Réveillée de bonne heure parce que son corps ne comprenait plus ce que grasse matinée voulait dire depuis près de trois ans, soit depuis la venue au monde de Gemma, Joséphine ouvrit difficilement un oeil, avant de s’étirer longuement dans le lit, rendu vacant par l’absence de la Minimoy, encore chez son père jusqu’au soir. Bandit, qui dormait aux pieds du lit en profita aussitôt, sautant sur Joey pour venir lécher son visage, ses mains, enfouir sa truffe humide dans son cou, comme pour s’assurer qu’elle était bien éveillée, et prête à entamer cette journée. Et face à l’entrain du berger allemand, il était difficile de râler, tant il mettait du cœur à l’ouvrage. Chien et humaine s’offrirent donc un instant de caresses, rien que tous les deux, où yeux fermés, ils somnolèrent finalement quelques minutes l’un contre l’autre, gagnés par la chaleur de leurs corps respectifs.

Lorsque le camp commença à s’activer au dehors, la pompier émergea une nouvelle fois, baillant à s’en décrocher la mâchoire, avant de saluer sa colocataire d’un grand sourire amical. Teresa...celle dont elle pourrissait les nuits avec ses gémissements et autres cris dû à ses cauchemars et ses angoisses nocturnes, et qui pourtant lui prêtait toujours une oreille attentive quand Joséphine en avait besoin. L’hispanique ouvrit la fenêtre, humant l’air à l’extérieur, avant de froncer le nez, et de refermer aussitôt. “-Dios mio...pero es que nunca hay sol en esta ciudad ?!” râla-t-elle, sans pouvoir réprimer le frisson qui grimpait le long de son échine, alors qu’elle lâchait un audible “brrrr”. L’hiver ? Très peu pour elle. Joséphine entreprit donc de se faire une toilette de chat, puis enfila plusieurs couches de vêtements avant de traverser la cour, accompagnée de la jolie cubaine, pour rejoindre le réfectoire. Rien ne trouva sa faveur en cette matinée, comme si son estomac était réfractaire à l’idée de manger, et la pompier s’octroya simplement un café, se laissant porter par la rumeur des conversations, caressant distraitement la tête que le berger allemand avait posé sur sa cuisse. Lorsqu’elles eurent terminé, les deux brunes allèrent s’enfermer dans l’atelier de Teresa, s’activant sur leurs projets en cours, Joséphine sous la houlette de la couturière, dont elle respectait scrupuleusement les ordres et conseils, ou en tout cas essayait, tâchant de se montrer aussi minutieuse et méticuleuse que la professionnelle qui était sa Boss entre ces murs.

Vint midi, et un bref repas que Joséphine eut quelques difficultés à avaler par manque d’envie principalement, puis elle prépara deux tasses de thé bien chaud, avant de regarder par la fenêtre, et de souffler longuement. “-Quand il faut y aller…” soupira-t-elle, ouvrant la porte avec son coude et ses fesses, se contractant aussitôt quand l’air froid de Seattle vint croquer ses pommettes. A pas rapides, mais tout en prenant garde de ne pas se renverser de thé bouillant sur les mains, l’hispanique gagna l’infirmerie, où elle serait en poste toute l’après-midi, en compagnie d’Emilie, qu’elle ne tarda pas à trouver dans ce qui leur faisait office de bureau, lui adressant un large sourire. “-Room service ! Vous avez commandé un thé ?” demanda-t-elle avec enthousiasme, posant les tasses chaudes sur le bureau, avant de secouer ses doigts qui avaient eu chaud sous la porcelaine échauffée par le liquide. “-Y’a menthe ou fruits rouges...prends celui que tu préfères, les deux me vont.” dit-elle aussitôt, alors qu’elle ôtait la longue écharpe autour de sa gorge, et ses différentes couches de vêtements, les déposant un peu plus loin. L’hispanique revint finalement auprès de sa collègue, venant coller ses mains sur la tasse qu’Emilie n’avait pas choisie. “-Alors...comment ça se passe ici ? Rien de neuf ? Elrik va comment ?” demanda-t-elle à la suite, avant de venir poser ses lèvres sur le récipient chaud, buvant une longue gorgée.

