C'était sûr'ment pas l'meilleur jour pour penser à Elrik, l'camp était dans un état merdique, y avait des tensions, ça allait p'têt péter, p'têt pas, mais en attendant j'pensais à lui, là, dans l'herbe à moitié glaciale où j'avais posé mon cul quelques minutes plus tôt. J'm'd'mandais ce qu'il d'venait maintenant, ça f'sait combien d'temps qu'il était barré d'jà ? J'sais pas, j'sais pu, j'souffle lourdement à c'te pensée, bordel, y m'manquerait presque c't'espèce de gland, il avait toujours l'chic pour s'barrer au moment où on avait b'soin d'lui, j'tais pas tout seul, évidemment, mais j'avais pu mon frangin, j'avais plus mon sang, j'avais plus l'type qu'était capable d'me sauver la mise et à qui j'aurais donné ma vie pour l'voir rester parmi nous. Mais m'sieur avait décidé d'se barrer, d'prendre ses cliques et ses claques et d'foutre l'camp comme un lâche pour m'laisser tout seul, j'me redresse, j'suis un peu en colère dans un sens, enfin, j'sais pas, j'm'en veux d'pas l'avoir retenu aussi sans doute.

Redressé rapidement, j'fais quelques pas dans l'camp, il est pas trop tard, enfin j'arrive pu trop à jauger en c'moment mais il fait encore nuit tôt et l'temps s'adoucit alors j'suppose qu'on doit pas être trop tard. Mes errances me font aller jusqu'à un endroit où j'aurais p'têt pas dû, c'par-là qu'habite la femme qui partageait sa vie jusqu'à c'qui s'barre ou un peu avant, j'souris gentiment, elle m'aime pas mais elle aurait fait une bonne compagne pour lui, elle avait l'sang aussi chaud qu'mon abruti d'frangin, elle avait tout c'qui fallait pour l'tenir en laisse et lui apprendre à rester à s'place d'temps en temps à ce grand con qu'j'aimais tant mais elle avait pas réussie non plus à l'empêcher d'être une merde. La nostalgie ça vous fait quand même faire d'sacrés conneries, elle va sur'ment m'flinguer sans une moindre once d'hésitation mais j'm'en fous.

J'prends mon courage à deux mains, si tenté que j'en ai assez pour l'tenir à deux mains et j'vais taper sur l'ptite porte d'la demoiselle. Honnêtement j'm'attends au pire mais tant qu'elle vise pas l'visage ça d'vrait l'faire honnêtement, pas d'réponse la première fois alors j'impatiente un peu et j'l'appelle. "Old El Paso ?" Avec un peu d'chance elle va reconnaître qu'c'moi et elle va décider d'viser l'cœur directement avec l'premier couteau qui lui passe sous la main, ce qui s'rait sûr'ment la meilleure idée d'sa vie et ça m'dépannerait pour faire l'deuil de mon frangin, parce que quand on est morts, l'problème des émotions c'est plu vraiment trop ça pour être honnête. J'essaye d'm'approcher d'la porte une dernière fois quand soudain j'ai enfin la réponse sur sa présence dans l'coin...

En fait, y'avait pas de bon jour pour penser à Elrik. Il était encore comme une déchirure fraîche tout juste cicatrisée, qui ne demandait qu'à recommencer à saigner si on grattait la croûte.
Alors Teresa évitait d'y toucher, à la croûte. Elle évitait de repenser au fait que c'était lui, qui l'avait remise sur pied et l'avait entrainé de longs mois durant. Qu'ils partageaient leurs repas, parfois même leurs nuits, et qu'il était alors le seul à calmer ses terreurs nocturne.
Puis surtout, elle évitait de repenser à ce moment où elle lui avait avoué ses sentiments et qu'il les avait refusé. A partir de ce moment-là, elle avait tout perdu. Plus de repas ensemble, encore moins de nuit à deux. Exit les entrainements matinaux. Il n'était plus qu'un inconnu dans le Fort.

