Voilà maintenant plusieurs jours que Kerwan avait appris la nouvelle de grossesse de Luisa. Il en était extrêmement heureux. Même s'il était plutôt par rapport au fait qu'il élèverait bien cet enfant -et car Luisa avait déjà une expérience de maman dans le passé-, il se posait plusieurs questions depuis. Ses nuits étaient un peu plus agitées, ses journées plus longues car il commençait à se tracasser un peu ; en plus d'être plus étourdi. Mais il ne pouvait pas en parler à Luisa. Pourquoi ? Car ses questions ne pouvaient être répondues que par un homme, un homme qui avait déjà de l'expérience. Vu qu'il n'avait pas encore créé beaucoup d'affinités au sein de New Eden, il ne voyait qu'une seule personne avec qui il pouvait aller poser ses questions et auxquelles il obtiendrait les meilleures réponses : Kendale.

C'était donc décidé. Il irait lui parler. D'ailleurs, cela faisait un petit moment qu'il ne l'avait pas vu. Comme il avait repris son boulot de pompier au sein du grand camp, ils n'avaient plus l'occasion de se croiser. C'était bien dommage. Là encore, à cause de son travail, il ne savait pas lorsqu'il était chez lui. De ce fait, il tenta, plusieurs fin de journées d'affilées, d'aller frapper chez les Barnett. Sans succès les premiers soirs. Mais cette fois-là, après avoir quitté son travail, il alla toquer chez eux et… bingo, il était là. Lorsque son ami lui ouvrit la porte, Kerwan lui afficha un grand sourire.

- Salut ! Comment ça va ? Ca fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. Il marqua une petite pause, un peu hésitant dans sa démarche, mais finit par reprendre. Ecoute. Tu as du entendre la nouvelle : Luisa est enceinte. Et du coup, j'ai pas mal d'interrogations qui me trottent dans la tête ces derniers jours. Et je sais que tu pourras m'y répondre. Est-ce que… Je peux rentrer et en parler avec toi ici ? Luisa doit déjà être rentrée, et je ne veux pas qu'elle entende tout ça.

Kendale ne sembla pas trop hésiter, et il le fit rentrer chez lui. Le grand brun en profita donc pour regarder la décoration chez lui : elle ressemblait beaucoup à la maison dans laquelle il vivait avec Luisa. Enfin, il se posa dans l'un de leurs fauteuils, et Kerwan, au lieu de s'installer confortablement à l'intérieur, se pencha un peu en avant. Il joint ses deux mains en croisant ses doigts, et regarda son ami.

- Je vais faire en sorte d'aller au plus court.

Les journées passent à une vitesse folle. J’ai du mal à savoir depuis combien de temps nous sommes là, surtout depuis que j’ai repris mon poste à la caserne de notre district. Retrouver l’uniforme de pompier a été assez troublant pour moi, jamais je n’aurais imaginé le porter à nouveau. Mais c’est un vrai soulagement, je dois dire. Comme si nous étions revenus à notre vie d’avant… Malgré tout, de nombreux doutes persistent dans mon esprit et je reste encore réservé quant à mon avis sur cette communauté. Il y a quelque chose qui me déplaît, j’ai encore du mal à mettre le doigt dessus mais je ressens une sensation plutôt désagréable… Comme si je n’étais pas vraiment à ma place ici.

Ce sentiment s’évapore néanmoins rapidement lorsque je passe la porte de notre nouvelle maison. Cela m’a paru tellement irréel la première fois que j’y ai mis les pieds. Quatre murs rien que pour nous… Une maison confortable et propre, avec suffisamment de chambre pour tous les quatre. Plus besoin de se préoccuper des charognes, ni de ce que l’on va manger le lendemain. La vie est agréable ici et pouvoir me retrouver ma famille, saine et sauve chaque soir, est vraiment un soulagement pour moi.

