Pressé, le brun observait la montre à son poignet, pour être franc, la petite gousette de métal posée sur une lanière de cuir abimée par le temps ne donnait sûrement plus véritablement la bonne heure depuis quelques années maintenant mais son rôle était simplement de donner une approximation du temps qu'il pouvait rester à Aodhan quand il sortait dehors et le temps, il en avait sacrément besoin dans la situation dans laquelle le professeur se trouvait. Pour être franc, Dieu seul sait ce qu'il lui avait pris que de suivre Alice dans cette entreprise aussi folle qu'insensée, le brun allait finir par croire qu'il devait être ami avec tous les fous du village que ce soit entre la rouquine et Roza, pas une seule n'avait pas réussie à une certaine époque à l'emmener dans ses conneries à croire que le professeur les voulait sans véritablement le montrer.

Sans doute dans un sens cela s'expliquait par son humeur des derniers temps, morose sans le montrer de la mort de Zack, morose sans le montrer du simple fait de ne plus être dehors, de ne plus pouvoir profiter pleinement du véritable rêve américain comme le brun l'imaginait à une époque où Zelda et Kassidy étaient encore des enfants qui ne connaissaient rien de la vie. Six ans, six ans et il en avait vu des choses pendant ces six années mais ces derniers temps le goût du risque lui manquait, le goût de pouvoir sentir sa vie passer entre les fils du destin comme si une tisseuse là-haut lui prédisait quelque chose de plus grand à faire, de plus important. Peut-être risquait-il trop à sortir de cette façon ? Peut-être qu'il était simplement devenu un pauvre homme, professeur des écoles comme ce qui lui était prédestiné avant le début de cette épidémie et que, s'ayez, Dieu remettait les choses en place après s'être amusé. Serait-il punit de refuser son rôle sur cette terre et d'essayer de revenir aux fondamentaux ? Peut-être.

Dans tous les cas, voilà le résultat : il était à l'extérieur, le pistolet de Neil sévèrement harnaché à sa taille comme s'il était la seule chose qui le tiendrait en vie en dehors de ses murs, le palpitant aussi heureux de battre à l'extérieur des murs de Fort-Ward que stressé de retourner dans le No Man's Land, un endroit qu'il avait connu il y a fort longtemps et qu'il retrouvait presque dans le même état qu'on l'avait laissé lorsque Victoria et Adam étaient venus le sortir de là. Pourquoi était-il là, me questionnerez-vous ? Parce qu'on l'avait convaincu d'aller sur place pour se renseigner sur la présence de deux têtes blondes qui avaient mystérieusement disparus : Zelda et Kassidy qui de toute évidence ne donnaient pas signe de présence ou de survie à qui que ce soit. Alors par où mieux commencer que par le No Man's Land ? Là-bas tout se savait et surtout tout le monde y passait, autant dire que les deux petites monstruosités sur lesquelles Aodhan posait auparavant un regard bienveillant, bien qu'il soit teinté par une sorte de professionnalisme autocentré comme tout professeur des écoles, étaient soient passés par-là, soient rôdés quelque part, le corps décharné par les marques de dents de ces choses qui erraient sans but que l'on appelait par différentes douceurs en guise de nom.

Ils étaient venus deux jours auparavant, sans doute qu'il n'y avait que cette date-là parce qu'Alice, si Aodhan avait tout compris, était amenée à quitter le Fort bientôt pour une autre occupation dont le professeur n'avait, pour être honnête, pas grand chose à branler. Sur place, les gens avaient été intrigués par leur propreté, le semblant de propreté en ce qui concernait Alice évidemment, et le professeur avait laissée cette dernière vaquer à ses occupations et ses envies, découvrant lui-même le développement de cette petite bande de solitaires qui vivaient d'une façon individuelle mais qui semblaient presque recréer une sorte de civilisation collective à travers la dite individualité. Au cours de leurs aventures solitaires, les deux avaient réussis à glaner des informations sur la présence de deux adolescentes aux cheveux blés quelque part dans le coin, pas forcément commode pour l'une, sans doute Zelda, foncièrement correcte pour l'autre, sans doute Kassidy, et les deux faisaient leur bout de chemin vers la zone à laquelle l'on leur avait proposé la présence de celles-ci : "Normalement c'est pas loin." Le professeur avait dit ça simplement d'une façon logique, Alice connaissait sûrement la ville et était loin d'être une débile, quand elle était pas bourrée. "Sauf si on nous a tendu un piège mais de toute façon, moi on me descendra directement." Insistant bien sur le moi, il jeta un coup d'œil amusé à sa partenaire de sortie même s'il lui semblait peu probable que ce soit le cas.

