Lucy se changea aussi rapidement que possible, elle n’était pas à l’aise dans ce bustier. Ça ne semblait pas déranger outre mesure Théa ou Johanna et si les félicitations d’Alba lui faisaient plaisir… la rousse ne voulait pas montrer plus de peau que nécessaire à cet instant. Très rapidement, la rousse troqua donc son vêtement de scène pour une robe bien plus simple et discrète. Elle retira son masque et enfila une sorte de chapeau afin de dissimuler au maximum ses cheveux… Elle allait s’en débarrasser, de cette couleur rousse, qui la rendait unique et si reconnaissable, dès qu’elle pourrait, elle se teindrait en blonde… pour se fondre dans la masse des autres femmes du motel.

Une fois prête, elle quitta la loge, la tête et le regard fuyant, mais elle avait un but. Elle cherchait quelqu’un, elle cherchait Otis. Elle le trouva au bar, en train de boire. Une vague de colère, de tristesse, un ensemble de sentiments contradictoire lui pris le ventre, la poitrine et la tête… Elle fut tentée de faire demi-tour avant de finalement prendre son courage à deux mains et de saisir l’épaule du métisse : « Tu viens avec moi. » Pas un regard pour les autres, pas une parole, elle s’en foutait royalement. Lucy n’était obsédé que par l’idée de l’emmener loi de tous les autres. Une fois hors de la cage, dans un recoin un peu sombre, elle poussa Otis de toutes ses forces contre le mur et lui lança d’une voix déjà presque brisée, vrillée par l’émotion, loin, si loin de tout ce qu’elle avait déjà fait avec lui :

« Tu étais où ? Tu étais où putain ? Tu étais où quand j’avais besoin de toi ? Deux mois sans me donner de nouvelle ! Tu étais… où ? » Une puissante marée de colère la poussa à gifler Otis, ses nerfs étaient écorchés comme en feu : « Pourquoi t’es pas venue me voir alors que j’avais besoin de toi ? Après que ce… qu’il… moi…» Elle ne termina pas sa phrase, tombant à genou et poussant une sorte de hurlement à fendre pierre.

Otis repose son dernier verre sur le comptoir du bar, il grimace. le troisième shot a du mal à passer. Faut dire qu'il n'a pas l'habitude de boire beaucoup, peut-être un peu plus depuis qu'il est avec les Expandables... Mais ce n'est pas aussi désagréable que ça. Généralement, les soirées sont plutôt sympa. Néanmoins, c'est bien la première fois qu'il boit autant d'alcool d'un coup. Il s'en rend compte en sentant une vague de chaleur l'envahir subitement. Une sensation étrange, qu'il ne maîtrise pas. Il faut qu'il fasse une pause, c 'est sûrement plus raisonnable. Ça serait con de se taper une crise d'angoisse parce qu'il ne contrôle plus rien.

Mais il n'a pas le temps d'y réfléchir plus que ça qu'une main agrippe violemment son épaule. Il se retourne subitement, se figeant complètement en reconnaissant « Lucy ? » Son regard s'agrandit, surpris qu'elle l'interpelle ainsi. Il se laisse pourtant emporter loin de la cage, ne comprenant pas pourquoi la rousse semble si en colère. Mais quand elle le pousse contre un mur et qu'elle lui hurle dessus, lui demandant où il était tout ce temps ; il se contente de la regarder, presque apeuré en la voyant dans cet état. « Je... » Il tente de se défendre mais une violente gifle l'en empêche. Instinctivement, il vient poser sa main sur sa joue endolorie. Pourquoi lui dit-elle qu'il n'est pas venu la voir ? C'est faux. Il a bien essayé mais on lui a refusé de la voir. Il est complètement perdu.

