« Je te l’accorde. Parait que ce sont les âmes des défunts n’ayant pas trouvé le repos. » J’ai regardé quelques films quand cela était encore possible. J’aimais bien ça. Sans y croire, je n’ai jamais assisté à rien qui soit paranormal et me fasse penser le contraire de toutes façons. Et pourtant, je dois reconnaître avoir pensé aux miracles. Retrouver Nolan vivant, c’était un miracle. Une façon de retrouver un peu la foi. Je me demande à quel point ses chamans sont vraiment doués. Étaient… peu importe. Il y a des savoirs ancestraux qui demeurent efficaces, mais est-ce que cela peut permettre de soigner un cancer par exemple ? J’ai comme un doute. Mais je suis très cartésien pour le coup, et n’ai jamais vraiment cru aux médecines parallèles et alternatives donc… Pour autant je me garderais bien d’émettre un jugement sur ce en quoi Nihima peut croire. « Tu as été tentée de la suivre ? » Avait-elle eu l’opportunité de devenir apprentie chamane, si tant est-ce que c’est le bon terme.

Voilà qu’on discute religion et croyances, toujours, mais d’un point de vue plus spirituel. J’essaie de répondre le plus honnêtement possible, même si ce n’est pas forcément évident. Et j’ai un léger sourire alors qu’elle me livre son point de vue concernant l’épidémie. Quelque part… Je suis d’accord avec elle. Elle a la gentillesse de m’expliquer un peu les termes employés et je réponds, dans un soupir : « Et bien, on dirait qu’ils se sont bien rebellés oui. » Mais Nihima balaie finalement l’origine de l’épidémie ou sa signification avec philosophie. « C’est vrai. Mais c’est très intéressant d’en apprendre davantage sur ta culture ou tes croyances. » Réellement. J’espère qu’elle ne va pas s’offenser pour une raison obscure. Ce n’est pas de la curiosité mal placée mais et bien, nous sommes amis non ? Et j’en sais pourtant très peu sur elle. Pas besoin d’avoir son CV, mais un minimum quand même. Cela permet aussi de comprendre certaines façons de penser ou certains actes.

Je lâche un « Oh » alors qu’elle répond après un rire qu’il n’y a pas d’obligation. Alors c’est elle qui a eu des parents stricts. Cela arrive, dans tous les pays, toutes les cultures, toutes les religions. Je m’apprête à reprendre, quand un bruit coupe court à notre discussion. Nous ne sommes pas seuls dans cet hôpital, malheureusement. Merde. Quelles sont les probabilités pour que d’autres aient la même idée que nous au même moment ? Ce ne sont pas des rôdeurs. Et cela complique les choses… Je suis plus réticent que la Lakota à attaquer d’autres êtres humains. Elle passe devant et je lui emboite le pas, non sans lui faire part de mes réticences. Et malheureusement, non, je n’ai pas vraiment de solution miracle… « On peut au moins essayer d’approcher discrètement et observer… » Il y a une différence selon si c’est un groupe armé jusqu’aux dents, un gamin tout seul qui essaie de trouver de quoi se soigner.

Je ne sais pas trop si je dois passer devant ou non… C’est elle la guerrière amérindienne, elle qui doit être forte pour traquer le gibier discrètement et on ne va pas se mentir, je ne suis pas très doué pour ça. Avant de reprendre, je souffle cependant : « Si on peut éviter de tuer autant que possible… Juste… neutraliser ? » Je la regarde, avant que nous reprenions le chemin, aussi silencieux que possible. Les bruits qu’on entend sont sporadique. Même si le ou les personnes ne cherchent pas spécialement à être discrets. En même temps, nous discutions 10 minutes avant, on a du bol de ne pas s’être fait repérer. Et encore une fois, on arrive à approcher, marchant dans le couloir délabré à pas de loups et aviser deux hommes dans la pharmacie du service. Ils nous tournent le dos. J’échange un regard avec Nima. Ils semblent armés. Mais qui ne l’est pas ? Il y a des étagères renversées et un bordel monstre. Mais pas d’autres sortie, ni entrée, question de sécurité ? Cependant, les vitres ont été fracassées, laissant un accès. Je fais signe à Nihima que je fais le tour, histoire de pouvoir les prendre à revers au cas où. On ne sait jamais.

Des âmes errantes qui s'amuseraient à terroriser les vivants donc ? L'idée la laisse un peu perplexe, se contentant d'hausser les épaules. Elle n'était personne pour juger de ça après tout. Quand au chaman... Il ne lui faut pas longtemps pour réfléchir et répondre avec franchise au brun. Non. Elle y avait songé, pourtant. Mais il y avait une explication des plus simples à tout cela.

Je n'ai pas l'âme d'une guérisseuse, sa sagesse encore moins. Trop fougueuse, trop ... trop, sans doute. Souriant légèrement, l'air de dire que ce n'était rien, avant de reprendre. Je suis plus douée pour protéger que soigner. Du moins, c'est ainsi que je le ressens. Et ça n'était pas ces cinq dernières années à jouer des armes et du combat qui auraient pu en dire le contraire... La discussion dérive doucement sur les raisons de l'épidémie, alors qu'un sourire triste la trahit l'espace d'une seconde. Dans mon peuple, on dit toujours que c'est lorsque l'homme aurai épuisé toute ses ressources qu'il comprendrait que l'argent ne se mange pas. L'apocalypse n'a fait que me le confirmer. Mais il à raison. Partager avec lui est apaisant, agréable. Et elle hoche la tête à sa remarque. C'est gentil de me le dire. La plupart du temps... Et surtout depuis l'incident avec Marlon, j'évite le sujet. Mais t'en parler est différent. Tu ne juges pas, tu explique tes ressentis. Ca fait du bien, ce genre d'échange.


