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Locklan Reid
Ven 21 Mai 2021 - 10:54
what i am
Audacieux Protecteur Volontaire Entier Rusé Borné Rancunier Introverti Instable Acerbe | Locklan n’a conservé que ce qu’il avait sur lui depuis qu’il a quitté son ancien groupe, à savoir le strict nécessaire pour sa survie et son équipement de motard. Il a remis son arme de poing, un Beretta 92, aux Remnants à son entrée, et a conservé son couteau de combat. Il s’agit de deux armes autrefois de contrebande que le gang lui a donnée pour l’équiper. Son équipement de motocross lui était autant utile sur la route que contre les rôdeurs. Il s’agit d’une tenue complète renforcée de cuir et de protection, avec gants, bottes et casque. Il s’en sépare rarement. En dehors de ça, il a conservé la veste de cuir que les Hells Angels lui avaient confié, quelques photos dans un vieux portefeuille qui a vu passer les années, ainsi que son briquet et son paquet de clopes bien souvent vide. Il a également conservé son alliance, qu’il n’a pas retiré. Locklan n’atteint pas le mètre quatre-vingt pour un peu moins de soixante-dix kilos. Sa silhouette est taillée pour l’endurance et l’équilibre en motocross, ce qui faisait déjà de lui quelqu’un à la musculature sèche et nerveuse avant même que l’apocalypse n’accentue ce trait. Ses cheveux noirs d’ébène sont généralement rejetés en arrière pour lui dégager la vue. Il a une barbe plus ou moins fournie selon quand il a l’occasion de s’en occuper. Ses yeux sont d’un noir aussi profond et insondable. Son corps est fortement marqué par de nombreuses cicatrices, que ce soit de la pratique de la moto avant l’apocalypse, ou des combats qui ont pu rythmer sa survie ensuite. Locklan n’a pas été vraiment épargné entre les chutes impressionnantes et les conflits de communautés. La plus reconnaissable et récente est certainement la large brûlure qui lui a mangé tout le flanc droit. Il a un tatouage dans le cou en forme de croix, symbolique de ses anciennes allégeances chez les motards. Il a gravé également le nom de sa fille dans l’intérieur de son avant-bras, comme un rappel muet de ce qui importe vraiment. |
Psychologie
Ce qui est certain avec Locklan, c’est qu’il n’a pas froid aux yeux. Accro à l’adrénaline et à la vitesse, il est toujours à la recherche de sensations fortes pour se sentir réellement vivant. Il n’est pourtant pas à foncer tout le temps tête baissée sans réfléchir, sinon aucun doute qu’il n’aurait pas autant brillé au motocross, ni n’aurait survécu aussi longtemps à l’apocalypse. Face à un obstacle ou un imprévu, il est capable en un rien de temps de trouver une astuce pour se débarrasser du problème. Il est bien souvent adepte du « ça passe ou ça casse ». Tout est une question d’audace à avoir, tout autant que de ruse.
Ce n’est pourtant pas quelqu’un qui aime se prendre la tête à outrance. Il cherche bien souvent à être efficace, voir expéditif, plutôt que de se lancer dans de grandes théories. C’est plus un homme d’action qui ne recule pas devant le premier accroc. Toujours très volontaire, on peut généralement compter sur lui quand on lui confie une tâche à mener à bien. Sous ses airs nonchalants, il ira jusqu’au bout de ses idées et s’assurera que le travail est bien fait.
A ses yeux on n’obtient rien sans rien. Ceux qui ont tort sont ceux qui ne prennent jamais de décision, bonnes comme mauvaises. Lui-même fait preuve d’assez peu de concession. Le revers de la médaille, c’est qu’il est bien souvent difficile de le faire changer d’avis quand il estime avoir raison, et qu’il ne se privera pas de le dire en prime aux concernés. Et quand il a tort ? Ca ne le gêne absolument pas de faire preuve de mauvaise foi, juste pour ne pas avoir à se remettre en question. Franc et entier, on peut difficilement ignorer ce qu’il pense, surtout que Locklan a la critique facile. Avec ses amis, il se montrera plus volontiers taquin, mais bien plus acerbe avec ceux qu’il n’apprécie pas. En effet, il ne mâche pas vraiment ses mots, encore moins quand on commence à le chercher un peu trop. Pire encore, si on le trahit, il ne sera pas prêt de l’oublier. Il attend des autres la même franchise dont il peut être capable et tolère assez mal le mensonge ou les non-dits. Il a donc assez peu d’amis en général, mais ceux qui le comptent comme étant le sien savent qu’il peut faire preuve d’une grande loyauté. Il aura toujours à cœur de défendre leurs intérêts, même s’il ne se montrera pas souvent démonstratif.
Locklan est un peu comme le feu sous la glace. Plutôt introverti et taciturne, il peut paraître froid et détaché au premier abord, et même apprécié assez peu son prochain, mais cette première impression dissimule ce qui bout sous la surface. C’est quelqu’un qui a du mal à contenir ses propres émotions, qui peuvent parfois éclater au grand jour à la manière d’une goutte d’eau qui fait déborder le vase. Dans ces instants-là, il peut se révéler bien plus instable et imprévisible. Il ne vaut mieux pas alors se trouver sur son chemin.
Story of survival
Pre-apocalypse
• 1994, Seattle
J’ouvris de grands yeux émerveillés à voir par la fenêtre de la voiture ces étendues infinies de couleur émeraude, si différentes de la ville de Seattle où j’avais vu le jour. Tout paraissait démesurément grand en comparaison. « On va où, papa ? » On avait quitté Glasgow ce matin. Mon petit frère, âgé seulement de trois ans, dormait profondément sur la banquette arrière à côté de moi en ratant tout du spectacle. La plupart du temps, il se contentait juste d’être pénible pour moi, sentiment encore plus renforcé quand ma mère me demandait de garder un œil sur lui le temps qu’elle aille faire quelques emplettes. Mon père se retourna vers moi, avec un sourire enjoué. « Tu ne voulais pas voir le fameux monstre du loch Ness ? » Je rigolai, sans bien savoir quoi lui répondre. « Parce qu’il existe vraiment ? » Ma mère le réprimait déjà de me raconter des sottises, quand il me le confirma sans détour.
