"Hum... Bonjour, ma sœur, l'pasteur est pas là?" Que j'dis à Eve-Madeleine en entrant dans ce qui doit être la maison de Dieu ici. Étrangement, j'y suis jamais venu depuis que j'suis à Fort Ward, alors qu'avant, j'allais toujours à l'église avec mes parents.

Autant être honnête, j'ai jamais été l'meilleur pratiquant. Mes parents m'ont élevé dans la religion, et j'ai suivi cette voie un peu aveuglément sans trop m'en soucier. J'sais qu'Dieu existe, et qu'il est là, et mes cours universitaires m'ont un peu permis d'interpréter certains écrits avec le temps. J'vis pas une vie d'bon catholique, surtout parce que j'ai pratiqué l'un des péchés capitaux assez régulièrement, avec plusieurs femmes différentes, mais la beauté d'la foi, c'est qu'elle nous dit qu'à la fin, il suffit demander Pardon, et qu'tout nous sera pardonné. S'pas mal ça que j'visais pour atteindre le paradis, l'espoir que tout s'que j'avais fait c'était moralement acceptable, donc pas si grave que ça aux yeux du tout puissant.

Visiblement, il n'y a que la nonne présente ici, et elle semble s'occuper des lieux. Les nettoyer ou les garder en ordre, j'suis pas certain. À vrai dire, j'suis même pas sûr de s'que j'fais ici, mais avec les derniers événements, j'me suis comme rappelé à quel point ça pouvait être un exutoire d'parler d'ses péchés, mais aussi d'ses craintes avec un parfait inconnu. La différence ici, c'est que l'pasteur William ou la sœur Eve, ils faisaient partie intégrante d'une petite communauté... J'avais moins l'impression d'pouvoir disparaître sans qu'la personne qui m'écoute sache que la personne vulnérable de l'autre côté, c'était moi.

Aussi, j'dois dire que ses dernières années, j'me suis demandé si c'était pas d'la foutaise tout ça. Si Dieu existe, il nous a abandonnés, ça c'est sûr. Parce que, même si on peut encore avoir des moments heureux, j'ai plutôt l'impression qu'on vit déjà l'enfer. Est ce que la torture éternelle est vraiment pire que d'mordre celle que j'aime? C'était tellement plus facile quand j'aimais personne.

"J'vous dérange pas j'espère?" Qu'j'ajoute simplement pour indiquer qu'j'pourrais m'passer du pasteur et discuter avec elle, si elle le veut bien. J'm'approche, tout en scrutant les alentours et ce qu'elle est en train d'faire. "J'ai l'impression qu'ça fait un moment qu'vous êtes ici, et j'ai pas trop eu l'occasion d'vous parler."

Je suis encore trop faible pour me rendre utile, alors je passe le plus clair de mes journées à l’église, à prier. Mon visage porte encore des marques des coups que j’ai reçus. Les bleus se sont presque entièrement estompés mais je garderai probablement des cicatrices à l’arcade, à la pommette et à la lèvre. Je suis une miraculée, probablement, mais je n’en veux pas à Casey. J’aurais pu faire du mal à son bébé et… je pense qu’elle a agi comme le bras droit du Seigneur pour m’empêcher de commettre l’irréparable. Et au final, le Père ne m’a pas abandonnée : je suis là, sur pied, quand tous les pronostics tablaient sur mon décès.

- Oh, bonjour, fais-je en voyant arriver un visiteur.

Je ne m’attendais pas à voir notre chasseur en chef passer les portes de ce lieu sacré mais je ne juge point. Tout le monde a une place pour Dieu en lui mais beaucoup ne sont pas prêts à le reconnaître. Je me lève du banc sur lequel je suis assise, ma chevelure se déplie en même temps que ma longue robe printanière. Sous mes mèches laissées libres, la zone tondue par les chirurgiens est presque entièrement dissimulée. Un sourire accueille le visiteur. Je me tiens droite, les moins jointes devant moi, prête à rendre service.

- Non vous ne me dérangez pas du tout. Je me recueillais, tout simplement, je hoche imperceptiblement la tête avec bienveillance et poursuis, vivre ensemble ne vous oblige pas à faire connaissance avec tout le monde. Mais toute la beauté de cet endroit, mes mains s’écartent vers le ciel pour désigner la petite église, c’est qu’il est toujours ouvert à ceux qui souhaitent y entrer et prier ou discuter un peu.

