Ce fût laborieux, mais elle s'en était sortie. Le fraisier était fin terminé, et avec l'aide de Tasya, elle avait même réussi à faire fondre un peu de chocolat pour écrire un "joyeux anniversaire" sur le glaçage du gateau. Norman n'était pas encore sorti de sa sieste, les préparatifs étaient bien avancés, et pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait le coeur léger.

Depuis son union avec Noah, les choses allaient étonnement mieux. Se redécouvrant vive et joyeuse, alors que son énergie décuplée risquait de contaminer les autres, et qu'elle prenait le bras de Tasya avec douceur.

Allez, essaie de finir le "anniversaire". C'est super facile. avait-elle proposé à la brune, avant de reprendre pour la rassurer. Si vraiment tu rates, on mettra une fraise à côté, il se doutera de rien. Il y avait intérêt à ce que Ray ne se doute pas une seule seconde de cet anniversaire surprise. Les Ross s'étaient donné bien trop de mal pour les invitations et la décoration pour qu'il n'arrive en annonçant qu'il s'en était douté depuis le début. C'aurait sans doute été un coup à ce qu'elle ne lui lance le gateau dans la tête. A une autre époque, du moins. Pas ici, pas avec le risque de se voir clouée au pilori pour un tel affront. Noah n'était pas encore rentré du travail, et elle profita que Jacob ne passe dans la cuisine pour attraper son frère par la manche.

Restes ici ! On à besoin de toi. Elle ? Non. Quelqu'un d'autre. Rapprochant son géant de frère de la silhouette de Tasya, reprenant.

Montre lui comment bien faire l'écriture. Je compte sur vous deux pour que ce soit impeccable ! Et au coin de ses lèvres, un léger sourire en coin. Parce qu'elle avait le sentiment que ces deux là passaient tout de même beaucoup plus de temps ensemble qu'ils ne voulaient bien l'admettre. Et si elle ne leur exigeait pas un mariage, ils pouvaient bien profiter d'un court moment de solitude en cuisine pour être à deux, non ?

Je vais voir ou en est la décoration ! avait-elle annoncé en s'esquivant, stoppée dans son élan par Norman qui jugea la fin de sa sieste immédiate, et l'heure du biberon tout autant. Récupérant son fils avant d'ouvrir la porte aux premiers invités, sourire aux lèvres.

Rentrez rentrez ! Ray ne devrait pas tarder, évitons qu'il vous voit. Refermant rapidement la porte dans son dos en annonçant qu'elle leur ramenait tout de suite des boissons, revenant en cuisine réceptionner le biberon de Norman en arrivant dans le dos de Jacob et Tasya.

Alors, ce glaçage ?

Hein quoi ? Jacob n'a pas vraiment le temps de comprendre ce qu'il se passe qu'il se retrouve happé par sa sœur à l'intérieur de la cuisine.

La célébration de ce soir n'est pas forcément de son goût, en général, mais pour Ray, il est prêt à faire l'effort. D'autant que le jeune kiné est une personne qui lui est agréable, fêter son anniversaire surprise est probablement le minimum qu'il puisse faire pour lui. Ramenant ses cheveux en arrière, qui lui gêne la vue, il avise longuement Tasya avec un sourire gêné l'espace d'une seconde. Qu'est-il censé faire au juste ? Quand il voit la poche a douille et le glaçage en préparation, l'homme ne peut s'empêcher de soupirer.

Hm... Je crois qu'elle pouvait pas trouver pire que moi pour ça... articule-t-il en s'approchant quand même.

Il essaie, avec l'infirmière, de faire comme il faut pour rattraper déjà le premier cafouillage qu'il a fait avec la première poche à douille. C'est un enfer pour lui, qui a la dextérité d'un mulot devant une bombe nucléaire. Si le plan de sa sœur est que Tasya et lui se retrouvent tous les deux pour discuter, elle doit penser que le sacrifice de son gâteau vaut sans doute cette peine qu'elle se donne.

Je... Tiens ça, demande-t-il à la brune en passant le bras par-dessus elle pour tenter d'attraper le bol de l'autre côté. Au fur et à mesure, les deux s'emmêlent maladroitement sans parvenir en plus de ça à un résultat à peu près convenable. Je peux remettre du glaçage dedans et...

Nouvelle maladresse. Cette fois, Jacob fait tomber un pâté de sucre gélatineux directement sur le sommet du gâteau, en plein sur le nom de Ray. Voilà que maintenant, on donne l'impression qu'il y a écrit Rab sur le gâteau. C'est une catastrophe, il est déjà affligé, en faisant tomber en plus de ça le fouet mal rangé à côté sur le sol. Les meubles sont éclaboussés de la préparation.

