Call me in the morning, I'll be on the way

- Call me in the morning, I'll be on the way -

Aamir & Chris & Dany

J'ai une idée dans la tête depuis deux jours. Ce matin, elle est restée dans ma tête alors que j'ouvrais à peine les yeux. Et toute la journée, ça a tourné, tourné, tourné en boucle, alors que je me répétais que c'était une bête idée, que ça servait à rien et que j'allais juste me ridiculiser.

Mais impossible de passer à autre chose. Les jours passent depuis que je suis dans le groupe. Je vois Faith régulièrement, même si c'est dur, même si j'en chie ma race bordel à cul, elle m'aide. Je fais moins de cauchemar et moins de crise d'angoisse. Rien n'est encore gagné, mais je sens que j'ai un moment de répit, depuis quelques temps. Alors forcément, mes pensées s'orientent sur Curtis. Sur nos envies communes mais mon blocage. Sur sa frustration. Il est éteint, depuis quelques temps. Vide. Je me doute que ce n'est pas que moi, qu'il a beaucoup à encaisser et qu'il parle peu de ce qui le tourmentent. J'aimerais l'aider, à ma manière. Mais je suis maladroit, et j'arrive à bout d'idées.

- Chris !

Je referme la porte de le salle commune derrière moi et j'avance d'un pas rapide vers mon ami, installé sur l'un des fauteuils.

- J'ai … j'ai besoin de ton aide.

Je m'arrête face à lui et me gratte l'avant-bras en ouvrant la bouche, sans trop savoir comment aborder le sujet. Maintenant que j'y suis, je sais vraiment pas comment m'y prendre.

- Euuh … je …

Ma main se glisse dans ma tignasse et mes doigts se coincent partiellement dans un nœud qui me fait grimacer. Dans une moue, j'ordonne mes pensées, et finalement, ça sort plus vite que ce que je pensais.

- Est-ce que je peux te faire une pipe ?

La bombe est lâchée, je retiens mon souffle, figé dans le temps sans quitter mon ami des yeux. J'ai presque envie de rire, d'un seul coup, parce que je trouve la situation aussi grotesque qu'elle importe à mes yeux.
C'est là que je relève le regard vers une silhouette que je n'avais pas encore remarqué, un peu plus loin.

- Oh salut Aamir.

Un bref rire m'échappe en même temps que l'air de mes poumons. Okay, là c'est génant.
Désireux de désamorcer une possible situation désagréable pour nous tous, je lève les mains devant moi en signe d'apaisement et tente de calmer le jeu:

- C'est ... c'est aussi valable pour toi, hein. Vous deux. C'est ...sans arrière-pensée, oui, oui.

D'ordinaire, j'ai conscience que mon cheminement de pensées n'est sans doute pas clair pour quelqu'un d'autre que moi, mais sur le coup, je m'en rends pas compte et je suis même pas sûr de voir où est le problème.

"ton tir fait mouche et la seconde walkyrie s'effondre."

Tu peux la barrer baby, on l'a eue ! je poursuit la lecture avec attention, les jambes croisées sur la table basse, enfoncé dans un des immenses fauteuils de la salle commune.

"La vieille femme s'avance alors vers vous et vous pouvez enfin la détailler de pied en cap. Sa tenue de shaman est élimée, trouée ici et là, cousue d'un tissu d'ombre qui l'a dissimule parfaitement dans la pénombre de la forêt. Son visage est buriné par le le temps qui passe et les saisons qui s'enchaînent, ses cheveux hirsutes mêlés de feuilles et de brindilles."

Mon regard s'échappa vers Aamir, avachi dans le siège voisin lui aussi. Faut qu'on choisisse. On la suit ou estime que c'est une sorcière qui va nous la mettre à l'envers.
L'indien le lança un regard en coin qui m'arracha un rire. Allez...tu m'as promis de jouer le jeu pour une fois. Aamiiiir...
Moi j'pense qu'elle va nous aider ! Donc page.. 36.

Je feuilletai le bouquin rapidement quand Dany se pointa, mettant fin au supplice de l'indien en coupant court à la séance de lecture "un héros dont vous êtes le héros : le sorcier de la Montagne."
Moi j'étais aux anges d'avoir trouvé cette série de livres pour occuper les soirées à l'ORB, et je ne désespérais pas de convertir mon amant à leur lecture, tort ou tard. D'ici là il jouait bon gré mal gré les assistants.