S’installant sur l’une des chaises, Joséphine ramena sa jambe contre elle, avant de hausser un peu les sourcils, laissant un léger sourire étirer ses lèvres en découvrant qu’Emilie semblait aussi frileuse qu’elle. “-Prends mon écharpe si tu veux, elle doit être au moins aussi grande que toi ! J’en aurai pas besoin, regarde...j’ai mis tellement de couches, que ça devrait aller pour moi…” dit-elle dans un léger rire, alors qu’elle tendait les bras devant elle et essayait de rapprocher sa main gauche de la droite, les différents vêtements qu’elle portait rendant la tâche difficile, mais pas impossible pour autant. Il n’était pas faux de dire qu’aujourd’hui elle ferait un bibendum très crédible au besoin. Mais au cas où une intervention rapide serait nécessaire, elle avait enfilé en dernier lieu un gilet qu’elle pourrait retirer rapidement en cas de besoin.

Et l’hispanique trempa ses lèvres dans le breuvage chaud, laissant le goût de la menthe imprégner sa langue, tandis que la blondinette la tenait au courant de l’état de santé de leurs patients, et des dernières nouvelles de l’infirmerie. La pompier ne put retenir un léger soupir, accompagné d’une petite moue, hochant de la tête quand sa collègue lui parla d’Elrik, qui serait, au vu de ses blessures, un patient régulier pendant encore un long, trop long moment. Joséphine n’était pas croyante, pas spécialement, et elle doutait que ses prières puissent aider le jeune survivant, qui vénérait d’ailleurs des dieux dont elle ignorait tout, viking qu’il était. Le cas d’Elrik était si compliqué...certes, ils avaient réussi à le stabiliser sur le terrain, à le sauver...mais à quel prix ? Il était encore trop tôt pour le dire, et seul l’avenir saurait répondre à cette question épineuse : à quel point devait-on persister pour sauver les gens, en période de fin du monde ? Une question à laquelle la jeune hispanique n’avait absolument aucune réponse.

Une chance pour elle, Emilie la détourna de ce sujet compliqué, alors qu’elle posait un sourire léger sur ses lèvres. “-Je rêve d’une plage de sable fin et d’un gros soleil bien chaud.” dit-elle en premier lieu dans un grand sourire, songeant qu’il n’y avait bien qu’une frileuse comme la blonde semblait l’être pour comprendre l’idée. La pompier sourit encore quelques secondes, avant de retrouver des traits plus neutres, retrouvant son sérieux. “-Fatiguée...je crois que mon corps est fâché avec l’idée de sommeil en ce moment. Et j’ai hâte de retrouver Gemma…” soupira-t-elle, venant accompagner ses mots d’un léger haussement d’épaules. Oh oui, la minimoy lui manquait, quand bien même Joséphine savait que ce n’était pas une fois la gamine rentrée qu’elle pourrait se reposer. Mais elle s’en fichait, sa fille serait là, c’était tout ce qui comptait. La brune étira son bras au-dessus de sa tête, en profitant pour glisser une main dans ses cheveux, râlant un peu au passage sur leur longueur. “-Et toi ? Comment va la plus belle sage-femme du coin ?” demanda-t-elle à son tour, dans un large sourire, en venant boire une nouvelle gorgée de thé.

Les yeux de Joey se fermèrent à peine, alors qu’elle hochait doucement la tête. Oh oui, elle avait sacrément hâte de la retrouver, quand bien même la pompier savait que Gemma allait se montrer intarissable les premières heures, et parler, parler, parler encore pour lui raconter tout ce qu’elle avait fait, tout ce qu’elle avait vu, tout ce qu’elle avait entendu, en omettant aucun détail au passage. Mais Joséphine était prête à écouter, trois fois la même histoire même s’il le fallait, tant qu’elle pouvait serrer le petit corps de sa fille contre elle, et se gaver de l’odeur de ses cheveux, de la douceur de sa petite nuque qu’elle aimait tant chatouiller. Tout naturellement, l’hispanique retourna la question à la jolie blonde, ne manquant pas de remarquer l’air gêné qui crispait tout à coup ses traits fins. Et quand Emilie avoua avoir quelque chose à lui dire, ces quelques mots firent immédiatement froncer les sourcils de Joey.