Je n’aime pas forcer le contact, je ne crois n’y en l’intrusion dans l’intimité, ni dans l’hypocrisie sociale. Je tends la main à tout le monde et ceux qui le veulent l’attrapent en retour. D’un geste léger, je désigne les bancs soigneusement alignés face à l’autel.

- Monsieur William n’est pas là, mais vous pouvez vous installer si vous le voulez. Je peux aussi vous apporter une tasse de thé ou… si vous avez besoin de quelque chose, ou de parler à quelqu’un, dites-moi, je propose d’une voix douce et feutrée.

Voilà pourquoi je suis encore là, je le sens. Pour déposer un peu de lumière sur toutes les âmes si sombres et si meurtries qui vivaient à Fort Ward.

"Non... Pas de thé merci..." J'me demande si elle se moque de moi pour la peine. J'sais que j'ai l'air d'un irlandais avec ma barbe rousse, et avec le nom Ward, c'est fort probable qu'on ait des origines de s'coin d'pays mais j'bois pas du thé... Ça c'est un breuvage pour les hommes qui aiment les autres hommes ou pour les Anglais. Quoique... Est-ce qu'il y a vraiment une différence entre les deux? Moi j'bois d'la bière ou du café. Peut-être que c'est pas trop approprié de boire le premier dans la maison du seigneur, j'dois l'admettre.

Bref, j'vais pas trop lui en vouloir, elle est accueillante alors j'lui offre un sourire plutôt appréciateur pour la peine. J'm'approche suffisamment pour prendre place sur un banc et j'redresse mon regard sur elle, sentant une sorte de boule de nervosité à l'idée d'm'exposer ainsi. J'me demande si c'est convenable de lui parler de s'que j'ai sur le cœur, considérant qu'avant on faisait ça dans un confessionnal et c'était uniquement avec le pasteur. Est-ce que les femmes ont le droit de prendre les confessions aussi? Y a tellement d'règles à suivre pour avoir une "relation" avec Dieu que parfois j'me demande pourquoi il a pas fait ça plus simple.

"Vous croyez que... Dieu nous a abandonnés?" J'me lance plutôt direct, cherchant un peu à voir sa réaction. J'sais pas si le créateur nous a abandonnés, mais moi j'l'avais abandonné depuis un moment déjà. J'veux dire, j'crois encore qu'il existe et fait parti d'nous, mais j'ai commencé à m'dire que lui, il en a rien à foutre de notre souffrance et que son grand plan divin, c'est vraiment d'la foutaise. "Parce que s'il nous aime, il a une sacrée d'belle façon d'nous l'montrer." Pire qu'un père qui serait violent envers ses enfants, on dirait qu'il fait tout pour faire de cette planète un enfer sur terre quoi.

J'abaisse mon regard sur le sol afin de ne pas intimider la sœur avec mes yeux, c'est pas le but. J'suis même pas venu ici pour secouer ses croyances, mais plus pour lui exposer une partie de mes doutes, peut-être qu'elle saura m'remettre en confiance, même si j'en doute. J'ai tellement d'rage à l'intérieur de moi, et j'ai l'impression qu'elle grandit au lieu de s'estomper. J'ose pas en parler avec May, déjà parce que j'crois pas que la religion soit sa tasse de thé, et aussi parce que j'ai peur de l'effrayer parfois. J'sais qu'elle se sent à l'abri à Fort Ward et qu'elle a perdu tout ce qui comptait pour elle à l'extérieur. Alors j'cache ma haine grandissante pour le fort et sa politique.

"J'sens comme un ombre m'envahir... Depuis cette soirée..." Elle saurait d'quelle soirée j'parle, j'suis sûr de ça. Comme moi, elle avait perdu le contrôle et avait failli commettre l'irréparable alors d'une certaine façon, c'était pas plus mal que j'puisse parler avec elle au lieu d'avec le pasteur.

