Il en fallait davantage à la jeune femme pour être blessée, même si elle se sentait un peu déçue de ne pas pouvoir se déplacer jusqu'à la planque de sa cliente. Pourtant elle n'avait aucune arrière pensée avec cette proposition, comme par exemple de vouloir mettre un terme a la chaîne commerciale de sa cliente, ou autre, peu importe. Hope voulait surtout se déplacer par envie, pour les affaires aussi ; être payée plus chère pour un déplacement, et avoir plus de clients, puisqu'ils seront tous réunis au même endroit. Mais ça ne se fera pas, et la blonde se contente de hausser les épaules avec un mince sourire dans le coin de ses lèvres.

— Aucun problème, je disais surtout ça pour éviter le déplacement, et moi me permettre d'avoir plus de clients. Pourquoi mentir, c'était inutile.

L'ancienne actrice déplace ensuite ses mains jusqu'en pas du dos de la jeune femme, faisant rouler sa peau le long de la colonne vertébrale, appuyant à certains endroits clé pour qu'elle se détende davantage. Tout en gardant une attention particulière aux paroles de sa cliente, qui font réfléchir un instant Hope, qui n'avait pas vraiment pensée à ça.

— Non, je n'ai jamais eu de demande, j'ai proposé ça comme ça à vrai dire. Et malgré les agressions multiples en ce moment autour de Seattle, je pense que si un jour ça se concrétise, ça sera très encadré. Sur ça, je compte sur Oxana.

Depuis son arrivée au motel, l'ukrainienne n'a pas cessée de prouver à quel point elle était très bonne en tant que meneuse. Elle gardait la tête sur les épaules et se pliait en quatre pour que ses filles se sentent le plus en sécurité possible être les murs de la bâtisse, malgré le boulot qu'elles font quasiment toutes. Les gestes plus légers, un rictus mutin se glisse sur ses lèvres.

— Et vous c'est quoi votre boulot ? Vous allez pas me faire croire que vous faites juste.. du savon.

C'était trop gros, trop beau, trop.. gentillet ? Hope n'était pas dupe. À voir la peau parsemée de vieilles cicatrices et de nombreux hématomes de sa cliente, elle faisait bien plus que se tourner les pouces dans un entrepôt à fabriquer du savon et des clopes. À fabriquer des trucs tout court.

Je fais une moue pleine de compréhension, c’est logique qu’elle propose pour trouver plus de clients. Dangereux, mais logique. Je suis toujours pas intéressée cependant, à moins de la voir au bureau ? Hmm, ce serait pas désagréable après une longue journée avec des loques pathétiques. Forcément, j’ai ce sourire un peu lubrique qui me barre le visage, mais ça elle ne peut pas le voir fort heureusement. Ça, je pourrais bien plus le lui proposer, quitte à ce qu’on se fasse un petit deal. Je suis certaine qu’Oxana ne détesterait pas que je lui envoie quelques clients en manque d’amour qui n’avait besoin que d’une tape sur l’épaule pour franchir le pas. Ces gens désespérés, mais qui se raccrochaient à je ne sais trop quel genre d’honneur imaginaire et qui refusait d’aller visiter un bordel, même en plein monde apocalyptique remplit de morts qui revenaient à la vie.

Je retiens un petit rire pour pas que ça semble étrange à mon joli petit oiseau qui me masse le dos. Avant que je puisse lui parler du bureau toutefois, c’est comme si elle peut lire dans mon esprit et elle me demande ce qu’on fait à part les savons. Je referme les yeux et profite des caresses de ses mains qui descendent doucement dans mon dos, relâchant des pressions que j’ignorais jusqu’alors à certains endroits.

- Je suis psychologue en fait. J’ai un cabinet par loin du No Man’s Land et je propose des séances aux gens qui en ont besoin. Je réussis à rapporter un peu de vivres comme ça, puis on fait de la récupération aussi. Bon, on a besoin d’aller de plus en plus loin, tout est pillé ou a déjà été utiliser, mais on trouve souvent de quoi échanger à l’entrepôt. C’est pas une existence glamour, mais on arrive à aider et à survivre à la fois. Je suis contente de tout ça.

Bien sûr, je mens et j’omets le plus important, mais il y a une touche de vérité dans tout cela et c’est là où je puise une certaine crédibilité. Ça puis le fait que je sais aussi bien mentir que respirer.

- J’espère que tu ne t’inquiètes pas maintenant que tu connais mon métier. Beaucoup sont refroidis et se méfient une fois qu’ils savent. Je ne lis pas les pensées et je n’analyse pas les en-dehors du travail. J’essaie de la rassurer un peu pour que notre échange continue d’être agréable, mais bien sûr que j’analyse tout et tout le monde. Je serais plus de ce monde autrement, mais le masque de la gentille fille c’est mon déguisement quand je traine dans la populace.  On pourrait peut-être se voir au cabinet tiens. Ça te permettrait de te déplacer dans un endroit assez sécurisé, je pourrais te présenter certains clients qui ont simplement besoin d’un peu d’attention. Ça te ferait une nouvelle clientèle peut-être ? Ce ne sont pas des gens troublés en grande majorité. Simplement des gens qui ont du mal à se faire à ce nouveau monde et qui on besoin de parler, qu’on les rassure que c’est normal d’avoir du mal à avancer.

