La paix.

Elle y avait finalement gouté, quand son corps trop usé par les tortures d'Oliver avait refusé de se lever, de reprendre le chemin de la distillerie à Fort Haven. Forcée de rester au repos, aux côtés d'Hayden, la prison dorée avait rapidement changé pour devenir un havre de paradis. Découvrir de nouveau la possibilité d'ouvrir les yeux sur l'homme qu'elle aimait, de passer du temps en sa compagnie alors que doucement, son corps se remettait de ses blessures. Pansait ses plaies à sa manière, sans peur d'exhiber ses cicatrices fraichement arrivées le long de sa peau, rejoignant le reste des entrelacs en une histoire compliquée.

Pourtant, son esprit restait accaparé. Kaya. Et si le vent lui portait avec assurance que sa fille allait bien, le ciel clair de l'horizon ne cessait de la laisser à penser qu'elle était éloignée d'elle depuis bien trop longtemps. Alors, quand le plus difficile à encaisser avait été accepté par son corps et son esprit, après la quiétude des journées écoulées en compagnie d'Hayden, le chemin du retour avait dû se faire, à contre coeur. Quittant la distillerie avec un léger pincement, sachant pertinemment qu'elle ne connaîtrait pas la nouvelle destination de cet homme qui était resté à ses côtés malgré ses faiblesses. Ils arrivaient tout juste à l'avant poste, lieu de rendez-vous pour retrouver Kaya, alors qu'elle venait poser les lèvres sur celles de l'apiculteur avec douceur. Pas trop angoissé ? demanda t-elle avec un amusement dans le fond de ses iris noires, se doutant que l'appréhension devait exister entre lui et Kaya, à l'idée de se voir pour la première fois. Profitant de ces dernières minutes d'intimité, venant glisser sa main contre sa joue en rouvrant les yeux.

Promets moi qu'on se retrouvera rapidement ?

La guerre était déclarée, depuis longtemps. Mais New Eden avait frappé fort, et vite. Oliver était toujours en vie, et elle se promettait qu'un jour, elle aurait son scalp. Et si une guerrière n'avait jamais peur de la mort, pour la première fois depuis longtemps, elle craignait celle du brun. Son regard ancré dans le sien, ne le détournant qu'en avisant un bref mouvement sur le côté.

Kaya. le prénom avait été murmuré, marchant de quelques pas en venant réceptionner au vol sa fille, la serrant contre elle au risque de l'étouffer. Qu'importait que ses côtes soient encore douloureuses, qu'elle avait dû reconstruire un tomahawk avec ce qu'elle avait pu trouvé pour compenser la perte du sien, ou que son visage soit encore bleuté des coups d'Oliver. Sa fille était là. En vie. Les esprits n'avaient pas menti, songea t-elle avec soulagement en venant poser les lèvres contre le front de Kaya, fermant un instant les yeux en constatant la chance qu'elle avait. Aurais tu grandi en mon absence ? souffla t-elle avec un air amusé à la vue de sa fille. La quitter des yeux quelques secondes lui donnait déjà cette sensation, mais après une semaine sans la voir... C'était comme deviner une jeune adulte, qui quittait doucement mais sûrement l'adolescence.

Faisant signe à Hayden d'approcher, s'effaçant pour permettre aux deux personnes de se faire face, reprenant.

Kaya. Je te présente Hayden. Hayden, ma fille. Et bien qu'il ait pu voir des photos d'elle enfant, la native avait la sensation que sa fille avait désormais beaucoup trop changé pour être reconnaissable. Mais qu'importait. Souriant avec tendresse, avant de reprendre.

Je n'ai pas pu venir avant. L'excuse s'entendait dans sa voix, reprenant. Hayden à pris soin de moi, avant de me ramener chez les miens. Tout se passe bien, au camp ?

« C'est eux ? »

Kaya pose le regard sur Valeria et plus précisément sur les jumelles qu'elle braque sur chacune des silhouettes qui s'approchent de l'avant-poste. L'intéressée hoche la tête négativement et l'adolescente lâche un soupir impatient. « Ils seront bientôt là ! » assure-t-elle, défiant peut-être sa camarade d'oser arguer le contraire. Oui, sa mère ne devrait plus trop tarder. Elle a survécu à tant de choses qu'elle ne peut pas échouer à rejoindre le Fort. Pas maintenant. Pas après tout ça.