Le No Man's Land est crade. Les habitants du coin parviennent à chasser les rôdeurs qui viennent jusqu'ici, mais quelques corps traînent encore dans les rues, inertes, embaumant l'air d'une terrible odeur de décomposition. Bien sûr, Aodhan et moi attirons quelques regards curieux ou envieux. Il faut rester vigilant, car une balle perdue ou une bousculade avec des pickpockets serait vite arrivée. Alors je garde mon air sévère plaqué sur le visage, le flingue bien en évidence à la ceinture et le fusil accroché dans mon dos. Je garde un couteau planqué entre ma botte et mon jeans, au cas où.

Nos recherches nous ont menées ici. A la recherche des deux adolescentes qui ont été aperçues dans le quartier, il y a quelques jours. Je crains qu'elles ne soient tombées dans un traquenard. La ville regorge d'hommes malveillants, en particulier envers les jeunes filles. La piste qu'on privilégie actuellement est celle d'un homme ayant un refuge pas loin. Un bâtiment dont l'entrée est ornée de fleurs, qu'on nous a dit.

J'acquiesce la remarque d'Aodhan en avançant dans la rue, mes talons claquant au rythme d'un pas décidé.  Quand il se clash lui-même, un mince sourire étire mes lèvres. "Est-ce que ça fait de mon ton garde du corps ? Merde..." Je grimace, faussement agacée. En vérité, je suis soulagée qu'il ne se place pas en bon mâle protecteur. Je sais qu'Aodhan n'entravera pas mes mouvements ou mes décisions. "J'devrais te faire payer." J'hausse un soucil en lui adressant un bref regard, avant de continuer.

"Tiens, ça doit être là." Je lève le menton pour lui indiquer la porte du petit bâtiment de deux étages. La façade en est étrangement bien entretenue. "Reste en retrait pour l'instant." Ca me sera utile d'avoir un back-up surprise. Je frappe fermement le poing contre la porte, à plusieurs reprises.

Après quelques secondes, j'entends des pas, puis le mécanisme de la serrure s'ouvrir. Je... baisse les yeux. L'homme est petit - un mètre cinquante à tout casser, trapu, la soixantaine et la calvitie avancée. Mais sa moustache est étonnamment bien dessinée. "Buongiornooo bella ragazza !" s'exclame-t-il dans un grand sourire beaucoup trop chaleureux. Je n'comprends pas ce qu'il dit, alors je me contente d'aller droit au but, "Je cherche deux ados. Des blondes." Le type est surpris et tente de claquer la porte. Je bloque l'ouverture en y glissant le pied, la repousse violemment et dégaine mon flingue. Le type recule et se met à fuir dans le bâtiment. "Ao' !!" J'appelle le professeur à la rescousse et commence à poursuivre le bonhomme.

Le coin était pas moche, loin de là pour être franc, c'était même plutôt beau, si on entend que le beau est encore une valeur conceptuelle au milieu de l'apocalypse et des immeubles qui s'effondrent et se cassent la gueule un peu partout, mais en somme c'était plutôt sympa d'être là et les yeux rivés sur sa montre une dernière fois après avoir provoqué sa rouquine préférée, en réalité quand on est seule c'est difficile de ne pas être la préférée, le professeur affolait ses yeux sur les alentours à la recherche de cette foutue porte, l'idée même qu'elle soit fleurie semblait complètement stupide, quel genre de blaireau mettait des fleurs sur sa porte pour inviter les gentils pilleurs à venir lui mettre un pistolet, un vrai pistolet, dans la bouche en récupérant tout ce qu'il a ? C'est simple : soit il faut être extrêmement dangereux et confiant, soit il faut être complètement fou et particulièrement stupide, la seconde option étant au milieu de l'apocalypse la moins probable ironiquement.

