Tu es la nièce d'Armand ? Fit-elle en se redressant soudainement, consciente alors qu'il y avait quelque chose.

Sa mémoire fut envahie de souvenir. Elle était encore, à ce moment-là, enceinte de Sean, jusqu'aux yeux déjà. Elle se souvint sans peine de la horde, du bruit de l'hélicoptère, qu'elle avait entendu par deux fois lorsqu'ils vivaient encore sur Mercer Island. De l'arrivée massive des The Haven avec le corps du pilote, et du temps qu'elle avait investi pour tenter de le sauver. En un rien de temps, Emerson pâlit, elle revit également la peine de Lisandro de ne pas réussir à sauver cet homme, et le fait qu'elle avait coupé court aux soins parce que c'était... Impossible dans son état.

Je... Elle balbutiait, éprise d'une certaine culpabilité sur l'instant. Si Eliza était aujourd'hui orpheline, n'était-ce pas un peu de sa faute ? Elle eut l'impression que son cœur se serra sur le coup, comme une pression folle. Et pour Armand : Il a été notre premier contact avec New Eden, dehors... Expliqua-t-elle avec hésitation. J'ai connu ton père, quelques heures, ajouta-t-elle alors en détournant le regard. Par réflexe, elle serra un peu plus Sean contre elle qui vint se blottir : Nous avons tenté de le sauver, avec ma fille et mon époux...

Dans sa voix transparaissait d'autres excuses, silencieuses encore. De ne pas avoir réussi à le sauver, même si pour le coup, Emerson n'aurait rien pu faire. Elle était équipée pourtant, Hannah l'avait aidé, Lisandro avait tenté aussi de le maintenir en vie. Mais il délirait, son cœur lâchait toutes les heures, l'acharnement n'aurait rien amené de bon. La décision s'imposait et il lui était revenu, à elle, de la prendre.

Heureusement que la jeune femme posait des questions, sur autre chose. Voilà qui lui permit de mettre derrière elle la culpabilité quelques secondes alors qu'elle relevait les yeux vers Eliza :

De Seattle, nous avons vécu et grandi ici... Et toi alors ? Fit-elle. Ce n'était pas notable chez Eliza, mais Armand avait un accent, très léger. Qui n'était pas de la région.

"Tu es la nièce d'Armand ?" Eliza acquiesça d'un signe de tête en soufflant un "exact" simple et concis.

"Je... Il a été notre premier contact avec New Eden, dehors... J'ai connu ton père, quelques heures.Nous avons tenté de le sauver, avec ma fille et mon époux..." Pourquoi était-elle venue ici ? Pourquoi avait-elle toujours envie de rencontrer les nouveaux arrivants pour en apprendre plus sur l'extérieur ? A chaque fois, elle se prenait un coup en plein estomac. Boum. Un coup fort et puissant. Néamoins, Eliza portait son masque de nonchalance. La blonde semblait bien plus touchée que l'adolescente qui esquissa un sourire qui se voulait rassurant, réconfortant. Le deuil du Père, elle l'avait fait et vite. Armand lui avait montré ce qu'un père devrait faire. Armand lui avait montré combien il pouvait la protéger, la protéger des Autres alors que son père l'aurait simplement jeté dans la gueule du coup avec une petite tape sur l'épaule en guise d'encouragement. "Oh ... Je suis désolée que vous ayez dû vivre ça ... toi et ta famille.", souffla-t-elle simplement avec une certaine distance. "Tu n'as pas à me raconter tout ça, ni à faire remonter ces souvenirs ... J'ai fait le deuil de mon père et me porte très bien." Propos presque dérangeants mais c'était sa technique pour ne pas remuer de vieilles douleurs, rouvrir de vieilles cicatrices.

Et, elle changea rapidement de sujet. Besoin de banalités. Besoin de commencer son investigation. "De Seattle, nous avons vécu et grandi ici... et toi alors ?" "Je suis originaire du Wisconsin à la base ... mais je dois avouer que j'ai oublié à quoi tout cela ressemble." Léger sourire triste sur les lèvres. "C'est comme si je venais d'ici, de new Eden ... depuis toujours.", et elle accompagna ses propos d'un léger rire amusé, presque un peu fou.

Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que quelque chose clochait, qu'elle n'était pas entièrement heureuse, qu'elle marchait sur des oeufs.

Il y avait une étrange ambiance, comme si ce qu'elle voyait sous ces yeux n'avaient pas de sens. Fixant la jeune femme, Emerson fronça les sourcils. Elle imaginait sans peine qu'elle avait pu faire son deuil de son père, mais... C'était autre chose, sans qu'elle puisse mettre le doigt dessus. Sans s'en formaliser pour autant, la blonde tâcha de rester impassible - difficile pour elle connaissant son visage expressif et sa sensibilité ordinaire. Que pouvait-elle dire alors ? Elle scruta Eliza, qui disait venir du Wisconsin - sans doute de là que venait son accent, très léger pourtant - mais ne plus se souvenir de l'avant New Eden.

Si ça faisait plusieurs années, effectivement, Eliza pouvait avoir effacer ces souvenirs. Mais son rire avait quelque chose de troublant, d'une certaine manière. Emerson conserva cependant son sourire et alors que Sean terminant son biberon avec une certaine satisfaction, elle hocha la tête :

J'aurais probablement besoin d'aide pour m'intégrer ici, commença-t-elle innocemment.

Alors que ses pupilles claires fixaient Eliza, elle laissait entendre qu'il n'y avait probablement qu'elle pour l'y aider. Et puis, d'une certaine manière, ça lui permettrait peut-être de comprendre où était le problème dans tout ça. Parce qu'il y en avait un, non ? Evidemment, Emerson ne pouvait imaginer les enjeux, elle imaginait sans doute davantage un drame personnel plutôt qu'une horreur de cet enjeu.