Mais rapidement, la discussion est coupée alors que le bruit à l'étage se fait de nouveau entendre. Elle se fie à lui, et cette envie d'approcher en toute discrétion, avisant les deux pillards. Pressé sans doute, au vu du carnage qu'ils ont commis parmi les fournitures qu'ils fouillent. Mais elle cède à sa volonté de ne pas les tuer, alors qu'ils échangent un regard qui en dit long. Posant un index contre ses lèvres, alors qu'elle s'approche la première de la silhouette la plus proche qui leur tourne le dos.

Maintient en joue le second. qu'elle murmure à Tomeo, avant de se lancer. Il lui suffit d'un saut pour attraper à l'épaule l'inconnu et le tirer vers l'arrière, venant poser la lame de son couteau de chasse sous sa gorge.

Lâche tes armes. Qu'elle murmure sans sommation, avant d'entendre un bruit métallique au sol, signe que l'homme semble être apte à coopérer. D'apparence, du moins. Resserrant sa prise contre lui avant de jeter un regard à Tomeo, voir comment il s'en sortait.

Je souris un peu à la réponse de Nima et surtout à son explication. « C’est déjà de la sagesse de reconnaître qu’on en manque, non ? » Je hoche cependant la tête quand elle ajoute être plus douée pour protéger que pour soigner. C’est vrai que j’aurais des difficultés à l’imaginer en guérisseuse simplement. Un feu brûle en Nima et elle a besoin d’agir. Ce n’est pas quelqu’un qui reste en arrière. Qui attend simplement, pour mieux réparer les corps et les âmes. C’est difficile de devoir être passif. De devoir attendre, prier et ensuite, constater les dégâts. De ne pouvoir parfois, rien faire. Et cela arrive trop souvent maintenant, par le manque de moyens ; bien davantage qu’avant. Même si cela m’a toujours touché. D’arriver trop tard. De ne pouvoir assister qu’à l’agonie, faute de soins rapides… Aujourd’hui, je peux davantage aider à ce niveau, apprenant lentement, mais sûrement aux côtés de Lisandro et Nolan. Des trucs que je n’aurais jamais osé penser pouvoir faire dans le monde d’avant. Mais aux grands maux, les grands remèdes. Il y a trop besoin de personnel médical pour faire la fine bouche.

C’est intéressant d’échanger avec Nima au sujet de l’origine de cette épidémie. Enfin, pas qu’à ce sujet. Le point de vue amérindien est… poétique, presque. Je suis pendu aux lèvres de la jeune femme et j’aime sa façon de penser, ou du moins, la philosophie de son peuple. Cela amène un éclairage nouveau sur bien des choses. Loin de trouver tout ça ridicule, j’aimerais presque pouvoir croire en la même chose. « C’était tristement prophétique. J’aurais aimé ne pas le vérifier de mon vivant. » Malheureusement, cela nous était tombé dessus et on devait bien faire avec. Je lui avoue que notre échange m’intéresse énormément. Je comprends qu’elle soit plus réservée. Je ne cautionne pas non plus toutes ses actions. La violence dont elle peut faire preuve me heurte, mais pour autant, je ne la qualifierais pas de sauvage ou je ne sais quoi d’aussi réducteur. Chacun agit en son âme et conscience. Je souris tout de même à son compliment. Oui, c’en est un pour moi, qu’elle se sente assez à l’aise pour s’ouvrir à moi, malgré ses mauvaises expériences. C’est ça l’amitié, non ?

Cependant, je ne réponds rien alors que nous nous rendons compte que nous ne sommes pas seuls. Il convient de mettre en place une stratégie pour nous défaire des intrus. Ils ne sont pas forcément dangereux. Ce sont peut-être juste de pauvres hères qui ont besoin de trouver de quoi se soigner. Des gens comme nous quoi. Il y a moyen de pouvoir agir en bonne intelligence et de ne pas abattre des inconnus à vue, n’est-ce pas ? Je sais que je suis trop coulant et que j’ai trop de scrupules, mais je me refuse à tuer aussi facilement. Heureusement, Nima est d’accord avec moi et nous approchons donc sur la pointe des pieds. Je hoche la tête à la demande de la jeune femme. Je ne suis pas un as de la gâchette, loin de là, mais je peux faire illusion quand même. Je la laisse donc avancer, la suivant des yeux tout en approchant à mon tour, avant de pointer mon arme sur l’autre homme, au moment où Nima prend en otage le premier. « Ne bouge pas. Pas de geste brusque. » Le mec a pas le temps de bien comprendre, il avise son pote, qui a un couteau sous la gorge et remarque l’arme que je pointe sur lui. Une étincelle de colère mais aussi de panique passe dans ses yeux. « Montre tes mains, lentement. » Il s’exécute en pestant. « On n’a rien fait, on cherche juste des médocs… » Oui évidemment, défense classique. « On ne vous fera rien si vous restez tranquilles. » On pourrait peut-être les attacher. On les détachera quand on aura fini ? Je jette un regard vers Nima et son otage. Mieux vaut déjà s’occuper de celui là.