Puis, la rouquine lui fit parvenir la réponse à sa boutade, ouais, y avait de ça, c'était peut-être dans un sens, elle, sa garde du corps mais dans le sens où c'était lui qui l'empêcherait de terminer dans une cave attachée à servir de jouet sexuel à une dizaine de types aussi sympathiques que des barres de fer.. eh ben, il aurait pas grand chose à payer dans ce contexte-là mais par pur esprit de : faire chier le monde, le professeur se contenta de lui offrir avec un léger sourire une réponse : "Merde, c'est con j'ai oublié mon portefeuille." Cherchant faussement celui-ci dans les poches de son jean, ses yeux se relevèrent sur la rouquine : "Va falloir que je paie en nature." Il en esquissa un sourire, sans doute qu'elle se doutait qu'il se foutait éperdument de sa gueule mais l'énerver était en train de devenir un sport national dans lequel Aodhan se plaisait à performer de la meilleure des manières.

Mais pas le temps pour plus de conneries, la rouquine lui fit part de la présence de la porte en question. Quelques mots pour lui dire de rester en retrait et le professeur sans cherchait à contrecarrer quoique ce soit se fit tout petit, du côté où normalement le type qu'allait ouvrir devrait pas pouvoir le voir. Les yeux rivées sur Alice qui écrasait, tout en douceur, son poing sur la porte pour appeler le propriétaire des yeux, le cœur battant, le professeur ne pouvait que se questionner sur ce qui allait se passer.. dans un espèce de mélange d'excitation et de curiosité sur la façon dont cette charmante sortie allait se dérouler.

Un type ouvre la porte, du moins le professeur le sait à partir du moment où il ouvre la bouche, une sorte d'accent italien qu'à l'air d'un tant soit peu tchatcheur vu la façon dont il s'exprime, s'il savait qu'il avait plus de risque de prendre le poing de la rousse dans la gueule que de la mettre dans son lit. La question d'Alice fit suite et visiblement, ça fit mouche puisque quelques secondes après, les pas du pauvre gars résonnait et la rouquine appelait au secours avant de s'élancer à l'intérieur, bon, fallait que ça se passe mal apparemment, faisant sa route immédiatement, le professeur ne put que suivre la rouquine qui s'élançait vers les escaliers, le premier étage atteint, les deux autres avec trop d'avance, les yeux du prof s'arrêtèrent sur une vitre qu'était à moitié cassé donnant sur les escaliers qui longeait les immeubles, un truc typiquement des Etats-Unis du Nord que le prof était incapable de comprendre.

Merde, y avait pas le temps de débattre sur ça et sortant à toute vitesse par la fenêtre pour essayer de les rattraper, sa peau s'entailla sur un morceau de verre.. pour être franc, le verre l'avait entaillé à la gorge, c'était pas trop profond mais le réflexe le fit s'arrêter à cet instant-là avant de continuer sa route, laissant son sang vivre son chemin, qu'importe, il allait laisser ça comme ça, c'est pas comme s'il avait le temps de chialer de s'être fait mal. Le second étage monté, il fait sa route le plus rapidement possible enjambant trois par trois les marches pour arriver au troisième en voyant l'cul de la rouquine finir de disparaître, l'quatrième puis l'avant-dernier étage, c'est ici qu'il fit son chemin, enfonçant la porte qui reliait les maisons à ce système d'escalier pour arriver devant le nouvel ami d'Alice : "Salut." Esquissant un sourire, celui-ci fit rapidement sa disparition quand un truc pas vraiment prévu fit son arrivée dans leur petite escapade italienne.

J'grimpe les marches deux par deux, le coeur tambourinant rapidement sous l'effort. C'est à s'demander comment un type avec une aussi piètre carrure peut avoir un tel cardio.

Aodhan bifurque par l'extérieur, tandis que je continue derrière le type. Bien, on devrait finir par l'encercler à un moment ou un autre, quand il n'y aura plus de marches à grimper. Le type crie des trucs en italien, auxquels je n'comprends toujours rien. Il s'agite, et déboule dans un appartement.

A bout de souffle, j'arrive à ce dernier étage accessible, et suis le mec à travers la porte encore ouverte. Sans doute avise-t-il les escaliers de secours, mais bien heureusement, le professeur en surgit pour lui faire face. "Qu'est-c'que t'as foutu ?" Que je l'engueule presque, inquiète de constater sa gorge ensanglantée.

