Je crois que j'avais déstabilisé la demoiselle, avec mes histoires de robe et de me faire belle. Bon, visiblement le sourire amusé n'avait pas suffit à faire saisir que je la taquinais en reprenant sa phrase au féminin mais après tout. J'étais pansexuel, aussi à l'aise en atours et maquillages de femme qu'en tenu d'homme, je n'étais probablement pas ce que le débat pré-apocalypse nommait un homme cys-genre bien dans sa peau.
Et finalement, qu'importe ! Elle en avait retenu le principal : Il n'y avait pas de mal à se faire plaisir puisque ça ne faisait pas de mal aux autres. Même si dans mon cas, "ne pas faire de mal aux autres" n'entrait pas dans mes priorités personnelle non plus, hein.

Alessia se montrait étonnamment bavarde au sujet de Milow, malgré le fait qu'elle m'avait trouvé en train de l'espionner, et malgré ce que je lui avais raconté ensuite. Je n'irais certainement pas m'en plaindre, mais je trouvais ça assez étrange. je vois, il en a tellement que tu peux pas faire le tri, quoi. Et tu lis quoi, de plus chiant que les romans et les BD ? T'es du genre à te taper les notices de montage des appareils pré-invasion pour comprendre comment ça fonctionnait ? Difficile de dire si je me foutais d'elle ou pas. Peut-être une pointe de taquinerie sur la forme, mais l'intérêt était réel, sur le fond.

Elle me fit une petite remarque bien sentie sur le fait que Milow n'aimait pas tellement qu'on lui parle, à laquelle je répondis d'une moue et d'un haussement d'épaules. Peut-être, mais moi j'aimais bien lui parler, c'était pas ma faute..
La gamine remonta un peu encore dans mon estime quand elle enchaîna avec un second tacle à la gorge, supposant que je m'en remettais peu au hasard vu ce que je lui disais.

- Alors.. sur le fond t'as raison beauté. Je préfère souvent forcer les choses que laisser ce traitre de hasard décider pour moi, c'est vrai. Et c'est certainement le cas pour Milow. Même si c'est un gros hasard si Bruce et Connor ont décidé de recruter hier là où je trainais. Tu vois ? c'est ça le truc avec le hasard. On force un peu et après il plie de lui-même. Je levai les mains comme si la situation prouvait ma théorie d'elle-même. Ceci étant, dans ton cas c'est un vrai hasard. Mihai a dit un truc du genre, que t'étais dans un groupe de gros bras. Rien de plus précis. Et les gros bras à Seattle, on en trouve à tous les coins de rue.

La suite m'arracha un rire que j'étouffai sous ma couverture, et je levai un sourcil vers elle. Moi ? Moi je déforme ce que tu dis ? Tu me rappelles à quel point ce serait Creepy que je vienne espionner sous votre fenêtre. Me dis pas que tu pensais à ce que je vous trouve en train de lire ou de bouffer, sois honnête..

Sans rire, à l'eau froide ? Bon ça me change pas de d'habitude mais c'est la déception.

Je repris mon sérieux et refermai un peu plus la couette autour de moi, un brin plus agacé par ses paroles de brave petite citoyenne modèle. J'sais pas ce que c'est "mollessetatator", mais je l'ai pas molesté en tout cas,  le Milow. ça lui arrachera la gueule de le dire mais je lui ai évité de finir en apéro pour rôdeurs, alors merde, hein. Je grognai la fin. Quel ingrat quand on y pense !

- ça va 'Nanny', j'ai compris... je lui laisse de l'espace et je lui redis gentiment que moi je l'aime bien. Mais j'lui ai déjà dit. Il s'en bat les couilles.
Qu'est-ce que tu lui trouves, toi ?

