C'était quoi, la prochaine étape ? Milow allait devoir se mettre à genoux et baisser son froc à lui ? Ça, c'était hors de question, il préférait lui-même se tirer une balle plutôt que de s'abaisser à ça. Jamais.

D'un geste d'une rage qu'il peinait à maintenir – maintenant que la frayeur de l'arme collée à sa tempe passée -, l'adolescent retira son pantalon. Pour être humiliant, ça l'était. S'il était parvenu à en faire une force pour sa survie, son corps restait malgré tout chétif, voir maladif, et ce n'était pas pour rien qu'il se cachait sous des vêtements trop grands pour lui. Les autres survivants semblaient tous avoir une forme à toute épreuve. Lui donnait l'illusion de revenir d'un séjour à Auschwitz.

L'autre récupéra son sac à dos et annonça le raccompagner dans un 'lieu sûr', ce qui était une sombre donnée pour Milow, qui pourtant n'ouvrit pas la bouche. Peut-être qu'il s'attendait à un autre coup de pute, ou quoi. Mais le mec avait apparemment une conscience, et c'était probablement ça qui avait sauvé la vie du plus jeune depuis le début de l'épidémie.

Bref, le duo atypique se mit en marche. L'air sombre, les épaules voûtées mais refusant de dévoiler une posture de faible, Milow garda son regard droit devant lui, infaillible. À l'intérieur, il bouillonnait, et il se promettait de se venger.

- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Balança-t-il immédiatement après qu'il lui ait demandé son prénom.

Néanmoins, il jeta un regard curieux sur le dénommé Peter qui venait effectivement de se présenter. C'était un piège ? Un faux prénom ? Il arqua un sourcil et le dévisagea des pieds à la tête. Okay, ça prenait une tournure bizarre.
Il laissa planer un silence, pesant mentalement le pour et le contre. Qui avait le plus à perdre, ici, en dévoilant son identité ?

- Milow.

Qu'il ose faire quoique ce soit contre lui, après ça, et il jurait qu'il irait balancer les pires rumeurs possibles à son sujet. Pour preuve ? Le sweat qu'il avait dû retirer, c'était l'un des fringues qu'il portait le plus. Et bim, dans tes dents chenapan.

Le plus âgé s'arrêta finalement, et Milow en fit de même, avant de se tourner vers lui, une lueur de défi dans le regard. Pas farouche, le gosse, alors même que la chair de poule se dressait sur ses bras et que ses côtes semblaient vouloir percer sa chair. Au fond de lui, oui, il était humilié. En apparence, il était hors de question qu'il offre cette satisfaction à ce mec.

- C'est le moment où on doit s'échanger une poignée de main, d'homme à homme, c'est ça ? Ironisa-t-il.

Son regard commençait déjà à analyser les bâtiments. Dès lors qu'ils se séparaient, il irait fouiller pour retrouver un truc à se mettre sur le cul.

Evidemment. J'aurais dû me douter que l'adolescent ne m'aurait pas répondu si facilement et c'était tout à fait normal, après tout, étant donné l'épreuve qu'il devait subir avec moi. A sa place, j'aurais sans doute réagit pareil, surtout avec l'impossibilité de défendre mon honneur à cause de l'arme pointé dans ma direction. J'aurais presque eu envie d'abaisser mon flingue pour lui prouver ma bonne foi mais il fallait admettre que je ne lui faisais pas confiance, au morveux. J'abandonnais l'idée de faire la conversation, de toute façon, c'était bizarre d'essayer de discuter avec sa victime mais le garçon obtempéra finalement en me répondant. Milow. Ma main libre vint caresser mon menton et hochait la tête, comme si j'approuvais son identité. C'était pas vraiment mon but mais je devais admettre que j'appréciais énormément la sonorité du prénom. Je le trouvais chantant, peut-être même assez beau pour avoir l'idée saugrenue de nommer mon fils pareillement. La pensée s'évapora aussi rapidement qu'elle était venue et ne fis pas de commentaire à la réponse du jeune homme. Est-ce qu'il avait cédé en espérant que je me montre humain ? Est-ce qu'il espérait que finalement je dévoile un coeur et que je lui ferai un sermon d'une dizaine de minutes avant de lui rendre ses affaires en lui affirmant que c'était juste une punition pour qu'il comprenne ses erreurs ?

