La formation de pilote est exigeante, longue et touche de nombreux sujet, c’est bien pour ça qu’entre le moment où j’ai commencé la formation de May et maintenant, il s’est écoulé plusieurs mois… et encore, je pense être allé relativement vite. Ce matin, je lui avais demandé de venir à l’aérodrome pour une nouvelle leçon pratique, je lui avais préparé de la documentation. Tout était en place pour la recevoir quand elle passa la porte de notre maison de contrôle. Les salutations d’usages expédiés, quelques mots sur le temps et je tranche directement dans le vif du sujet : « Il est temps je crois de te laisser prendre tes ailes. » Une déclaration abrupte et inattendu, sachant que la semaine d’avant je m’étais montré très dur envers elle.

Je précise ce que je vais attendre d’elle aujourd’hui, ce sera en deux étapes et si elle réussit parfaitement… ça voudra dire qu’elle est prête : « Ce matin, nous allons effectuer un vol ensemble. Sans intervention de ma part et cet après-midi tu seras seule. » Un vol en solitaire, une étape majeur dans la formation d’un pilote, ça veut dire pour lui qu’il est assez doué maintenant pour ne plus avoir besoin de chaperon, comme la personne qui vient d’obtenir un permis de conduire. Je l’invite à me suivre dans le hangar du biplace, lui explicitant ce qu’il l’attend :

« C’est ton examen May, cela fera de toi officiellement une pilote. Une débutante, mais une pilote tout de même. Après ces mois de travail, il est temps pour toi de gagner tes ailes. » Elle serait formé sur la manœuvre d’un appareil léger et peu puissant, mais ce serait un excellent début si elle était capable d’accomplir des missions simples en solitaire. Je comptais cependant continuer sa formation, lui apprendre non plus à voler, mais à survoler, à faire danser son avion dans le ciel et à, peut-être, m’égaler, voir même me surpasser.


Je lui tendis un bloc-notes pour qu’elle puisse se mettre au travail, regardant Crownfield d’un air entendu et finalement, je m’adossais à la parois du hangar : « Je te laisse préparer l’appareil, avec ton mécanicien. Checklist, itinéraire de vol, condition météo. Je t’observe. » J’avais confiance en elle, elle s’était toujours appliqué, avec de rapides progrès et si elle maintenant cette vitesse d’apprentissage, nous serions en mesure de lui faire piloter le Corsair, ou un autre avion de chasse, assez rapidement.

Elle ne comptait plus les nuits blanches depuis le début de sa formation, autant celles qu'elle avait passé dans son lit que celles qu'elle avait passé dans l'avion, littéralement. Les manuels d'Adrienne n'étaient pas simples, et ce qu'elle exigeait de la blonde ne l'était pas non plus. Combien de fois avait-elle voulu abandonner, surtout depuis son traumatisme crânien? Elle ne savait même plus. Son aînée n'était pas des plus douces, le pire. Elle était vachement chiante, même - soyons honnêtes. Elle ne se gênait pas pour défoncer son crâne et le modeler à l'image du parfait pilote. Mais May était May. La blonde était toujours la même gamine à la tête de pioche, aussi pénible - sinon plus - que madame Cruella ici présente. N'empêche, c'était probablement ce qui l'avait sauvé. Elle refusait de quitter le navire avant d'y avoir laissé son dernier souffle. Elle n'avait rien à perdre, de toute façon. La petite avait même déjà eu des pensées assez sombres, honnêtement. Si elle devait un jour crever dans les airs, en mission, son calvaire serait au moins terminé. Et elle ne manquerait à personne - puisqu'elle n'avait plus personne, désormais. Même Lance s'éloignait à nouveau.

Elle avait donc était incapable de cacher sa surprise quand Adrienne lui annonça qu'elle l'autorisait enfin à prendre ses ailes. Liv en cracha presque l'eau qu'elle était en train d'avaler, reposant la bouteille sur le coin d'un meuble en fixant la pilote, incrédule. Si tous les nerfs de son corps lui criait qu'elle en était capable, que les heures de pratique et de simulation payaient enfin - son crâne, lui, hurlait qu'elle n'était bonne qu'à faire couler cet avion.