« Fais voir ! » insiste-t-elle un peu plus tard lorsque de nouvelles silhouettes apparaissent dans leur champ de vision. Elle arrache presque l'outil d'observation des mains de son aînée et les plaque sur ses yeux fatigués. La lakota s'exclame dans sa langue maternelle et sautille d'excitation. « Ils sont là ! » Elle lance les jumelles à sa voisine puis enjambe son perchoir pour se laisser tomber au sol. Elle s'y rétame et ses chevilles protestent. C'était plus haut qu'elle ne le pensait. Mais c'était aussi le chemin le plus rapide. Le seul dont elle pouvait décemment se satisfaire.

Et puis elle court, Kaya. Aussi vite qu'elle le peut. Elle avale la distance qui la sépare de Nima aussi vite qu'elle le peut et sans doute pas aussi prudemment qu'elle le pourrait. Elle évite la main tendue d'un coyote condamné à ramper sans lui adresser une quelconque considération. Et puis lorsqu'elle arrive enfin à portée de sa mère, elle se remémore son enfance et toutes ces fois où elle a pu lui sauter dans les bras après de longues séparations. Elle a grandit, pris de l'âge et du poids, désormais. Mais pas assez pour refuser l'appel de cet instinct qui lui ordonne de bondir dans l'étreinte maternelle.

« Ina ! » souffle-t-elle en fermant les yeux. Une ou deux larmes de joie se manifeste sur ses joues tandis qu'elle sert sa génitrice aussi fort qu'elle le peut contre elle. Peut-être un peu trop fort, sans doute trop imprudemment aussi considérant les blessures de son aînée. Cette étreinte là appartient à celles que l'on ne veut jamais voir se terminer. L'adolescente la prolonge autant qu'elle le peut, jusqu'à ce que la raison l'oblige à laisser sa mère respirer ou que la politesse l'encourage à ne pas trop ignorer l'homme qui l'accompagne.

Son regard glisse d'ailleurs sur le compagnon de sa mère quelques infimes instants. Son attention se focalise cependant très vite, et à nouveau, sur Nima. Cette dernière lui demande si elle a grandit. L'adolescente hausse les épaules et se fend d'un sourire amusé : « Ou c'est peut-être toi qui a rapetissé ? » plaisante-t-elle. Sa joie s'estompe lorsque ses yeux s'attardent sur les bleus qui maculent le visage de sa mère. Elle doit faire un effort qui lui semble démesuré pour se rappeler que ces retrouvailles sont placées sous le signe du bonheur et non celui de la vengeance. Elle ne peut pourtant pas s'empêcher de froncer les sourcils. Celui qui lui a fait ça...

Ce moment privilégié entre la mère et la fille s'interrompt lorsque la première décide de présenter Hayden à la seconde. Kaya est un peu suspicieuse, partagée entre le désir de faire bonne impression et cette suspicion qu'elle ressent face aux inconnus. Elle essuie sa main sur son jeans troué puis la tend d'un mouvement sans doute un peu trop formel à l'homme qui a donc réussi à capturer le coeur de sa génitrice : « Enchantée, Hayden ! J'ai beaucoup entendu parler de toi ! » assure-t-elle sur un ton convenable, poli. Nima lui assure que l'homme a pris soin d'elle. « Merci ! » ajoute-t-elle. Elle le pense sincèrement. Même si quelque part son coeur se serre à l'idée que ce soit lui qui se soit occupé de sa mère. N'est-ce pas sa mission ?

Elle hoche un peu la tête, se risque à lui adresser un sourire de convenance. Pour lui témoigner sa reconnaissance mais aussi parce que c'est ce que les circonstances exigent, non ? « C'est pas grave ! » assure-t-elle à Nima. Qu'elle n'ait pas pu venir avant. « Les esprits sont venus me voir dans mes rêves ! » explique-t-elle. « Je savais que tu allais rentrer ! » Elle en était convaincue mais si quelque part, le doute ne l'a pas réellement quittée depuis l'annonce de sa disparition. Les incertitudes nimbent toujours les séparations.

« Mmh... Il y a eu une révolte ! Mais la situation est sous contrôle, maintenant ! » assure-t-elle tout en faisant osciller son regard entre sa mère et Hayden. Peut-elle s'exprimer devant lui sur un sujet aussi grave ? Nima lui accorde sa confiance mais... pas elle. Pas encore. C'est le genre de chose qui demande du temps. « Quand on a appris ta disparition j'ai... J'ai pas vraiment bien géré la nouvelle ! » se risque-t-elle à expliquer. « J'ai failli tuer Danielle... » Mais tout ceci mérite des explications. Et puis ça peut attendre. Elle a tellement de choses à lui raconter... Mais l'heure est aux retrouvailles.