Aussi, alors que ses doigts se resserraient inconsciemment autour de la tasse de thé, la brune garda son regard sombre rivé sur son acolyte, s’attendant au pire, à une nouvelle qui la mettrait à terre, et la terrasserait. Emilie plongea dans sa tasse de thé, peut-être pour y trouver une quelconque dose de courage, alors que Joséphine trouvait que ce silence, d’à peine quelques secondes pourtant, s’éternisait un peu trop. Et finalement, le couperet tomba, alors que la réaction première de la pompier était de lâcher un simple : “-Oh.” A son tour, la brune se plongea dans le silence, réfléchissant à cette information que venait de lui confier la jeune femme, alors que pourtant, rien ne l’y forçait. Joey resta le regard plongé dans l’eau chaude quelques secondes, avant de poser un léger sourire sur ses lèvres : “-Hé bien...on peut dire que la situation à quand même un petit quelque chose de comique…” souffla-t-elle en adressant un sourire amusé à la blonde, qui n’était autre que l’ex de Connor. Le hasard faisait étrangement les choses parfois.

Quoiqu’il en soit, Joséphine avala une nouvelle gorgée de thé, avant de laisser ses épaules retomber, sans même s’être aperçue qu’elles s’étaient crispées quand sa collègue avait annoncé avoir à lui parler. La pompier prit encore quelques secondes pour s’humecter les lèvres, reposant son regard sur son acolyte. “-Je te remercie de ton honnêteté. Rien ne te forçait à me parler de votre aventure, mais j’apprécie ton geste.” dit-elle en premier lieu, adressant un sourire sincère à la blonde. Joey prit quelques secondes pour mieux s’installer sur sa chaise, avant de reporter son regard sur Emilie. “-Ce qui s’est passé entre moi et Isha, ou entre toi et Connor, c’est...derrière chacun d’entre nous. Et...j’ai beau me répéter l’information, savoir que tu as couché avec Isha, je ne ressens aucune once de colère...ni envers toi, ni envers lui.” commença-t-elle, fronçant doucement les sourcils, parce que ce n’était pas chose aisée que de poser des mots sur les sentiments qu’elle pouvait ressentir à l’heure actuelle.

Joséphine posa la tasse sur son genou, s’accordant quelques instants de plus pour réfléchir, pour sonder son être, à la recherche de ses émotions. Elle n’avait aucunement le droit de se mettre en colère...sous quel prétexte le ferait-elle ?! Isha était un grand garçon, même s’il n’était plus son mari, et qu’il avait choisi de la détester pour elle ne savait quelle raison, il restait l’homme qu’elle avait aimé, profondément, sincèrement, le père de sa fille, et il aurait toujours une place spéciale dans son coeur à elle. Et qu’il n’ai plus que de la haine à son égard n’y changerait rien. Aussi, la brune glissa son pouce sur l’anneau offert par le sportif, laissant un bref sourire glisser sur ses lèvres : “-Isha...je ne sais pas ce qu’il t’a dit de lui ou pas, et ce n’est pas à moi de te parler de son histoire, mais...te fie pas à ses airs de gros durs à l’humour douteux, persuadé qu’il ne mérite pas le bonheur. Il est beaucoup plus que ça, et...tu auras peut-être l’occasion de le découvrir par toi-même.” ajouta-t-elle dans un fin sourire, venant boire une nouvelle gorgée de thé. L’ex-gladiateur avait besoin de douceur dans sa vie, Joséphine le savait, et Emilie semblait être la personne idéale pour cela.