Incapable d'articuler ne serait-ce qu'un seul mot, Cendrillon écoutait silencieusement ce qu'Adrienne lui disait. Un vol à deux ce matin, puis un vol seule cet après-midi. Seule. Une bouffée de chaleur parcourait son corps en entier, les battements de son coeur plus rapides, soudainement. Il pompait tellement d'adrénaline dans ses veines qu'elle pourrait s'écrouler sur place. Elle suivait machinalement Adrienne jusqu'au hangar, essayant de garder son calme même s'il était évident qu'elle respirait plus vite. La miss leva enfin les yeux sur De Castel quand elle affirma qu'il s'agissait de son examen. Son regard traduisait à la fois sa nervosité et son excitation. Honnêtement, c'était un drôle de mélange, et c'était carrément nouveau pour elle. May avait cette drôle d'impression qu'elle était récompensée pour son plaisir du danger. Du coup, elle se sentait comme un gosse qui faisait un truc interdit. C'était terrorisant - et grisant.

« Il est temps. » répéta-t-elle finalement, soutenant son regard comme un soldat qui ne voulait pas décevoir son caporal. L'esquisse d'un sourire se dessinait sur ses lèvres - elle voulait contrôler ses émotions mais ne pouvait s'empêcher d'être fière du chemin qu'elle avait parcouru. Cet avion faisait partie intégrante de son monde, maintenant, et elle était impatiente de pouvoir enfin dompter la bête. Lui montrer qui était le maître. « Je - Merci. » ajouta-t-elle un peu plus bas. « J'vais tenter de pas m'tuer en vol, autrement je sais c'qui m'attends. Même morte, tu m'ferais payer pour un tel désastre. Et j'en ai pas envie, crois-moi. » lança-t-elle à la blague, question d'éviter les émotions qui venaient avec le merci qui s'était échappé quelques secondes plus tôt. Quand Adrienne lui donna le feu vert, elle s'élança vers l'avion, en symbiose avec son mécanicien - celui qui avait encaissé chaque commentaire, chaque réaction explosive de sa part, et surtout celui qui n'avait pas eu le choix de répondre à ses millions de questions.

Se plongeant dans les vérifications de l'appareil, Liv faisait de son mieux pour garder le focus sur le vol à venir. Une telle concentration était rare pour la jeune femme, mais elle avait rapidement capté que c'était nécessaire. Et si c'était nécessaire, c'était facile de s'y plonger sans décrocher. « Procédures de mise en route. » annonça-t-elle d'abord avant de continuer à énumérer la longue liste des contrôles qu'il fallait repasser avant de s'envoler - avant même de rouler, d'ailleurs. Tout y passait, sans exception. Elle écoutait attentivement les réponses de son copain, vérifiant à la fois dans quelles conditions atmosphériques elle allait voler aujourd'hui. La couche de nuage était fragmentée; ce qui ne simplifiait pas les choses. Une meilleure visibilité verticale et oblique aurait été préférable, mais rien n'allait jamais comme prévu avec elle, de toute façon.

Je me fends d’un sourire à sa remarque : « Je prendrais comme une insulte à mon enseignement si tu venais à te tuer May. Sois certaine que je te traquerai jusqu’aux portes de l’enfer, mais pas au-delà, pour te faire comprendre ton erreur. » Un peu d’humour sincère pour détendre l’atmosphère, je pense qu’elle peut en avoir besoin.

Je l’examine préparer l’appareil, faisant un léger signe d’approbation à Crownfield, avant de m’installer à droite… la place du co-pilote. Voilà qui n’est pas naturel pour moi malheureusement. Je boucle mon harnais et j’annonce : « Bien, je suis prête. » Je lui donne le type de vol que je souhaite voir :

« Fais nous monter à 3500 mètres, survole la côte nord de l’ile et reviens nous poser. » Ce serait les seuls mots que je prononcerai durant tout le vol, sauf problème majeur. Silencieuse, prenant des notes et attentive à May, ses actions et ses réactions. Tout se passa bien pour moi, je notais quelques problèmes très mineurs sur le vol. Mais elle commençait sérieusement à maitriser les bases de son appareil. Pas de tremblements, pas d’usage excessif du moteur, pas d’hésitation. En ce qui me concernait, c’était très bien. J’ai patiemment attendu qu’elle nous ramène sur le plancher des vaches