Il faut bien dire aussi que la période était mal tombée. Juste après ça Daniella avait disparu, son fils était mort, puis encore après ils avaient attaqué George et elle avait failli y laisser sa peau. Lui aussi. Sauf que lui, une fois remis, s'était barré un jour sans un mot, laissant la cubaine avec un vide dans la poitrine et pas même un souvenir de lui, une breloque quelconque à chérir.

Mais la vie avait continué. Une nouvelle rencontre avait peu à peu recouvert la blessure pour la rendre moins douloureuse, et avait apporté avec elle la plus belle des choses aux yeux de Teresa : un futur enfant.
Et peu de temps ensuite, son kidnapping puis l'attaque interne, histoire de rééquilibrer la balance du bonheur. Faudrait pas qu'une survivante soit trop heureuse, quand même.
Depuis qu'elle avait pris une balle dans l'épaule, elle n'était même plus ressortie de sa caravane pour aller s'occuper des enfants. Elle restait dans la semi-pénombre de son petit habitat à se ronger les ongles et les sangs, ne trouvant réconfort que dans les visites de Soo et les retours de Lisandro.

Ce jour-là ne dérogeait pas à la règle, et les quelques coups portés à sa porte la firent sursauter, repliée au milieu du lit qu'elle partageait avec son frère de cœur chilien.
Ce n'étaient pas les petits coups discrets de la petite coréenne. Si elle faisait la morte, peut-être qu'on la penserait absente ? Mais les toc toc réitérèrent, accompagnés d'un appel reconnaissable entre tous.
Bordel...
Elle se leva finalement, enfilant un pantalon de toile avant de se réenrouler dans sa couverture, pour ouvrir la porte vers le petit con.

- Qu'est-ce que tu-.. Elle secoua la tête et soupira doucement en reculant. salut Ash'... Entre, fait froid dehors. Elle avait promis à Elrik de prendre soin de son frère. Elle avait un peu merdé sur ce coup-là même si, par chance, personne ne l'avait encore tué.

Teresa ne payait pas de mine, avec son bras en écharpe et surtout la multitude de cicatrices à peine guéries qui constellaient son visage. Notamment cet affreux sourire tracé à la lame, de sa lèvre jusqu'au milieu de la joue. Sourire d'ange mon cul, v'là la gueule de l'ange.
Elle n'avait même pas le coeur à être désagréable avec lui, reprenant maladroitement.

- Tu.. veux boire un truc ? T'avais besoin d'quelque chose ?

Elle avait une gueule d'enterr'ment, fallait être franc, sûr'ment même qu'l'croc-mort d'Joseph Stevens avait une meilleure gueule qu'elle, l'seule différence qui empêchait d'trop l'voir c'tait qu'la p'tite cubaine avait la peau mate donc qu'on voyait moins qu'elle r'ssemblait à un d'ces cadavres d'hors. Rapidement la question s'pose, est-ce que j'ai vraiment bien fait d'pointer ma sale p'tite gueule d'Romeo dans l'coin ou est-ce que j'vais m'faire descendre dans la minute, franch'ment j'sais pas bien quand j'la vois et ça m'étonnerait même pas que Teresa sorte un flingue pour m'descendre comme si j'étais une Grive. Mais rien n'arrive, elle s'rattrape sur un mot tandis qu'elle allait sûr'ment m'demander ce que j'branlais là.. et pour être franc j'savais pas trop moi-même.. mais j'lui offre un sourire, enfin j'crois qu'c'un sourire mais ça m'fait bizarre d'en offrir un à Old El Paso, d'habitude la seule chose qu'on s'échange c'est deux trois insultes et on a fait not'p'tite journée ensemble mais ça fait quelques temps qu'j'l'ai pas vu et j'suis pas certain d'avoir envie d'ça.