L'italien recule, dos au mur. Il est foutu. Je braque mon arme sur lui, compensant difficilement le balancement de ma respiration pour le garder en joug. Autour de nous, j'entends des bruits... étranges. Des grognements semblables à ceux des rôdeurs, mais... un peu différents. Je remarque plusieurs structures rectangulaires recouvertes de bâches ou de draps. Et une odeur... cadavérique. Il se passe quelque chose de vraiment pas net ici.

"Les filles." que je lui rappelle, en le menaçant de mon flingue. "Où sont-..." Mais d'un coup, je sens une vive piqure dans ma nuque. Je n'ai pas vraiment le temps de me retourner que ma vision se trouble. J'aperçois un deuxième homme, je devine des voix, et puis je bascule, mon corps tombant lourdement au sol en choeur avec celui du professeur.

***

Je rouvre difficilement les yeux. Ca tourne... C'est flou... Il fait sombre, et plus froid que tout à l'heure. Il me faut quelques secondes pour comprendre que je suis étendue sur un sol en béton. Et quand je veux ramener mes mains à moi, elles sont bloquées. Une corde est nouée autour de mes poignets et me maintient à un crochet. "Merde..." Je me redresse alors en utilisant mes jambes, maladroitement, pour m'asseoir. Je constate que j'ai toujours mes fringues, c'est un soulagement... Et... près de moi, je devine des présences familières. Quand ma vision revient à la normale, je reconnais les visages des deux ados disparues. Il y en a une autre, que je ne connais pas, avec elles. Cette dernière parait très amaigrie, en piteux état physique et psychologique. Aodhan est toujours dans les vapes près de moi, alors je lui donne un petit coup de pied dans les jambes avant de m'adresser à nos têtes blondes. "Qu'est-c'qui se passe ? Vous êtes là depuis longtemps ? Ils vous ont fait quelque chose ?" Trop de questions sans doute, mais j'en ai encore quelques unes en stock.

« C'est gentil d'te joindre à nous ! »

Même fatiguée et meurtrie, Zelda ne peut pas s'empêcher de faire un trait d'humour en observant Alice s'extirper de l'inconscience et renouer avec la réalité. Elle esquisse un petit sourire puis grimace quand la corde qui la maintient à moitié suspendue à un crochet tire sur ses poignets ensanglantés. C'est qu'elle a essayé de se libérer de ses liens, l'australienne. Pendant de longues heures. En fait depuis que K' et elle ont été capturées, la veille, par ce qui semble être un duo masculin. Mais ils sont peut-être davantage. C'est difficile à dire.

« Ca fait plaisir d'voir des têtes connues ! » Son regard clair se pose sur Aodhan. Il est toujours dans les vapes. Peut-être en train de rêver qu'il distribue de mauvaises notes à ses élèves, qui sait ? « On compte sur vous pour réchauffer un peu l'ambiance ! Elle a pas été très folichonne jusqu'à présent... » Entre cette inconnue qui a refusé de lâcher un mot jusqu'à présent et les coups que ces enfoirés lui ont décochés dans l'estomac pour, selon eux, lui apprendre la politesse, elle n'est pas particulièrement fan de la faune locale.

La motarde y va de ses petites questions. Il faut dire qu'elles sont bien légitimes même si les réponses que les deux adolescentes peuvent lui apporter risquent un peu de la décevoir. « Oh, c'est une longue histoire... » commence l'australienne avant de pivoter, sur la pointe des pieds, vers sa meilleure amie : « T'as toujours été plus douée qu'moi pour les raconter ! Tu leur fais un p'tit topo ? » Elle se penche autant qu'elle le peut en direction de l'américaine. « Pas besoin d'évoquer l'moment où j'ai menacé d'buter leur descendance, hein. J'pense pas qu'ce soit très pertinent ! » murmure-t-elle à l'intention de la blonde, faisant référence à la légère altercation qui explique - du moins en partie - leur présence dans ces lieux malfamés.

Si Zelda se permet de prendre les choses avec cette légèreté pourtant habituelle, c'est qu'elle est revigorée par la présence de leurs camarades. Il y a quelque chose de soulageant dans l'idée de faire face ensemble au danger. « Paniquez pas, les boomers ! » reprend-t-elle en pivotant à nouveau vers les deux adultes. « On va vous sortir de là ! » C'est juste qu'elles ne savent pas encore trop comment elles vont s'y prendre. Mais elles vont y aller au talent. Comme d'habitude, quoi !

