Elle flottait encore dans les nuages quand son regard se posa sur le camion d'urgence, immobilisé tout près de son lieu d'atterrissage. Tout de suite, elle dévisagea Crownfield, lui faisant de gros yeux avant de lui lâcher quelques mots. « Non mais merci pour le vote de confiance, hein! » Enfin, la blonde était vachement reconnaissante, en réalité. Ces deux idiots étaient un peu sa famille adoptive, maintenant. Il le savait, elle le savait, même Adrienne le savait. Mieux valait ne pas le dire tout haut, n'empêche. Mais ce moment ne dura pas longtemps puisque déjà, son aînée lui adressait des félicitations plutôt officielles tandis que son fidèle compagnon lui tendait un bout de papier.

Elle s'empara tout de suite du certificat, lisant son nom une première fois avant de le relire au moins dix fois de plus. Liv releva les cils vers Adrienne, souriante, hochant simplement la tête en guise de merci. Elle s'occupa enfin de son harnais qui la retenait toujours au siège, le défaisant distraitement tandis qu'elle écoutait ce qu'on lui expliquait au sujet de l'aviation. « C'est peut-être ridicule, mais... » Elle serra le morceau de papier sur sa poitrine, contre son coeur. « J'en ai rien à foutre. » affirma-t-elle sans détour, incapable d'arrêter de sourire.

Les petites victoires étaient ce qui la gardait en vie, après tout. Et puis, voler dans le ciel ne pouvait que la rapprocher de ses fantômes. En un sens, c'était presque rassurant. Elle inspira un bon coup, s'extirpant finalement de la cabine, replaçant légèrement ses cheveux après avoir enlevé son casque. Instinctivement, elle serra Crownfield dans ses bras dès qu'elle posa les pieds par terre, avant de se poster devant Adrienne. Liv savait très bien qu'elle ne faisait pas dans les câlins, et honnêtement, elle non plus, la plupart du temps. Enfin, c'était ce qu'elle aimait croire.

« Merci. J'y serais jamais arrivé sans toi. » dit-elle avec sincérité. C'était cliché, évident, même. Mais elle avait réellement l'impression que la pilote avait le tour pour travailler avec la princesse, quand il s'agissait de pousser plus loin alors que May voulait abandonner. Non parce qu'elle ne pouvait pas prétendre que son parcours avait été facile, jusqu'ici. Piloter n'était pas une partie de cartes pour la petite, surtout depuis sa commotion cérébrale. Mais elle y croyait drôlement plus, maintenant que son premier vol était chose du passé. Enfin, Cendrillon marcha avec De Castel jusqu'à la baraque sans un mot de plus, jusqu'à ce que Liv réalise que ce n'était vraiment que le début. « Quelle est la prochaine étape, alors? »

Elle ne savait pas si elle était prête, mais elle ferait de son mieux.

May semble ravie de mon attention pour elle : « Aucun pilote ne peut arriver où il en est sans un instructeur. » Ce fut mon cas aussi et je suis réellement ravie qu’elle me le dise, mon égo. Mais May ne perd pas le nord, ni même son bon sens car elle anticipe déjà qu’il y a aura une étape suivante… ça oui May, il y en aura une… Je désigne le hangar du pouce et je lui dit, tout sourire : « La prochaine étape ? Elle va être de t’initier aux manœuvres avancées et de commencer à étudier pour piloter un chasseur. » Car elle ne peut pas rester sur un appareil aussi ennuyeux que le Cap, non, sans compter qu’elle serait vite limité dans ce qu’elle peut faire. Il faut plus… il lui faut plus, il nous faut plus.

« Tu es à l’aviation, pour le moment, ce qu’est un jeune permis à un pilote de rally comme Lance… » Une belle métaphore, qui inclurait qu’elle ne pourrait que progresser et aller de l’avant avec moi. Elle deviendra excellente, je m’en suis fait la promesse et, au-delà même de ses talents de pilotes, je l’apprécie beaucoup en tant que personne c’est beaucoup pour moi, c’est une amie en réalité, à sa façon, pour moi…

Je me retiens cependant de lui dire, je ne peux me laisser aller à ce genre de sensiblerie. Ce n’est pas mon genre, très loin de là. Mais en même temps, j’ai réellement le besoin de lui manifester ma joie et mon envie de partager une chose avec elle

« A côté de la poursuite de ta formation May, nous allons commencer à chercher ton appareil et puis… il faudrait que tu m’aides à trouver un nom pour notre escadrille. » Je laisse échapper un sourire et un rire très peu professionnel, dévoilant déjà ce qui me faisait rire : « Même si on devra partager ce nom avec les hélicoptères… un véritable déshonneur, mais Sucre me ferait la peau s’il m’entendait critiquer ses machines. » Spontanément, une rivalité sans réel fondement s’était installée entre nous, sur les mérites de nos appareils et je me plaisais maintenant à le chambrer là-dessus, même si je devais reconnaitre leur utilité.

