Le voile qui troublait ma vue commence à se lever à mesure que le produit se dissipe dans mon sang, j'imagine. J'me sens encore faiblarde, mais suffisamment éveillée pour suivre la discussion et réaliser la gravité de la situation.

C'est Kassandra qui nous donne un peu de contexte sur leur arrivée. C'est donc la faim qui les a menées à se mettre dans la merde. C'est plutôt compréhensible, quoiqu'assez naïf de leur part. Je soupire, "Vous départagerez à qui revient la faute quand on sera tous sortis de là." Y compris l'inconnue prostrée dans son coin qui pourra bien profiter de sa liberté quand j'aurai descendu nos deux assaillants.

A la remarque du prof sur le supposé viol épargné des deux adolescentes, je le fusille du regard et le gratifie d'un nouveau coup de talon. Peut-être que ce genre d'horreurs a déjà eu lieu ou sont encore à venir. Pour le moment, les deux ados n'ont pas l'air traumatisées, c'est déjà bon signe. Juste fatiguées, ce qui n'a rien d'étonnant.

"Ouais..." que j'acquiesce ironiquement quand la blonde nous promet de nous trouver une issue à ce traquenard. Aodhan suggère d'attendre un instant pour que l'on retrouve complètement nos capacités, mais je secoue la tête. "On n'a pas d'temps à perdre." Et je tâche déjà de me redresser, à la force de mes bras puis de mes jambes en coton.

"J'suis vraiment heureuse de le savoir." dis-je quand il parle de ses sous-vêtements. "J'espère qu'ils auront de quoi te bâillonner." on pourra sans doute mieux réfléchir sans avoir à subir les conneries qu'il semble juger nécessaires de partager.

Le noeud qui me lie les poignets a l'air particulièrement serré et je doute que la corde cèderait à l'assaut de mes dents, même si l'idée de m'y défouler est bien tentante. J'avise alors les crochets, qui semblent robustes mais ne sont pas fermés, comme du véritable matériel de boucherie. Ca donne le ton.

"Ok, Zelda..." je baisse les yeux vers la petite blonde. "Si tu montes sur mes épaules, t'atteindra p'têtre un de nos crochets." Ca risque d'être un peu acrobatique car nos cordes respectives nous contraignent à une certaine position et distance, mais elle a l'air assez agile pour performer un truc du genre... J'approche d'elle autant que possible et pose un genoux au sol, lui offrant mes épaules comme... plateforme, et prête à fournir l'effort de la soulever. J'espère qu'elle ne va pas trop dégueulasser ma veste.

« On a merdé ! »

Zelda corrige immédiatement sa camarade lorsque cette dernière argue que si elles se retrouvent dans cette situation, c'est de sa faute. Elles forment une équipe. Leurs erreurs sont tout aussi communes que leurs victoires. Et puis ce n'est pas bien important, dans le fond, de savoir à qui revient la faute. Alice fait chanter son pragmatisme en leur indiquant qu'elles auront le temps de débattre de tout ça lorsqu'ils auront retrouvé la liberté.

De son côté, Aodhan semble s'être réveillé. C'est fou tout ce que l'on peut obtenir avec quelques petits coups bien ajusté. Et tandis que la jeune américaine demande à l'australienne comment elle fait pour rester aussi calme, le professeur y va de son petit commentaire à peu près rassurant. Zelda lui décoche un regard dégoûté avant de se retourner vers son amie. « Ben... on a pas encore été violées, justement ? » Elle tente de hausser les épaules, sans grand succès. Elle préfère manier l'ironie plutôt que de succomber aux craintes légitimes qui pourraient l'assaillir. C'est comme ça. « On va s'en sortir... » C'est du moins ce qu'elle espère à défaut de pouvoir en être sûre. L'arrivée d'Alice et d'Aodhan, même si elle n'est pas vraiment héroïque, a au moins l'avantage de lui insuffler de nouvelles raisons de croire qu'ils s'en sortiront.