Assis sur le canapé du salon, je regarde Sean qui joue tranquillement aux petites voitures sur le tapis du salon. Dans mes bras, Grace dort profondément. J’apprécie ces moments passés avec eux, pendant qu’Emerson peut prendre un peu de temps pour elle, souffler un peu. Quand on frappe à la porte, j’attrape mon fils avec mon bras disponible avant d’aller ouvrir. « Oh Kerwan ! Salut ! » Je l’accueille avec un grand sourire, rapidement imité par Sean qui reconnaît l’agent immobilier. « Wan ! Wan ! » S’écrit-il avant de rire doucement. « J’crois que Sean est content d’te voir. » Dis-je en riant à mon tour. « Qu’est-ce qui t’amène ? » Le brun ne tarde pas à m’expliquer et tout en l’invitant à entrer, je lui réponds « Ouais, Emerson m’a appris la nouvelle. C’est super ! »

De retour dans le salon, je repose Sean par terre. Mon fils retourne jouer avec ses voitures. Je fais signe à mon ami de s’installer, reprenant ma place sur le canapé. « Alors ? Qu’est ce que tu veux savoir ? »

A la vue de son ami, Kerwan fait un immense sourire avant de le saluer. Et, en voyant le petit Sean tout aussi content que son père de le voir, il vint à s'accroupir afin de faire face au petit garçon. Il vint à passer sa main dans les cheveux du petit bonhomme avant de les secouer légèrement.

- Coucou toi ! Comment vas-tu ?

Il attendit une réponse de Sean avant de se redresser et se reconcentrer sur Kendale. Il lui raconta brièvement la raison de sa venue, et le grand brun ne put que sourire et d'hocher la tête lorsque son ami se réjouit pour lui. En effet, le grand brun était très content. Depuis des années, il rêvait que ce moment arrive enfin, qu'il ait aussi la chance de devenir parent. Il avait envié Kendale pendant un moment, car lui avait eu cette chance que de devenir père. Malgré tous les hauts et les bas qu'avoir un enfant devaient procurer, il voulait fonder sa propre famille et inculquer un maximum de choses à son ou ses enfants. Néanmoins, voilà que maintenant cela lui arrivait enfin, et, malgré cette immense joie que de voir l'un de ses souhaits exaucés, il commençait à se questionner et à paniquer un peu.

Kerwan s'installa dans l'un des canapés, avant de joindre ses mains ensemble et de croiser ses doigts. Sa jambe gauche se mit à légèrement trembler.

- J'ai tellement de questions qui me viennent à la minute, c'est vraiment horrible. Du coup, euh... Je voulais d'abord savoir... Ce que ça fait, de devenir père ? Je veux dire, ce que t'as ressenti, comment tu t'es comportement avec Kaycee, et puis aussi... est-ce que tu as douté de toi ? Parce que bon, même si je suis super heureux, je doute quand même vachement. Luisa, elle, a déjà été mère, donc elle sait, sauf que moi, je n'y connais vraiment rien. Rien que l'idée de porter un bébé ça me terrifie, parce que j'aurais tellement peur de mal le porter et lui faire mal.

Puis, ses yeux virèrent sur le petit Sean qui jouait au sol. Il avait déjà pas mal grandi et grandissait de jour en jour. Quant à la petite Grace, il avait l'impression qu'elle dormait si bien, confortablement, dans les bras de son père. Son ami avait une posture tellement assurée et rassurée, que le grand brun se demandait s'il réussirait à ressentir une telle assurance avec son enfant.

« Oh bah moi ça va ! Je ne m’ennuie pas avec Sean et Grace, comme tu vois ! » Je souris à Kerwan alors que Sean me regarde un instant avant de se remettre à jouer. Dans mes bras, ma fille ne bronche pas, profondément endormie. Une fois assis, Kerwan commence à parler, quelques mots qui se transforment rapidement en un long monologue. Il a l’air complètement stressé par tout ça et je ne peux pas m’empêcher d’intervenir. « Wow, wow, wow ! Calme-toi mon vieux ! » Je me retiens de rire en le voyant aussi paniqué. Mais après tout, c’est normal. J’étais pareil à l’annonce de la première grossesse d’Emy et évidemment j’ai vraiment flippé. Surtout parce que nous étions encore très jeunes tous les deux et que je ne me sentais pas forcément prêt. Pourtant, je m’empresse de lui répondre. « C’est normal de s’poser des questions, de te dire que tu ne sauras pas toujours comment bien faire les choses. Mais c’normal, devenir père ça s’apprend. Et j’étais pareil que toi avant la naissance de Kaycee. Pourtant, quand je l’ai tenue dans mes bras la première fois, j’sais pas… C’était instinctif, les gestes sont venus tout seul. Et j’étais vraiment heureux. » Je jette un œil à Grace, venant caresser doucement sa minuscule main avec mon pouce. Avoir des enfants, ce n’est pas de tout repos… C’est parfois compliqué à gérer, surtout dans un monde comme celui-là. Néanmoins, quand je les vois, je ne regrette rien.