"Salut.." J'murmure un peu en l'disant, ma main passe naturellement sur l'arrière d'ma tête comme un gosse qui vient voir s'mère après avoir fait une connerie.. j'suis un peu honteux au final j'crois d'me pointer chez elle comme si de rien était mais bon.. j'rentre quand même quand elle m'le propose parfois l'envie d'parler c'juste plus fort qu'la fierté et c'sûr'ment l'cas aujourd'hui. Quelques pas pour être à l'intérieur donc et j'découvre un peu l'lieu d'vie de Teresa, si un jour j'avais cru qu'j'serais là sans doute qu'j'aurais rigolé mais aujourd'hui j'peux pas trop m'le permettre alors j'suis juste content pour elle, el'mérite d'avoir l'droit à un peu de confort après c'qu'lui a fait Elrik, elle l'mérite sûr'ment même plus que les autres pour être franc.. du moins à mes yeux.

Puis elle pose l'question fatidique, qu'est-c'qu'je viens foutre là, j'prends un p'tit temps avant d'poser mes yeux sur elle et d'simplement lui répondre en hésitant un peu un mot sur deux. "J'viens.. j'viens voir comment tu vas.. J'sais qu't'as pas passé l'meilleur temps d'ta vie ces derniers mois donc.. j'tais pas inquiet.. enfin.. j'sais qu'ça peut être compliqué quoi." Peuvent en témoigner son bras et son visage qui l'faisait r'ssembler à un champ d'Verdun après la première guerre mondiale. "T'as une sale mine, j'veux dire en dehors d'marques, t'as pas bonne tête." J'lui souris douc'ment, j'suis p'têt un connard mais j'sais être gentil ou faire semblant d'être gentil dans tous les cas.

"Après j'comprendrais qu'tu veuilles pas m'voir, j'peux repartir s'tu veux." Je patauge un peu dans l'semoule là mais c'pas grave autant assumer jusqu'au bout. "Dans tous les cas j'voudrais d'te dire que j't'aimais bien et qu'j'suis désolé si t'as mal pris un truc j'voulais surtout l'attention d'mon frangin." Et de Juliet sur l'moment mais c'tait un autre sujet qu'j'réglerais dans un autre temps, c'genre d'trucs.

C'était rien de le dire, elle avait une sale tronche. La grande gueule qu'elle était habituellement se montrait presque craintive, regard scrutant l'extérieur à intervalles réguliers alors qu'Ashton était sur le pas de la porte. Peut-être qu'en d'autres circonstances, elle aurait préféré rester devant la caravane plutôt que de faire entrer le jeune homme dans son petit chez-elle. Mais les choses étaient différentes désormais, et il lui était finalement plus facile de le faire entrer dans son intimité que de mettre un pied dehors.

L'invitation à boire un verre ne fut pas retenue, mais qu'à cela ne tienne, elle attrapa quand même deux verres dont un qu'elle poussa vers lui, remplit le second d'alcool pour le descendre cul-sec et le re-servir, et poser la bouteille entre eux, sur le petit plan de travail.
Un infime sourire en coin s'étira, en écoutant Ash donner la raison de sa visite avec moults silences et hésitations. Et elle souffla même un rire quand il lui rappela à quel point elle avait une sale tête en ce moment.

- Ouais.. j'ai connu des jours meilleurs, on va pas se mentir. Et encore, tu sais pas tout.

Parce que la nouvelle de sa grossesse n'avait peut-être pas encore fait le tour du campement, tout comme le fait que le père l'avait larguée après son agression. Parce que comme on dit, un bonheur n'arrive jamais seul. Sauf que ce qu'on dit rarement, c'est qu'il arrive avec des emmerdes, l'enfoiré.
Un nouveau rire nerveux la secoua aux nouveaux aveux du jeune, qui partait cette fois à lui dire qu'il l'aimait bien.

- Merde Ashton, arrête, tu vas m'tuer, là. Et on découvrira que c'était ton plan secret après coup, j'suis sure. Assieds-toi, tu veux..? Si j'te voulais dehors, je t'aurais pas fait rentrer.

D'une main, elle l'invita à prendre place sur la petite banquette et s'installa en face, retrouvant une gorgée d'alcool au passage.