Le mec avait l'air sincèrement intéressé, même si j'avoue qu'il paraissait quand-même un peu bizarre. Mais s'il avait été ramené au camp par le chef, c'est qu'il devait pas être si terrible que ça, c'est peut-être pour ça aussi que j'avais pas tant de mal que ça a parler. Il résumait mes paroles à sa façon, je confirmais. "Ouais c'est ça en gros." Il me demandait ce que je lisais, sa proposition était extrême, même si c'est vrai que ça pourrait être pratique de savoir comment certains trucs fonctionnent. "Nan, je lis des trucs sur l'agriculture, la médecine, la couture, en fait tout ce qui est utile pour reconstruire le monde, histoire d'avoir quelques bases." Je m'étalais pas trop sur le sujet non plus, il avait pas besoin de connaître toute ma vie, il en connaissait peut-être déjà beaucoup.

Beauté C'est quoi cette façon bizarre d'appeler les gens, et encore, je suis pas au bout de mes surprises. En tout cas, il confirme bien que le hasard c'est pas son truc et d'après son explication si on le cherche assez on fini par le plier à sa volonté. Mouais, je suis pas convaincue, tu es jamais à l'abri qu'il se passe un truc imprévu quoi que tu fasses en fait. "Ouais fin, tu les as quand même rencontré pour participer à une guerre quoi." Parce que je me doute que s'ils étaient allés recruter, c'était pas pour tresser des fleurs mais bien pour avoir plus de monde contre les Divas. On étaient tous au courant, y compris Ava et moi et on savait bien que ce serait pas simple. "Après si tu penses que ça va à ton avantage, tant mieux !" ajoutais-je en haussant les épaules.

J'aurais presque ris légèrement si j'avais été plus à l'aise, je me contentais d'un très bref sourire destiné à Derek. "Ouais, mais ici, on a les plus gros bras des gros bras, t'as vu Bruce quand même ? Une montagne de chocolat comme dit Ava !" Je gesticulais un peu les mains pour exprimer la grandeur et la force du type qui en fait était un bon vivant distribuant des cookies. C'était pas par rapport à ça, mais l'homme ria à l’évocation de ses propos déformant les miens. Il me sortait tout un truc comme quoi, je pouvais pas penser innocemment que je considérais autre chose que la situation qu'il décrivait. J'étais un peu gênée, baissant mon regard. "Bah.. Je pensais vraiment pas à ça moi..." Dans le fond, je pensais juste au fait que c'était chelou un gars âgé qui espionne deux enfants, j'avais pas situé quoi que ce soit, juste, j'imaginais Ava entrain de dessiner tranquillement avec un gars creepy à la fenêtre. "C'est pas..." Ouais j'avais pas de répartie, dans le fond, c'était hors de mon domaine du connu ce qu'il me racontait.

Je secouais un peu la tête en fronçant les sourcils, décidant de ne rien dire de plus et d'arrêter de ressembler à une gamine. De l'eau froide comme on l'évoquait me ferait du bien, histoire d'arrêter de penser qu'il y a un soucis avec moi parce que j'avais pas réfléchi à ça. "Eh il fait ce qu'il veut Milow hein ! Puis moi j'ai que ta parole, même si t'as pas l'air genre, dangereux." Pas un super signe vu ce qui se préparait, mais bon. "Ce que je lui trouve ? Je dois lui trouver un truc ? C'est mon ami c'est tout, on est d'accord sur des trucs, je pense qu'il est mal compris de tous !" lançai-je alors que la porte de la caravane s'ouvrait pour laisser apparaitre un visage de Milow franchement pas de bonne humeur.

"Euuuuh, j'ai des comics pour toi." dis-je comme pour essayer de me protéger de sa mauvaise humeur.

- En somme tu te cultives. Je souris à l'adolescente à sa réponse sur les bouquins, avant d'ajouter avec une pointe de regret : J'ai arrêté l'école très tôt, avant l'invasion. Du coup côté culture G je suis lucide : c'est un peu le désert. J'ai ce qu'il faut pour survivre, le reste.. les autres s'en occupent bien quand ils savent, quoi. L'apprentissage m'avait toujours profondément saoulé, et même depuis la fin de l'ancien monde, autant je lisais roman sur roman pour passer le temps -et gagner un peu de vocabulaire au passage-, autant les bouquins "utiles" me dégoûtaient toujours aussi profondément.
C'était bon à savoir en tout cas : Y'avait une mine d'or surdouée dans le camp.