L'adolescente étreint à nouveau sa mort et lui murmure quelques mots d'affection dans la langue de leurs ancêtres. Peut-être parce qu'elle est gênée de les prononcer devant un inconnu ou alors tout simplement pour s'assurer que ce bref instant n'appartienne qu'à elle. Ou encore, par habitude. Toujours est-il qu'elle fait à nouveau l'effort de considérer l'homme - qui lui fait d'ailleurs penser à un ours - qui se dresse devant elle. Elle penche la tête sur le côté tandis que son regard glisse sur sa silhouette. Il a un bon style. « Et alors ? Elle n'a pas été trop difficile à... tu sais... à gérer ? » Une Nima blessée ça ressemble un peu à un fauve qui tire la gueule, d'ordinaire.

Bien sûr; que ça se voyait. Se contentant d'une esquisse de sourire en guise de réponse à la question d'Hayden, venant l'apaiser en posant ses lèvres contre les siennes dans un baiser tendre, alors qu'il promettait de faire son possible pour revenir la voir, proposant de fixer un jour dans la semaine.

Au refuge. confirma la Lakota avec un sourire enigmatique. Laisse moi t'avoir pour moi seule. Parce que finalement, on s'habituait bien trop vite au bonheur. Et celui que l'homme lui apprenait à connaître devenait chaque jour un peu plus addictif.

L'arrivée de Kaya stoppant la bulle pour en créer une nouvelle, alors que sa fille dans ses bras, elle souhaitait ne plus jamais la quitter. Serrant les dents pour ne pas montrer les douleurs qui se réveillaient à son étreinte, se contentant d'un léger rire à sa remarque sur la possibilité d'avoir perdu quelques centimètres. Le cycle avance, je vieillis. souffla t-elle avec malice à l'adolescente, s'effaçant pour laisser amant et enfant faire connaissance. Haussant un sourcil en apprenant que les esprits étaient venus voir sa fille, intriguée.

Déjà ? Et qui était-ce ?

Sa fille l'étonnait de jour en jour. Mais rapidement, le sentiment disparu en écoutant la suite des nouvelles. Une révolte ?

Quoi ? ses sourcils se froncèrent, d'avantage encore en apprenant qu'elle avait faillit tuer une ancêtre. Comment ça ? Ca devait être un accident, forcément. Elle n'avait pas travaillé des années durant sur le respect pour que Kaya massacre les apprentissages sitôt qu'elle avait le dos tourné.

Plus tard. Parlons-en plus tard. Se promit-elle en lançant un regard amusé à Hayden et cette proposition de répondre à toute ces questions.

Tu t'engage sur une voie dangereuse... souffla t-elle avec un amusement certain, alors que déjà Kaya s'intéressait de savoir si elle avait été infernale durant sa convalescence.
Un rire léger s'échappa de ses lèvres, relevant les yeux sur Hayden, l'air intrigué de savoir s'il oserait le dire à voix haute ou non. Elle se savait difficile à vivre quand les blessures étaient trop douloureuses pour qu'elle soit apte à se mouvoir librement.

Je ne t'en voudrai pas. Promit la brune.

« Canolita et Wi ! »

Ce rêve semblait si réel qu'elle s'en souvient très bien. Elle se sentait pleinement apaisée alors que les deux divinités lui assuraient que sa mère arpentait encore le monde des vivants. Elle aurait bien voulu rester avec elles. Car à son réveil, le doute a finit par s'emparer d'elle. « Mais j'dois t'avouer un truc... J'avais un peu peur qu'Ictinike m'ait joué un tour ! » Mais elle n'a plus de raisons de s'inquiéter puisque sa génitrice se trouve à présent dans ses bras. Une simple étreinte, pour peu qu'elle soit sincère, est de nature à chasser tous les tourments qui l'ont précédée...

Elles ont beaucoup de choses à dire et la présence d'Hayden l'empêche de se montrer aussi concise qu'elle le souhaiterait alors qu'elle évoque la révolte et le malheureux incident qui aurait pu conduire à la mort de Danielle. Nima veut immédiatement en savoir plus mais sa fille se montre plus réservée et décoche un regard vers l'homme qui  accompagne sa mère. « Oui, on en parlera plus tard ! » Elle préfère se montrer prudente, elle aussi. Une fois de plus, elles adhèrent ensemble à la même idée. « Mais tout est rentré dans l'ordre ! » Voilà qui devrait rassurer Nima et l'aider à faire preuve d'un peu de patience. Elles rattraperont très vite le temps perdu.