Oh merd-... Il s'interrompt. -Credi, rattrape-t-il avec une grimace. Le constat fait peur à voir : C'est trop moche, elle va nous tuer...

Il se passe nerveusement la main dans la barbe. Le pire ? C'est de voir Phoebe surgir et leur demander comment ça se passe :

Il est magnifique, vraiment ! Fait-il avec un sourire de façade. Quand il se tourne vers Tasya, c'est avec une grimace désolée. Décidément...

Installés confortablement dans le canapé de Ray, les deux amis dégustent tranquillement la dernière cuvée du kiné. C’est déjà leur deuxième verre, mais ils fêtent une occasion spéciale : les trente ans de Ray. Un cap que celui-ci semble aborder avec… avec… Que celui-ci semble aborder, et ce n’est déjà pas si mal après tout. Arthur, quant à lui, ne parvient pas à s’imaginer dans cinq ans. Peut-être qu’ils auront quatre ou cinq enfants de plus, que Judith et lui auront pris chacun dix kilos, et qu’ils auront tous les deux l’air cinq à dix ans plus âgés, usés prématurément par leur progéniture. Urgh. Cette seule perspective le fait frissonner d’avance.

Se tournant vers son ami, le jeune homme termine son verre d’une traite. Avale ça, j’ai une surprise pour toi. En vérité, il est loin d’être la tête pensante du complot. Plutôt un exécutant de bas-étage, un complice conciliant - et toujours avide de coups fourrés. Reposant son verre sur la table basse, Arthur attrape Ray par le coude et le force à se lever. Ils enfilent leur manteau et quittent la  maison. Soudain, Arthur s’arrête au milieu de la rue et sort son écharpe de sa poche. A partir d’ici, je suis obligé de te bander les yeux, mate. Désolé, ajoute-t-il avec une moue d’excuse tout en nouant le tissu à l’arrière du crâne du kiné sans attendre son assentiment. Glissant son bras sous celui de Ray, Arthur le guide dans les rues - jusqu’à une destination inconnue.

En abordant la maison de Phoebe et Noah, Arthur sent l’excitation monter. Les fêtes informelles ne sont pas si courantes ici, où on apprécie particulièrement l’obséquieux. Pas de chance pour Arthur, qui avait plutôt l’habitude de traîner dans les soirées bondées, avec de la musique électro tonitruante et l’alcool coulant à flots. Cela, il s’en est occupé personnellement. Ça n’a pas été simple de faire sortir les quelques bouteilles qu’il a subtilisées à Ray, mais elles les attendent désormais sagement, avec le reste des invités. En théorie, il ne manque plus qu’eux.

Tractant presque Ray jusqu’à la porte, Arthur toque et entre, entraînant à sa suite l’invité d’honneur. A première vue, tous les convives sont déjà là, un verre à la main. Excité comme une puce, Arthur se dépêche d’aller dénouer le bandeau du kiné, le laissant embrasser la scène du regard. Et mourir sous les hurlements, un “Joyeux anniversaire” scandé par une foule discordante, mais manifestement ravie d’être là.

« Hmm cette odeur, retiens-moi de ne pas tout manger maintenant... » Les yeux fermés, Tasya humait la bonne odeur de chocolat fondu qui se répandait dans la petite cuisine. Elle n'avait pas mangé de chocolat depuis... 5 ans ? Et maintenant, c'était encore une denrée qui restait un peu chère. Là, l'arôme mettait carrément ses papilles en ébullition. Son amie lui proposa de continuer les écritures en glaçage. « Tu es sûre de toi ? » lui souffla Tasya. Le fraisier était magnifique, Phoebe avait un talent certain pour la pâtisserie. La puéricultrice ne voulait pas être responsable d'un échec sur le glaçage du gâteau.

Phoebe fit signe à Jacob de venir et Tasya lui adressa un petit sourire complice. « Impeccable... » répéta la puéricultrice avec une petite grimace. Hmm, ça ne leur mettait pas du tout la pression. Quelques minutes plus tard, c'était un désastre. Les écritures en chocolat avaient bavé et on peinait à lire correctement ce qui était écrit. Le rancher lui demanda de tenir la poche à douille et en voulant lui laisser la place, elle le bouscula sans faire exprès.