Nos virées en Ecosse dans sa famille étaient rares, même si assez mémorables pour moi. Mon père était plutôt fier de ses origines, mais avec l’arrivée de ma sœur un an plus tard, c’était plus difficile pour eux de se payer de beaux voyages là-bas. J’étais l’aîné d’une fratrie de trois, ce qui n’était pas toujours de tout repos. Mon frère était né en 1991, six années après moi, et ma sœur en 1995, avec dix années d’écart. Il y avait déjà un fossé de quelques années entre nous qui incitait mes parents à les confier à mes bons soins quand ils devaient remplir quelques impératifs. Ma mère s’occupait beaucoup de nous quand elle ne travaillait pas à la boutique de souvenirs de l’aquarium, dans le Downtown de Seattle. C’était là que nous vivions, dans un petit appartement juste au-dessus du garage dont mon père était le gérant. Nous ne roulions pas sur l’or mais le garage nous assurait un train de vie plutôt acceptable, si ce n’était son emplacement à un des pires quartiers de Seattle qui ne rendait pas toujours la vie facile. Ils auraient bien pu déménager, mais en vérité les affaires tournaient bien. Revendre le garage pour s’excentrer aurait représenté pas mal de pertes pour mon père.
• 1997, Seattle
« Putain, c’est qui ce gosse ? » Je me figeai, comme pris dans les phares d’une voiture, à l’intersection d’une ruelle étroite où j’avais entendu des cris résonner. On m’avait pourtant bien indiqué le chemin à prendre systématiquement pour rentrer, les ruelles à éviter, mais une curiosité malsaine m’en avait fait dévier quelque peu. J’étais resté sous le choc à voir tout ce sang s’écouler du visage de leur victime. Ils la repoussèrent sans ménagement avant de la délaisser sur place. Les trois hommes se retournèrent vers moi à l’unisson. Je n’aurais pas dû m’arrêter. La pensée me percuta de plein fouet mais mes jambes refusèrent de me porter loin de cette scène. Ils ne devaient pas avoir beaucoup plus de la vingtaine, mais du haut de mes douze ans, ils m’avaient l’air de géants. Je ne répondis rien quand ils me bousculèrent un peu pour obtenir des réponses, comme hors de mon corps, jusqu’à ce que l’un d’entre eux précise que j’étais le fils du garagiste d’à côté. Je tressaillis en sentant le contact froid et métallique d’une lame contre ma joue, qui me rappela bien vite à la réalité. « T’as rien vu, ok ? Sauf si t’as envie qu’on te crève un œil aussi. » J’hochai la tête, sans discuter, jusqu’à ce qu’il se décide à me relâcher. « Allez, file. » Je pris enfin mes jambes à mon cou pour fuir sous leurs rires goguenards.
Des scènes de ce genre n’étaient pas rares à Downtown, à cause de guerres de gang qui faisaient parfois rages dans les ruelles moins passantes. Quand je racontais vaguement ce qui s’était passé à ma mère, elle me fit seulement promettre de bien veiller à rester en dehors de ça, de ne pas chercher les embrouilles. C’était clairement un niveau au-dessus des petits règlements de compte ou trafic que je pouvais voir à la sortie de l’école. J’hochai la tête en lui offrant un sourire, pour ne pas l’inquiéter davantage. Si elle savait la moitié de ce qui se passait à l’école… Peut-être qu’elle aurait réellement convaincu mon père de déménager. La plupart du temps, ce n’était pas moi qui étais le plus embêté. Je savais comment me trouver dans les bons coups et comment éviter les mauvais. J’avais peu d’amis, mais je pouvais compter sur eux. La plupart me jugeait taciturne et renfermé, mais ceux qui venaient me chercher des noises étaient plutôt rares. J’avais tendance à réagir à l’extrême quand on me chauffait un peu trop. « Et tes résultats alors ? » J’haussai les épaules, en espérant encore esquiver la question. « Va faire tes devoirs, Locke. » Elle m’arrêta alors que je m’esquivai dans ma chambre. « Et fais-les sérieusement. » Je levai les yeux au ciel en réponse.« Tes professeurs disent tous que tu as des capacités, ça serait bien que tu les mettes à profit plutôt que de courir les rues ton skate à la main avec tes amis. »
• 2001, Seattle
« Tu travailles sur quoi aujourd’hui, p’pa ? » Il me désigna les trois motos qui étaient stationnées juste devant le garage. Je lâchai un sifflement appréciateur. « La classe ! » J’étais loin de m’y connaître autant que lui, mais c’étaient de beaux modèles. « Tu veux en essayer une ? » Je me retournai subitement vers lui, avec de grands yeux ronds. « Quoi t’es sérieux ? » Mon père se fendit d’un rire sans faire plus de commentaires, avant de lâcher sa clope au bec pour me montrer rapidement comment on faisait pour la démarrer. Je fis à peine plus de quelques tours sur le parking ce jour-là, mais le lendemain je rentrais juste après les cours pour lui demander de m’en montrer davantage. Mon père accepta sans vraiment que j’ai à négocier. Il me demanda simplement de l’aider au garage pour qu’il finisse plus tôt, qu’on voit ça ensemble, et qu’il me trouve une moto plus à ma taille. C’était quand même un niveau au-dessus que de faire du skate en ville ou du vélo dans les montagnes avec les potes, non ? Ca impressionnerait les filles en prime !