Elle pourra dire oui ou non, moi en fait je m’en fiche. Je peux toutes les voir sans payer quoi que ce soit, vu notre petit accord commercial avec le motel. Faire preuve de bonne foi par contre, ça peut que m’apporter quelque chose au final.

- Tu as souvent des femmes comme clientes ? Toutes demandes confondues. Pas que les massages autrement dit. Je suis une vilaine curieuse, mais je commence aussi a tâter le terrain. J’y peux rien, elle est trop belle pour que je ne tente pas de la croquer celle-là.

Hope ralentit un instant le va-et-vient de ses mains sur la peau entretenue de sa cliente lorsque cette dernière lui annonce être une psychologue qui travaille dans un cabinet près du hangar, faisant abstraction du reste de ses occupations. Si durant les premières minutes elle se sent refroidie d'être analysée, ce sentiment s'envole aussi vite qu'il est apparu, pensant au bon côté de la chose ; au moins elle pourra lui rendre visite pour discuter avec quelqu'un de compétant sur ses tendances suicidaires, son penchant pour l'alcool, et qu'elle ne lâche pas l'affaire sur l'envie de retrouver sa fille. Le tout n'était pas vraiment un bon mélange.
— Non ne t'inquiète pas au contraire, internet et les pages jaunes ça n'existent plus, c'est utile de savoir que quelqu'un continu ce boulot dans le coin.
Qu'elle lui dit pour la rassurer à son tour. Puis elle enchaîne sur une proposition que la jeune femme ne pouvait pas laisser passer, bien au contraire. Ses paroles étaient logiques, et la blonde n'allait sûrement pas cracher sur de nouveaux clients ! Elle redoutait cependant l'avis d'Oxana, qui ne risque pas d'être heureuse de savoir qu'une de ses filles se déplace aussi loin. Même si bon, elles dansent toutes pour la Cage.
— J'aime beaucoup ton idée, et si pour toi ça te conviens, pour moi aussi. Enfin, je vais en discuter avec Oxana évidemment, mais bon..
Un sourire enfantin étire doucement les lèvres de la masseuse qui hausse un instant les épaules, telle une enfant espiègle.
— ..  Même si j'ai une réponse négative, je viendrais faire un essai pour voir si je peux me faire plus de clients. Si j'en ai davantage j'aurais une preuve de la bonne idée, si non ben.. Tu auras qu'à revenir ici et on laissera tomber l'idée. Si ça fonctionne, tu n'auras qu'à me trouver une table de massage qui restera à ton cabinet, et on planifiera des jours et des heures précises.
Hope ne demandait pas la lune en échange. Si Billie lui trouvait une table de massage à laisser sur place, ça lui permettra de se déplacer avec légèreté et uniquement en compagnie d'un petit sac avec ses huiles. Et au moins, celle du motel sera toujours disponible pour Thea pendant son absence.
Lorsque ensuite elle enchaîne sur la diversité de sa clientèle, Hope se raidit un sans pour autant montrer quoi que ce soit, ni de le transmettre via ses gestes. Elle continue son massage comme si de rien était, pas idiote, se doutant de la nature de sa question. C'était d'ailleurs étrange qu'elle pose la question, c'était.. rare.
— Souvent non, mais j'en ai. C'est très rare par contre. On a pas vraiment le choix sur nos clients et clientes, ça serait trop facile sinon.

Bon ça va, elle a pas l’air nerveuse depuis qu’elle sait que je suis psychologue ou en tout cas, elle ne le montre pas. Ce qui n’est pas plus mal, parce que ça m’énerve de voir les gens se méfier. Ils ont absolument raison de le faire cela dit et cette pensée m’arrache un vil sourire que ma jolie Hope ne peut pas voir d’où elle est.

L’idée de venir au cabinet semble lui plaire aussi, mais elle veut demander à Oxana. J’ai une moue agacée, mais la belle blonde se reprend bien rapidement fort heureusement pour elle.

- Tu sais, au fond si tu viens pour une ‘’consultation’’ et que dans la salle d’attente tu parles avec mes clients… Que de fil en aiguille ils viennent te voir ici. Oxana ne pourrait pas t’en empêcher, non ? Que je dis pleine de malice. Tu fais ce que tu veux de ton temps libre et si ça t’apporte une nouvelle clientèle qui viendra te voir ici…

Je lui donne les armes dont elle a besoin, j’ai du mal à croire qu’elle n’y a pas pensé toute seule, mais bon. Faut dire que je fais pas ça pour l’aider elle non plus, si Oxana apprend que je lui réfère plus de monde, on pourrait avoir un petit accord commercial de plus, tout simplement. Puis moi je gagne des services au cabinet. Gagnante sur toute la ligne comme d’habitude.

Sa réponse me déçoit un peu quand on parle de sa clientèle féminine. Tout est dans le choix de ses mots.

- Oui, j’imagine que vous n’avez pas toujours les clients les plus… intéressants. Pour ne pas dire attirants en fait. Vous n’avez vraiment aucun moyen de refuser quelqu’un ? Raisonnablement je veux dire.

Il doit y avoir des risques qu’Oxana refuse de laisser prendre à ses filles quand même, connaissant la patronne. Je suis curieuse de connaitre les limites de leur consentement pour le coup, abandonnant un peu l’idée de me faire la belle blonde aujourd’hui. Ce n’est pas amusant quand ce n’est pas foncièrement consentant.