Une fois le roulage terminé et le moteur stoppé, nous descendons pour discuter de son vol : « Bien. Procédons au débriefing si tu veux bien. Je n’ai pas noté d’erreurs dans ta checklist, elle était complète, le décollage et le pilotage étaient tous en élégance, exactement comment il faut faire. Tu as été un peu longue sur le roulage à l’atterrissage, tu es arrivé un peu vite. » 90 au lieu de 80, mais c’est un erreur acceptable, même moi il m’arrive de la commettre : « Mais c’est tout à fait correct, pour une pilote faiblement expérimenté, c’est très bien. May. » Elle n’est pas encore tirée d’affaire, mais je désire la mettre en confiance avant son prochain vol. J’ai beaucoup d’espoirs et d’attente envers elle.

« Procèdes à l’entretient et au ravitaillement avec Crownfield si tu veux bien. » Ce serait la dernière étape de son examen sous mon contrôle, si elle faisait tout correctement, je sais qu’elle le ferait. Alors elle aurait mon aval. Je dois avouer qu’il y avait un sentiment de fierté à la voir ainsi, j’étais heureuse de voir son implication, ses efforts et de ne plus être la seule pilote. Je l’ai donc observé en silence faire ce qu’elle avait à faire… « May… quand tu seras prête à y aller, fais-le, effectue le même trajet que tout à l’heure et reviens. » Je saurai la recevoir dignement.

Comment ça, les portes de l'enfer? C'était pas le paradis qui l'attendait? Balivernes. Enfin, rien de tout ça n'était bien important, sur le coup. Adrienne donnait ses instructions de vol, et alors que May apportait les réglages nécessaires à son équipement, elle en profitait pour calmer sa respiration avant le départ, repassant les procédures d'urgence dans son crâne. Elle décolla enfin, les mains agiles, assurées, exactement comme en simulation. Elle était au septième ciel - sans mauvais jeu de mot. Elle se sentait particulièrement légère, stressée mais ô combien excitée. Une fois l'ascension complétée, elle stabilisa son altitude pour survoler le nord de l'île. Elle s'attendait à ce qu'Adrienne lui pose une question piège, lui demande une manoeuvre impossible - mais non. Pas même un décrochage provoqué pour voir comment elle y réagirait.  

Elle n'avait donc pas trop tardé pour aborder la descente. C'était probablement le moment le plus difficile pour la princesse - il n'y avait pas de place à l'erreur. Concentrée sur sa machine, se fiant autant à ses instruments qu'à son intuition, elle ramena l'appareil au sol sans y laisser sa peau, ni celle de son prof. Si la petite avait envie d'hurler de joie en sortant de l'avion, Adrienne, elle, était déjà de retour à son éternel sérieux. Elle voulait procéder au débriefing sans attendre, et Liv n'allait certainement pas lui dire non.

La miss l'écouta donc en faisant de son mieux pour contenir ses émotions, se concentrant sur les yeux de son aînée pour enregistrer ses critiques. Son seul point à revoir, pour ce vol, était finalement l'atterrissage - pas si mal. Elle osa lui sourire, fière de sa performance mais vachement nerveuse pour la suivante, honnêtement. Avant même qu'Adrienne ne le mentionne, d'ailleurs, elle se préparait déjà à ravitailler l'avion. Tandis que Crownfield s'occupait du carburant, la blonde effectuait l'examen visuel de l'appareil afin de déceler toute anormalité.

Son moment arrivait enfin, n'empêche. Il était temps de remonter à bord - seule, cette fois. Comme une grande. Comme la première fois que son père avait retirer les petites roues de sa bicyclette, jadis. Liv prépara donc le vol de la même manière, vérifiant à nouveau, points par points, chaque élément qui devait être validé. Elle s'envola sans difficulté, atteignant la même altitude que précédemment. Elle avait l'impression que son coeur allait défoncer sa poitrine, mais chaque seconde qui passait lui faisait gagner une assurance enivrante.