Lorsqu'elle se laisse tomber à genou tout en hurlant, le métis ressent une énorme injustice. Il a le sentiment qu'elle lui en veut mais il a du mal à saisir pourquoi. Certes, ils ne se sont pas vus depuis longtemps mais il a réellement tenté de venir la voir après son retour de George. Les yeux rougis, il s'agenouille à son tour, face à elle. Il pose ses mains sur ses épaules avant de lui souffler, difficilement « Je... Je suis passé au motel y'a deux semaines environ... Je voulais te... Te voir... Mais... Mais... La jeune fille rousse, à l'accueil, m'a dit que tu... Tu ne prenais pas de clients. Je... » Il marque une pause, reprenant son souffle. C'est le genre de situation stressante qu'il déteste, qu'il ne parvient pas toujours à contrôler. « Je comprends rien Lucy... Je... Je suis vraiment venu. Je te jure... » Il se laisse basculer légèrement en arrière pour s'asseoir par terre et s'adosser au mur. Il se prend la tête entre les mains « Pourquoi tu... Tu me cries dessus... Je suis parti longtemps mais je n'ai pas eu le choix. Et... Quand on est revenu sur Seattle, la première chose que j'ai fait c'est... C'est venir te voir... » Il se répète sûrement, déboussolé et un peu trop enivré par l'alcool qu'il a avalé. Une boule apparaît dans sa gorge et il se retient de pleurer.

Même si on lui avait refusé le passage, il aurait dû insister, forcer le passage peut-être ? Prouver qu’il en avait quelque chose à faire, elle avait besoin de ça, de savoir qu’il aurait été prêt à tout à cet instant : « Tu aurais dû insister… » Elle murmurait ça, tâchant de dissimuler le mouvement de recul qu’elle eut quand il posa ses mains sur ses épaules. Sans oser le regarder elle murmura : « J’avais besoin de toi… J’avais besoin de te voir. » Depuis ce jour, en dépit des efforts de ses camarades, en particuliers ceux de Johanna, elle se sentait plus seule que jamais.

Même l’idée de regarder le ciel et de s’oublier dans la voute céleste ne parvenait pas à la réconforter, la boule de son ventre, la douleur, tout cela restait et elle ne pouvait pas s’en débarrasser, pourtant, elle tenta, bégayante, hésitante : « Il… il y a eu homme au motel… il… il a voulu faire du mal à Oxana et. » elle eut un sursaut avant de poursuivre : « On l’a poursuivi avec Amalia et Oxana. » Ouais elles l’avaient poursuivi et les deux blondes avaient été plus préocupés par le fait de la venger que par le fait de savoir si elle allait bien et… ça… elle s’en souvenait, elle s’en souvenait. Comme elle se souvenait de la sauvagerie d’Amalia, de ce qu’Oxana avait fait elle aussi. Des visions, des sons, qui ne rendaient pas sa peine plus facile à supporter. Lucy n’aurait jamais dû accompagner les deux femmes…

La gorge bloquée, surveillant les mains d’Otis comme si elles étaient des serres de rapace : « Il m’a… je n’ai rien pu faire, rien du tout. » Il n’y avait pas besoin de mots particuliers, Lucy ne voulait pas mettre de mots à ce sujet. Elle ne voulait plus penser à cette douleur, à cette peur, l’évoquer, y penser. Un frisson la pris, une sorte de nausée ensuite. Avant qu’elle ne repousse Otis et ses mains. Elle se leva d’un bond et marcha, faisant les cents pas devant le métis. Avant de finalement se remettre devant lui : « Ne pose pas tes mains sur moi. » Puis elle se blottit contre sa poitrine pour laisser échapper des larmes incontrôlables.

Quand elle lui dit qu’il aurait dû insister, il se sent honteux de ne pas y être parvenu. Mais s’il n’a pas voulu faire une scène au motel, c’est avant tout pour la protéger, elle. Une profonde colère explose en lui et il ne parvient pas à la contenir, prenant sur lui pour faire comprendre à la rousse qu’il ne l’a jamais oubliée tout ce temps. Au contraire, il était pressé de la retrouver. « Je voulais vraiment… Je voulais vraiment TE voir, moi aussi ! » Des larmes continuent de couler sur ses joues, il sanglote plusieurs fois avant de relever les yeux vers elle. Il prend une mine peinée et triste avant de lui expliquer « Mais… Mais quand on m’a demandé qui… Qui j’étais… J’ai pas osé dire que… Qu’on est ensemble… J’voulais… J’voulais pas que tu… Que tu aies des ennuis à cause de moi… » Il détourne à nouveau le regard, se sentant stupide… Mais pouvait-il annoncer à tout le motel cette réalité ? Ce secret qu’ils partagent depuis des mois maintenant ? Le métis se sent désemparé, supportant avec difficulté ce sentiment coupable qui commence à tourmenter ses pensées.

