C'est quand elle se met à bouger que je réalise qu'elle n'est pas attachée. Étrange putain de coïncidence que ses potes n'aient pas « penser » à l'attacher elle aussi. Je continue de fouiller la pièce du regard à la recherche du moindre indice, du moindre signe de vie. D'une preuve tangible qui pourrait la trahir aussi. Elle sursaute quand je lui parle, comme si elle avait des raisons d'avoir peur et ce pauvre air de biche blessée sur son visage m'irrite au plus haut point. Je grimace à ses questions, grogne quand elle parle du talkie.

Qu'est-ce qu'on fait là ?

J'imite son air de nana perdue sans y laisser la moindre trace de respect. Elle se fout de ma gueule alors pourquoi je ne me foutrais pas de la sienne ? Mon visage se durcit et je lui adresse un regard impatient. Elle ne perd rien pour attendre.

Tu crois vraiment que j'ai organisé tout ça ? Et surtout que je me serais enfermée ici avec toi ?

Je penche la tête sur le côté en pinçant les lèvres. Je ne suis absolument pas convaincu par son petit jeu dramatique. Bien sûr qu’elle aurait toutes les raisons d’organiser un truc pareil pour se venger. Et jusqu’à preuve du contraire, j’en reste convaincu.

T'es bien la dernière personne avec qui je me serais enfermée.

Je me laisse aller à rire en haussant les épaules. Un air semi offusqué sur le visage, du genre qui annonce que je ne sais pas du tout de quoi elle parle. Je tourne la tête en pestant et ça me lance violemment entre les tempes. D'un geste rageur, je tire férocement sur les liens qui ne font que se resserrer davantage autour de mes poignets. Au moins la douleur a le mérite d'ancrer dans la réalité.

Et pourquoi je ferais ça d'abord ? Si j'avais voulu me venger, je t'aurais fait tuer.

Ok possible que si elle voulait juste en finir avec moi, un plan pareil, c'est se donner beaucoup de mal au final. Cela ne m'élève pourtant pas de la tête que cela reste une possibilité. S' ils voulaient m'interroger pour avoir des infos sur les Devil's par exemple. Parce qu'elle et ses potes, ils auraient compris les agissements de notre groupe et que j'en faisais partie. Non, je ne suis toujours pas convaincu. Par contre, je note le fait qu'elle pourrait envisager de pouvoir me faire tuer. Il va falloir que je trouve un moyen de pression sur elle ou tout simplement que je trouve un moyen pour qu'elle arrête de gaspiller mon air. Elle se redresse et je ne la quitte pas du regard.

On est dans un aquarium.

Je pousse un soupir.

Bravo Sherlock !

Et je grogne à nouveau. Il ne faut pas longtemps pour se rendre compte qu'on n'est pas dans une ferme par exemple.

Il y avait un aquarium à Seattle ?

Ok continue de jouer l'innocente ! Je décide finalement de jouer le jeu, parce que si jamais elle n'est pas impliquée, il est dans mon intérêt de donner l'illusion que je suis de son côté. Alors, je lui réponds d'un ton neutre.

Il me semble que oui, mais je peux pas te l'assurer.

Je commence à perdre patience. J'ai du mal avec l'idée de me sentir impuissant, enfermé. Stigmates de la vie en prison, de la privation de liberté qui restent ancrés dans la chair. Mais puisque je n'ai que les mains attachées, je me décide finalement à me redresser. Basculant sur le côté, sur un genou puis l'autre. Je prends mon temps, parce que le sol ne semble pas encore avoir totalement arrêté de tanguer.

T'as vu personne ? T'as des ennemis qui pourraient vouloir l'enfermer ici. T'as froissé un requin et il a voulu te faire une mauvaise blague ?

Je termine de me redresser et colle mon dos en appuis contre le mur. J'affiche toujours un air impatient, mais je prends le temps de réfléchir. Bien sûr que j'en ai froissé des mecs, mais je ne pense à personne qui pourrait élaborer ce genre de plan. Il y a bien Mallowe qui pourrait avoir des raisons de m'en vouloir, mais je ne la vois pas organiser un tel plan. Je pense qu'en dehors de mon altercation avec elle justement, j'ai été plutôt prudent depuis que je suis dans le coin. Je ne vois personne qui pourrait remonter des traces jusqu'à moi. Après on ne sait jamais vraiment. Tout comme pour son rôle à elle dans tout ça au final. Mais je continue de faire preuve de bonne volonté apparente.

Je ne crois pas. On a tous des ennemis, mais je ne pense à personne en particulier. Et toi ? C'est pas parce que t'as une tête d'ange que tu ne peux pas t'être foutue dans la merde.

De toutes les façons ça nous servirait à quoi de savoir qui nous a foutu là ? Et quelque chose me dit qu'on le saura bien à temps et pire que ça on devrait probablement se réjouir de ne toujours pas le savoir. Je reste le dos calé en la regardant s'acharner avec une pierre contre une vitre qui n'a aucune chance de céder. Autant ne pas se fatiguer ou risquer de se blesser en luttant contre un géant de fer. Je me contente de déclarer.

On a bien dû nous foutre ici d'une façon ou l'autre. Doit y avoir une porte, une trappe. Si on nous avait descendu là avec un système de poulies on pourrait le voir non ? Il faut remonter la piste.

Je ne sais même pas si elle m'écoute quand elle se tourne vers moi.

Si je te détache, tu t'en prends pas à moi ? Laisse tomber

Je hausse les épaules. Je serais bien tenté de faire ma mauvaise tête, mais cela ne nous avancera à rien. Alors, je fais un pas en avant.

Si t'as vraiment rien avoir la-dedans, je n'ai pas de raison de m'en prendre à toi. Et si tu me détaches, je crois que ça pourrait pas mal m'en convaincre. Je pourrais être utile. Si on est vraiment dans la même merde tous les deux crois-moi qu'ils ne m'ont pas attaché pour rien et ça leur fera une belle surprise quand ils débarqueront ici.

Un léger rire sadique quitte ma gorge alors que je tends les poignets dans sa direction. Si je ne suis pas contre elle, je supposes que je suis avec elle du coup.