Pas de thé, très bien. J’appréhende un peu car souvent, quand de tels hommes viennent à la rencontre du Seigneur, c’est parce que leur fardeau est très lourd. Par « de tels hommes » je n’entends bien évidemment rien de péjoratif. Adam est un élément de terrain ; il chasse, il pille, il tue parfois – probablement. Il est évidemment que toutes ces actions lui pèsent et avoir trouvé le chemin de l’église, c’est une très bonne chose. C’est comme les personnes malades ou malheureuses qui entament enfin une thérapie : reconnaître qu’on a besoin d’aide, c’est la base de toute entreprise de rédemption.

J’essaye de soutenir son regard, même s’il est impressionnant. Sa première question est directe et si simple. Depuis mon arrivée à Fort Ward, avant lorsque j’étais à Seattle, maintes personnes m’ont demandé la même chose. Les raisons sont multiples, que ce soit d’un point de vue philosophique ou psychologique, mais je ne crois pas que ce soit judicieux de les développer avec mon aîné. Il souffre. Je le sens et… je le sais désormais. Cette ombre, je vois à quoi il fait référence. Sans un bruit, d’abord silencieuse, je m’approche et viens m’asseoir à ses côtés.

- Vous connaissez sans doute l’histoire de Noé, dans la genèse, commencé-je d’une voix douce, c’est une fable bien sûr, la morale importe plus que l’exactitude des faits, mais… n’y a-t-il pas des similitudes ? Je me dis souvent que les « rôdeurs » sont notre déluge et… ce camp en est une arche.

Oh je sais ce qu’il pourrait me dire : que ce n’est pas parfait, que sur le navire de Noé, les animaux ne se dévoraient pas les uns les autres. Évidemment : la réalité est toujours bien plus complexe que les contes dont elle s’inspire. Y a-t-il toutefois besoin de tergiverser sur les raisons qui nous auraient valu une telle punition ? L’Homme avait perdu de vue l’essentiel : respecter la « Vie ». Et Dieu n’est pas seulement le Père des Hommes, il est le démiurge de l’univers et de notre planète. Peut-être pour la sauver elle, il doit nous réprimander nous. Je souris à Adam et précise :

- Le Seigneur nous inflige un fléau terrible et je déplore la moindre des vies qui a été prise depuis cinq ans…, en moi, une tristesse sourde demeure éternelle, car mon cœur de simple humaine ne peut ignorer ces deuils plus violents les uns que les autres, mais plutôt que de voir ce que Dieu nous prend, je me demande… que cherche-t-il à nous donner ? Parfois… c’est une simple lueur dans une grotte sombre et oppressante.

Je laisse la suite de la réponse en suspens, car je ne crois pas qu’elle ait de l’importance. Ce n’est pas une solution miracle qu’est venu chercher le chasseur – il n’y en a pas – mais une occasion de confier ses peurs. Avec un regard bienveillant, dénué de jugement, je l’invite d’un signe de tête :

- Parlez-moi ce cette ombre.

J'avais jamais vraiment vu comme ça avant. L'arche de Noé... Ouais pourquoi pas. Alors, c'était une purge? Et on ferait quoi de tous ses morts dans cinq ans ou dans dix ans? Est-ce qu'on aura vraiment appris de tout ça? La majorité d'entre nous, si c'est pas tout le monde ici ou dehors, on a tous commis des atrocités, des péchés pas loin d'être impardonnable, pour avoir notre place sur l'arche. N'est-ce pas un peu contre-productif à la volonté du seigneur si c'est vraiment de ça qu'il s'agit?

J'ai pas vraiment envie d'la secouer dans sa foi, j'suis pas là pour ça. J'suis là parce que j'avais besoin d'une oreille extérieur, et j'vois bien qu'la religieuse a du talent pour ça. Elle a bien choisi sa vocation. J'lui fais signe que j'comprends d'un hochement de tête, remettant toute la question en perspective de son analogie. J'essaie d'adapter un peu ma vision des choses à celle-ci, m'disant que j'allais la questionner en gardant en tête sa fable. "Comment est-ce qu'on est certain qu'on a bien notre place ici? Ou pire... Comment on est certain qu'la personne qui tient le gouvernail nous guide pas tout droit vers un iceberg?"