- Je sais pas trop c'qui te pousse à venir mais.. merci. Ton frère m'avait fait promettre de prendre soin d'toi, tu sais ? Vu nos relations... ça s'est pas trop fait. Alors j'suis contente que personne t'ait encore collé une balle dans ta p'tite caboche de merdeux. Elle lui sourit, lâchant ses mots sans agressivité. Peut-être une pointe de moquerie ou de taquinerie, certes.
Comment tu vas, toi ? D'puis.. qu'il est plus là ? J'avais l'impression qu'il était quasiment le seul à.. avoir ton intérêt. Alors ça doit pas être évident pour toi non plus.

Est-ce qu'j'étais à l'aise ? Absolument pas, sans doute j'l'aurais plus été si j'tais mort ou un truc comme ça mais là je l'étais pas, j'étais face à du passé, à quelqu'un qu'j'aimais pas forc'ment mais qui représentait quelque chose quand même, l'souvenir d'quelqu'un d'important qu'tait p'têt pas mort mais qui malheureusement n'était pas véritablement présent pour autant, au cas où vous l'auriez pas r'marqué.

Là, debout dans un p'tit mobil home qu'tait pas franch'ment mieux qu'd'dormir en plein air comme ça m'arrivait d'le faire, j'avais l'impression d'retrouver un bout d'mon frangin en la présence d'Teresa, c'tait pas franchement la personne sur qui j'aurais imaginé r'porté d'l'affection mais j'suppose qu'quand on est désespéré on s'démerde pour r'trouver la sensation d'avoir une personne qu'on aime près de soi même si ça passe par l'sacrifice d'une partie d'mon honneur et ben, c'tait pas vraiment très grave, fin j'crois, j'en mesurerais les conséquences sûr'ment d'main matin quand mon p'tit coup de blues sera passé et que j'm'insulterais d'tous les noms pour m'être pointé ici et avoir dit des trucs sympas à Old El Paso.

Pis elle s'met à rire après qu'j'lui ai dis qu'elle avait une sale gueule, m'confiant qu'elle avait connue des jours meilleurs, faut dire qu'c'était marqué sur sa gueule qu'elle avait pas passée un bon moment d'puis un bout de temps, du moins en apparence. Puis sa précision sur l'fait qu'j'savais pas tout, j'la fis chasser douc'ment d'la main : "J'suis pas sûr d'vouloir savoir tout c'qu'on t'as fais pour être franc, c'ptêt même mieux que j'l'ignore." Notamment parce qu'il y avait des chances qu'j'sois incapable d'savoir comment Elrik aurait réagit ou parce qu'j'suis juste pas la bonne personne à qui se confier et qu'j'risquerais d'être plus désagréable que j'n'le devrais hors il en était purement hors de question surtout quand ça semblait si bien partis, ces petites excusailles et le papotage.

Pis elle s'mit d'nouveau à rire, m'invitant à aller m'asseoir après m'avoir pris pour un tueur parce qu'j'm'excusais.. p'tain j'essaye d'faire un truc bien pour une fois dans ma vie et v'là qu'on m'le reprochait, comme quoi valait mieux être un connard d'temps en temps que de s'faire chier à essayer d'être gentil avec les autres. Elle me rappelait la fille de Nihima alors qu'j'm'cassais l'cul à essayer d'sauver les meubles avec elle aussi.. "J'essaye pas d'te tuer, pas comme ça en tout cas." J'aurais bien pu essayer autrement mais j'veux franch'ment pas vraiment la descendre parce qu'sinon j'aurais plus personne chez qui pleurer et j'tais pas vraiment heureux d'ce genre d'situation. "J'suppose qu'j'me suis découvert une vocation d'gentil garçon d'puis la dernière fois qu'on s'est vu." C'tait totalement faux, j'tais juste en pleine peine de bromance parce que c't'enculé d'Elrik avait foutu l'camp et j'venais m'réfugier chez la seule personne qui t'nait à lui au moins autant que moi.

Ouais, ça f'sait pitié dis comme ça.