Et pour commencer à connaitre cet endroit, ajouta-t-elle avec un sourire : Tu crois que tu pourrais m'y aider ?

Approchant le sujet avec délicatesse, Emerson donnait l'impression d'être encore naïve et innocente. Elle essayait de prendre des gants, comme lorsqu'elle était face à des situations familiales laborieuses, ou des enfants, et qu'elle devait comprendre ce qu'il se passait chez eux. Heureusement, elle savait redoubler de diplomatie et de gentillesse pour faire baisser les barrières :

J'ai cru comprendre que c'était comme un métier désormais alors je pourrais te payer évidemment, ajouta-t-elle, prenant Eliza non pas pour une enfant, mais pour une véritable adulte : De la manière que tu voudras, tu pourras me fixer ton salaire, certifia la blonde.

„J'aurais probablement besoin d'aide pour m'intégrer ici.“ Sans aucun doute. Ils ou plutôt elles avaient toutes besoin d'aide pour s'intégrer ici. Les lieux n'étaient pas vraiment favorables pour les personnes de leur genre. Qu'elle le veuille ou non, qu'elle l'accepte ou non, Eliza ne se sentait plus en sécurité. Plus depuis qu'elle avait l'âge qu'elle avait. Le new eden qu'elle découvrait en tant que jeune femme n'avait plus rien de rassurant. Plus rien. „Et pour commencer à connaître cet endroit. Tu crois que tu pourrais m'y aider? Eliza porta une main dans sa crinière parfaitement disciplinée avant d'esquisser un sourire un peu plus rassuré. Évidemment qu'elle pourrait l'y aider … quoique le pouvait-elle vraiment ? A vrai dire, elle ne répondait pas vraiment aux codex à suivre dans un endroit comme celui-ci. „Volontiers !“ répliqua-t-elle avec un enthousiasme surprenant. Surprenant car quelques minutes plus tôt un voile étrange s'était posé sur son visage. Et désormais, elle avait l'air de resplendir. Pour elle, c'était une porte qui s'ouvrait. Un petit bout de liberté. Un moment à elle. Un moment rien qu'à elle, dans un endroit sûr … car elle ne savait pas faire autrement que de faire confiance à cette parfaite inconnue. La candeur d'une jeune femme sortant de l'adolescence.

„J'ai cru comprendre que c'était comme un métier désormais alors je pourrais te payer évidemment. De la manière que tu voudras, tu pourras me fixer ton salaire.“ Son sourire s'étira encore davantage. „Je suis certaine que ça ne posera aucun problème.“ dit-elle en hochant d'un signe de tête enthousiaste. „Il faudra simplement que je demande l'autorisation mais ce serait naturellement avec plaisir.“ Elle posa son regard sur ses chaussures une demi seconde avant de reposer son attention sur Emerson. „Je vais essayer de faire en sorte que tout se passe pour le mieux.“ Voilà que sa poitrine se gonflait. Fière, elle avait le sentiment d'avoir des responsabilités. Elle allait prendre soin de cette petite famille. Voilà. C'était dit. Les rôles s'inversaient. La petite jeune devait prendre soin de la femme expérimentée … un monde fou.

Eliza semblait emballé par l'idée heureusement, et Emerson eut l'occasion de conserver son sourire pour l'occasion. Elle était contente aussi, voilà qui lui donnait l'occasion et l'opportunité d'en apprendre davantage sur ce nouveau monde qui s'étendait sous ses pieds. Bientôt, elle ferait partie entièrement de cette communauté - sans se douter de ce qu'il s'y passait vraiment - aussi avait-elle besoin d'en connaitre l'intégralité et de se faire une opinion claire et tranchée. Et surtout, de la partager avec Kendale en temps voulu :

A qui dois-tu demander l'autorisation ? Ton oncle ? Demanda-t-elle avec curiosité, affichant une moue étonnée.

Eliza n'était-elle pas majeure ? Ou alors, Emerson ne comprenait pas encore tous les enjeux qui se posaient ici, "naturellement", pour les femmes. Elle avait encore beaucoup de mal à envisager le sérieux de la démarche, notamment parce qu'elle n'avait eu l'occasion de croiser que des personnes complaisantes vis à vis de ce système, homme comme femme.

Merci beaucoup en tout cas, je sais que toute seule ici, je n'y arriverais pas, admit-elle sans peine. Elle était faillible, mais elle avait surtout conscience qu'avec deux enfants à charge, ça risquait d'être trop laborieux de s'intégrer et de trouver parfois certaines réponses. Surtout en si bas âge. Que dirais-tu de venir manger un soir, ici avec ton oncle ? Proposa-t-elle soudainement en reprenant son sourire.

Elle pouvait bien faire ça pour eux. Cela permettrait en plus d'apprendre à mieux se connaitre, et nouer une véritable relation de voisinage avec un peu de chance.

Mon mari sera là aussi, il connait Armand, ça nous donnera l'occasion de... Discuter plus de ce campement j'imagine ! Mentionna-t-elle rapidement avec un hochement de tête de circonstances. Je ne promets pas un repas extraordinaire, je n'ai jamais été très doué en cuisine - il faut dire qu'avec mon travail, apprendre à cuisiner n'a jamais été une priorité, plaisanta la blonde. Elle en était vraiment désolée mais chez eux, Kendale était sans doute aucun le meilleur derrière les fourneaux : Mais je ferais un effort pour que ça soit mangeable !