Salut Za- j'ai pas le temps de finir ma phrase qu'elle enchaine directement.

Je fronce les sourcils. Moi qui pensais aller prendre une douche rapidement pour essayer de me décrasser, je crois que ça va devoir attendre. D'autant que mes yeux se posent immédiatement sur ce qu'elle me montre et que j'affiche forcément une moue un brin dégoûté sur le coup. Je suis pas hyper fan de l'idée de toucher ce truc et bizarrement le voir dans les mains de l'albinos, ça m'empêche de vraiment l'écouter quand elle me cause.

D'autant que quand elle me le refourgue, le contact froid de sa peau me fait tout drôle. J'ai un frisson d'horreur qui me remonte dans l'échine, le genre qu'on peut pas contrôler. J'souffle un grand coup pour pas perdre le contrôle de moi-même et c'est dans ce genre de situation que j'me demande pourquoi Joachim est pas là : il se serait coltiné ce moment, pas moi ! De toute façon, Zahra a rattrapé sa grenouille en fuite et m'demande mon aide, j'esquisse un sourire un brin forcé mais qui fera illusion :

Oh, ok, je peux t'aider, que j'affirme alors. Et dire que dans quelques années, Annabella sera exactement comme elle, sans doute aussi bavarde. Vingt-milles oeufs ? T'imagine si on faisait pareil ? Que je peux pas m'empêcher de blaguer.

Je me l'imagine pour de vrai, dans ma tête d'ailleurs, et ça me fait encore plus rigoler sur le coup ! Enfin, c'est pas bien important, je suis la petite où elle veut, en essayant de lui rendre son crapaud que j'ai pas envie de tenir comme ça. Je lui fais un signe de la tête, pour lui signifier qu'il faudrait récupérer une boite, en bois ou en carton, pour les transporter en attendant.

Fais attention à pas te mettre les mains à la bouche après, ils sont quand même plein de bactérie et tout, tu pourrais tomber malade, que je lui signale par ailleurs alors qu'on déniche un couvercle en plastique et son conteneur qu'on referme pas. Je glisse Bill dedans - c'est rigolo parce que c'est le nom du tenancier de la cage ! - et porte l'animal : Il parait qu'en Amérique du Sud, y'en a même qui ont du poison, et les tribus là-bas frottent leurs armes dessus pour contaminer leurs adversaires quand ils se battent, ou alors pour chasser. Bon, ici, elles sont plutôt ordinaires, et peut-être décevante alors.

Je sais pas pourquoi je lui raconte ça. Je sais qu'il faut pas grand chose pour qu'elle se transforme en moulin à parole. Peut-être que ça va la relancer pour les trois prochaines heures :

Et il parait qu'en France, les gens mangent les grenouilles ! C'est Olivia qui me l'a dit, que j'ajoute dans la foulée avec un grand sourire.

Bah avec des gants ou alors, ils les attrapent d'une certaine manière parce qu'elles sont pas toxiques de partout, c'est que sur leur dos par exemple, là où elles sont le plus vulnérables aux attaques. Par exemple les oiseaux ils vont forcément les attraper du dessus s'ils attaquent, bah là ils oseront pas parce qu'ils sauront qu'elles sont toxiques ! Je dis ça comme si c'était évident alors qu'en vérité ça l'est pas vraiment. Je souffle un coup, elle me pose quand même pas mal de question, Zahra, tellement que j'ai du mal à suivre. Elles doivent être immunisés à leurs propres poisons !

En vrai, j'improvise parce que je sais pas, j'ai arrêté d'apprendre tout ça y'a un moment, tout ce que je sais, ça fait plus de cinq ans que je l'ai appris et c'était pas grand chose d'incroyable. A la prison, on avait tellement de trucs à faire que ma culture perso, c'était pas du tout ma priorité. Et maintenant même au campement, je crois que je préfère largement apprendre du concret. Andrea dit que c'est par vague, qu'un jour j'aurais sans doute envie de faire autrement. On verra bien à ce moment-là :

T'as déjà goûté ? Ça se trouve c'est super bon et on sait pas ! Que je lui souffle avec un sourire encourageant, pour pas qu'elle pense que je me moque. Et c'est important l'ouverture d'esprit. Faudrait qu'on demande à Olivia de nous en préparer pour savoir... même si je suis pas hyper motivé par cette idée en vrai, je fais juste le grand : Y'en a qui mange bien des insectes ou des escargots ! En Amérique du Sud, pareil que pour les grenouilles !

