Retrouver un groupe aussi important de gens lui avait semblé un peu dingue, et en même temps un peu effrayant. La dernière fois s'était si mal passé que le chimiste en avait encore des cauchemars, parfois, des rémanences douloureuses qui lui faisaient dire "plus jamais" au réveil. Et pourtant il était là, dans ce camp de caravanes qui l'avait un peu fait rire quand il était arrivé, il fallait bien l'avouer. Enfin, ce n'était pas parce qu'il avait accepté de rentrer dans ce groupe de brutes qu'il avait été le plus doué pour sociabiliser au cours des derniers jours. En fait, il avait même plutôt eu tendance à rester dans son coin, un peu intimidé par tout ce petit monde qui vadrouillait dans les environs.

Si seulement il avait pu rester dans son coin, dans la caravane qu'on lui avait assigné, à magouiller tranquillement sans personne pour l'embêter...Mais non, un groupe, ça devait vivre ensemble. Bruce lui avait parlé d'une réunion. Ou plutôt il lui avait très légèrement intimé l'ordre de venir, même si ce n'était pas aussi franc que ça, Seth l'avait pris comme ça. Ce type pourrait lui arracher la tête sans s'essouffler alors il valait mieux ne pas trop le contrarier, s'était dit le quarantenaire si creufiot à côté de ce monstre. Il fallait pourtant bien dire que ce genre de petit meeting n'était absolument pas sa tasse de thé. Déjà à L.A. il n'aimait pas ça quand ils se réunissaient tous pour picoler, se bagarrer amicalement et aller casser des gueules d'étrangers, mais alors là...Bon au moins, y'aurait pas de ratonnade, c'était déjà ça.

Là, au milieu avec du camp avec tous les autres types, Seth se sentait à la fois petit et sans défense, comprenant bien qu'il ne faisait le poids qu'avec les plus jeunes, et encore il ne fallait sans doute pas trop y compter. Une seconde réflexion lui vint, alors qu'il voyait tout ce petit monde assemblé là : il était passé de gang en gang toute sa vie en fait...Les Southern Kings, la bande de Jardani et maintenant...Eux. Au moins, il n'avait jamais à prendre de décisions par lui-même, à diriger quoi que ce soit, il n'avait qu'à décider vaguement quelques petites choses dans sa vie personnelle, et encore, ce qui l'arrangeait beaucoup.

Et puis voilà que Bruce entama un bien étrange discours, probablement censé les rapprocher. Vu ce qu'il avait toujours connu, des discours comme ça, ils n'en avaient pas entendu beaucoup et ça rendait toute la chose encore plus bizarre, ne faisant que le mettre encore plus mal à l'aise. Si il avait pu s'enterrer dans le sol et disparaître, il aurait probablement sauté sur l'occasion. Le grand noir finit par loucher vers lui, en levant son verre, de quoi le mettre encore plus mal à l'aise, le faisant blêmir un peu. Il n'espérait tout de même pas que le chimiste dise quelque chose hein...? Mais non, heureusement non. Lâchant presque un soupire de soulagement, il écouta leur chef avant qu'un géant ne se mette à crier, en jouant des muscles, un nom de groupe particulièrement affligeant.

Heureusement, quelqu'un prit le parti de lui faire comprendre à quel point c'était idiot. Une grande brute black sans cervelle ça suffisait, pourquoi avaient-ils besoin d'en avoir une deuxième...? Partageaient-ils un cerveau pour deux...? Ce serait intéressant de le savoir, une découverte formidable pour l'humanité, ou ce qu'il en restait. Le chimiste réfléchissait à l'idée, préférant rester en retrait, ne pas trop attirer l'attention. Il voulait essayer de les connaître, de voir qui ils étaient tous, avant de commencer à faire des commentaires. Il n'avait pas envie de se prendre une baigne dès leur première soirée autour du feu de camp...

La sortie brusque de Donovan de sa cachette manqua presque de faire sursauter Connor. Il riva sur lui une expression surprise avant d’en rire. Les démolisseurs ? Son expression trahissait le fait qu’il n’était pas forcément convaincu, mais il n’était pas du genre à se prendre trop la tête pour un nom. Cependant, il savait aussi que ça avait de l’importance : ça serait ainsi qu’ils seraient connus. Eux, là, tous terriblement différents et nommés finalement de la même manière. C’était pour ça que Connor n’était pas inspiré. Qu’est-ce qui pourrait les rassembler, au fond ?

Les Expendables, ouais, c’est ça ! sourit-il finalement, en se disant qu’à défaut de mieux, ça pourrait le faire. J’espère que t’as la ref ! souffla-t-il à Milow avec une risette en coin. C’était sorti alors qu’il était encore jeune, peut-être que sa famille ne lui avait pas autorisé a aller voir ces films, d’autant plus que c’était assez violent même si fondamentalement absurde quand on y pensait. Ils avaient prévu un quatrième film avant la fin du monde, on a raté un chef-d’œuvre c’est sûr.

De toute façon, il était visiblement temps pour les grands sujets. Bruce prit la main, parlant à l’assemblée, galvanisé comme à son habitude par une énergie qu’il ne se connaissait pas. Connor gagna confiance également en l’écoutant poser les bases de cette cohabitation. Volontariat, règlement, les gardes, l’entretien du terrain, l’hygiène de vie.

Rien que pour s’éviter des maladies, appuya Connor d’un signe de la tête. Le blond intervint ensuite : Pas de femmes ici, ni pour une soirée, ni pour qu’elle s’y installe – sauf si elle est homosexuelle et qu’il y a zéro moyen que vous puissiez la chopper. Si vous avez besoin de tirer un coup, le Motel est pas si loin d’ici, vous y allez, vous payez et on en parle plus. Si vous arrivez à faire ça gratuitement, félicitations, mais trouvez-vous une chambre ailleurs.

Là-dessus, Connor était des plus intraitables, il refusait à introduire un élément qui pourrait causer la discorde consciemment.

Le Mercenariat, on fait ça pour l’argent. Mais on est pas des enfoirés, et encore moins des tortionnaires ou des sadiques. Si j’en vois un qui prend trop de plaisir à faire du mal ou qui croit qu’il va pouvoir se laisser aller à quelques déviances sous notre protection : j’le saigne. Sa voix était sombre, sa stature raidit indiquait qu’il ne plaisantait pas avec ça. Ces traques, ces missions, sont dangereuses. Vous les faites en votre âme et conscience : vous remportez une part du butin, le reste revient à cette… Communauté. Pour s’assurer qu’on pourra tenir le campement en sécurité.

Un soupir lui échappa. Il avait dit le plus gros pour sa part, de quoi permettre aux gars d’y réfléchir en tout cas.

Si vous avez des demandes, des réclamations ou des suggestions, c’est maintenant, fit-il.