Ils étaient quasiment cinq à avoir quitté, pour plusieurs jours, Fort Ward. A côté de lui, Levi adressa un regard à Johnson, avec qui il faisait équipe encore pour l’occasion. Avec qui, dehors, il savait que ça fonctionnait. Ce jour, tous les cinq devaient approcher l’un des lieux localisés sur la carte des New Eden, qu’ils avaient récupéré en fuyant Agate. Loin de savoir sur quoi ils allaient bien pouvoir tomber, ils s’étaient préparés à pouvoir, au moins, étudier les lieux de loin, et voir en fonction de ce qu’ils trouveraient. Ils devaient être prêts à tout : voir un avant-poste, un campement, pourquoi pas un refuge.

Qu’importait. Armés, équipés, et plus ou moins en forme, tous les cinq avaient fait comme il fallait pour se retrouver dans ce groupe d’expédition. John était celui qui s’en sortait le mieux pour parlementer, quand le reste faisait davantage partie des gros bras de l’équipe. Avec JFK, Levi entendait pouvoir agir en conséquence.

Ca va mieux, tes brûlures ? s’enquit-il auprès de son voisin. Sa voix était quasiment couverte par le bruit fort du moteur.

Il faisait la conversation, simplement ça. Tout du moins, il semblait. Alors qu’il tenait son gilet pare-balle après l’avoir correctement ajusté, par le col de ce dernier, il songea à combien de fois il lui avait sauvé la vie lorsqu’ils se trouvaient à Agate. Sans ça, Levi savait qu’il serait tout simplement mort. Il avait souffert de beaucoup de malchance, malgré sa fine gâchette et ses réflexes. Mâchoire serrée, il écouta son partenaire, davantage pour savoir s’il sentait cette sortie, pour y être compétent, qu’autre chose.

On approche, assura John.

Dès lors, la voiture ralentit. Ils continueraient à pied. Le conducteur resterait près du véhicule pendant qu’eux devraient avancer dans une sorte de jungle urbaine. John s’empara de la carte et tous sortirent de l’habitacle. Quelques instructions données à la va-vite, gardés en contact via le talkie, le rouquin prit les devants avec Prince qui les accompagnait. Au moins, il pouvait être sûr qu’il était bien entouré. Surtout avec la fine gâchette qu’était Prince.

Tu paris sur quoi ? demanda-t-il à son voisin, un bref rictus qui creusait ses fossettes.

Je peux respirer, répondit-il à Johnson, tout à fait naturellement.

Ils se remettaient tous les deux. Après la déconvenue cuisante qu’avait été cet affrontement et les blessures dont ils avaient écopé, ils avaient eu besoin de beaucoup de repos et de temps pour pouvoir ressortir. Quasiment deux semaines, donc, pour l’un comme pour l’autre. Levi avait eu du mal à « ne rien faire », l’idée même lui filait de l’urticaire. Au final, les relations avec la majorité des médecins de l’île s’étaient tendues, parce qu’il était un très mauvais patient, et Ismaël avait écopé de son cas pour lui dire qu’il pouvait bien faire ce qu’il voulait, il en avait globalement rien à faire. C’était, aux yeux de l’arabe, la preuve qu’au moins, le chirurgien était très intelligent.

Effectivement, l’homme avait très vite compris qu’il n’entendait pas appliquer strictement les ordres, qu’il faudrait plus que ça pour le soumettre à un véritable repos. Levi n’avait du s’arrêter complètement qu’une seule fois dans sa vie, et il en avait affreusement souffert. Plutôt mourir que subir ça une seconde fois. A ses yeux, ne rien faire était le pire, d’autant plus lorsqu’on avait un besoin d’activité. Dans bien des mesures, ce mouvement constant était une drogue pour lui, et il avait perdu la patience de voir sa vie défiler tranquillement sous ses yeux.

Alors que John assurait qu’ils approchaient, le brun jeta un bref coup d’œil autour de lui :

Je préfère m'attendre à rien de bien, grogna-t-il tout simplement.

Il devait, par déduction, s’attendre au pire. Les New Eden avaient jusque là rivaliser d’imagination pour être de véritable plaie, à savoir que s’attendre à un peu de paix revenait à se fourvoyer totalement. Le groupe contourna un quartier, pour tenter de prendre la zone à revers. John fit un autre signe : il fallait séparer l’équipe en deux. Levi partait de son côté avec JFK, histoire de pouvoir prendre en tenaille la zone. Il hocha la tête, et d’un autre signe à son voisin, l’invita à s’enfoncer dans un fourré pour s’approcher bon gré mal gré dans un sous-bois.