Pis elle m'fit part de la promesse qu'elle avait fait à Elrik, j'pouvais pas m'empêcher d'sourire même quand elle m'fit part qu'elle l'avait pas vraiment fait parce qu'on s'entendait pas super bien, pis ensuite la cubaine fit l'bout d'chemin dans sa réflexion vis à vis de c'qu'j'faisais et comment j'me démerdais surtout maintenant qu'mon frangin était plus là et pour être franc.. j'savais pas trop. "T'as pas b'soin d'm'occuper d'moi, crois moi si j'prenais une balle ça rendrait p'têt service à la majorité des gens toi la première p'têt.. enfin j'pense mais j'dis ça comme ça évidemment." En vrai, j'tais certain qu'beaucoup s'rait plus heureux si j'tais plus là mais j'm'en tamponne un peu dans l'fond, fin j'pense. "J'm'occupe d'moi-même et j'essaye d'donner le sourire aux gens, j'suis pas doué pour grand chose mais j'me dis qu'si j'fais ça c'sera p'têt déjà plus intéressant qu'd'rien branler constamment.." Pis c'tait pas comme si j'étais capable de grand chose de + d'toute façon.

Il avait vaguement l'air d'un lapin pris dans les phares d'une bagnole, ou quelque chose comme ça. Tétanisé là à pas savoir sur quel pied danser, au point de ne plus savoir comment l'insulter. Pourtant il manquait pas d'arguments et d'imaginations, d'habitude. C'est qu'Elrik devait vraiment lui manquer pour qu'il vienne en chercher le souvenir chez une personne qu'il détestait.
Et en même temps, rares étaient ceux qu'il n'avait pas l'air de détester.

-T'en fais pas mon grand.. j'ai pas l'intention de me répandre en larmes et lamentations auprès de toi. Déjà parce que t'aurais pas les épaules pour tout entendre, ensuite parce qu'il me reste un semblant d'amour propre.
Et enfin parce que ça m'aiderait pas à mieux dormir la nuit.

Il s'assit et provoqua instantanément un soupir chez la brune. "je sais, que t'essayes pas de me tuer... Et moi j'essaye de faire de l'humour, mets-y un peu du tien, tu veux ?" Soupir qui se mua en sourire en coin, alors qu'à nouveau, elle prenait une gorgée d'alcool. Toi, une vocation de gentil ? Te fous pas de moi.. Je t'accueille chez moi, aies au moins la décence d'être honnête, hm ?

Sa tête atterrit entre ses mains. Elle n'était pas encore bourrée -et si Lisandro  la voyait boire en étant enceinte, y'aurait de l'eau dans le gaz-, mais son regard tout juste à peine flou la faisait paraître plus douce qu'à l'accoutumée. Et peut-être était-ce le cas ?

- C'était une promesse, Ashton.. On brise pas une promesse. Si quelqu'un.. te menace, et même si c'est de ta faute, tu sais qu'tu peux te réfugier ici. Au moins le temps de calmer le jeu. Etait-ce une gentillesse ? Mais oui mesdames et messieurs, ça y ressemblait en tout point. Pourquoi les gens t'en voudraient.. Si t'essayes de leur redonner le sourire ? c'est pas très clair ton histoire, hein. T'avoueras.

- Elrik tenait beaucoup à toi, même si.. enfin je sais qu'il y a quelque chose, entre vous, qu'il ne m'a jamais dit. Je l'ai toujours senti. C'est pas grave, c'est comme ça.  
Il t'a dit quelque chose, ou t'a laissé un truc, quand il est parti ?