Cette bulle de bonheur ne dura pas, pourtant. Les vents changèrent rapidement de direction, et la densité de l'air changea du même coup. Cendrillon n'avait jamais apprécié les turbulences, mais en tant que pilote, c'était au moins cent fois pire qu'en tant que passager, surtout dans un si petit avion. Elle n'arrivait pas à se positionner face au vent en prévision de son retour au sol. Leur piste improvisée n'était pas un endroit construit en fonction des vents dominants, se poser n'allait donc pas être un jeu d'enfant.

Appuyant sur le bouton de sa radio, elle informa immédiatement Adrienne de la situation. Sa voix trahissait cette espèce de panique froide qui l'envahissait, mais elle demeurait concentrée. Elle n'avait pas le choix, après tout. La miss était la seule à pouvoir régler la situation. May tenta une procédure d'approche, mais se ravisa au dernier moment en reprenant de l'altitude. « Fuck, fuck, FUCK. » murmurait-elle pour nul autre qu'elle-même. Elle sentait que le moteur travaillait dur, alors que ses pensées se bousculaient dans son esprit à la vitesse de la lumière. Elle enclencha à nouveau les communications, question de savoir si De Castel avait bien capté son message. La princesse donna sa position et les paramètres qu'elle pouvait lire sur le tableau de bord. « J'y arrive pas Adrienne, je - j'ai besoin d'aide. L'anémomètre est en train de devenir cinglé. »

May a finalement décollé et j’ai observé autant que possible sa progression dans le ciel, jusqu’à la perte de vue. Un léger sourire sur le visage, je parle avec Crownfield pour tuer le temps. Jusqu’à ce que j’entendes de nouveau le bruit du moteur et que nous la voyons apparaitre dans le ciel. Je commente les manœuvres d’approche d’un très sobre : « Elle ne s’en sort pas trop mal. » Je me demande de quel côté compte-t-elle aborder la piste.

Je sens alors une rafale de vent sur mon visage : « Il y a un vent de travers. » C’est un fait, je le vois à la manchette et… comme si cela avait été fait exprès, la radio de la maison grésille, la voix de May se fait entendre et elle nous annonce qu’elle a du mal à se positionner, qu’elle n’arrive pas à atterrir. J’hésite plusieurs secondes avant de prendre le micro et de lui répondre d’un ton neutre : « May. Il te faut rester calme avant tout. Tu connais la procédure à effectuer pour un atterrissage par vent de travers. » C’est assez simple en réalité, il faut arriver en crabe, pour que l’avion offre le minimum de résistance au vent et se remettre dans l’axe de la piste au moment où les roues touchent le sol.

Cependant, si elle doit trouver quelle manœuvre faire seule, je peux lui fournir une indication utile pour celle-ci : «… Je vais faire office de tour de contrôle. D’après la manche à air, tu as un vent continu de 7 ou 8 nœuds, je note des rafales à 13. C’était très important pour elle de savoir ça et d’effectuer les manœuvres de compensation. En soit, le vent n’était pas très puissant, mais elle restait une pilote novice sur un appareil très léger. Le stress devait certainement l’aveugler car, pour moi, elle avait déjà effectué un atterrissage dans ces conditions.

Je l’incite donc à ne pas paniquer : « Rappelle-toi ce que je t’ai appris, reste calme, tu as le temps. Réfléchit bien à comment faire… Si je te donnes la procédure, je ne pourrais pas te valider, tu peux le faire.» Je marque un temps de pause avant de reprendre le micro et d’ajouter : « J’ai confiance en toi. » C’est le meilleur encouragement que je pouvais lui donner, car il était sincère.

Rester calme, oui. C'était plus facile à dire qu'à faire, surtout quand on était toujours sur la terre ferme. N'empêche, la voix d'Adrienne avait au moins le mérite de la rassurer, en un sens. Sa voix était comme une aide supplémentaire pour garder son focus au bon endroit, pour que ses pensées ne partent pas dans tous les sens dans son crâne. Elle avait raison, le pire. May savait très bien ce qu'elle avait à faire. Elle avait simplement à accepter le fait que tout ne se passait pas toujours comme prévu, dans les airs. Comme dans la vie, finalement. Elle hocha donc la tête même s'il n'y avait personne pour le voir, avant de souffler un bon coup. Si seulement elle avait une tour de contrôle, ce serait vachement utile - comme elle avait pu le lire dans tout un tas de bouquins.