- Hey Dany ! Un service ..? Demande bien sûr. Tout ce que tu veux, tu sais bien. ça, c'est le genre de phrase que je devais pourtant savoir que je devrais éviter. Surtout face à un mec aussi adorable mais instable que Dany.

- me faire une...? Mais Hermano...

Je passai rouge écarlate en me tournant vers mon indien, avant d'éclater de rire nerveusement.
On était d'accord, c'était totalement gênant et sorti de nulle part.

Chaton... Je dirais volontiers oui si j'étais célibataire. Vraiment. Mais là tu vas venir t'asseoir et t'expliquer, t'en dis quoi ?

Call me in the morning, I'll be on the way

Dany
&
Chris
&
Aamir

Le plafond de l’ORB était affreusement normal. Rien pour attirer son attention, rien à y compter ou à remarquer. Entre ses doigts, il faisait tourner ce crayon à la mine mal taillée. Aamir était affalé sur l’un des gros fauteuils confortable, le crâne basculé en arrière. Sans réellement tourner la tête, il leva son poing en l’air, sans grand entrain, en signe de victoire alors que Chris déclara qu’ils avaient eu la deuxième walkyrie. Avec la même énergie, il raya ce qu’il devait barrer. L’indien aurait volontiers occupé autrement ces heures mais le problème avec son amant, qui n’était pas réellement un souci en soit, c’est qu’il ne pouvait rien lui refuser. Ou plutôt, qu’il ne voulait rien lui refuser. Surtout pas quelque chose qui lui donnait ce sourire, celui à se damner. Alors Aamir était là, vautré sur son fauteuil, a tenter tant bien que mal de s’intéresser de près ou de loin à cette histoire.

Le tatoueur reprit sa lecture. Le chauffeur, lui, essayait de s’accrocher mais en réalité ; il écoutait seulement le timbre de voix de Chris, pas réellement les mots. Comme un enfant indifférent aux jeux qu’on pouvait lui proposer, l’indien gonfla ses joues ; laissant l’air s’échapper lentement par maigres filets. Les yeux légèrement écarquillés à la question de Chris, il tourna son visage vers lui en haussant les sourcils. Il finit par rire en entendant celui de son compagnon.

- Pardon, pardon dit-il en secouant la tête

Il se redressa péniblement.

- Pourquoi est-ce qu’on suivrait une vieille sorcière bizarre ?

Mais voilà que Chris fonçait déjà à la page indiquée.

- Bon bah suivons la vieille sorcière bizarre alors, souffla-t-il avant de s’enfoncer de plus belle dans son siège

À nouveau, l’indien contempla le plafond toujours aussi inintéressant. Il ne prit même pas la peine de lancer un regard à la personne qui venait d’entrer dans la salle commune. Avec un peu de chance, c’était une nouvelle sorte de rôdeur mangeur de papiers qui venait se repaître de tous les livres de l’ORB. À cette simple pensée, Aamir esquissa un sourire. Sourire qui mourût bien rapidement alors que la voix de Dany l’extirpa de sa contemplation en parlant de fellation. Sa tête bascula en avant, jetant un regard à la fois inquisiteur et perplexe vers le mexicain qui ne l’avait pas encore remarqué. À présent entièrement redressé dans son fauteuil, l’indien se racla la gorge bruyamment, pour se manifester. Et comme si c’était tout à fait normal, le guitariste salua Aamir avant de lui dire que la proposition tenait également pour lui.

Les mains levées devant lui, manifestant toute son incompréhension ; Aamir regarda alternativement Dany et Chris qui venait de piquer un fard. Le nez et les sourcils froncés, il était partagé entre le malaise et l’envie d’en savoir le moins possible. Il n’avait jamais été habitué à côtoyer des personnes hors des normes que la société imposait. Alors, il y avait des jours où il faisait des efforts. Et puis, il y avait ces jours où tout ça le dépassait. Il plaqua une main sur son visage, se massant brièvement les tempes en grimaçant. Finalement, le supplice d’un héros dont vous êtes le héros, ce n’était pas si mal.

- C’est quoi ce délire encore, pesta-t-il entre ses dents

Il prit sur lui pour ne pas lever les yeux au ciel.

- Tu t’es levé ce matin et tu t’es dit « tiens si je suçais quelqu’un aujourd’hui » ?