-Et pour être honnête par ailleurs, Deux fois en trente secondes, j'allais devoir compenser par un sacré lot de mensonges après. Certes, on va "faire la guerre", mais j'ai plus bouffé en deux jours ici qu'en une semaine dehors. Vous vous en êtes peut-être pas rendu compte dans votre joli petit groupe, mais avec le froid, y'a eu pas mal de famine dans le coin. Et ça, ça voulait dire moins à manger, mais aussi moins à voler, ce qui faisait doublement pas mon affaire.

Je fronçai un peu les sourcils quand Alessia me parla de Bruce, avant d'étouffer un rire à sa comparaison. C'est vrai qu'il était foutument musclé.. Et si un jour j'me sauvais d'ici avec les réserves de bouffes, j'espère sincèrement qu'il lui viendrais pas à l'idée de me faire un placage pour me retenir. Moi je l'ai surnommé Cookie, mais.. on reste dans le thème des desserts. Je levai ensuite les paumes en apaisement, alors que la petite montait toute seule dans les tours. J'demande ce que tu lui trouves en tant qu'ami, hé ! On trouve forcément des qualités aux gens qu'on apprécie, sinon ben.. on les apprécie pas. Non ?
'fin ça me parait logi-...Ho merde.
Je me redressai d'un bond, couverture s'ouvrant sur la si jolie et peu habillée Chanel, et reculai en levant à nouveau les paumes devant moi, ce qui l'empêcha pas de m'accrocher par le col. Enfin, façon de parler, j'avais pas de col.

On s'calme champion ! J'ai été recruté par Bruce et Connor hier, ils ont besoin de monde pour.. faire la guerre, comme dit Alessia. Je pointai la jeune femme du pouce, balançant tous les noms qui me venaient en tête pour prouver ma bonne foi. J'ajoutai rapidement : c'était à la Cage, tu peux leur demander !

Croisant les bras, un peu vexé de cette réaction totalement exagérée, je lui lançai un regard noir. Ça va, calme-toi hein, t'es pas le centre du monde. Pis c'est pas sympa c'que tu viens de dire. En plus me menacer devant une amie à toi. ça s'fait trop pas.
Et plus bas, en plissant les yeux : Et t'avise pas de me frapper, je sais précisément où frapper sur quelle jambe pour que tu t'écroules.

Au moins, ce nouveau gars trouvait un avantage à la lecture de mes livres chiants, d'après lui je me cultivais, une expression un peu bizarre parce que j'étais pas une plante, mais ça me faisait presque oublié qu'il avait été particulièrement bizarre. Il me parlait de culture générale et puis du fait qu'il laissait les autres penser pour lui ou en tout cas, s'occuper des domaines qu'ils connaissent. "Après, je fais ça... parce que je veux un monde mieux, mais fin, y a pas de raison vraiment, je sais pas si ça sert à quoi que ce soit." dis-je en haussant les épaules. Des fois, je me posais la question oui, est-ce que ça servait à un truc que je lise tout ça ? Je serais jamais une experte, j'aurais juste des connaissances diverses et variées.

"Si je sais bien comment s'est dehors, j'étais seule pendant longtemps avant hein ! J'ai ramené à bouffer à Mihai pendant un moment. On est pas tous..." Aveugle, sans cœur ? Il essayait de me dire un truc en me parlant du fait que lui il bouffait pas dehors et que là c'était le luxe malgré le combat à venir ? Au final, j'avais vraiment pas fini ma phrase et je ne voyais plus l'intérêt de la reprendre. Ca n'avait pas d'intérêt, il faisait parti du groupe maintenant, il verrait qu'on était pas égoïste, que Bruce essayait de distribuer à manger aussi.

D'ailleurs, la conversation tournait autour de lui des surnoms qui lui étaient offerts, en général en rapport avec les sucreries qu'il distribue de bon cœur. "Ouais, je sais pas, un cookie c'est quand même petit, tu l'as bien regardé lui ?" Parce que bon, il ressemblait plutôt à une montagne de chocolat ! Ou alors une montagne de cookie au chocolat, tiens, je devrais dire ça à Ava, ça la fera rire. C'est qu'il me demandait les qualités que je trouvais à Milow, mais avant qu'il puisse finir, le voilà qui déboulait en dehors de sa caravane.