Je ne le reconnaîtrais sans doute jamais, mais j’étais tombé dedans à l’époque avant tout pour frimer un peu. Sauf que, rapidement, je me découvris une véritable passion. La vitesse en moto était grisante, mais j’avais toujours besoin de plus. Toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus… Haut. J’avais l’impression que des ailes me poussaient dans le dos quand je troquais mon vieux vélo pour m’essayer au motocross dans la montagne. J’étais devenu en un rien de temps complètement accro aux sensations que ça pouvait me procurer, à me demander comment j’avais pu m’en passer toutes ces années auparavant. J’avais besoin de ressentir ce pique d’adrénaline chaque fois que les roues décollaient du sol pour me sentir réellement vivant.
Mon adolescence fut plutôt décousue. J’avais envie de tester pas mal de choses, simplement pour ne pas mourir bête. Alors je me laissais entraîner dans pas mal de plans, surtout par mes nouveaux potes au motocross, qui étaient tous plus âgés que moi. Jeux, alcools, drogues… Et les filles aussi. Distant, mais plutôt sûr de moi, je faisais mon petit effet. Je sortis avec plusieurs d’entre elles, mais ça ne fonctionnait jamais vraiment. Il y avait toujours quelque chose pour mettre le feu aux poudres, et souvent c’était de mon fait.
Autant dire que ma mère n’était pas réellement ravie de mon évolution. Elle aurait préféré que je me concentre sur mes études, plutôt que de revenir tous les soirs comme un chat sauvage, sale, et parfois en mauvais état. Car des fois c’était la moto que m’avait confié mon père qui prenait cher… Et des fois c’était moi. Je ne comptais pas le nombre de fois où je m’étais démis le poignet au motocross quand je ne me cassais pas un bras ou une jambe. Ca ne m’arrêtait qu’un temps avant de reprendre rapidement. Je consacrais plus mes temps de convalescence à aider mon père au garage pour qu’il me montre des trucs et astuces que le nez dans mes livres d’études. Il n’y avait bien qu’en math et en électronique où je m’en sortais pas trop mal, certainement parce que ça m’intéressait. Et le pire dans tout ça ? Je m’étais mis à fumer. Elle le reprochait souvent à mon père vu le temps qu’on passait ensemble tous les deux, mais je le devais plutôt à mes potes en vérité.
• 2003, Seattle
J’avais fini par faire comprendre à ma mère qu’elle pouvait laisser tomber l’idée que je fasse de longues études. Je voulais suivre la voie toute tracée par mon père, dans l’intention ferme de l’aider au garage. Ma passion nouvelle pour le motocross m’avait donné envie d’apprendre davantage sur ce que les motos avaient sous le capot. Je savais que le matériel jouait beaucoup dans ce type de pratique.
Ma mère n’en démordait pas, cependant, et le compromis fut difficile à trouver. Je devais partir pour deux ans d’étude au Shoreline Community College pour obtenir le general service technician certificate, autrement dit, un certificat qui officialiserait mon statut de mécanicien automobile. Ça m’assurerait une certaine notoriété dans le milieu d’après elle. J’avais surtout retenu qu’il me fallait passer mon permis de conduire au préalable, ce qui m’intéressait bien davantage. J’avais déjà le goût de la liberté en bouche. Je pourrais faire de la moto en dehors des pistes prévues pour le motocross, et ça, ça n’avait pas de prix.
• 2005, Seattle
Ca n’avait rien de facile, mais… C’était intéressant. Pour la première fois de ma vie, mon intérêt était réel pour les études. Ca exaspérait ma mère, même si elle était plutôt satisfaite. Toujours à me dire « ah tu vois ! », c’était vraiment pénible. Mon père, lui, n’en avait jamais vraiment douté. Il n’arrêtait pas de lui dire que j’étais un gamin intelligent, mais avec des intérêts très ciblés. Je pouvais difficilement le contredire là-dessus. Je m’ennuyais dès qu’il s’agissait de cours magistraux pour me réveiller quand on passait aux cas pratiques. J’aurais pu passer la journée à démonter pièce par pièce ce qu’on pouvait me confier pour comprendre comment ça pouvait fonctionner.
Je m’étais également fait de bons potes durant mes études. Ca faisait du bien de se retrouver avec des personnes qui partageaient les mêmes centres d’intérêt, et avec qui je pouvais parler moto pendant des heures. On en faisait souvent ensemble après les cours, seulement pour le plaisir de rouler un peu. Quand on ne roulait pas, on cherchait à trafiquer nos motos pour rechercher l’excellence en termes de technique. On s’était tous gravé ce même tatouage dans le cou, comme signe indéfectible de notre fraternité.
• 2006, Seattle
La musique était entêtante ce soir-là. J’avais déjà bu plusieurs verres et oublié depuis longtemps quelle heure il était, surtout quand cette petite brune m’avait rejoint pour danser. Elle s’appelait Jena. Ça ne devait être qu’un coup d’un soir, comme bien souvent… Sauf qu’on s’était rappelé à plusieurs reprises. Cette fille était une véritable drogue pour moi. J’avais beau cherché à m’en détacher, je finissais invariablement par y revenir. C’était différent des autres qui attiraient mon œil sur le coup pour disparaître de ma vie presqu’aussitôt. Si c’était sérieux entre nous ? Pas vraiment. Je n’avais pas spécialement envie de me poser et elle non plus. On passait juste du bon temps ensemble. Je venais souvent la voir après qu’elle avait fini son service au bar. La musique était aussi bonne que la bière, l’ambiance sympathique… Et la vue également, alors pourquoi s’en priver ?