Au fur et à mesure des minutes qui passaient, Tasya peinait de plus en plus à contenir le fou rire qui commençait à monter en elle. Oh, bien sure, elle était navrée pour le gâteau, mais plus ils essayaient d'arranger les choses et pire c'était. Le Ray se transforma rapidement en Rab. « Avec une petite fraise dessus, on n'y verra que du feu ! » Tasya tenta d'enlever le surplus de pâte de sucre qui était tombé sur le "Ray" et posa une fraise à la place. « Et voilà ! Joyeux anniversaire... Rob... » Elle esquissa une petite grimace. Posée sur le "a" de Ray, la fraise formait maintenant un "O". Oups. Elle rajouta deux autres petites fraises pour dissimuler complètement le "Ray". Un "joyeux anniversaire" serait largement suffisant.

Avisant le reste de chocolat fondu qu'elle avait encore sur les doigts, Tasya hésita à se les lécher par gourmandise avant d'avoir une bien meilleure idée. Elle en déposa un peu sur le nez de Jacob avec un petit rire. Oh moins, s'ils n'avaient pas fait des miracles sur le glaçage, la mexicaine s'était détendue et passer de tels moments était toujours agréable, surtout ces derniers temps.

Tasya attrapa une éponge pour nettoyer les meubles éclaboussés par le chocolat tandis que Phoebe revint en cuisine. Elle rassura Jacob d'un sourire. Ils avaient fait du mieux qu'ils le pouvaient. Et puis, le gâteau serait surement délicieux, c'était ça l'important.

Ils ne tardèrent pas à rejoindre les autres, Ray arrivait déjà et elle sentait une petite pointe d’excitation monter en elle. Cette petite fête surprise était une bonne idée. Elle avait toujours beaucoup aimé ce genre de festivités.

Une fête surprise d’anniversaire ! Je ne sais pas pourquoi j’étais surprise au départ quand on m’en a parlé en fait, entre les mariages les fleuristes et les restaurants, c’est tout à fait logique ce genre de rassemblement ici. C’est bien mieux que tout le reste à vrai dire je trouve, on fête un anniversaire, pas une union forcée, rien qui réduise les femmes, juste une célébration entre amis et famille. Ça me redonne la pêche à vrai dire ! Heureusement que j’ai Phoebe et Tasya aussi, ça m’a permis de sortir un peu de chez moi, de sociabilisé et d’essayer d’oublier ma grande maison vide. Je peux faire les courses et de petites choses comme ça, mais disons que niveau conversations ou distraction… Puis l’inquiétude aussi… Bref ! Non, aujourd’hui je vais profiter. Au salon j’accroche quelques décorations aux murs, laissant aux plus grands le soin de mettre celles au plafond. Je pourrais me débrouiller, mais ce ne serait pas bien vu en robe du haut d’une chaise en fait…

J’ai ce sourire qui ne quitte pas mon visage, je suis bien ici avec les autres, je me sens incluse et apprécier. Dans ma malchance, j’ai eu beaucoup de chance en fait. Il n’y a probablement que très peu de famille comme les Ross, si accueillants, doux et aimant.

J’entends Phoebe qui quitte la cuisine et qui dit à Jacob de donner un coup de main à Tas et là mon sourire s’élargit de plus belle. C’est vrai qu’ils passent du temps ensemble tous les deux, je ne sais pas si ma meilleure amie a le béguin pour lui ou si elle le réaliserait, mais… Je sais que Jacob est une bonne personne, je ne pourrais lui espérer mieux comme compagnon, vu les circonstances...

On s’active rapidement puisque Ray ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez. Je le connais peu, mais je sais que c’est un très bon ami d’Arthur, donc je me dis qu’il doit être bien sympathique pour le coup. Ce sera l’occasion de le découvrir aujourd’hui, j’imagine !

Phoebe finit par nous rassembler au salon juste à temps avant que Ray n’ouvre la porte et tous ensemble on scande ‘’Surpriseee’’, bien content d’avoir réussit à le surprendre. Mes yeux quittent Ray seulement pour se poser quelques secondes sur Arthur à ses côtés. Je suis contente de le revoir et je ressens une petite vague de nervosité en même temps. C’est normal j’imagine, l’excitation du moment, le fait qu’on espère que tout plaira au fêté, qu’il appréciera le gâteau, les cadeaux…

Je fixe le fond de mon verre où éclatent les petites bulles sur les cogitations de la journée. Trente ans... Merde. Si Arthur n'avait pas été là pour me tenir compagnie - et la tête hors de l'eau, je serais probablement en train de pleurer dans mon lit. Les griffes du temps m'enserrent cruellement alors que je repense avec désarroi à ce grand instant de solitude, quelques jours plus tôt, où je me suis découvert mes premiers cheveux blancs. Et dire que je suis parti pour faire cette fin de vie avec une femme et aussi chaste que leur patience me le permet... Quelle. Putain. De tristesse.

