Yue soulevait un bon point. Warrington observa l'escalier un peu plus loin, réfléchissant également. Une simple échelle était clairement trop visible, alors si le type résidait effectivement à l'étage, il devait avoir imaginé un moyen plus subtil de grimper. Quant à un passage souterrain, ça n'était pas idiot non plus. Le lycée avait peut-être des sous-sols.

- Faisons demi-tour alors,suggéra-t-il, juste avant que Katherine ne se propose justement en appât. Le barbu arqua un sourcil. Belle dévotion. L’idée n’était d’ailleurs pas mauvaise, mais l'australienne souleva toutefois des doutes dans la foulée. Il pinça les lèvres. En effet, c'est juste un voleur de voiture, rappela-t-il. Encore que l'un n'empêchait pas l'autre, et ils s'entendaient tous pour affirmer qu'il devait clairement y avoir quelque chose de valeur dans cette caisse pour que la tête de ce type se retrouve mise à prix. Ces petits pièges n'ont pas pour but de chatouiller des pieds, ajouta-t-il. Tueur direct ou indirect, le résultat était le même : l'ennemi était à terre. Il n'est pas exclu qu'il laisse ses victimes succomber à leurs blessures ou à la soif, mais de là à ne pas s'approcher par curiosité...

Il lui paraissait impossible que l'homme ne cherche pas à savoir qui il venait de piéger. Donc dans tous les cas, en s'armant de patience, ils pouvaient espérer attirer leur proie jusqu'à eux. Cela sous-entendait toutefois de rester dans l'enceinte du lycée, un environnement que l'homme maitrisait bien mieux qu'eux. Ça pouvait être risqué. D'autant que rien ne leur permettait de savoir si leur bogan mordrait réellement à l'hameçon. Le vieil homme réfléchit et ressortit le paquet de cigarettes.

- Nous avons cet appât là aussi, rappela-t-il à ses complices, en exhibant les Marlboro. Sans vouloir vexer Katherine, ces dernières auraient peut-être plus d’attrait encore pour leur homme que la jolie blonde qu’elle était… Nous pouvons faire simplement semblant de repartir et oublier ça innocemment dehors, bien en vue. S’il en est vraiment drogué et qu’il n’en a pas eu depuis longtemps, il pourrait craquer plus rapidement. Une autre idée. Mais encore faudrait-il tout de même attirer l’attention du gars vers eux – et les cigarettes - d’une façon ou d’une autre.

Yue fit la moue en réfléchissant. Ils ne connaissaient pas assez le profil de leur proie et peut-être bien que s’il était assez malin pour confectionner ces pièges, il le serait assez pour ne pas s’exposer à la première occasion. Néanmoins, c’était aussi évident qu’il devait venir voir qui a été pris dans ses leurres… ne serait-ce que pour découvrir s’il avait tué un vivant ou s’il avait simplement scié les jambes d’un vorace. En tout cas, puisqu’ils étaient d’accord pour revenir sur leurs pas, la nipponne les précéda et s’arrêta un instant au niveau du fil tendu relié à ce qu’elle pensait être un explosif.

- Si on déclenche ça, on pourrait tout aussi bien attirer une meute de rôdeurs et le faire partir…

C’était une observation, pas une manière de dissuader l’initiative de sa complice. Comme on dit : on ne faisait pas d’omelette sans casser des œufs et en l’occurrence, on ne traquait pas un être humain sans risque. Résignée à ne pas rester bloquée ici, Yue enjamba le piège en reprenant :

- Restez ici tous les deux, trouvez une manière de l’attirer dehors sans risquer de nos faire sauter nous-mêmes, ils n’avaient pour l’instant eu que des idées mais rien de concret – ils n’iraient pas plus loin avec ça, je vais faire un tour rapide du périmètre. Qu’un truc évident nous passe pas sous le nez…

Et moins d’une minute après, la yakuza se faufilait à l’extérieur comme une ombre. Le parking d’abord – rien –, puis les autres bâtiments. Le constat était le même : des fenêtres barricadées, des accès entravés. Soit un groupe avait tenté de survivre ici autrefois, soit leur gus était véritablement prévoyant. En ayant besoin de longer la lisière des bois pour contourner les édifices scolaires, les prunelles sombres de la trentenaire furent attirées par une corde, quasiment invisible dans le feuillage. En suivant son itinéraire, elle découvrit un autre piège : le genre de ceux qui choppaient un intru pour le suspendre la tête à l’envers.

Yue marmonna des grossièretés en japonais et poursuivit. Désormais, elle pouvait voir les terrains de sport, aujourd’hui réduit à de vastes friches sauvages. Un second parking, désert, n’offrait aucune possibilité mais toutefois… non rien. Elle eut beau chercher, aucune brèche ne lui sautait aux yeux…

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