Lorsqu'el'm'fit part qu'elle était pas là pour répandre ses larmes et ses lamentations sur moi, j'm'offrais un soupir de joie, ouais, c'tait bien ce qu'il fallait, éviter d'me charger d'ce genre d'mission et tout irait bien entre nous, l'reste j'pouvais faire un effort mais qu'elle m'raconte sa vie, ça j'pouvais pas, j'tais pas l'genre d'gars à qui on confiait ses p'tits secrets honteux ou comment on s'fait déglinguer au fin fond d'un buisson, ça m'regarde pas et c'très bien comme ça, ça m'empêche d'avoir d'mauvaises idées après et ça, franchement, c'déjà pas mal bien.. fin moi j'trouve en tout cas. Par contre, j'me vexe un peu quand el'm'dit qu'j'aurais pas les épaules pour tout entendre, j'lui offre même une grimace pas contente, j'peux très bien tout entendre, simplement qu'j'l'veux pas parce qu'j'suis pas mon frangin, j'défends pas la veuve et l'orphelin et j'suis pas un chevalier blanc donc même si el's'tait fait tabasser.. ce qu'est sûr'ment l'cas vu son état j'pourrais rien faire d'plus pour la pauvre d'moiselle.

"L'secret c'd'en avoir rien à branler" qu'j'lui murmure, comme si c'tait pour moi quand elle finit par l'fait qu'ça l'ferait pas mieux dormir la nuit, moi, c'comme ça qu'j'fais, j'm'en branle et ça m'permet de d'dormir la nuit sinon avec toute cette apocalypse, j'aurais jamais pu rester en vie assez longtemps, j'm'serais collé une balle d'puis longtemps et c'tait pas vraiment prévu au programme de faire ça aux dernières nouvelles, du moins, c'tait pas vraiment c'que j'souhaitais, moi.

Pis on passa à aut'chose soit disant qu'j'devais être honnête, bordel d'merde, j'ai jamais été aussi honnête qu'à c'moment précis d'puis l'début de cette merde qu'on appelle tous l'apocalypse. J'ai jamais été aussi honnête parce qu'j'suis venu être sympa avec une fille qui m'déteste sûr'ment, qui voudrait sûr'ment dans l'fond qu'j'sois quelqu'part dans un fossé à moitié mort ou transformé en une d'ces choses alors si j'voulais pas être honnête, j'serais pas là, j'vais pas voir les gens qui m'veulent du mal.. ou du moins pas du bien natur'llement. "Si j'te mentais, j'serais pas venu t'voir, j'suis pas du genre à me pointer d'vant chez les gens avec une rose pour l'plaisir d'les voir." C'même pas du tout mon genre pour être franc.

Pis on en vint à sa promesse, j'lui fis presque les gros yeux quand elle lui fit part qu'il pouvait v'nir s'réfugier pis elle s'm'y à remettre en question l'fait qu'j'essayais d'rendre le sourire aux gens avec l'fait qu'on m'en voulait, dis donc, l'p'tite dame fait trop la maligne pour quelqu'un qui s'fait larguer comme une naze par mon frangin mais quand elle s'remet à parler d'lui, ça m'calme presque naturel'ment. "Il m'a rien dit, y voulait juste voir aut'chose, vivre quelque chose d'autre, c'son foutu b'soin d'aventure, y s'lasse trop facilement et du coup y supporte pas d'rester au même endroit." F'sant jouer mes doigts sur la table, un coup d'oeil dehors m'fit réfléchir un peu plus facilement, à croire que ça r'mettait du sang dans mon cerveau comme si c'était un V6. "J'aurais p'têt dû partir avec lui, n'serait-ce que pour l'raisonner d'temps en temps, p'têt que c'tait pas bien qu'j'reste là, j'ai rien à faire, j'ai rien à construire ici et la seule chose pour laquelle j'suis bon, j'vexe les gens sans l'vouloir."

J'm'offre un sourire à moi-même et en même temps pour elle : "Merde, j'suis en train d'pleurnicher avec toi, là ?" J'pose un instant mes yeux sur c'te pimbêche d'Old El Paso : "Elrik t'a quand même pas dis d'me faire un bisous magique quand j'suis comme ça hein ? Parce qu'c'un truc qui lui ait réservé." J'suis toujours obligé d'dédramatiser mais ça m'fait marrer pis surtout ça m'permet d'tempérer mes émotions d'temps en temps.