Les cheveux au vent, Thaïs fonçait sur sa moto dans les rues vides de Seattle. A cette heure-ci, il n'y avait pas âme qui vive hormis les morts qui se lançaient aussitôt à sa poursuite. Le soleil se levait à peine, c'était son moment préféré de la journée. C'était grisant, elle avait l'impression que la ville lui appartenait. Depuis quelques semaines, la militaire était à sec niveau essence. Elle n'avait pas eu le temps de partir à la recherche du précieux or noir, alors lorsque la veille, elle était tombée sur une voiture non siphonnée, elle avait sauté sur l'occasion pour ressortir sa moto. Rouler à vive allure était euphorisant, elle se vidait l'esprit. C'était risqué, elle le savait, si un mort surgissait alors qu'elle était lancée à vive allure, la percussion avec le rôdeur lui serait surement fatale, mais il fallait bien vivre un peu dangereusement, non ?

Le froid lui piquait les yeux mais rien ne l'arrêtait. Elle ne se décida à rentrer que lorsque la jauge d'essence se remit à baisser dangereusement. A une centaine de mètres de l'ORB, elle coupa le contact et rentra à pieds en poussant sa moto pour ne pas attirer des rôdeurs. Elle avait eu sa dose d'adrénaline pour un bon moment et sentait encore son cœur battre d'excitation. Elle prit une rapide douche et enfila des vêtements chauds. Ce matin, avec Zola et Dany, ils partaient en expédition pour ramener des panneaux solaires. C'étaient les prochains travaux dans le bâtiment. Avoir à nouveau de l’électricité serait bien pratique. Finies les soirées à s'éclairer à la bougie, ils pourraient peut-être même investir dans de l'électroménager : un four, un frigo. Oui, avoir de l'électricité leur permettrait encore plus de nouvelles perspectives. "Salut !" dit-elle en rentrant dans la petite cuisine. Zola l'accueillit avec un café. Elle la remercia d'un hochement de tête avant de refermer ses doigts sur la tasse brûlante. Ses mains rougies par le froid qui régnait dehors se réchauffèrent instantanément. "Tu as l'air de bonne humeur !" souffla-t-elle à sa belle-sœur.  

Thaïs avait étudié les plans elle aussi. Cette sortie ne devrait pas être trop dangereuse. Les magasins d'énergie renouvelable ne devaient pas être les premiers pillés. Il fallait avoir certaines connaissances pour les installer et eux même avaient négocié pour qu'un ingénieur vienne les leur installer. La principale source de dangers resterait donc les rôdeurs bien évidemment. "Toujours !" répondit-elle à Zola quand elle lui demanda si elle avait la forme. "Et toi ?" Son regard se posa sur sa belle-sœur, cherchant à savoir comment elle allait. Ils étaient pas mal occupés avec la cage et elles ne prenaient pas toujours le temps de discuter. Thaïs restait pas mal le soir tard pour surveiller les soirées dans la vieille piscine. Depuis l'expansion de la cage, niveau sécurité, ils ne chaumaient pas. La militaire ne s'en plaignait pas, elle aimait avoir l'esprit occupé, se sentir utile, ça lui évitait de tourner en rond dans sa chambre.

Le regard de Thaïs s'attarda sur sa belle-soeur, cherchant à savoir si en effet, elle allait bien ou si ce n'était qu'une petite réponse pour la rassurer. Elle n'eut pas le temps de se poser d’avantages de questions que déjà Dany entrait dans la pièce lui aussi. Nul doute qu'il venait de se réveiller. Thaïs avait déjà remarqué que le jeune homme était très tactile. Ce n'était pas forcément dans ses habitudes mais elle le laissa la prendre dans ses bras sans rien dire. Il fallait s'habituer aux différents caractères et habitudes de tous les occupants de l'ORB et ce n'était pas une mince affaire.

Thaïs sirotait tranquillement son café tout en acquiesçant d'un signe de tête aux paroles de sa belle-sœur, bien sûre qu'elles étaient costauds ! Elle lui montra ses muscles en pointant son biceps vers lui dans une imitation loupée d'un bodybuilder. "Il ne faut pas se fier aux apparences." rétorqua-t-elle. La militaire était petite en taille mais elle savait en découdre. "Je pense qu'un panneau solaire doit peser dans les 20kgs, à trois on devrait s'en sortir." Et puis, de toute manière, hors de question de revenir demander de l'aide ici, ils se débrouilleraient tout seul ! Ce n'était pas quelques panneaux qui allaient leur résister. "Il nous en faut combien déjà ? 30 ?" La quantité lui paraissait astronomique, mais si cela leur permettait d'avoir de l'électricité en continu et de ne pas être soumis à des pannes de courant trop souvent, Thaïs était prête à faire 50 allers-retours jusqu'au magasin et à porter sur son petit dos le plus de panneaux solaire possible.

Elle but une nouvelle gorgée de café avant de continuer : "Allez, pour se motiver, imaginez tout ce qu'on pourra faire avec de l'électricité : de l'eau chaude à profusion, se dégoter un frigo, s'allumer la nuit, se chauffer l'hiver, écouter de la musique. On pourra même faire des gâteaux si on trouve un four !" Oui, la motivation, nul doute qu'elle l'avait si ça pouvait lui permettre de réaliser tout ça. Les perspectives lui semblaient infinies. Elle resta quelques secondes rêveuse. Oui, l'électricité était un luxe qui lui manquait. Tout serait plus simple niveau confort de vie avec.