Mon regard dérive à nouveau sur Kerwan et je reprends, poursuivant mes explications. « Tu feras forcément des erreurs au début, tu ne sauras pas toujours comment réagir mais ça viendra. Crois-moi. » Je ne vais pas lui cacher le fait que cela ne sera pas simples tous les jours. Des fois, il aura certainement envie de baisser les bras. Il doutera certainement aussi. Mais cela ne fera pas de lui un mauvais père, au contraire. « Et puis Luisa saura te guider… Et on est là avec Emerson aussi ! Tu feras un bon père, j’en suis certain ! » Je lui dois bien ça !

D’ailleurs, il est temps pour lui de prendre son premier cours. Je me redresse sans prévenir avant de m’avancer jusqu’à lui. Puis sans lui demander son avis, je lui mets Grace dans les bras. « Tiens, prends Grace. » Je lui montre comment bien placer ses bras puis je retourne m’installer dans le canapé. Sean en profite pour me rejoindre, demandant à venir sur mes genoux. Je le porte doucement avant de le prendre dans mes bras. Puis doucement je l’embrasse sur le front tout en désignant mon ami « Alors Sean ? Tu crois que Tonton Kerwan s’occupe bien de Grace. » Le petit garçon tourne la tête vers le brun, avant de lui accorder un grand sourire. « Je crois que ça veut dire oui. » Que je souffle finalement, lançant une mine rieuse à notre invité.

Au moins, le pompier avait l'air d'aller bien. Et, avec ses enfants -dont le petit dernier-, c'était clair qu'il n'avait pas le temps de s'ennuyer ! D'ailleurs, il se demanda si, désormais, la tranquillité ne lui manquait pas. Maintenant qu'ils n'avaient plus un, mais deux enfants à s'occuper, le temps de repos ou de tranquillité devait être probablement amoindri.

Rapidement, Kerwan commença à expliquer sa nouvelle situation qui le mettait dans tous ses états ; dont le stress, l'appréhension, la peur, mais aussi l'excitation. Il voulait partager ses inquiétudes à son ami, qui, il en était presque sûr, avait déjà partagé tous ces sentiments. Il n'allait que mieux le comprendre et pouvoir l'aider et le guider. Une fois son long monologue dans lequel il exprimait ses angoisses, Kendale pris la parole. Il confirma bien ce que pensait le grand brun, et cela le "rassura" presque. Même si le "métier" de papa allait venir de façon instinctive, il n'empêchait pas qu'il était très stressé et avait peur de ne pas réussir son nouveau rôle.

- Ah... Mais je veux faire le moins d'erreurs possible. Même si maintenant on est plus "en sécurité", je t'avoue qu'on a pas trop le droit à l'erreur. Je sais que Luisa saura me guider, et heureusement qu'elle est déjà expérimentée. Mais avec la perte de son fils, j'ai peur que ce soit quand même difficile au début, et que ça lui rappelle des souvenirs. J'espère que ça ne sera pas trop dur à supporter. Et oui, je sais que vous serez là pour nous, et je vous en remercie à tous les deux.

" Quoiiii ???!" A peine eut-il fini de parler, que Kendale se leva et se dirigea vers lui, avant de lui positionner les bras et y déposer sa fille. Le grand brun se crispa soudainement et ses yeux s'écarquillèrent. La petite Grace dormait toujours, mais cette fois dans les bras de Kerwan qui n'osait plus bouger. Il regarda le nourrisson dormir dans ses bras. Ses bras étaient très crispés et, à force de regarder la petite, il commença à se détendre doucement. Il allait essayer de mémoriser ces mouvements.

- J'ai entendu dire qu'il fallait bien tenir la tête du bébé, c'est ça ?

Il jeta à nouveau un coup d'oeil sur la petite Grace. Elle était si douce, apaisante et si jolie.

Kerwan a l’air de s’en faire beaucoup. En même temps… C’est normal. Mais quand il se remet à parler, m’avouant ses doutes, je me permets de lui rétorquer. « Faut que t’arrêtes de t’poser trop de questions. » Ma voix n’est en rien désagréable, je lui offre même un sourire avant de reprendre. « Si t’as vraiment peur que ça rappelle de mauvais souvenirs à Luisa, faut que vous en parliez, dès maintenant. Quoi qu’il en soit, faudra que tu sois présent pour elle, que tu la soutiennes. Mais même si c’est douloureux, au début, je suis sûr qu’elle sera vraiment heureuse quand votre enfant sera là. » J’en suis certain. La compagne de Kerwan a beaucoup souffert, la perte de ses enfants a été très douloureuse et c’est normal que l’agent immobilier soit inquiet. Néanmoins, je reste persuadé que se construire une nouvelle vie, construire une famille l’aidera à faire le deuil de tout ça.