Mei-Lin est malade, elle n'a pas pu se joindre à ce petit pot à domicile et... tant mieux. Bien sûr elle est ma meilleure amie et sa compagnie est toujours très appréciable, mais j'aimerais oublier un peu l'avenir qui m'est tracé, ne serait-ce que le temps de quelques verres. Trente ans, putain, je m'attends à voir défiler les évêques à ma porte.

"Une surprise?" Mon ami me tire de mes ruminations. Je ne me fais pas prier pour finir mon verre, déjà un peu plus détendu à défaut d'être bien joyeux. Lorsqu'il faut enfiler nos manteaux, je commence à être quelque peu nerveux. Ca n'est pas comme s'il allait m'emmener passer la soirée à danser à Walla-Walla, alors... je me demande bien ce qui nous pousserait à quitter le cocon familier. "Me bander les...? - Oh, well..." J'aurais préféré qu'il me fasse ça ailleurs qu'en pleine rue, m'enfin. Je le laisse faire, et cherche rapidement à tâtons son bras pour me laisser conduire. "C'est loin ?" Pas que je rechigne à marcher, mais l'obscurité me donne l'impression d'être sur le point de trébucher à chaque pas.

Quelques minutes plus tard, je devine qu'on entre quelques part. J'suis assez tendu quand j'enlève l'écharpe qui me bouche la vue, et sursaute à m'en expulser le coeur directement entre les côtes devant les cris de tout ce beau monde qui s'excite devant moi. "Oh..." J'effectue nerveusement un petit tour sur moi-même avant d'éclater de rire, la frayeur laissant rapidement place à une avalanche d'émotions bien différentes. J'sens bien le rouge me monter aux joues, et je ne sais littéralement pas où me mettre... "Je... Merci... Wow... Qu'est-ce que... qu'est-ce que je dois faire maintenant...? Wow..." J'articule en riant, les larmes aux yeux - je mettrai ça sur le compte du cidre, tant pis pour l'air con que ça me donne. J'offre une accolade pleine de gratitude à Arthur avant d'aller chercher les câlins des autres. Je reconnais alors seulement la maison des Ross, et viens choper du même coup Phoebe et Jacob pour une accolade quelque peu asymétrique. "C'est trop gentil, vraiment..."

Mon sourire me fend carrément le visage quand je vois la réaction de Ray. Ça se voit qu’il est surpris, puis les larmes c’est très comique par-dessus le reste. Il se fraie un chemin jusqu’à Phoebe et Jacob pour les remercier. J’attends mon tour pour offrir une accolade rapide aussi tout en lui souhaitant un joyeux anniversaire et c’est là que je capte une petite odeur. Je ne sais pas si c’est avec tous les mouvements autour de nous, mais je reconnais ce qui me vient au nez. Je me mords l’intérieur de la joue, pour empêcher mon visage de sourire comme une idiote. Je ne sais pas si les autres le sentiront, peut-être qu’ils ne remarqueront pas avec les effluves du gâteau et les parfums.

- Joyeux anniversaire Ray. Profite bien. Je le laisse ensuite aux autres invités et je rejoins Arthur pour le saluer de la même façon, d’une accolade brève.

Je sais qu’ici on peut être un peu plus naturel, moins craintif de tout et rien. Alors je me permets d’être un peu comme avant mon arrivée ici, plus insouciante, moins apeurée par chacun de mes gestes ou mots. Je sais pas si c’est parce que j’ai repéré cette petite odeur sur Ray, mais je capte la même sur Arthur et comme on est un peu plus loin des autres, là je souris de toutes mes dents, n’en croyant pas mon nez.

- Vous allez peut-être avoir besoin de manger un truc vous deux. Vous ne sentez pas le jus de fruits. Que je lui souffle quelque peu amusée tout de même même. Ne vous faites pas coincer. Que je lui demande, avec un petit pincement au cœur.

Oui, je m’en fais forcément, je ne voudrais pas qu’il leur arrive quelque chose, surtout pas à Arthur pour qui j’ai beaucoup d’amitié et d’affection.

- Vous l’avez acheté ou bien ? Je suis curieuse pour le coup. Ce genre de contact peut être intéressant. Pas nécessairement pour obtenir de l’alcool, mais dans son opposition face au régime de ces fanatiques.