Si c'est ce qu'il imaginait, il pouvait bien aller le faire voir, le p'tit jeune. J'étais pas son père ou même un bon samaritain. Jesus n'était certainement pas mon ami alors ses préceptes, j'm'en battais bien la race. Salaud jusqu'au bout, j'acceptais le silence qui s'imposait entre le brun et moi, avançant jusqu'à une intersection avant de m'arrêter, faisant face au jeune homme lorsqu'il se retourna. Sa question me fit ricaner et j'haussais les épaules. "Nah, t'es pas assez digne de confiance pour que j'te serre la pince." que je lançais au voleur. Pas que je me considérais comme quelqu'un de plus fiable que lui mais deux saloperies, ça pouvait que finir en couteau dans le dos et ça ne se jouerait qu'à celui qui avait la première opportunité. Mon arme se redressa pour finalement se figer au niveau du front de Milow, un sourire carnassier sur mon visage. "En tout cas, tu ferais mieux de filer avant que je ne change d'avis." lançais-je en me mettant à compter dans ma tête.

Je n'avais pas bougé d'un centimètre lorsque l'ado s'éloigna. Mes yeux glissaient partout où ils pouvaient pour m'assurer que rien ne me menaçait dans l'immédiat et surtout, je voulais savoir combien de morts étaient proches. Une fois arrivée à trente et le gamin a bonne distance de moi, je levais le bras au ciel, appuyant enfin sur la gachette de mon arme. La détonation éclata et j'eus l'impression qu'elle se propagea à travers la ville alors que déjà j'entendais des grondements s'élever en réponse à ma provocation. Ils étaient là, nombreux, répondant à l'appel. D'aucun aurait trouvé ça stupide mais j'y voyais la possibilité d'une retraite stratégique. Milow devrait se débrouiller pour trouver refuge, tout en ayant conscience qu'il ne possédait pas grand chose pour se protéger. Cette simple idée me fit sourire. Est-ce que c'était totalement un coup de pute ? Oui et cette perspective me plaisait grandement. "Cours ! Cours, petit homme !" que j'hurlais en direction du brun avant de ricaner une nouvelle fois avant de reculer de quelques pas. J'étais pas joueur mais j'aurais parié que ce petit con s'en serait sorti malgré tout. Non loin de moi, quelques têtes défraîchies apparaissaient et je rangeais mon arme à ma ceinture. Il était temps de partir et vite.

Il eut un soufflement de nez mi-amusé mi-méprisant. Oui, bon, Peter avait carrément raison. Qu'il échange une poignée de main, là, avec Milow, et il se retrouverait avec les veines tranchées.
La chair de poule se dressa sur sa peau. Il faisait beau, même chaud, mais à moitié nu, face au canon que l'homme tendait de nouveau devant lui, ça n'aidait pas, et durant une fraction de seconde, le plus jeune pensa vraiment qu'il allait se prendre une balle dans la tête sans plus de cérémonie.

À ses mots, il eut un instant de flottement où il hésita sur la marche à suivre, prêt à tenter une autre saloperie par fierté. Heureusement, il choisit d'obtempérer. Le bon sens, parfois, ça pouvait sauver la vie.
Reculant sans détacher ses yeux du visage de Peter, les traits fermés, tout dans son expression laissait à prétendre qu'il n'allait pas laisser cette histoire s'arrêter comme ça, peu importait l'issue de celle-ci.

Une fois plusieurs bons mètres entre eux deux, Milow se racla la gorge pour cracher un beau molard dans la direction de son aîné. La seconde d'après, il tournait les talons et se mit à courir. Il avait compris où l'autre voulait en venir avec son arme à présent tendue vers le ciel. À la détonation, il accéléra, avisant du regard les bâtiments, les entrées, les fenêtres aux étages différents. Les râles des morts lui parvinrent bien vite, et au fond de lui, Milow sourit. C'était sport. Un juste retour des choses. Et cette dernière étape l'excitait plus qu'autre chose. Fuir les rôdeurs, il connaissait. Avec ou sans vêtement, il allait s'en sortir.

Au bout de la rue, les premiers rôdeurs apparurent. Dans son élan, le jeune Lewis s'accrocha à un mur, agrippant le bord d'une fenêtre, il s'y hissa sans mal et après un bref regard à l'intérieur, s'y engouffra. C'était un vieil appartement. À coup sûr qu'il trouverait de quoi se couvrir.