« J’te laisse pas le choix. Faut que tu t’entraînes, papa ! » Que je m’exclame alors que le brun me regarde avec de grands yeux lorsque je dépose doucement Grace dans ses bras. Sa réaction me fait rire un peu mais je lui montre comment tenir correctement ma fille « Durant les premiers mois, oui, il faut toujours bien maintenir la tête du bébé jusqu’à ce qu’il soit capable de le faire tout seul. Mais t’en fais pas, ça vient vite. » Je retourne m’installer dans le canapé en face de Kerwan. Au même moment, Sean délaisse ses voitures pour venir jusqu’à moi. Il me tend les bras et je l’attrape pour le poser sur mes genoux. Visiblement, il profite que sa sœur n’occupe plus mon attention pour profiter d’un câlin avec moi. Je l’embrasse doucement sur le front avant de souffler en direction de mon ami. « Tu vois ! Tu gères super bien ! » Il ne lui reste plus qu’à se décrisper un peu mais ça viendra. C’est normal au début, de ne pas trop savoir comment agir. J’imagine qu’il a peur de lui faire mal, de mal faire… Mais nous passons tous par là… Ainsi, je continue, cherchant à le rassurer encore une fois. « Dis-toi qu’ici vous aurez vraiment le temps de vous occuper de votre bébé, en sécurité. Ça sera vraiment différent que nous, quand Sean est arrivé. » Élever un enfant à l’extérieur est complètement différent que ce que Kerwan et Luisa vivront ici. C’est sûrement une chance de pouvoir vivre un tel événement sans menaces constantes, sans dangers autour de soi…

- Ouais, je sais. C'est plus fort que moi. Mais comme c'est la première fois que cette situation m'arrive, je panique. J'essaye de faire le "fier" devant Luisa, mais au fond, je suis mort de peur. Mais tu as raison, je lui parlerai de tout ça. Qu'on mette tout au clair et qu'on fasse de notre mieux une fois que le bébé sera là.

C'était bien la première fois qu'il dévoilait réellement ses sentiments à quelqu'un, depuis qu'il avait appris pour la grossesse de Luisa. Il n'osait pas trop les lui dévoiler, probablement par pur égo masculin, alors qu'il savait pertinemment qu'elle ne le prendrait pas mal. Mais c'était plus fort que lui. Néanmoins, Kendale avait raison, il devrait lui parler. D'abord pour mettre les choses au clair avec Luisa, mais aussi pour parler de ses craintes. Après ça, ils s'épauleraient probablement mieux.
Rapidement, l'ancien agent immobilier se retrouva avec un bébé dans les bras. Au début très crispé, il écouta les conseils de son ami et fini par se détendre, un peu. Il regardait souvent la petite qu'il avait dans les bras, afin de bien vérifier que sa posture ne bougeait pas. Et, lorsqu'il pris suffisamment de confiance, il releva la tête vers Kendale, qui avait désormais son fils sur ses genoux.

- Merci..., dit-il presque timidement.

Il n'avait pas l'habitude des compliments, mis à part venant de Luisa. Même ses propres parents lui en faisaient très peu. Alors il restait légèrement gêné. Puis, il se reconcentra sur les paroles du pompier, avant d'hocher la tête.

- Oui, bien sûr. Je pense qu'on sera bien épaulé, en plus de cette sécurité que d'être ici, entre ces murs. Après, on était là pour vous aider au maximum, même si, évidemment, on n'aurait jamais pu vous remplacer. Mais on a fait de notre mieux pour que vous puissiez élever Sean dans de bonnes conditions.

C'était indéniable : le fait d'être ici, à New Eden, n'apportait pas que des mauvaises choses. L'un des rares avantages, c'est que son couple -ainsi que les Barnett- étaient en sécurité. Et élever un premier enfant dans une telle situation restait quand même l'idéal, au vu des conditions de dangerosité dehors.

- D'ailleurs, je me demandais aussi. Comment t'as fait pour comprendre ce que te disais tes enfants, quand ils ne parlaient pas encore ? Parce que bon, à l'âge de Grace, ça ne fait que pleurer !

La petite bougea un peu dans ses bras, et il se crispa de nouveau en agrandissant ses yeux. Bon, ça n'était clairement pas gagné d'avance.