J'pense que mes analogies sont claires et qu'elle transporte un peu mon sentiment vis-à-vis de cet endroit. Une arche de Noé, j'veux bien, mais on est quand même tous une bande de pêcheurs dirigés par une connasse qui veut survivre à tout prix. C'est sa vie à elle, au-dessus de celle de tous les autres ici. J'suis pas sûr que Noé ait été jugé supérieur aux animaux qu'il transportait. J'en viens à m'demander si on est vraiment mieux qu'le groupe de New Eden en fait. La seule différence, c'est qu'nos actions sont plus subtiles que d'carrément torturer les gens qui n'suivent pas notre cause. Enfin... J'crois...

J'me referme un peu sur moi-même, car j'me rappelle comment on a torturé ses soldats juste pour obtenir de l'information. Comment on a tué un campement au complet, simplement, car ils ne suivent pas notre idéologie. Tué ou être tué... Est ce que c'est ça le plan? J'sais pas c'que l'seigneur cherche vraiment à nous donner, à part peut-être des maux de tête et une mort dans d'horribles souffrances. Peut-être même que les gens qui sont mort les premiers sont ceux qui on atteint une sorte de paradis... Nous, on est déjà en enfer et comme des cons, on se bat pour y rester.

Elle me demande à propos d'l'ombre que j'ressens en moi, et j'arrive plus vraiment à la regarder. J'ressens comme un bourdonnement venir m'assourdir les oreilles, j'ferme les yeux un instant et j'essaie d'chasser les images qui me viennent en tête. "Des cauchemars... Des images... Des envies d'vengeance... Toutes les nuits, j'me réveille en sueur et j'm'assure que May est toujours en vie. J'ai peur. Peur de ce que j'peux lui faire sans que j'puisse me contrôler." J'les mes yeux courir sur elle et remonter venir chercher son regard. J'me demande comment elle réagit à tout ça, parce qu'elle a vécu pareille que moi. "C'est comme pour vous? Vous n'avez pas peur de perdre le contrôle à nouveau?"

J’entends ses questions mais n’y répond pas tout de suite. Je le laisse parler, je ne voudrais pas avorter sa confidence alors que je le sens se refermer un peu. Adam doute, comme tous les Hommes. Nous ne pouvons échapper à cette atroce sensation, le fait de ne pas savoir et d’avoir peur de ne pas savoir. Je reste immobile, les mains posées sur mes genoux, mais mon âme cherche à enlacer la sienne. Qu’il ne soit plus si perdu, qu’il trouve sa chandelle dans cette grotte sombre.

- Je n’ai pas peur parce que j’ai foi, réponds-je sans hésiter, lorsque j’ai… lorsque j’ai perdu le contrôle, le Seigneur m’a arrêté. Je n’ai blessé personne et ensuite… il m’a permis de rester ici, sans séquelle. C’est un miracle, y a-t-il d’autres mots ? Même les médecins sont d’accord pour dire que mes chances de survie après ma fracture du crâne étaient infimes, vous vous interrogez sur la personne qui tient le gouvernail… mais cette personne est humaine, comme vous et moi. Peut-être qu’elle doute aussi, que son cheminement est aussi obscur que le nôtre et qu’elle aussi, à besoin de lumière.

Je n’ignore pas qu’il parle de June. Je ne connais pas assez l’avocate personnellement pour me permettre de croire en son nom, mais je refuse de croire que sa démarche n’est, au fond, pas sincère. Je pivote un peu plus pour mieux faire face à mon visiteur du jour et lui explique :

- Avec ce fléau, Dieu a remis les Hommes sur un pied d’égalité, où qu’il soit, et nous a ramené à reprendre conscience de l’essentiel : tout le labeur que représente la Vie. Devoir manger, boire, dormir, se laver, se soigner… dans notre ancien mode de vie, n’avions-nous pas perdu de vu la chance que nous avions de pouvoir accomplir ces nécessités facilement ? Je repense à Adele et Matthew, mes frères et sœurs habitués des voyages humanitaires dont les récits me choquaient par leur dur réalisme, nous avions tout, mais on le gardait égoïstement et on laissait des parties du monde dans la misère… on se faisait la guerre pour faire enfler des richesses virtuelles, on ne réclamait que plus d’un confort artificiel, on ne tendait pas la main mais on s’arrangeait pour que notre voisin ait moins que nous…, la liste est malheureusement interminable, et aujourd’hui, nous vivons en communauté égalitaire et hétéroclite, nous partageons le fruit de notre travail, nous savons reconnaître l’importance des biens essentiels, nous accueillons ceux qui souhaitent être accueillis.