C’est bizarre, admit-il alors. Il y a aucun bruit. Ni de vie, ni d’activité, ni rien. Seulement le chant des oiseaux, entêtant lorsqu’on y pensait.

Souterrain ?

Levi tourna un regard curieux vers Johnson mais après tout, pourquoi pas ? Lui aurait pu avoir cette idée si ça s’était présenté. Pour s’y cacher, quelques jours. Pas pour s’installer. Ils dépassèrent l’un à côté de l’autre le petit bois pour arriver sur un terrain de chantier vide. Dans la terre, il y avait des traces de pneus, de pas, des marques de vie qui remontaient au moins à plusieurs jours, vu que la boue avait séché et s’était figé ainsi. Levi ne pouvait pas en distinguer le nombre, mais c’était totalement désert et il n’y avait plus aucune trace de véhicule.

De l’autre côté du terrain, il ne vit pas les silhouettes de John et son partenaire, probablement qu’ils étaient occupés à autre chose. De fait, il n’y avait pas non plus d’autres bruits que celui de la nature environnante. Une détonation les aurait mis immédiatement sur leurs gardes. Mais la mention de Johnson attira tout de même sa curiosité. Plus loin sur le terrain, une déviation d’eau que Levi désigna :

On va voir ? Demanda-t-il, en montrant du menton le bouche d’évacuation s’enfonçant dans la terre et recrachant ce qu’elle contenait.

L’odeur n’était pas engageante. Il aurait été curieux que quelqu’un puisse vivre dans ces conditions mais on ne pouvait jamais savoir. Levi descendit la petite pente, ses pieds rentrèrent dans l’eau et la vase stagnante. Le retour n’allait donc pas être des plus sympathiques à cause du parfum ambiant mais tant pis, il fallait savoir mettre les deux mains dans la merde quand la situation l’exigeait, non ? Il ne chercha pas plus loin pour sa part, attendant tout juste que le catcheur le retrouve. S’il n’y avait toujours aucun bruit, ni aucune présence ennemie, Levi se permit de parler :

Ton frère va bien aussi ? Demande-t-il. J’suis pas allé le voir mais me semble qu’il a fait parti de l’équipe devant venir nous récupérer ? Il n’en était pas certain. Parait que ça a été la merde pour tout le monde, souffla-t-il.

HRP : Azy, si tu tires un dé spécial et que tu fais un succès, je te file un truc pour ton RP

Donc le prêtre lui a mis vraiment une branlée ? S’enquit Levi soudainement.

Décidément, William était plein de surprise. Il savait qu’il pratiquait la boxe depuis plusieurs années, mais au point d’en être aussi redoutable, c’était étonnant. Le vaccin avait cependant décuplé les forces de chacun, pour en devenir des gens vraiment dangereux. Les lèvres pincées, l’israélien était presque content de n’avoir eu à gérer que Sun. En imaginant la stature de Donovan, s’il avait dû vriller comme les autres, ils auraient été dans de beaux draps.

De surcroit, devoir encaisser ensuite l’assaut des deux de New Eden, ça n’avait pas dû être une partie de plaisir pour Myles. Si son frère affichait cependant une moue amusée, Levi n’avait pas de doute sur le fait que ça devait être sacrément dur pour l’égo d’encaisser deux défaites. A la suite, notamment. Il ne creusa pas davantage, conscient des relations qu’il y avait entre les deux.

On y va, fit-il en désignant le bout du tunnel.

L’endroit tournait vers la gauche et plus loin vers la droite. Ils continuèrent, et n’eurent en retour que l’écho de leurs pas et de l’eau. Ça n’en finissait presque pas. Plus loin, ils arrivèrent au niveau d’un plat, et au bout se trouvait une dalle qui surélevé le niveau pour éviter d’être pris dans l’eau stagnante et les évacuations. L’odeur toujours forte était entêtante. Habilement, Levi enjamba le rebord, et aida Johnson à grimper à son tour. Au moins à l’abri des déjections qui stagnaient depuis des années, il soupira en portant une main sur la crosse de son arme.

Pourquoi on n’a pas laissé ça aux autres ? demanda-t-il plus pour lui-même que pour obtenir une véritable réponse.

Ils progressèrent encore dans ces égouts laissés à l’abandon, et dépassèrent de la mousse avant que Levi ne se stoppe, derrière celle-ci, il discerna une poignée et une porte. D’un sifflement, il fit s’arrêter JFK et lui indiqua sa trouvaille. Il mit la main sur la poignée et ouvrit l’entrée dans un grincement presque oppressant. L’instant d’après, ils eurent besoin de leurs lampes pour voir à l’intérieur… Un véritable dortoir. Là, des lits superposés, laissés à l’abandon, un espace restreint dans lequel se trouvait pourtant une quasi dizaine de couchage.