Je passais le plus clair de mon temps au bar, avec mes potes, quand ce n’était pas avec elle… Ou alors sur les pistes. Je commençais à décrocher un peu des études. Non pas que ça arrêtait de me plaire, mais j’avais beaucoup de choses pour me distraire à côté. Je passais beaucoup de temps au dehors pour ne pas avoir à géré mon frère et ma sœur. Je les aimais bien, mais ils étaient trop petits pour me paraître réellement intéressants. En plus ma mère n’arrêtait pas de vanter les résultats de mon frère à l’école. Il avait envie d’être ingénieur, apparemment. Grand bien lui fasse, je ne voulais pas savoir qui allait devoir lui financer ses études. Moi, au moins, je gagnais déjà plus ou moins mon salaire en aidant mon père au garage.
• 2007, Seattle
« T’es enceinte ? Tu rigoles là j’espère ? » Je regardais Jena, l’air mortifié. Je m’étais attendu un peu à tout, sauf à ça, quand elle m’avait rappelé après qu’on se soit plus ou moins dit qu’il valait mieux arrêter les frais. Je m’étais mis à rire devant cette mauvaise plaisanterie, avant de comprendre que ce n’était pas juste une stratégie pour qu’on se remette ensemble. Non, elle était sérieuse.
Et merde.
Je lui avais demandé si elle comptait le garder. « Je ne sais pas, Locke. » C’était tout ce qu’elle m’avait répondu avant de me laisser seul avec mes propres pensées, à ressasser encore et encore. Quand je finis par la rappeler, quelques jours plus tard, Jena était surprise que je l’incite à garder le bébé. Je n’avais pas la moindre foutue idée dans quoi je m’engageais, mais une chose était sûre… Pour la première fois de ma vie, j’avais réellement envie que ça fonctionne. J’étais prêt à la demander en mariage, si elle le souhaitait également. Je nageais en pleine fiction.
Si tout allait bien, j’allais finir mes études dans quelques mois à peine avec ma spécialisation moto en poche au Motorcycle Mechanics Institute. Réussir ces certifications prenait un tout autre sens maintenant qu’il n’était plus uniquement question de moi. Je balisais complètement, sans bien savoir dans quoi je m’étais engagé cette fois. Mais à la naissance de Maelys, quelques mois plus tard, j’oubliais toutes mes craintes. Jena et moi, on se maria peu de temps après, en 2008.
• 2010, Seattle
Je sortis à peine la tête de sous le véhicule que j’étais occupé à réparer que mon frère me tira ma clope du bec pour l’écraser au sol. « Tu fais chier, frangin. » Le petit intello de service était obligé de me pourrir la vie ? « L’état de papa te suffit pas pour arrêter ? » Ca, c’était vraiment petit de sa part. Je lui lançai un regard noir en retour. « On doit bien mourir de quelque chose non ? » Ce fut suffisant pour qu’il en perde sa retenue et cherche à en venir aux mains. J’allais l’encastrer contre le véhicule, pour prouver à ce petit con qu’il ne pouvait pas avoir le dessus contre moi, quand notre mère fit irruption pour nous séparer à renfort de cris et de protestations. « Allez vous calmer tous les deux ! » On était tous à fleur de peau depuis qu’on avait appris que l’état de mon père se dégradait sévèrement suite à son cancer du poumon. C’était compliqué de gérer le garage sans lui, et bien plus encore de joindre les deux bouts. Ma mère était pourtant agréablement surprise que je gère aussi bien les finances du garage sans l’aide de mon père. Il fallait bien que je prenne mes responsabilités. Je devais couvrir quasiment seul les frais de santé engendrés, payer les études de mon ingrat de frangin, tout en veillant sur ma petite sœur. Elle était bien moins pénible que lui. Elle me ressemblait sur certains points. Son truc à elle, c’était plutôt le chant. Elle s’évadait là-dedans, dès qu’elle le pouvait. Moi, c’était la vitesse. Je mettais le turbo… Et je disparaissais un temps.
• 2011, Seattle
« Tu ne voudrais pas arrêter… Ou au moins te poser un peu ? Un jour, il va vraiment t’arriver quelque chose de grave. » Jena caressa son ventre arrondi, avant de me jeter un regard suppliant. « Quand le petit naîtra… J’ai besoin de toi à mes côtés, Locke. » Elle attrapa ma main pour la serrer un peu. Ce qu’elle ne parvenait pas à comprendre, c’était que je ne pouvais pas arrêter. Je n’arrivais pas à m’en passer, peu importe les chutes en catastrophe. Depuis la mort de mon père, la moto était mon principal exutoire. J’étais devenu vraiment très bon au cross, ce que je devais principalement au fait que j’osais beaucoup de choses sans craindre les fractures ou les revers. Jena devait comprendre qu’elle ne pourrait pas me changer.
J’avais repris le garage en main, ce qui n’était pas toujours une mince affaire. Il y avait beaucoup à gérer sans mon père. Les temps morts étaient rares. On avait clairement besoin d’argent pour tenir le coup également. J’aurais voulu avoir plus de temps pour ma fille, mais il y avait tant de choses à gérer… Comment j’avais pu signer pour ça ? Je ne rêvais que d’une chose, c’était retrouver un semblant de liberté. Il fallait que Jena comprenne que si je n’avais rien pour souffler, j’allais craquer pour de bon.
• 2012, Seattle
« C’est pas vrai… Qui a fait ça ? » C’était la meilleure. J’avais à peine l’impression de sortir la tête hors de l’eau qu’on me la maintenait sous la surface. Ils avaient attendu que je parte pour faire leur coup. Les vitres du garage avaient été brisées, la serrure fracturée. Il manquait plusieurs véhicules qui étaient en attente, et pas n’importe lesquels bien entendu. Ca sentait le règlement de compte entre gang et ça m’énervait d’y être mêlé alors que je faisais tout mon possible pour rester en dehors de ces histoires. Je prenais l’argent qu’on me donnait en échange des réparations, et surtout, je ne posais jamais de questions. Il fallait croire que ça ne suffisait pas. Heureusement, Jena et les enfants allaient bien.