Il n’y avait pas vraiment d’animosité dans sa voix, seulement une forte incompréhension et peut-être aussi une envie de fuir ce moment gênant.

camo

️015

Je reste figé, droit comme un i, les bras ballants de chaque côté de mon corps en observant tour à tour les deux amoureux, pas sûr de saisir leur malaise.

- Ben quoi … ?

Je fronce sourcils, confus. Ça ne leur fait pas plaisir, comme proposition ?

- C'est pas … c'est pas un délire … que je me défends mollement face à un Aamir déjà lassé de l'entrevu.

J'ose pas m'avancer même si Chris me propose de m'asseoir. Là, j'ai seulement envie de m'excuser et de repartir dans l'autre sens. C'était malvenu, sans doute encore un truc qui m'échappe, et ça m'fait honte d'avoir sorti une bourde vu la couleur du visage de Chris.

- Tu t'es levé ce matin et tu t'es dis « tiens si je suçais quelqu'un aujourd'hui » ?
- Ben …

Mon indexe se fourre dans ma tignasse pour gratter mon cuir chevelu. Il est pas bien loin de la vérité, si on y réfléchit bien, et je me tâte à le lui signifier.

- Non mais c'est un peu plus … un peu plus réfléchi qu'ça, hein.

Les épaules un peu tendus, j'hésite un peu.

- Vous êtes sûr, du coup ? J'vous assure que ça vient du cœur, hein …

Je papillonne des paupières, sentant le désespoir s'abattre petit à petit sur moi. Comment je vais faire, moi ? Ça fait plus d'un an que je suis avec Curtis, et j'ai jamais pu aller plus loin que les bisous et les caresses parce que j'ai peur de repartir en crise de panique. C'était ma seule idée pour me décoincer.
Un lourd soupir s'échappe de mes narines alors que je conçois finalement à me laisser tomber sur l'un des fauteuils, malgré la honte que je ressens.

- C'est que … avec Curtis …

Ma main vient frotter mon visage et je fais la moue en la laissant sur ma cuisse, détaillant sans le voir le tatouage que Chris m'a fait sur la main.

- J'sens qu'il en a marre d'attendre, v'voyez ? Enfin j'lui ai dis qu'il pouvait aller voir quelqu'un d'autre s'il le souhaitait mais il veut pas. Moi ça me bloque. La dernière fois qu'on a tenté quoique ce soit j'suis parti en plein délire. Il est frustré et ... et moi aussi, parce que j'ai peur d'avoir peur. Et j'en ai marre de ça. J'veux débloquer c'qui coince, là.

Je tapote ma tempe de mon indexe.

- Vous êtes mes amis, non ? J'pensais que vous pourriez m'aider là-dessus.

En fait, je crois que je suis d'avantage gêné qu'il y ait Aamir, avec qui je suis moins proche que Chris. Comme si j'étais pris la main dans le sac d'une bêtise, je préfère me concentrer sur le tatoueur.

Le livre claqua en se refermant, le stylo coincé entre ses pages. Mon petit doigt me disait sans pouvoir se tromper que j'étais pas prêt de savoir ce soir, si la sorcière nous avait tendu un piège ou si elle allait nous aider.

La réaction d'Aamir était... A la fois juste et injuste. Logique, mais pas légitime.
Parce que oui, connaissant Dany, il avait très bien pu se lever ce matin-là en se disant qu'il devait nous faire une fellation, mais dans son monde à lui, ça faisait sens. Et c'est ça qu'il fallait prendre en compte.
- Chaton, laisse le s'exprimer..

Difficile de ne pas voir que l'hispanique était désappointé par nos réactions, et on l'aurait sans doute été à moins, dans sa situation. Je me redressai doucement pour venir le saisir par les épaules, et le fis s'asseoir dans mon fauteuil, venant prendre place sur l'accoudoir de celui de mon indien.

- On est sur, oui..? J'veux dire. Si on peut t'aider, on va le faire, mais crois-moi, je pense pas que ce soit la bonne solution à ton problème, Dany. En plus on est pas un couple ouvert, ça passerait pour de la tromperie et tout, pour nous, pour Curt'. Mauvais plan pour tout le monde.

Une fois assis et malgré son air dépité, le jeune homme osa poser des mots sur son mal-être, et sur la raison de sa drôle de demande. Curtis commençait à s'impatienter, donc. Mon regard passa discrètement sur Aamir. Nous aussi on était des impatients. Mais ça venait au bout de deux jours d'abstention grand maximum, pas d'un an. Au bout d'un an on serait probablement déjà morts tous les deux de combustion spontanée rien qu'à se regarder sans se toucher.