De Castel devait lire dans ses pensées, d'ailleurs, puisqu'elle lui fournissait au même moment la vitesse des vents. « Bien reçu. » affirma-t-elle d'une voix qui ne lui ressemblait peut-être pas. Elle était sérieuse, calme, prête à ne pas échouer cet exercice - motivée par une énergie nouvelle qui lui donnait littéralement l'impression d'être absolument imbattable. Elle ne laisserait pas un petit vent de travers l'empêcher de poser les pieds sur le sol à nouveau.

J'ai confiance en toi. Bordel, la princesse ne s'attendait pas à ça. Mais c'était maintenant ou jamais. Liv augmenta donc sa vitesse d'approche, question de limiter l'impact des rafales sur sa trajectoire et de conserver sa portance. Elle positionna l'appareil pour faire face au vent, et redressa l'avion en parallèle avec la piste dès que le train d'atterrissage toucha l'asphalte. Sa ceinture se serra sur sa peau quand elle encaissa le choc, cette arrivée au sol étant un peu moins douce que la précédente. Elle garda toutefois le contrôle, ajustant le gouvernail pour préserver la direction de l'appareil jusqu'à ce que celui-ci parvienne enfin à ralentir un peu.

« Procédures de roulage. » dit-elle machinalement en repassant mentalement la liste de ce qu'elle devait vérifier, une fois de plus. Volets rentrés, feux ajustés. Bientôt, l'appareil était complètement immobilisé - et elle posa enfin le dos sur le dossier de son siège, soulagée. Elle riait, en fait. L'adrénaline qui coulait encore dans ses veines se faisant de moins en présente, maintenant. D'où ce relâchement, sans doute. Elle flottait toujours dans les nuages, soyons honnêtes. Et elle n'avait pas la force de sortir de la cabine - pas tout de suite.

J’ai confiance en elle, mais je sais ce qu’il peut couter à quelqu’un de prendre un vent de travers. Je coupe le micro et je dis à Crownfield : « Prépare le camion avec les extincteurs. » Si elle a le moindre problème, il nous faudra agir très vite pour espérer la sauver. Je prends une paire de jumelles pour suivre la descente de l’appareil, observer ses moindres faits et geste et pour les commenter à mi-voix : « Bien… continue, l’angle est bon… Elle arrive un peu vite. » A un moment, je vois l’avion se déporter sur la gauche, suite à une rafale… Bon sang, je m’inquiète tellement à cette seconde, je ne crois pas que je me remettrais de cette défaite si elle venait à se crasher.

Un autre conseil me vint aux lèvres : « Oublie pas de compenser… » Elle compense, évidement, mais je ne peux m’empêcher de stresser, de serrer les jumelles dans mes mains, à observer le moindre mouvement des gouvernes. Elle sait ce qu’elle fait, je l’ai bien formé, je l’ai bien formé, elle sait comment elle doit compenser et quand ses roues touchent le sol. Je finis par relâcher un soupire. La main de Crownfield vient se poser sur mon épaule, il semble aussi soulagé que moi, un sourire finit par barrer mon visage : « Mon père devait ressentir la même chose quand j’ai fait mon premier vol en solo. Alors retrouvé notre jeune pilote. » Elle semble avoir du mal à sortir de l’avion, l’émotion j’imagine.

Nous la retrouvons, le cockpit ouvert, mais le harnais toujours en place et l’air dans les nuages. Je ne peux cacher ma satisfaction : « Il me semble que des félicitations s’impose May. Tu es officiellement la première pilote formée et diplômée depuis la Chute. » Crownfield lui tend le papier ornée où trône le nom de May en lettre capitale : « L’aviation est un monde de tradition, cela peut te sembler… ridicule, je conçois que ça peut l’être, mais voici ton certificat. » Aptitude de vol initial sur monomoteur léger. Voilà un bout de papier qui avait une valeur considérable à une époque et maintenant… ce n’est que les lubies d’une pilote. Mais cela m’est égale, j’invite May à revenir dans la maison. Si elle est apte aux vols en solitaire, il lui reste encore beaucoup à apprendre malheureusement. En effet, elle allait bientôt commencer à étudier le maniement du Corsair. Plus de 5 fois plus lourd et 10 fois plus puissant.