J’avais repris en main le vieux pistolet de mon père pour m’entraîner un peu avec. Il m’avait montré comment faire, par simple mesure de sécurité. Je devrais l’utiliser en dernier recours. J’achetais également un chien de garde avec le peu d’économies qui me restaient après avoir payé les réparations. Ce serait un moyen dissuasif. Jena lui lança un drôle d’œil, gardant Ewen scrupuleusement hors de sa portée, mais Maelys était ravie.
• 2013, Seattle
« Est-ce que tu pourrais faire passer ce colis, Locke ? » Je baissai le regard sur celui-ci, sans bien savoir à quoi il voulait me mêler. Ca avait l’air d’être un colis à la provenance douteuse qu’il espérait faire passer en douce. Il essayait vraiment de me prendre pour un con non ? On était amis depuis suffisamment longtemps pour que je sache à quel point il avait déconné ces dernières années. Il avait arrêté le motocross, comme une partie de la bande, pour en rejoindre une autre bien plus dangereuse… Les Hell Angels. C’était différent que de faire de la moto ensemble là, il trempait dans quelque chose de bien plus dangereux. Je les connaissais uniquement de réputation, mais j’en savais assez à mon goût. Contrebande d’armes, de drogues, guerre de gangs… Je secouai négativement la tête. « Je donne pas là-dedans. Je répare ou augmente vos motos, et c’est tout. » Il avait l’air embêté, à regarder ces deux nouveaux amis que je ne connaissais personnellement que de vue. « Allez Locke, on est ami depuis longtemps non ? Tu peux bien faire ça pour moi. » Je lui offris un sourire ironique, sans en démordre. « Mec… J’ai un enfant qui vient de naître… Je reste en dehors de ça, mais vous pouvez toujours compter sur moi pour le reste. » Ca m’aurait ennuyé de perdre une clientèle qui payait rubis sur l’ongle tant qu’on ne posait pas de question, mais je ne me laisserais pas entraîner là-dedans comme lui. Heureusement, il finit par accepter sans insister davantage. Il y avait une forme de fraternité qui restait présente entre motards, même si nous ne roulions plus avec la même bande.
• 09/10/2015, Seattle
J’avais enfin pu me poser au bar ce jour-là, une bière à la main et une clope au bec. Bref, c’était le bonheur assuré. J’écoutai ma sœur qui chantait au bar avec son groupe de rock nouvellement formé. Elle n’était pas mauvaise, même si c’était difficile de percer dans le domaine. J’aimais bien l’écouter, loin des autres préoccupations familiales. Mon frère avait enfin décroché son diplôme d’ingénieur. Il m’avait assuré que c’était à lui de reprendre le flambeau maintenant. Franchement, j’attendais de voir ça… Au moins, je n’avais plus à me soucier de payer ses études hors de prix. Il m’aurait entendu s’il s’était foiré. Notre mère commençait à présenter des signes de faiblesse à l’approche des soixante années. J’avais la cruelle impression qu’elle ne s’était jamais réellement remise de la mort de mon père. Il m’avait assuré qu’il prenait en charge son hospitalisation, qu’elle se remettrait vite de sa maladie. J’étais moins convaincu que lui.
Maelys fêterait bientôt ses neuf ans. Je n’avais pas la moindre idée de quoi lui offrir. Je me laissais porter par la musique en cherchant quelques idées sur mon portable quand je tombais sur le fil d’actualité. Je m’étais arrêté sur des images impressionnantes d’agression quand ma sœur me rejoint au bar pour discuter un peu. « Wow ! Ca a l’air vraiment flippant ce que tu regardes, Locke… Tu veux pas plutôt me payer une bière ? » Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire, en réalisant qu’elle ne perdait pas le Nord. Je lui commandais sa bière avant de dédramatiser aussitôt. « Ils savent plus quoi inventer pour faire la une. »
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Post-apocalypse
• 12/10/2015, Seattle
« Locke… Locke ! » Je délaissai le véhicule que j’étais occupé à réparer quand Jena fit subitement irruption dans le garage, d’un air empressé. « Quelque chose ne va pas ? » Je lui attrapai aussitôt le bras, dans un geste rassurant. Je savais instinctivement que quelque chose n’allait pas sans qu’elle me le dise. Je lançai un coup d’œil en direction du comptoir où mon pistolet était dissimulé. « Il y a eu une violente bagarre sur les docks devant le bar ce soir… Un règlement de compte certainement, mais… Locke, quelqu’un m’a suivie. » Je lui caressai doucement le dos pour la rassurer avant de me rapprocher de la porte d’entrée du garage, pour vérifier si l’inconnu qui l’avait suivi était encore dans les parages. Une grimace m’échappa à voir une silhouette se rapprocher lentement mais sûrement du garage. Nox, mon chien de garde, se mit aussitôt à gronder dans sa direction d’un air fortement dissuasif. Ça ne l’arrêta pas, bien au contraire. « Ils étaient bourrés, Jena ? » Parce qu’il n’avait pas l’air très frais. Je poussai un soupir las avant de lui intimer de garder ses distances. Si je n’avais qu’à gérer un mec un peu trop alcoolisé, ça irait.