- Bien sur qu'on est tes amis, mi hermano. Mais.. les amis font pas ça pour aider. Tu seras capable de me sucer, parce que je ne suis pas Lui. Parce que tu l'as fait cent fois et que tu sauras le refaire mécaniquement. Tu y prendras aucun plaisir, aucun désir, et tu t'sentiras souillé et abusé.

Machinalement, j'entrelaçai mes doigts à ceux d'Aamir, sans quitter le jeune homme des yeux.

- Non, elle est pas là ta solution. Mais on peut en parler, et en trouver une, par contre.. ou une piste, des pistes à explorer avec lui. Tu peux.. enfin. Vous en êtes où tous les deux ? Vous vous embrassez..? Ou même pas ? Vous vous ... touchez ?

J'ai une pensée pour cette fois où j'étais allé voir Bill et Zola pour chercher des conseils avec Aamir. ça avait fini que Bill et moi nous étions roulé un patin devant une Zola blasée, et qu'au final, je n'avais pas appris tant de choses que ça à part qu'il fallait que je prenne courage en moi.

Call me in the morning, I'll be on the way

Dany
&
Chris
&
Aamir

Il n’était pas le plus empathique des hommes. Il n’était pas pour autant dépourvu de compassion mais Aamir devait admettre qu’il avait bien du mal à comprendre ce que les autres pouvaient ressentir, du mal à interpréter les choses qu’il ne connaissait pas. C’est sans doute pour ça qu’il ne prenait pas le temps de chercher plus loin et qu’il manquait probablement de délicatesse dans sa façon de répondre. L’indien avait aussi tendance à oublier qu’ils n’étaient pas de la même génération et surtout, qu’ils avaient un passé diamétralement opposé. Il avait beau faire des efforts, il y avait des jours comme aujourd’hui où ça coinçait ; des jours où il était abasourdi par ce qu’il entendait.

C’est d’ailleurs Chris qui, à sa façon, lui indiqua implicitement que sa réaction n’était pas la bonne. Le regard sombre d’Aamir passa de Dany au tatoueur. Du tatoueur à Dany avant de s’enfoncer un peu plus dans son siège. Visiblement, le mexicain était aussi gêné par la présence de l’indien que lui l’était de cette situation. Alors, il se mura dans un silence. Ce n’était pas du désintérêt, seulement qu’il n’était pas à même d’expliquer pourquoi cette proposition était aussi inattendue que saugrenue à ses oreilles. C’était hors de sa courte portée dans son esprit étriqué par la société dans laquelle il avait grandi. Est-ce qu’il donnait lâchement le bébé à son amant et sa sensibilité exacerbée ? Oui. Il était bien plus apte à gérer ça, il avait bien plus de tact que lui.

Pourtant, lorsque le jeune homme se mit à parler, à expliquer les raisons de sa demande ; Aamir se redressa légèrement dans son siège, tournant toute son attention sur l’hispanique. Si sa façon de faire n’était pas commune sur la forme, le fond était plus compréhensible ainsi exposé. Dans ses mots et dans ses gestes, ils pouvaient aisément lire sa détresse. Et ce désarroi, l’indien ne pouvait que le comprendre. Ou, à défaut, l’imaginer. Il n’était pas cette situation, fort heureusement mais il se sentirait bien incapable de pratiquer une abstinence forcée pendant une longue année. Pour lui, le sexe était l’un des points capital dans une relation, qu’importe sa nature. Bien-sûr, il n’y avait pas que ça mais pour lui qui pouvait ressentir le manque au bout de vingt-quatre heures ; c’était presque impensable de s’en passer. Un simple son, un simple regard, un simple effleurement pouvait allumer rapidement la mèche. Et comme s’ils partageaient la même pensée au même moment, le couple échangea un court regard.

Aux dires du tatoueur, Aamir opina du chef tout en serrant légèrement ses doigts.

- C’est vrai. Le sexe, fin je veux dire le bon sexe c’est pas genre un job à accomplir parce qu’on t’a dit de le faire ou parce que tout le monde te dit que c’est pas normal de pas coucher. T’en as envie ou t’as juste envie d’avoir envie, pour lui ? Même quand t’es tout seul ça t’arrive de te sentir genre… excité ou je sais pas ?