Zola proposa une répartition dans la voiture qu'elle approuva. "ça me va !" répondit Thaïs. En effet, elle pouvait être utile avec son fusil. Dès qu'ils mettraient un pied dehors, ils seraient soumis au danger des rôdeurs. La militaire finit de boire tranquillement son café et de manger une barre de céréales. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous prêts. Elle mit son sac à dos sur ses épaules et attrapa son arme à feu et son fusil. La brune se glissa à l'arrière du pick-up comme prévu. Le trajet fut bref, une dizaine de minutes environ comme l'avait prédit Zola. Ils avaient voyagé sans encombre, croisant la route de quelques rôdeurs. Il n'y avait pas de horde à l'horizon, probablement parce que le magasin était proche du No Man's Land. La brune sauta à terre avant de jeter un œil sur les environs.

Le magasin se dressait devant eux. Le bâtiment était beaucoup plus grand que prévu. Est-ce que ça voudrait dire qu'ils avaient de grandes chances de trouver beaucoup de panneaux solaire ? Aucune idée. Elle restait sur ses gardes, prudente. Personne ne pouvait savoir ce qui se cachait ici. "C'est parti !" lança-t-elle d'une voix enthousiaste. Elle ressentait toujours un petit pic d'adrénaline au cours des sorties fouille ou lors des sorties tout court en fait.

Spoiler:

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Je hoche vivement la tête pour toute réponse à la question de Thaïs. Trente panneaux oui, rien que ça…je pense qu’on sait tous les trois qu’on ne pourra sans doute pas tout faire aujourd’hui, mais comme on le dit souvent, tout ce qui est fait n’est plus à faire ! Et au moins, ça nous permettra de trouver un plan B, autrement dit un autre magasin, si celui dans lequel on va ne contient pas tout ce dont on a besoin. Pour nous motiver, la jeune militaire finit par faire la liste de toutes les choses qu’on pourrait faire avec de l’électricité, et qui valent effectivement bien le coup qu’on prenne quelques risques, et notamment celui de se faire un peu mal au dos en portant. « -Regarder un film, lire autrement qu’à la bougie, se faire un brushing… » C’est vrai que la vie serait bien plus douce à l’ORB si on arrivait à mettre ce projet en place, et à ce qu’il aboutisse. Au moins, je suis contente de lire sur le visage de ma belle-sœur la même détermination que celle qui vibre en moi.

La répartition dans le pick-up semble convenir à tout le monde, et lorsque nos corps sont caféinés, et un peu plus réveillés, on quitte l’ORB, sacs sur les épaules, armes à portée de main. Le pick-up nous attend dans la Cour, j’ai vérifié la veille le niveau d’essence, et je m’installe derrière le volant, attendant que les deux autres en fassent de même avant qu’on s’élance dans les rues de Seattle, en direction du bâtiment. Ici ou là, quelques rôdeurs aux corps émaciés qui tendent vainement leurs bras vers nous, mais on est déjà loin qu’ils ont à peine fait deux ou trois pas dans notre direction. En cours de route, je lance des petits coups d’œil à Dany, lui adressant des petits sourires qui se veulent rassurants, contente qu’il fasse partie de l’expédition. Le trajet se passe sans encombre, et je gare la voiture proche de l’entrée, mais relativement à l’abri des regards curieux, malgré tout.

Mon regard sombre glisse sur le bâtiment, il était moins imposant dans mes souvenirs, et je pense que je n’ai pas besoin de dire à voix haute ce que tout le monde doit penser tout bas à cet instant précis : plus c’est grand, plus ça regorge de dangers potentiels. Je finis par tourner le visage vers Dany, pour répondre à sa question : « -Hum…ils étaient spécialisés dans tout ce qui était énergies renouvelables…d’où les panneaux solaires…mais on trouvera peut-être d’autres choses intéressantes… » J’ai un regard à l’attention de mes deux partenaires, et après une longue inspiration, je finis par m’engager à la suite de Dany dans le magasin, sentant mes semelles crisser légèrement sur les morceaux de verre qui jonchent le sol. Je profite de la lumière apportée par sa lampe torche pour laisser mon regard couler partout autour, et découvrir les lieux en même temps qu’eux. Effectivement, c’est gigantesque ici…mais quelque chose attire vite mon attention…que le jeune homme détourne de quelques mots. Je tends l’oreille, et il me faut un moment pour entendre à mon tour les râles et autres grognements qui indiquent que nous ne sommes pas tous seuls. Evidemment, ça aurait été trop beau…J’ai beau regarder partout avec attention, je suis bien incapable de dire où sont les rôdeurs, même s’il semble clair qu’ils sont là…quelque part.

Je sens mes muscles se contracter, c’est toujours instinctif face au danger, ou quand les miens y sont exposés, et déglutis avant de tourner mon regard vers Dany, puis de nouveau tout autour de moi, plissant les yeux pour mieux observer les lieux. « -Je sais pas vous, mais… » Je reste silencieuse encore un peu, fouillant davantage les lieux de ce regard sombre qui s’attardent sur les détails. « -Pour moi, ça ressemble à un grand showroom cette pièce…à mon avis, il doit y avoir un autre endroit avec le matériel à proprement parler…une réserve sans doute, ou un entrepôt… » Je tourne mon regard vers les deux autres, alors que j’ai l’impression d’entendre plus distinctement les grognements cette fois-ci. Est-ce que ça veut dire que des charognes nous ont repérés, et arrivent droit sur nous ? « -On peut peut-être ressortir et trouver une autre entrée ? Je pense pas que les livraisons se passaient via cette porte-ci…c’est pas spécialement pratique… » Enfin…j’ai beau dire ça, je ne suis pas devin pour autant, j’essaye juste de réfléchir à ce qui risquerait de nous mettre le moins en danger possible.

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