Sauf que, loin d’être intimidé par la présence de Nox, il se rua dans sa direction pour l’empoigner. J’observai la scène d’un air interdit, alors que le chien de garde se décida à l’attaquer férocement, sans que ça ne le fasse ciller. « Bordel mais c’est qui ce type ? » Le temps de courir chercher mon flingue, les cris déchirants de l’animal s’élevèrent dans la nuit. Je restais figé, l’arme en main, à le voir planter ses dents dans mon animal sous la lueur vacillante de la lampe-torche de mon portable. Il était occupé à… Bouffer mon chien ? J’eus un moment de blanc, complètement interdit, avant que le cri de panique de Jena ne me rappelle à la réalité. Je levai mon arme pour lui loger une balle dans la jambe. Je l’entendis à peine grogner avant de délaisser sa proie pour boiter dans ma direction. « Arrête-toi… ! Putain ! » Je lui en tirai une seconde en pleine poitrine quand il ne fut plus qu’à quelques mètres de moi, avant de reculer précipitamment de nouveau vers la maison. « Papa ? » Je me retournai une seconde pour aviser Maelys qui avait fini par être réveillée par les coups de feu. Sa mère tentait de la rattraper pour lui masquer la scène des yeux. Je perdis finalement mon sang-froid, vidant mon chargeur sur ce type qui semblait invincible, jusqu’à ce qu’il se fige au sol après s’en être prise une en pleine tête. Il me fallut plusieurs minutes supplémentaires pour reprendre mes esprits et indiquer à Jena : « Fais rentrer les enfants à l’intérieur, s’il te plaît. »
J’attendis qu’elle s’en charge pour achever Nox qui était dans un piteux état. « Désolé mon grand… » J’avais un cadavre sur les bras maintenant. Je ferais mieux de le signaler aux flics avant qu’on me demande des comptes. Je pourrais toujours plaider la légitime défense.
• 15/10/2015, Seattle
C’était surréaliste. Les flics m’avaient littéralement rembarré en m’informant qu’ils avaient plus urgent à gérer. Il y avait quoi de plus important pour eux qu’un homicide exactement ? Ils m’avaient même demandé si j’étais certain qu’il était bien mort ! On vivait en plein délire ! J’étais finalement reparti sans être inquiété par la police, qui m’avait même vivement conseillée de me barricader chez moi avec ma famille, et de nous informer si ça se reproduisait.
… Parce que ça devait se reproduire ?
J’avais néanmoins suivi leurs conseils, et deux jours à peine plus tard, les militaires commençaient à s’installer en ville. Ça n’augurait rien de bon. On nous servait une histoire de virus. Je ne savais plus vraiment quoi croire. Je savais uniquement que, contrairement à leurs dires, ils n’avaient pas la situation sous contrôle.
• 20/10/2015, Seattle
« On devrait peut-être rejoindre un de ces camps de réfugiés, Locke… Les enfants seraient plus en sécurité là-bas. » Jena me lança un regard soucieux depuis le canapé, alors que les dernières informations tournaient en boucle sur le téléviseur. « Non, pas question. » « Mais… » « J’ai dit : Non. » Je me doutais très bien de comment ces fameux camps risquaient de tourner. Ma confiance envers les autorités de Seattle était limitée, et ce depuis toujours ou presque. « Tu pourrais retrouver ta famille… » Ma mâchoire se crispa quand je me retournais vers elle à son ton suppliant, quittant momentanément des yeux ce qui se passait en contrebas dans la ruelle. Mon frère m’avait envoyé un message rien que le matin même pour m’informer qu’il avait pu récupérer notre mère à l’hôpital. Ça avait été compliqué, d’après lui, mais il avait refusé de me donner tous les détails. Il m’avait seulement précisé de ne pas m’inquiéter pour eux, qu’ils iraient dans un de ces camps. J’avais bien essayé de l’en dissuader lui aussi, sauf qu’il avait raison. Ma mère avait besoin de soins appropriés et elle ne pourrait les obtenir que là-bas. Quant à ma sœur, elle m’avait assuré être en sécurité avec celui qui partageait sa vie. Je n’aimais pas particulièrement ce type, mais elle habitait plus loin et les barrages militaires semblaient lui poser quelques soucis pour se déplacer. De mon côté, ma priorité restait toujours de garder Jena et les enfants à l’abri. Je connaissais les ruelles de Downtown comme ma poche, c’était encore le plus sûr à mes yeux… Même si elles avaient bien changé.
Cette nuit-là, je m’étais assoupi contre la fenêtre, à mon poste de guet habituel, quand l’alarme se déclencha subitement dans le garage. Je poussai un juron bien senti avant de m’emparer de mon arme sans tarder, courant en direction des véhicules qui y étaient encore stationnés. « Lâche ton arme ! » Un tir partit aussitôt dans le mur à côté de moi, à l’intersection. Je me reculai vivement en me rendant compte qu’ils ne plaisantaient pas. La mise en garde avait été moins rapide que la balle à partir. Je risquai un regard à l’extérieur de mon couvert pour réaliser qu’ils étaient au moins six, bien armés. « Putain. » Je ne faisais clairement pas le poids. « Vous faites une grave erreur, les mecs… Ces motos appartiennent à des gens que vous n’avez pas vraiment envie de voler, je peux vous l’assurer. » J’entendis le bruit caractéristique des moteurs me répondre. Ils n’avaient pas l’air de vouloir me prendre au sérieux. Tant pis pour eux.
Je les laissais partir avec les véhicules et l’essence dont ils avaient besoin. Je n’étais sorti de mon couvert qu’après coup. Ça faisait chier, mais en soi, ce n’était pas vraiment important. Je ne pouvais pas risquer de me faire tuer alors que ma famille comptait sur moi. Je repartis dans l’appartement à l’étage pour expliquer la situation à Jena qui paraissait horrifiée. C’était à moi de rassurer Maelys et Ewen avec des mots simples, pour qu’ils comprennent ce qu’il se passait, sans pour autant se mettre à paniquer.