Parce qu’il y avait une différence entre n’avoir aucun désir sexuel ou simplement avoir un blocage ou pas d’envie de partager ça.

- T’sais je sais pas si on est les mieux qualifiés pour t’aider là-dessus mais le temps que ça se débloque là, dit-il en imitant le geste que Dany avait eu plus tôt, t’as d’autres moyens pour donner du plaisir à Curtis dans un sens moins… conventionnel du terme on va dire. Sans que ça t’implique de trop tout en restant un truc que vous partagez.

camo

️015

Je me sens misérable, et c'est peu dire. Mes lèvres se pincent alors que mon regard se baisse vers mes doigts que je triture. Le truc, c'est que je comprends pas, alors que je sais, je sens que c'est pourtant simple et que j'dois être le seul sur des kilomètres à la ronde à avoir ma manière de penser. Une nouvelle fois, je me sens en dissonnance avec le monde, et j'aime pas ça. Et j'comprends pas pourquoi je comprends pas.

Mes prunelles glissent sur eux, sur leurs mains qui se touchent, sur l'amour qui émane d'eux, et ça me fait mal. Ça doit se voir sur mon visage. Une seconde, je me ferme, sourcils froncés, me dévorant l'intérieur des joues, avant de regarder Chris et de me focaliser sur ce qu'il me dit.
J'ai honte, oui. De la façon qu'ils me dévisagent, de ce que je suis et d'être incapable de retrouver qui j'ai pu être il y a longtemps de cela.

Mes poumons se gonflent d'air alors que vient le moment des questions. Je secoue la tête pour ordonner mes pensées et papillonnent des paupières.

- On …

Aamir ouvre la bouche à son tour, et j'enregistre tout ce qu'il me dit avec attention, dans l'espoir que ça fasse son chemin dans ma tête. Sa question me laisse pensif un instant.

- Je … j'sais pas. Non si j'crois que j'en ai envie aussi.

Mon pouce se porte à mes lèvres, et mes dents se mettent à arracher la peau autour de l'ongle.
Après un énième instant de réflexion floue, je rebondis sur les questions de Chris, en m'agitant un peu sur le fauteuil :

- On … on s'embrasse oui. On peut se chauffer même, v'voyez. A chaque fois j'me dis 'yes ! Ça y est !' et j'sais pas à un moment y'a toujours un truc qui s'passe dans ma tête. Quand ça commence à devenir trop chaud, quand j'suis un peu trop dans le truc. Comme si on appuyait sur un interrupteur. Et ça me donne des … des flashs. Des fois des hallucinations. Ça nous coupe directement. En ce moment on essaie même plus du coup. J'veux pas perdre Curtis pour ça.

Il a été patient, il l'est toujours, et je sais qu'il m'aimera malgré tout. En tout cas, je me le répète pour me rassurer. Mais j'sais plus comment ça fonctionne, un couple, et j'sais pas si ça peut fonctionner sans que cette partie ne soit active.

Mes doigts se crispent sur mes genoux.

- Les séances avec Faith me débloque pas, que j'souffle d'une petite voix honteuse.

Même si elle m'a aidé, déjà. Je suis moins angoissé sans arrêt, j'ai moins peur à chaque coin de rue et j'arrive mieux à dormir sans réveiller tout l'ORB. J'sais qu'il faut le temps, que c'est un travail de longue haleine et que les résultats, s'il y en a, seront toujours fragiles. Mais ça me fume d'être si impuissant.

J'étouffe un grognement dans la paume de mes mains en m'enfonçant dans le siège.

- J'suis si stupide putain … quel con bordel de merde …

Mon visage se balance en arrière et je fixe le plafond un fraction de seconde.

- J'ai presque toujours fais ça avec de mauvaises personnes ... dans de mauvaises conditions.

Jusqu'à l'hiver dernier, au sein même du No Man's Land. Autant dire que c'est encore bien frais, même si de ça, j'en ai parlé à personne. Pas même à Curtis. J'ai trop peur que le karma se retourne contre moi si j'ouvre ma bouche.

- J'me disais que le faire avec quelqu'un de confiance, autre que Curtis, ça pourrait m'aider. Vous êtes ... vous avez l'air si amoureux. Vous êtes trop beaux tous les deux.

Je soupire encore en secouant la tête.

- J'suis désolé si ma demande vous a choqué ou quoi. C'est pas mon but.

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