« Mais... dis-moi que j’suis en train de faire un rêve, s’teuplaît. »

Ou plutôt un cauchemar. Oui, un cauchemar. Elles ont longtemps attendu qu’on vienne les secourir, les adolescentes. Elles y ont cru, Kassandra peut-être plus que Zelda. Puis elles ont pris la route et se sont éloignées de leur point de naufrage après de longues journées passées à attendre un groupe qui ne vint jamais. Pour Zelda et Kassandra, il était clair qu’elles finiraient par rentrer seules, et ce par leurs propres moyens. C’était clair, c’était écrit... et même si Kassy savait qu’elle sauterait au plafond en revoyant les personnages qui lui sont les plus chères, elle ne s’attendait pas à voir l’une d’entre elles les rejoindre dans ce piège mortel dans lequel elles ont mis les pieds.

Fatiguée, affamée et déstabilisée psychologiquement, Kassy ne bouge pas. Elle ne s’est toujours pas habituée à cette longue corde et à ce crochet qui l’empêchent de faire le moindre geste, mais il faut croire que ses membres endormis ont finis par l’aider à s’habituer à une telle position pourtant inconfortable. « Qu’est-ce qu’ils foutent là... » qu’elle parle dans ses dents en les observant d’un air profondément blasé. On aurait pu leur envoyer n’importe qui. June, Clay, Logan, Adrienne... mais il aura fallu qu’on leur envoie le professeur d’histoire... et une rouquine dont elle ne connait rien. Non, le pire n’est pas leur identité mais bien la situation dans laquelle les deux se sont mis. Parce qu’à quatre enfermés et attachés dans la même pièce, il n’y a pas grand-chose qu’ils seront capables de faire pour s’en tirer... Et ça, Kassandra le sait. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle ne mise pas sur les deux adultes...

« J’espère vraiment qu’des renforts vont arriver... » S’ils se sont fait suivre, peut-être qu’on pourra enfin les sortir de là, non ? Ils ne sont pas sortis seuls sans avoir réellement préparé un plan à l’avance, si ? « Putain... » Kassy gigote un peu, tire un peu sur cette corde qui serre bien trop ses poignets depuis la veille, depuis qu’elles se sont fait choper d’une façon totalement... surréaliste. Et en plus de sa faute.

« T’es sûre... ? » Elle pivote à son tour pour avoir le doux visage de l’australienne en visuel. Les yeux légèrement rougis par ces nombreuses larmes déversées la veille, Kassandra n’est pas sûre de pouvoir raconter l’histoire qui les aura menées dans ce trou à rat. « On a juste... J’ai juste eue une mauvaise intuition, c’est tout. » Des mots bien brefs et insignifiants pour un bordel pareil, c’est certain. « On nous a proposé un super plan au No Man’s Land... Y avait un mec qui voulait nous offrir un peu de viande en échange d’un service, et... » Elle se racle la gorge, n’ose plus regarder celle qu’elle a l’impression d’avoir trahie. « ... J’ai merdé. Zelda voulait pas, mais... j’avais tellement faim que j’étais prête à tout pour avaler un truc, c’est pas d’ma faute. Enfin, si, mais... j’suis désolée ! » Elle s’emmêle un peu les pinceaux, Zelda semble à peine lui en vouloir alors que Kassy se fait son propre procès depuis de nombreuses heures maintenant... elle s’en veut terriblement, elle se voyait déjà responsable de la mort de sa meilleure amie, et ça... c’est terrifiant.

Les yeux posés sur les deux nouveaux arrivés... elle se sent davantage coupable maintenant qu’elle risque d’être responsable de la mort de deux personnes supplémentaires. « Ça... ça m’saoule, merde ! » qu’elle rouspète en tirant un peu sur ses poignets avant de rapidement s’interrompre... S’il y a une raison pour laquelle les poignets de Zelda sont aussi douloureux, c’est parce qu’elle n’y est pas allée de main morte non plus. Vaudrait peut-être mieux qu’elle arrête. « Comment tu fais pour être aussi calme alors qu’ils vont nous faire... J’sais pas ? » Elle l’intrigue tellement, l’australienne... Elles risquent de finir sur un grill, découpées en quarante mille morceaux... mais elle agit comme si elle était dans un hôtel cinq étoiles. C'en est limite inquiétant.