Quelques heures plus tard, ce furent les Hell Angels qui arrivèrent en bande armée. J’eus à peine le temps de leur expliquer la situation qu’ils étaient repartis sans demander leur reste. Ils ne revinrent qu’à la nuit tombée, avec bien entendu les véhicules volés. « Tu devrais venir avec nous, Locke… C’est plus sûr ici. On compte partir en périphérie de la ville. Tu nous serais bien utile et… On pourrait veiller sur ta famille en retour. Qu’est-ce que t’en dis ? » J’avais déjà refusé une fois de m’associer à eux, mais j’avouais que la proposition était bien tentante. J’avais bien vu que je ne pourrais pas défendre à moi seul Jena et les enfants. Ces types étaient dangereux mais… C’était sans doute ce qui nous fallait pour survivre.
J’eus un mal fou à convaincre Jena de partir avec eux. Comme j’aurais pu m’en douter, elle ne leur faisait pas confiance. Elle me parlait encore des camps de réfugiés, certainement plus sûr, sauf que j'avais perdu le contact avec mon frère ce qui n'était pas bon signe. Je devais faire appel à son bon sens. Je travaillais avec eux depuis des années et avoir la protection d’un gang aussi important ne nous serait que bénéfique. Ils me respectaient pour le travail que je fournissais. Tant que je ferais du bon boulot, tout irait certainement bien. Quelques heures plus tard, on embarquait dans un de leur camion tout le matériel nécessaire à mon activité de mécano, ainsi que le strict nécessaire d’effets personnels. J’installais Ewen à l’arrière sur les genoux de Jena, tentant vainement de le rassurer. Le petit pleurait à chaudes larmes, sans bien comprendre ce qu’il se passait. Maelys avait peur, mais le montrait bien moins. Je la fis monter à l’arrière de ma moto, sentant ses petits bras se refermer sur moi avec toute la force dont elle était capable. Il était temps pour nous de partir.
• Hiver 2015-2016, Redmond
Nous avions établi notre camp dans un garage en bordure de Seattle, à Redmond. L’endroit avait été déserté peu de temps auparavant. Les quelques voisins qui pouvaient encore être dans les parages avaient bien vite fui notre groupe, si bien que nous nous étions finalement étendus à tout le quartier. Il fallait dire que les Hell Angels ne se posaient pas beaucoup de questions sur la façon d’agir au mieux pour survivre. Ils faisaient ce qu’ils avaient le plus l’habitude de faire auparavant. Quand ils n’obtenaient pas quelque chose par le troc ou l’intimidation, ils le prenaient par la force. Ils avaient des armes et munitions de contrebande en grand nombre, ce qui aidait pas mal à s’imposer. La drogue qu’ils avaient en stock trouvait toujours preneur également. Je fermais les yeux sur leurs agissements, invitant Jena à en faire de même. C’était moins évident pour elle, même si elle protestait surtout auprès de moi. Quand on apprit finalement par un tier que l’un des plus grands camps de réfugiés était tombé, elle décida de se murer dans le silence. Je lui avais bien dit que ça finirait par arriver. Avec les motards, on avait plus de chances de passer l’hiver. Personnellement, tant que ma famille était en sécurité, je me fichais bien de la méthode employée.
Je passais le plus clair de mon temps à sillonner Redmond à la recherche de réservoir d’essence à siphonner ou de ce qui pourrait être utile au groupe. On était de sacrés consommateurs avec toutes nos motos, mais celles-ci nous permettaient de mener des raids sur des groupes plus importants en un éclair, en évitant de se faire prendre en chasse. Je ne participais personnellement pas à leurs raids. J’étais plus occupé à tenir toute cette mécanique en état avec les moyens du bord, ce qui n’était pas toujours si évident maintenant que l’électricité nous faisait défaut. J’avais trouvé ma place parmi eux. J’étais respecté pour mes compétences utiles à tout le groupe. Si certains lorgnaient sur Jena, ils étaient bien vite rappelés à l’ordre dès que les échanges se faisaient plus houleux avec moi. Ce genre d’accrochage était difficile à éviter, car les femmes dans le groupe étaient assez rares, et les enfants encore moins nombreux.
J’emmenais la plupart du temps Maelys dans toutes mes explorations, pour la familiariser un peu. Ça ne plaisait pas toujours à Jena, mais c’était une gamine maline et débrouillarde qui avait juste besoin d’un repère pour prendre ses marques dans ce nouveau monde parti en vrille.
• Automne 2016, Redmond
« Putain mais d’où ils viennent, tous ces morts ? » On observait la horde en approche depuis le toit d’un immeuble, la mine grave, avec Tony et Zack. Vu que je ne participais pas aux raids, on m’assignait bien souvent à la défense du camp, ce qui n’était pas toujours une mince affaire… Particulièrement en ce moment même. J’avais allumé l’une des rares clopes que j’avais réussi à dégotter pour décompresser un peu, ça m’aidait à garder les idées claires. « De la ville, je dirais. » Ce qu’on avait fui avait fini par nous rattraper. On n’avait fait que gagner du temps. « On pourra pas tous les gérer frontalement. On devrait prendre les motos et les attirer ailleurs. Il suffira de les semer dans les parcs de Redmond, ou plus loin dans la montagne. » C’était devenu des zones fortement accidentées. Avec une moto comme la mienne, c’était facile à faire. Evidemment, c’était mon idée, alors autant que je la mette en application non ?
A nous trois, nous parvînmes à détourner la horde de notre camp pour l’emmener ailleurs. Tony et Zack se chargeaient de faire du bruit pour l’attirer en périphérie de la ville, je prenais ensuite le relais avec ma propre moto pour les emmener plus à l’écart, les coinçant dans les zones les plus accidentées. C’était un tel succès qu’on décida de m’assigner à cette tâche quand je n’étais pas au garage, car les rôdeurs continuaient d’affluer par vagues successives. Contrairement à eux, le cross et le format de ma moto me permettait de les semer plus facilement. Et plus je prenais de l’importance dans ce groupe, plus je m’assurais que ma famille soit réellement tranquille avec eux.