Et cela ne s’arrange pas quand la jeune femme lui confie – à mi-mots – la douloureuse épreuve qu’elle a subie. Otis se redresse alors, son corps entier tremblerait presque alors qu’il semble comprendre ce qu’elle veut lui dire. Il reste interdit quelques secondes, sentant son cœur se déchirer dans sa poitrine. Sa gorge se serre et il ose finalement lui demander « Qu’est-ce que tu essayes de me dire Lucy ? Est-ce qu’il… » Il n’a pas besoin d’une réponse de la rousse pour comprendre, il tente d’attraper sa main doucement, mais elle le repousse encore une fois. Il la regarde faire les cent pas, impuissant. Il tente de s’avancer un peu vers elle mais elle lui interdit formellement de la toucher. Il se fige alors, s’adossant contre le mur. Quand elle vient finalement se blottir contre lui, il se retient de la serrer contre lui. Il se sent coupable et choqué par cette terrible révélation. « Je… Je pouvais pas… Je pouvais pas le savoir Lucy… Je… Putain… » Il retient de nouveaux sanglots. Il aimerait pouvoir faire quelque chose mais il ignore quoi. « Je suis désolée… Je… Y’a pas un seul jour où je… Où je n’ai pas pensé à toi. Si j’avais su… Je… »

Il avait vraiment essayé ? Essayé de la revoir encore et encore ? Il n’avait pas de raison de lui mentir après tout. Elle l’écouta avant de murmurer, la tête posé contre le torse de son ami. « Je ne sais pas quoi faire Otis… Oxana et Amalia l’ont tué. Mais… moi ? » Les deux blondes n’en n’avaient rien eu affaire d’elle ce jour là… une des preuves fut quand Oxana vint la voir pour lui dire qu’elle pouvait se reposer mais que ça ne pourrait pas durer : « Oxana m’a dit qu’elle me laissait quelques jours pour me remettre, mais que je devais reprendre le travail rapidement. » En soit, la rousse comprenait, mais cette… froideur, sous entendant qu’elle la mettrait à la porte si Lucy ne pouvait pas reprendre le travail. C’était beaucoup pour elle et son état de santé.

D’une voix brisée, elle continua à geindre contre son ami : « Je sais pas si j’en aurais la force Otis… Mais j’ai nulle part où aller sinon. Je ne sais pas quoi faire. » Elle se tordit les mains en hésitant si elle devait dire la vérité à Otis. Il devait savoir mais en même temps, elle était assez effroyablement honteuse de faire ce qu’elle faisait… Il eut un long silence avant qu’elle ne dise d’une voix faible :

« J’ai dansé deux fois avant ce soir et à chaque fois, même ce soir-là, j’ai dû boire de l’alcool pour trouver le courage de monter sur scène. » Elle se tue avant de s’éloigner d’Otis et le regarder en train de pleurer, il semblait sincèrement perturbé de ces révélations, des accusations que Lucy lui avait envoyées à la figure. «Je vais devoir trouver une solution mais je n’en n’ai pas… » Son esprit était sec, aride, il n’y avait rien de constructif, elle ne voyait pas lequel de ses talents pourrait l’aider à s’en sortir.

Otis ne peut pas y croire, refusant d’accepter qu’un homme ait pu lui faire du mal. Il aimerait pouvoir l’aider, la prendre dans ses bras, la consoler mais il craint de l’effrayer davantage. Il la laisse donc s’accrocher à lui, venir se blottir contre son torse mais il se garde bien de l’enlacer. Il aimerait pourtant le faire mais il se retient. La détresse de la rousse lui fait mal au cœur et ses yeux brillants trahissent sa tristesse. Il se sent coupable. Pourquoi n’était-il pas là quand elle avait besoin de lui ?