Son arrivée tonitruante fait, le professeur ne put que relever le regard sur la rouquine quand elle lui fit la remarque gentille de ce qu'il avait branlé, ses yeux se portèrent sur son t-shirt qui avait commencé à se napper de rouge gentiment malgré le fait que l'entaille s'était close rapidement, ouais, bon, il devait pas être le type le plus présentable du monde à cet instant-t et relevant le regard sur sa rouquine de partenaire, le professeur haussa les épaules : "Quand je veux quelque chose je l'ai, je fais pas trop gaffe désolé." Sans doute qu'il aurait fait une blague sur Alice dans un autre contexte mais ses yeux firent leur chemin plutôt sur le type avec un léger sourire en coin, ce type avait sacrément intérêt à leur dire où était ses deux élèves préférées.. enfin au moins Kassidy parce que qu'est-ce qu'il allait prendre dans le cas contraire, sans déconner il allait passer un mauvais moment.

Directement Alice change de sujet, elle s'approche de l'italien avec son arme à feu tandis que le prof garde un instant pour reprendre son souffle, bordel, il a plus vingt ans et parcourir autant d'étages aussi vite c'était pas censé être le truc le plus sportif qu'il ferait de la journée alors valait mieux qu'il prenne un peu de son temps pour reprendre son souffle un instant avant de remarquer que.. putain de merde ça pue ici, il lève les yeux vers l'italien en premier lieu, au cas où il se soit chier dessus devant Alice, ce qui serait compréhensible, avant de se rendre compte que l'odeur venait non pas de leur nouvel ami mais bien des espèces de tentes qui les entouraient. Dépassant la rousse, la curiosité du professeur le perdrait sûre... ah bah c'est fait. Quelques instants après, il sent simplement un coup qui tombe sur lui et son corps qui s'écroule avant que les ténèbres ne l'entourent, s'ayez, c'est la fin.

Enfin qu'un moment, les ténèbres sont paisibles mais ça, c'est jusqu'à ce ressentir quelque chose dans les côtes, un coup qui le fait sortir de sa torpeur, le réveil le moins doux de l'histoire et évidemment ça pouvait être qu'Alice quand ses yeux s'ouvrirent aussi difficilement que ceux d'un nouveau-né. Putain, il aurait p'têt presque préféré que ce soit un tortionnaire qui le réveille, à moitié la tête dans le cul, le professeur posa ses mirettes sur l'australienne un peu plus loin qui semblait presque marrante à cet instant, autant dire que le coup avait dû être fort. Le prof se passe la main sur le visage, observant un peu autour de lui tandis qu'il entend vaguement Kassidy raconter son histoire, se faire chopper par des inconnus pour des bouts de viande, il peut s'empêcher d'en rire sans filtre. "Merde, sérieux.." il avait murmuré ça, sans doute que seulement Alice avait pu entendre la phrase mais pour être franc il jaugeait pas encore très bien les choses.

Puis la vision des deux gamines attachés comme des cochons le fit sourire encore plus, bordel, c'était vraiment une journée aussi étrange qu'amusante dans un sens. Les phrases de Zelda sonnent creuses et l'inquiétude de Kassidy est honnêtement justifié mais le professeur ne peut pas s'empêcher de tenter de la rassurer : "Déjà, vous vous êtes pas faites violer par un italien, vous pouvez être heureuses." Bon, ok, en posant son regard sur Alice, il s'était rendu compte que c'était pas nécessairement la chose la plus rassurante du monde venant d'un professeur. "On va trouver un moyen de vous sortir de là, d'une façon ou d'une autre, juste le temps de reprendre un peu nos esprits.. la journée a été longue pour nous deux." Bon, en posant son regard sur la position des gamines attachées, la journée avait peut-être été aussi longue pour elles deux. Questionnant Alice du regard, il fit quasiment allégeance à celle-ci pour trouver la solution désespérément attendue.

"Je suppose qu'on va pas pouvoir jouer de nos charmes après en avoir menacé un avec un flingue, c'est dommage parce que j'avais des sous-vêtements pour l'occasion, donc va falloir trouver autre chose." L'humour, c'était sa façon de cacher le fait qu'il savait pertinemment qu'ils étaient dans une sacrée merde.