Et puis elle ne peut pas s'empêcher de rigoler lorsque le professeur d'Histoire leur indique qu'ils vont les sortir de là et que la journée a été longue pour Alice et lui. « Oh non ! C'est ballot, ça ! » ironise-t-elle avant de perdre son sourire. « J'voudrais bien compatir, hein. Mais ça doit bien faire deux mois qu'on essaie d'rentrer à Fort Ward alors j'ai un peu d'mal à te plaindre ! » C'est peut-être parce qu'il n'a pas encore pleinement retrouvé ses esprits qu'il en vient à se plaindre pour des peccadilles ? « Et sans vouloir paraître trop insistante... C'est nous qui allons vous sortir de là ! » Il n'y croit pas ? Eh bien il verra ! Ca va lui faire tout drôle de devoir la vie à ses élèves...

« T'as enfilé ton plus beau string panthère ?! » Zelda ne sait pas trop si elle est curieuse de voir ça ou si ça la dégoûte profondément. La réaction d'Alice l'aide à opter pour la seconde option. L'australienne échange un regard amusé avec sa petite amie puis reporte son attention sur la motarde au moment où cette dernière requiert la sienne. Elle comprend alors vite ce que son aînée attend d'elle. « Ca va être sportif... » pressent l'adolescente. Et pourtant ça ne l'empêche pas d'essayer. Seulement les crochets qui les retiennent toutes deux rend l'escalade un brin compliquée. Voir carrément bordélique !

Il en faut, des efforts et des essais, pour qu'enfin elle parviennent à se libérer grâce à l'effet de levier offert par Alice. Zelda retombe lourdement au sol et, dans la foulée, le souffle coupé. Mais elle finit par se relever. Le tout en espérant que le bruit provoqué par sa chute et le crochet désormais vide qui se balance n'aura pas attiré leurs ennemis. « J'vous libère ! » Et très franchement ce n'est pas bien compliqué puisqu'il suffit d'appuyer sur un levier pour libérer la roue dentelée du mécanisme et donner suffisamment de jeu aux chaines pour qu'ils puissent recouvrer leur liberté de mouvement. « Alors, Ao' ? Qui sauve qui, hein ? » Elle fait de son mieux pour ne pas trop se la péter. Ils sont toujours enfermés dans cette pièce et leurs mains restent solidement attachés avec cette corde qui cisaille leurs poignets. Pourtant c'est vers K' que l'australienne se précipite déjà. Pour s'assurer qu'elle va bien. Et tout simplement pour être près d'elle.

« Faut qu'on trouve des armes ! » Mais ça, c'était déjà évident. Et tandis que l'adolescente s'emploie à défaire du mieux qu'elle le peut les liens de sa comparse, elle cherche du regard n'importe quel objet qui pourrait leur permettre de batailler avec leurs ravisseurs. « T'as appris à te battre, Ao ? Ou va falloir te protéger ? » s'enquit-elle. Sérieusement, en plus. Si les professeurs étaient de bons combattants, ça se saurait... « Ca va ? » demande-t-elle dans la foulée, un ton plus bas, à sa petite amie. Avec, sur le visage, cet habituel air concerné. Et puis lorsque des pas se font entendre et qu'ils deviennent de plus en plus fort, le quatuor comprend aisément qu'ils vont avoir de la visite. « C'est la partie amusante, ça ! » Et elle le pense ! Parce qu'à défaut d'avoir retrouvé pleinement leur liberté, ils vont pouvoir compter sur l'effet de surprise. Le type qui va rentrer dans cette pièce risque d'avoir une très mauvaise surprise.

Entraînant sa camarade à sa suite, l'australienne va donc se planquer sur le côté de la porte. Si les autres la rejoignent et qu'ils sautent tous ensemble sur le ou les nouvels-arrivants, ils devraient réussir à prendre l'avantage. Non ?