Pour l'heure, cependant, elles doivent composer avec la présence d'une tierce personne. Kaya est la première à s'adresser au compagnon de sa mère. Il lui répond poliment et lui assure qu'il est ravie de faire sa connaissance. « J'espère que moi aussi ! » répond-t-elle, un brin dénuée de tact mais lui faisant bien comprendre qu'elle réserve son jugement pour le moment. L'adolescente se fend toutefois d'un sourire lorsque Hayden lui indique qu'il compte sur elle pour garder sa mère au lit. « Ce serait comme demander à un ours d'accepter sa captivité... » lui fait-elle remarquer. Et quoique Ruben puisse en penser, elle n'est pas cruelle. Nima sait très bien ce qui est bon pour elle. Kaya note toutefois l'inquiétude qu'il porte à sa génitrice. Un bon point pour lui.

« J'ai plein d'questions ! » approuve-t-elle quand son interlocuteur lui fait remarquer qu'elle doit sans doute s'interroger à son sujet. « Mais ce sont tes actes qui m'apporteront la plupart des réponses que j'attends ! Et le temps ! » Ses mots, elle ne peut pas leur accorder de crédits pour le moment. La confiance est une chose précieuse, que l'on accorde pas simplement contre de belles paroles. « Il y a quand même quelque chose que j'aimerais savoir, là, maintenant... » avoue-t-elle en laissant son regard dériver puis s'ancrer quelques instants sur sa mère. « Est-ce que tu penses vraiment être digne de ma mère ? » Une fois n'est pas coutume, l'adolescente décide de ne pas tourner autours du pot et d'aller droit au but. La délicatesse, ce n'est pas exactement le style de la maison...

Elle ne peut s'empêcher de sourire à ce rêve accompagnés d'esprits, hochant la tête. Riant aux craintes de sa fille en venant glisser une main dans ses cheveux d'encres. Ton grand père le voyait aussi. Il m'a toujours assuré que c'était un homme sympathique. la rassure t-elle en lui offrant un clin d'oeil, venant déposer un nouveau baiser sur son front. Ne s'éloignant que pour laisser Hayden et sa fille faire connaissance, observant le dialogue bras croisé contre sa poitrine, plus attendrie qu'elle ne voulait bien l'admettre.
Du moins, jusqu'à la question de sa cadette. Kaya. qu'elle lui lance avec ce regard qui en dit long, avant de croiser celui de Hayden. Prête à lui dire de ne pas être obligé de répondre, sa réplique la laissant un instant silencieuse. Autant dire que sa fille avait trouvé un sacré partenaire, quand il s'agissait de joutes verbales.

Les mots du brun la touchèrent en plein coeur, alors qu'elle ne quittait pas son regard. Un léger sourire naissant au coin de ses lèvres alors qu'il évoquait cette rencontre entre eux, qui les avaient amené à se lier. Ces sentiments qui avaient grandi à force de se cotoyer, jusqu'à apparaître comme une évidence pour eux. Le laissant néanmoins terminer avec un sourire attendri. Il dit vrai. Je lui dois la vie, bien qu'il assure le contraire. avant de reprendre à l'attention de sa fille.

Je n'aurai pas pu trouvé plus digne que lui. son regard oscille vers Hayden pour capter son regard, reprenant avec sincérité. J'ignore si ce sont les esprits qui ont lié nos chemins ensemble. Mais je me plais chaque jour un peu plus à ses côtés. Il n'y avait jamais eu de réels mots d'amour entre eux, sans doute par pudeur. Et si elle pouvait faire un premier pas... Au moins, Hayden connaissait un peu mieux le fond de sa pensée. Son regard dérivant un bref instant vers le sol pour masquer son émotion, non sans pouvoir s'empêcher de sourire. Au moins, ses parents n'étaient pas là pour se désoler qu'elle ne soit pas avec un natif. Certains schémas semblaient se répéter à l'infini.

Et bien évidemment, que vous pourriez passer du temps ensemble. rebondit la Lakota à l'attention de Kaya, venant un court moment se placer entre eux deux pour rajouter. Hayden maîtrise bien le pistage, désormais. C'était toujours avec surprise qu'elle le voyait apprécier découvrir chacune des facettes de sa culture qu'elle se proposait à lui montrer. Jusqu'à ce tomahawk qui désormais lui servait d'arme.
Quand aux autres questions que Kaya pourrait lui poser ...

Essaie ne pas en poser des trop ... Personnelles. Prévient-elle sa fille en lui faisant les gros yeux, venant saisir son pendentif entre ses doigts avec douceur.