Joséphine ne put retenir un léger sourire en coin, amusée par les propos tenus par la jeune sage-femme, qui lui disait se sentir soulagée par sa réaction. Elle ne l’interrompit pas, écoutant sagement ce que lui confiait sa collègue, alors qu’elle évoquait la relation que l’hispanique entretenait depuis quelques mois avec Connor. Ses pensées filèrent tout droit vers le camping où vivait son homme, alors qu’un sourire tendre prenait place sur ses traits. “-Et tu pensais que j’allais réagir comment ? Éclater ma tasse de thé au sol en criant au scandale ?!” demanda Joey en riant légèrement, sans se départir de ce sourire amusé qui avait trouvé placé sur ses lèvres quelques instants plus tôt. Mais elle ne pouvait pas vraiment en vouloir à Emilie...pour quelles raisons l’aurait-elle pu ?! Ils étaient tous adultes, et par conséquent, tous avaient un passé amoureux ou relationnel dans leur sillage. Il s’agissait simplement de la vie, non ?

Les deux jeunes femmes avaient beau se côtoyer depuis mars, depuis l’arrivée de la pompier au fort, elles ne se connaissaient pas encore forcément très bien, surtout pour tout ce qui touchait à la sphère de l’intime, du personnel, et il semblait légitime que la blondinette redoute la réaction de Joséphine. “-T’en fais pas, je n’ai même pas songé au fait que tu aies pu faire ça pour me faire de la peine…” souffla-t-elle, secouant très légèrement la tête de droite à gauche, en adressant l’esquisse d’un sourire à la survivante. “-Dans une lettre, j’ai écrit à Isha que je souhaitais pour lui d’être heureux, et je le pensais vraiment. Je le pense toujours d’ailleurs. Notre histoire a connu une fin imprévisible, mais j’ai vécu quatre belles années à ses côtés, et j’ai découvert beaucoup sur moi, grâce à lui. J’espère vraiment qu’il pourra retrouver ce qu’on a eu ensemble avec une autre femme...enfin...la fin triste en moins…” ajouta-t-elle sans pouvoir retenir une petite grimace, venant boire une gorgée de thé. “-Et...du peu que je te connais, je pense que tu es une bonne personne, et tu as l’air d’avoir la tête sur les épaules Emilie, alors...qui sait.” acheva-t-elle, en adressant un petit sourire en coin à la jolie blonde, voilant à peine le sous-entendu contenu dans ses mots.

D’un geste lent, Joséphine vint frotter ses yeux, avant de basculer l’ensemble de sa longue chevelure sur le côté de sa nuque, se recroquevillant un peu sur elle-même, comme pour garder davantage de chaleur en elle. Son regard sombre se releva vers Emi quand elle reprit la parole pour l’interroger sur sa relation avec le sportif, alors que Joey ourlait ses lèvres d’un léger sourire. Joey prit le temps de prendre une longue inspiration, alors que le sourire s’étirait encore un peu plus sur ses traits, gagnant ses yeux. “-Ca va vraiment bien avec Connor...c’est…” Elle s’arrêta quelques instants, yeux plissés, comme à la recherche des mots exacts à poser sur ses ressentis, sur ce qu’elle vivait avec lui. “-Tout c’est fait avec un naturel qui me surprend encore, même avec le recul. Il me fait vraiment du bien, et...j’ose espérer que c’est réciproque.” ajouta-t-elle, venant inconsciemment glisser son pouce sur la bague qu’il lui avait offerte à Noël. “-La distance rend les choses...disons, un peu compliquées...j’aimerai pouvoir être à ses côtés plus souvent, profiter de sa présence, de ses sourires...mais ça rend aussi chaque instant où on se voit plus intense, plus...vivant. Comme si on voulait profiter à fond, et ne louper aucune minute ensemble.” dit-elle, fixant la petite perle au sommet de l’anneau, alors qu’un sourire flottait sur ses lèvres. “-Je m’égare, mais...pour répondre à ta question, oui, tout va bien entre nous.” conclut-elle dans un petit rire amusé, avalant une nouvelle gorgée de sa boisson plus si chaude. “-Je peux te demander pourquoi ça n’a pas fonctionné entre vous ?”