Son regard bleu s'était posé sur le hangar qu'Adrienne pointait, écoutant un peu distraitement ce qu'elle disait par rapport à la suite. Piloter plus gros, plus puissant. Un chasseur, et des manoeuvres avancées. Tout ça lui foutait la trouille, sur le coup. Mais si c'était au moins aussi exaltant que ce qu'elle venait de vivre, elle allait signer sans hésitation. S'investir autant, sinon plus, dans le projet.

Honnêtement, ne venait-elle pas de relever un défi qu'elle ne croyait pas pouvoir réussir? Qu'est-ce qui l'arrêterait, à présent? Rien ni personne. Si cette sensation avait le mérite de la faire planer - littéralement - c'était aussi particulièrement terrifiant. Non seulement pour le fait de voler en tant que tel, mais surtout par rapport aux implications de Fort Ward dans cette guerre qui se dessinait depuis longtemps. Mieux valait ne pas y penser, au final.

Ses yeux se voilèrent un peu quand elle parla de Lance, n'empêche. Le pilote n'était plus vraiment celui qu'il était avant, depuis un moment. May essayait tellement fort de la sortir du fond de son trou qu'elle se faisait du mal, à force de le prendre sous son aile. Sauf qu'elle refusait de l'abandonner à cette noirceur qui l'envahissait - peu importe le prix qu'elle devait payer. Il avait fait tellement de choses pour elle, il avait été le grand frère dont elle avait toujours rêvé. Mais le rêve n'en était plus tout à fait un, et du coup, elle était prise au dépourvu - et pas qu'un peu. Elle ne savait plus comment agir avec lui, marchant constamment sur des oeufs. Dans tous les cas, la blonde hocha la tête, servant un petit rire particulièrement faux à la métaphore de son aînée. Avec un peu de chance, elle n'y porterait pas trop attention.

« J'suis prête. » qu'elle lâcha plutôt, tentant peut-être de se convaincre que c'était bel et bien la vérité. Elle pouffa de rire, pourtant, quand Adrienne lui expliqua qu'il faudrait nommer leur escadrille, tôt ou tard. Putain, c'était comme si sa langue se frottait à du papier sablé, bordel. La pilote donnait l'impression que c'était le plus grand drame de l'histoire de l'humanité que de partager la flotte avec les hélicoptères dirigés par Sucre. Enfin, le militaire devait penser la même chose, tout compte fait. Elle reporta son attention sur sa comparse, se demandant silencieusement si elles pouvaient vraiment qualifier leur flotte d'escadrille. « Faut que ce soit super officiel, comme dans l'armée? » Non parce que si elle se souvenait bien, Adrienne n'était pas du genre à déconner avec une telle chose. Et c'était peut-être parfaitement bien ainsi. « Un nom pour honorer les morts. Et les disparus. »

Ma réponse est claire et précise : « Je pense que tu es prête à apprendre oui. » Pour commencer, elle ferait quelques vols sur un simple jeu de simulation, avant de se pencher sur les spécificités mécanique de l’appareil… j’étais déjà en train de dresser un long et passionnant programme pour qu’elle soit en mesure de piloter le corsair, même si j’avais surtout hâte de lui procurer son propre appareil, il me faudrait juste convaincre June que May est prête à effectuer des missions plus dangereuses que de simples patrouilles et que donc, elle peut prétendre avoir un autre appareil, qui lui serait propre.

Je reprends le cour de la conversation, sur le fait que je ne veux pas d’un simple non qui ne serait utilisé qu’entre nous : « Et bien, j’aimerai faire en sorte que ce soit quelque chose d’officiel, de sérieux. » Outre le fait que je ne prends jamais à la plaisanterie un domaine quelconque dans l’aviation, je sais qu’un nom signifie beaucoup. J’ai ouïe dire il y a peu que June avait ordonné la création d’un groupe de militaire dédié au combat, une armée en somme.

J’ignorais si Stanley allait s’embêter d’un nom ou d’un logo, mais j’avais pour ambition de faire de même avec l’escadrille, en faire une force efficace et permanente qui servirait les intérêts du fort. Je me pose une seconde pour réfléchir à la proposition de May. Un nom pour honorer les morts et les disparues ? C’est une proposition intéressante, mais je ne sais pas trop quel nom nous pourrions en tirer. « Il faut également essayer de trouver un nom en rapport avec le ciel et une devise. » je tapote doucement mes bras en réfléchissant à ce que nous pourrions choisir ou décider avant de faire une proposition « Je pense que nous pourrions garder « Remnant » dans le nom de notre escadrille et le coupler à un animal volant, imaginaire ou non d’ailleurs. » Dragon, eagle, falcon, hawk… cigogne, la liste des animaux volants étaient assez longue en réalité.

Pour la devise par contre, j’avais déjà une idée que je garderai, il me faudrait juste la peindre sur les carlingues. Néanmoins, j’étais assez heureuse de voir que May prenait quelque peu au sérieux mon idée, contrairement à Zelda.
Je savais que pour May comme pour moi, il n’y avait pas de place pour la peur.