Enfin, elle, elle est déjà passée à autre chose et j'ai encore du mal à la suivre. Esquissant un sourire, on se rend en cuisine alors qu'elle fomente son plan diabolique pour chopper des grenouilles. Alors qu'en vérité, on devrait les relacher dans un des étangs et les laisser en liberté. Mais ça l'occupera et au pire, on verra plus tard pour que je lui explique comment tout ça fonctionne. Si elle fait des bêtises avec moi, elle en fait pas toute seule dans son coin, au risque de se mettre en danger.

Je sais pas faire de claquettes mais c'est pas grave, je hausse les épaules : Je vais danser tout simplement, et pendant qu'elle s'esquive, je fais genre je commence à danger.

Il me faut un petit moment avant d'arrêter, et je scrute par la fenêtre pour voir ce qu'elle fait. On échange un regard, je lui montre mon pouce en l'air pour lui dire que tout va bien. Au bout de quelques longues minutes, je sais pas trop ce qu'elle fiche, sans doute qu'elle mange des gateaux en douce !

Bon tu as fini ? Que je peux pas m'empêcher de lui demander en tapant contre la porte.

Oui, ça m'a l'air vraiment très bien ! Que je souffle à Zahra avec un grand sourire.

Elle a pris son temps mais elle s'est donnée du mal. Par contre très clairement, ça donne pas du tout envie de goûter, ça a l'air franchement pas incroyable. Mais vu que ceux sont des mouches qui vont venir manger ça, je m'inquiète pas trop de si c'est du cinq étoiles pour elles ou non. J'veux dire qu'une mouche, ça mange quand même n'importe quoi, ceux sont les éboueurs des animaux ! Donc qu'importe, mieux vaut ça que nos aliments à nous...

Oh bah j'en sais rien ! Mais après elles peuvent se débrouiller toutes seules, non ? Zahra a beaucoup d'ambition pour ces petites créatures, et peut-être un peu trop à mon goût. Moi, j'essaie de m'éviter une corvée parce que si Zahra a très envie de rester éveiller tard pour être avec ses nouvelles copines, j'ai quand même d'autres trucs à faire pour aller m'amuser à tout ça. Parce que bon, on va pas faire des nuits blanches pour aller les nourrir hein, les animaux dans la nature ils arrivent à le faire par eux-même, que je lui signale.

Je soupire, j'ai pas forcément envie de lui couper l'envie de faire des trucs mais il faut qu'elle apprenne qu'on a pas besoin d'intervenir tout le temps avec elles pour ça. C'est ça qui est fort avec la nature, il faut laisser faire les choses pour que ça continue d'elles mêmes !

De toute façon si on arrive à leur préparer un étang, forcément les insectes viendront y vivre aussi donc on aura rien à faire, c'est la vie qui fera ça toute seule ! Que je lui signale.

Pour éviter que la discussion s'éternise et qu'elle soit déçue, je me penche devant elle pour qu'elle puisse s'accrocher à mon cou :

Viens, grimpe ! Quand elle le fait, je récupère ses jambes et la hisse un peu plus haut. On ira plus vite : Et fais pas tomber la boite, je veux pas avoir ça dans mes cheveux ! Elle sait comme moi que ça peut être super galère à enlever ensuite !

En tout cas, c'est moi qui la porte et qui avance en conséquence en m'éloignant du campement principal et des caravanes. On doit se demander ce qu'on fiche mais peu importe, on atteint de toute façon rapidement l'ancien aquarium, là où ils sont en train de changer l'eau pour y mettre nos élevages de poissons !

On se met ici ? Que je lui demande, dans un étang un peu plus éloigné et plus petit. Elles y auront de l'espace quand même, ça devrait suffire !