothèse et son passé, il pouvait paraître délicat dans un moment intime comme celui-ci de la retirer et de se mettre à nu. Elle ne pouvait s'empêcher de venir retrouver le chemin des lèvres de Johnson en temporisant le moment venu, avant de fourrer son visage dans le creux de son cou pour l'embrasser davantage.