Bien sûr que ce n’est pas parfait ; mais tout comme Rome ne s’est pas fait en un jour, l’humanité ne peut pas rectifier des siècles d’un comportement biaisé en une poignée d’années. Il faut du temps pour que les habitudes se perdent, du temps pour que les leçons de nos échecs soient tirées. Je ne verrai probablement pas ce monde meilleur, né des apprentissages du fléau, mais je suis fière d’apporter ma pierre à l’édifice.

- Ces difficultés avec le vaccin sont une épreuve… pour nous montrer que nous ne nous écoutons pas assez, que le manque de sincérité est nocif, là aussi, il comprendra sans doute ce que je veux dire, mais… se retourner les uns contre les autres n’est pas la réponse adaptée. Si vous avez peur que le capitaine vous mène dans un iceberg, ne le pointez pas du doigt : guidez-le. Quant à vos inquiétudes noctunes…, je me penche vers lui avec un sourire bienveillant, pourquoi ne pas lui demander de vous assister ?

Elle me fait un monologue et j'dois dire que j'trouve que c'est de la pure connerie. Peut-être qu'elle est juste tellement habitué à regarder vers la lumière de Dieu qu'elle est complétement ébloui pour remarquer ce qui s'passe autour d'elle. Assister June? Demander à une entité suprême de m'aider contre mes terreurs nocturnes? La beauté du communisme maintenant qu'on est entouré par la mort? Est ce qu'elle veut rire de moi ou quoi? J'perds patience et j'tape contre le bois de ma chaise en serrant les dents. Non mais Eve-Madeleine, que t'arrête de te toucher le soir en pensant à Dieu et qu'tu prennes connaissance de c'qui s'passe autour de toi fuck. "C'est de la foutaise tout ça!" Que j'dis dans mon excès de colère.

J'mâche l'information en dedans, et lorsque mes iris reviennent sur elle, j'réalise que j'y suis peut-être allé un peu fort. J'l'ai sûrement effrayé avec ma réaction, mais Dieu la protégera non? J'décide de pas m'excuser pour la peine, et j'reprends rapidement sur les points qu'elle a si bien énoncé. "Un pied d'égalité? N'avez-vous rien vu dehors? Des gens crèvent tous les jours encore... Qui leur tend la main pour les aider? Pas que j'en aie particulièrement quelque chose à foutre... Mais rien n'a changé! On se fait toujours la guerre au nom de quelques choses. Combien d'putain d'guerre, on a fait en moins de cinq ans? ENTRE AMÉRICAIN!" J'hausse le ton sur la fin, mais c'est pour lui rentrer dans le crâne qu'elle va devoir trouver mieux qu'son monde de licorne où le petit Fort Ward est une arche et que l'monde est beau.

J'ai un soupir, j'baisse la tête et j'm'appui sur mes mains en regardant l'sol. "Désolé... J'voulais pas crier... C'est juste que... Y a rien de différents avec avant. C'est même pire. Les gens pillent, tuent, violent... Ils font des guerres pour des ressources ou des convictions. Rien n'a changé." J'repense à ce qu'elle m'a dit à propos de la rousse, et j'ai envie d'rigoler à cette idée. Ouais, bien sûr, elle va sûrement écouter nos conseils, dans sa petite tour. Au final, elle fait quoi vraiment? Si elle fait que "prendre des décisions en fonction des avis de ses sbires". Rien. "Si c'que vous dites à propos d'June est vrai, alors l'enfer est pavé d'bonnes intentions."

J'reviens même pas sur les terreurs nocturnes. J'ai l'impression que c'est un peu la plus grosse connerie qu'elle ait raconté dans toute son histoire. Si Dieu est vraiment encore là, il regarde le spectacle en mangeant du pop-corn. Il en a rien à foutre que la nonne survive, ou que j'bouffe May dans son sommeil. Si tout ça faisait vraiment parti d'son grand plan, c'était pas un égalisateur... C'était un test... Et on l'a tous échoué. J'aimerais dire cela à la sœur, mais j'ai l'impression que j'l'ai assez traumatisé comme ça déjà. Elle a dû voir pire que moi. J'dois être qu'une brebis perdue à ses yeux.