Comment avait-elle osé demander si ce devait être officiel? Adrienne faisait-elle quoi que ce soit qui ne l'était pas, honnêtement? Elle ricana brièvement, encore plus lorsque son aînée ajouta que le nom devait, en effet, être sérieux. May ne savait pas si c'était une façon discrète de lui faire comprendre que ce n'était pas l'endroit pour proposer ses conneries habituelles. Mais peut-être ne faisait-elle que préciser sa pensée. Oui, la deuxième option faisait plus de sens. De Castel aimait bien ses idioties, elle le savait au fond d'elle - la pilote ne faisait que prétendre, quand elle se fâchait contre la blonde. C'était clair et net.

N'empêche, Liv essayait réellement d'avoir un éclair de génie. Autant pour tenter de l'impressionner que pour se donner elle-même un brin de courage supplémentaire. C'était ironique, quand même, de se sentir aussi impliquée dans ce projet complètement fou, d'être la première pilote de cette escadrille qui n'avait, pour l'instant, même pas de nom. Rien n'aurait pu la préparer à une telle réalité, et encore aujourd'hui - malgré ce qu'elle disait - elle ne savait pas si elle était réellement prête à s'y frotter. Dans tous les cas, c'était trop tard, maintenant. Elle avait goûté à cette adrénaline, et c'était encore mieux que tout l'alcool de l'île pour s'évader.

Enfin, Adrienne ajoutait qu'il faudrait idéalement conserver le nom du Fort dans le titre de leur milice. May passa une main dans ses mèches dorées, se disant que c'était en fait beaucoup de contraintes, au final. Approchant maintenant de l'entrée du hangar, la petite posa les fesses sur une des tables extérieures, balançant ses jambes dans le vide en remontant à nouveau le regard sur sa prof. Puis, l'éclair de génie la frappa - elle se releva aussitôt. Adrienne pourrait facilement se rendre compte de son excitation juste en observant les traits de son élève.

« Remnant's angels! Les anges du ciel, putain! » Elle souriait, s'approchant d'Adrienne pour expliquer son idée. « C'est peut-être un peu cliché, mais c'est ce qu'on sera. » ajouta-t-elle non sans une certaine fierté. Elle ne savait pas d'où venait ce positivisme soudain, mais elle n'allait pas s'en plaindre. « C'est conforme à toutes tes demandes, et puis... » Elle hésita une seconde. « C'est un peu une façon d'honorer ceux qui ne sont plus là, en plus de décrire parfaitement ce que nous sommes. » La dernière partie de sa phrase était sarcastique, bien sûr. Son ton se voulait moqueur - elle savait très bien qu'elle n'avait rien d'un ange. Ses plus jeunes acolytes, Z & K, avaient même tendance à porter des cornes plutôt que de jolies ailes blanches - d'où l'intérêt de la blague.

Je ne peux retenir un léger rictus quand May fait proposition d’un nom. En anglais évidement : « J’imagine que je devrai faire des concessions sur la langue de ce nom. Nous sommes aux Etats-Unis après tout. » Les anges rémanents, traduction littérale de sa proposition, ça serait ridicule aussi, il ne faut pas se mentir. Je répète le nom à voix basse, plusieurs fois avant de finalement hausser le ton :
« Les Remnant’s Angels… La bible est pleine d’anges, Amenadiel l’ange guerrier, Samael, l’ange rebelle. Gardiens, guerriers, vengeurs… C’est une allégorie classique mais plaisante. Quelque peu biblique, mais après tout. » Mon père et ma mère m’avaient inculqué l’importance de la bible, mais je n’ai jamais réellement trouvé d’interet à ce livre, il y avait trop peu d’aéroplanes à mon gout.

Je fais un léger signe, prenant un papier et un stylo : « Je note ça pour le moment, c’est une idée plaisante comme je disais. » Je cède un sourire à May… en fait, je pense accepter son idée, après tout, May est ma seule pilote, elle est investie, elle mérite d’avoir son mot à dire. De plus, elle est beaucoup plus populaire que moi, elle saura certainement m’aider à vendre notre force aérienne. Je lève la main et je rajoute d’un ton amusé : « Cependant, je gardes un droit de véto sur la devise, d’exclusivité en fait. » Comme j’avais une idée depuis longtemps, il est temps de lui dévoiler et de voir sa réaction. Je dois reconnaitre que je suis assez fière de mon choix : « La devise sera en français et elle sera : « Nulle place à la peur, nulle place à l’hésitation. » Une devise en française, c’est toujours plus classieux, il faut en convenir et si quelqu’un ose me dire le contraire. Je me contenterai de l’ignorer :

« Dans le domaine de l’aviation militaire, tous les pays ont des légendes et des réputations. A nous de forger la nôtre n’est-ce pas. Je dois t’avouer que j’ai hâte de pouvoir accrocher quelques appareils de New Eden, à mon tableau de chasse. J’ose croire que c’est la même chose pour toi ? » J’en ai la certitude en réalité, May semble prête à en découdre, elle semble avide d’apprendre et rien que pour ça, je suis heureuse de pouvoir l’avoir à mes côtés.