Lucy semble complètement perdue, ne sachant pas quoi faire. Et quand elle lui dit qu’elle doit reprendre son travail mais qu’elle n’est pas certaine d’y parvenir, cela lui fait encore plus mal. « Je… Je vais trouver quelque chose… Je te le promets Lucy. Tu… Tu ne peux pas te… Te forcer à continuer après ça… C’est… Non tu ne peux pas… » S’il bafouille un peu, ses derniers mots sont plus fermes que d’habitude ; traduisant une colère qu’il ne peut contenir. Le poing serré, il lève la tête avant de fermer les yeux un instant. Il doit réfléchir à ce qu’il peut faire pour l’aider. Il ne peut pas rester là, il faut qu’il trouve une solution. « Je… Je pourrais essayer d’en parler aux miens… Et… Essayer de les convaincre de t’accepter quelques temps… Mais… Mais normalement les… Les femmes ne sont pas acceptées… Mais… Je peux essayer… » Il ignore si cela est possible ou pas. Il aimerait pourtant… Juste le temps que Lucy se remette et qu’elle aille mieux. Malheureusement, il craint que cela ne soit pas possible… « Ou… Ou bien… On peut aller s’installer dans cette maison à Beacon Hill… Tous les deux… » Il se sent idiot en disant ça… C’est avant qu’il aurait dû être là pour elle, être là pour la protéger. C’est trop tard maintenant que le mal est fait. Mais une chose est sûre, il ne peut pas la laisser tomber, il doit être là pour elle…

Le temps semblait se dilater tant l’instant était difficile tant le poids sur les épaules de la rousse semblait lourd et tant elle semblait elle-même peser sur Otis à cette seconde. Elle l’écouta sans même vraiment comprendre, au début, avant que l’évidence de ses mots lui revienne en pleine figure et qu’elle murmure sans le regarder : « La maison ? » Oui, cette maison où ils s’étaient offert l’un à l’autre. Un souvenir agréable pourtant mais au gout de métal maintenant pour elle… Elle ne savait même pas si elle serait en mesure un jour de refaire cela.

« Juste toi et moi ? » C’était une demande de précision totalement idiote, mais elle avait son importance… En même temps, Lucy n’avait pas les idées claires et par exemple, le simple fait de penser au camping, aux camarades d’Otis, cette idée lui donnait une nausée profonde qu’elle ne parvenait pas à dissimuler. Mais l’offre derrière la touchait, il accepterait de quitter la sécurité et le confort de son camp pour s’occuper d’elle et… ça la touchait énormément : « ça me plairait. » Les mots furent à peines soufflés, simplement… audible que s’il tendait l’oreille, s’il était à l’écoute. Puis, Lucy le regarda dans les yeux et dit d’une voix toujours basse : « Je suis désolée Otis… Si… Si t’as besoin de faire… des choses, que je ne peux pas, alors hésite pas à aller voir ailleurs. Tant que… »

« Tant que tu reviens vers moi» c’est ce qu’elle aurait aimé dire, mais les mots ne sortirent pas de sa gorge, tant elle était nouée, même si cela commençait à aller mieux. Elle se décolla un peu d’Otis pour déposer un très bref baiser sur ses lèvres, il le méritait largement. Elle lui en voulait encore de ne pas avoir insisté plus pour la voir mais… mais il n’était peut-être pas le plus responsable dans cette affaire. La véritable coupable c’était Oxana, qui l’avait placé dans une tour d’ivoire sans lui laisser son mot à dire. Vengeance et contrôle, deux mots qu’elle semblait aimer plus que les autres. Etait-ce juste d’en vouloir à la blonde ? Non, mais Lucy s’en fichait car finalement c’est une histoire de vengeance qui était la cause de son état.

« Il faudrait que je parle à Oxana… Lui dire que je m’éloigne le temps de… d’aller mieux. » A défaut de rapporter de l’argent à Oxana, au moins, en faisant ça, elle ne serait plus un poids pour les autres filles… Elle en serait un pour Otis et elle ne voyait pas comment elle pourrait un jour le remercier. La rousse desserat sa prise sur son petit ami et lui pris les mains avant de les poser sur ses hanches : « Je te fais confiance. » Il lui avait donné de nombreuses raisons de lui faire confiance et maintenant elle lui disait, c’était de loin la chose la plus puissante qu’elle pouvait lui dire à cet instant et elle savait qu’il en comprendrait la valeur.