Direct, il était en colère, mais genre vraiment énervé. Il avait appelé Derek un malade juste après l'avoir choppé et je voyais déjà ça partir en baston, il déconnait pas le chelou quand il disait que Milow l'aimait pas hein. Je le laissais cracher son venin, ses menaces, attendant de voir comment le nouveau allait réagir. Et là, il m'impliquait, bon en même temps, je comprends. Par contre l'appeler champion, il veut quoi, s'en prendre une en le cherchant ? "Calme-toi Milow, il t'a pas suivi, même si visiblement il l'a déjà fait avant." dis-je en fronçant les sourcils. "Ils l'ont ramenés, ils nous l'ont pas encore présenté c'est tout ! On se frappe pas entre Expendables !" Si seulement j'avais su ce qu'il se passerait à peine deux jours plus tard.

Ils se toisaient, c'était quoi cette tension entre eux dans leurs mots, leurs regards. Je me relevais de mon sac, pour agiter les bras vers mon ami. "C'est pas parce que je suis là qu'il va s'en priver. Hey c'est pas comme Elmo, tu peux pas menacer de le bruler en place publique comme ça. Les autres vont pas être contents, puis il a rien fait de mal." Bon si j’omettais le fait qu'il essayait de voir au travers de la fenêtre du jeune homme, mais ça, j'en parlerais pas. "Je sais pas c'est quoi le truc entre vous là, mais tu vas pas frapper un mec en robe quand même, c'est comme si tu frappais Ava !" Ouais bon, c'était peut-être pas la meilleure répartie du monde, mais si ça pouvait le faire lâcher.

Dans mon dos, j'entendis Alessia prendre ma défense. Elle était mignonne, surtout qu'elle mentait sans le vouloir. Bien sur que je l'avais suivi. Et puis "il t'a rien fait", était à prendre avec des pincettes. Je ne lui avais physiquement rien fait, c'est certain. Mais psychologiquement on était pas tout blanc non plus, entre le harcèlement et les petites menaces par ci par là. Bref, j'étais pas un mec bien, et la demoiselle semblait encore l'ignorer. Pourvu que ça dure.

Milow ne sembla pas tellement croire à son baratin d'ailleurs. Il me tenait toujours par le "col", et je m'étais accroché à son bras, pas tant pour me dégager que pour pouvoir réagir plus vite, s'il venait à agir contre moi.
Il prit à la légère ma menace de le frapper là où ça faisait mal, et je le fixai en inclinant lentement le visage sur le côté. Bien sur que j'en étais capable, s'il me fallait me défendre contre lui. Mes sentiments à son encontre n'y changeais rien, ma sécurité passait avant tout. Tu paries, chéri ?

- Ne t'en déplaise, petit prince, je suis aussi expandable que toi depuis hier ! Approuvé et accueilli par les patrons, ou quelque chose comme ça.

Il me relâcha doucement, et je rajustai les bretelles de ma robe par dessous la couverture, façon diva dérangée par un paparazzi.

- Ecoute, je veux bien avouer que ça a pesé dans la balance. Mais ne t'en déplaise, t'es pas le nombril du monde.. Et moi quand on me propose un abri, de la bouffe et un peu de sécurité alors que j'ai pas becté depuis trois jours, je refuse difficilement, même si en échange je dois aller me tabasser avec des catcheuses.

Je me dandinai d'un pied à l'autre à ses derniers mots. Je pouvais pas le contredire cette fois, il avait pas totalement tort. D'un index, je pointai Alessia. Elle t'a apporté de la lecture, elle est sympa. T'es pas cool avec elle.
Pis heu, moi.. J'vais aller me pieuter, il est tard, hein. Voilà.

Je m'étirai longuement dans un semblant de baillement, et me tournai vers Alessia : J'suis content d'avoir fait ta connaissance, merci pour la discussion. C'était très intéressant. Une petite révérence plus tard, je faisais volte-face et m'éloignais d'un pas vif en sifflotant.