• 2017, Washington
J’avais commencé à me lier d’amitié avec certains, comme Tony et Zack. Je m’entraînais au tir avec Tony, pour parfaire mes bases déjà acquises. Face aux rôdeurs, un tir précis réglait toujours plus vite la question en dernier recours. Je n’étais pas mauvais à ça, j’avais juste eu moins l’occasion qu’eux de pratiquer avant l’apocalypse. Alors forcément, avec autant de cibles plus ou moins vivantes, on avait l’embarras du choix pour s’entraîner désormais.
Deux ans après, ce n’était cependant pas les rôdeurs qui nous posaient le plus de problèmes. On commençait à avoir du mal à joindre les deux bouts, des tensions naissaient au sein du groupe. C’était inévitable avec autant de ventres vides. Je n’y échappais pas non plus, avec deux enfants à charge. Ils étaient une poignée à remettre en cause ma présence dans le groupe parce qu’ils ne souhaitaient pas dilapider leurs ressources pour les nourrir. C’était Jena qui arrivait parfois à calmer les esprits, certainement pas moi. Mais s’il fallait prouver davantage mon appartenance au groupe, je me proposais pour les aider dans leurs pillages. Il fallait juste pousser plus loin. On devait s’écarter de Seattle pour aller dans tout Washington. Alors forcément, ça nous coûterait plus d’essence… Mais ça en valait la chandelle non ? Je n’avais personnellement aucun mal pour filer comme le vent sur de longues distances après un raid. Je faisais en sorte qu’on ne me retrouve jamais. Un appât idéal… Ou un piège bien ficelé, va savoir. Des fois, mes potes me couvraient. D’autre fois, les rôdeurs s’en chargeaient pour eux. J’avais pris l’habitude des hordes, et au lieu de simplement la jouer défensif en les écartant, je m’en servais désormais pour les lancer sur d’autres communautés et assurer une bonne diversion.
Avec le temps, il avait bien fallu se montrer plus violent pour obtenir ce qui nous était indispensable. Les bandes en face étaient mieux organisées et les risques pris par le groupe se devaient d’être plus importants. Et plus nos raids étaient couronnés de succès, plus on entendait parler des Hell Angels dans l’état de Washington. Certains aimaient s’en vanter, mais je n’aimais pas beaucoup la tournure que les choses prenaient. On devenait un peu trop important aux yeux des autres communautés qui redoutaient d’être les prochaines à subir un raid. S’ils avaient au moins fini le travail correctement… Mais ils laissaient quantité de survivants qui véhiculaient la rumeur. Combien de temps encore leur faudrait-il avant de se trouver de nouveaux alliés et remonter notre piste ?
• Février 2018, Redmond
« Ils détiennent ton fils, Locke. » Je me figeai, sous le choc de cette révélation. Impossible, et pourtant… On s’était cru bien trop longtemps invincibles, mais ils s’étaient organisés pour nous contrer. A cause de la famine qui nous guettait, nous nous étions montrés bien plus vindicatifs encore. Le gang ne s’était plus fixé aucune limite pour parvenir à ses fins. On tuait tous ceux qui osaient se dresser sur notre route… Et on se servait. Parfois, il nous était même arrivé de tuer pour un paquet de clopes. Parfois, j’avais même fermé les yeux sur des viols perpétrés. Je m’en foutais, tant que ce n’était pas Jena… Tant que mes gosses pouvaient être en sécurité. Est-ce que des parfaits inconnus auraient dû revêtir la moindre importance à mes yeux ? Apparemment, oui. Parce qu’ils n’étaient pas complètement à terre… Et des communautés malmenées, sans être décimées, pouvaient décider de prendre les armes contre nous. Ils nous avaient retrouvés. Ils avaient frappé en notre absence, directement en plein cœur. La colère monta en moi en un rien de temps. Zack recula d’un pas en croisant mon regard, mais il n’en était pas la cible. Je lâchai d’une voix grondante, de mauvais augures : « Je vais les tuer. Tous jusqu’au dernier. » Les femmes, les enfants, les vieux… Tous sans distinction. Ce jour-là, je ne faisais même pas partie du raid perpétré. J’étais seulement allé échanger mes services de mécanicien contre quelques lièvres. Ce n’était pas toujours évident d’obtenir quoi que ce soit quand on suscitait, à raison, autant de méfiance, même si Maelys changeait souvent la donne. Avec sa bouille d’ange, elle obtenir à peu près tout ce qu’elle voulait. Heureusement qu’elle s’était trouvée avec moi ce jour-là. Je balançai le fruit de mon labeur sur le sol sans plus m’en préoccuper, cherchant dans les caisses une arme qui ne ferait pas dans la finesse. « Je vais rejoindre les autres, et on va régler ça… Définitivement. »
• Mai 2018, Portland
Je calai ma tête contre le mur froid de cette salle de bain miteuse qui puait la moisissure et le renfermé. Je me sentais comme hors de mon corps. Mon regard oscillait entre la baignoire à mes côtés et le miroir brisé en face de moi. Je n’aimais pas l’image déformée qu’il me renvoyait. Mes mains tremblaient, alors que je tentais tant bien que mal de me rouler une cigarette. Elles me faisaient mal en vérité, d’avoir trop frappé. Je ne savais même plus si le sang qui les maculait était le mien ou le leur. Je savais seulement que ce petit corps, au fond de cette baignoire, avait été un jour mon fils. Acculés jusqu’à Portland, après des mois de traque intensives, ils avaient fini par mettre à exécution leurs menaces et abattre leurs otages. Par désespoir ? Non. Je n’y croyais pas tellement. Par vengeance, plutôt. Œil pour œil, dent pour dent.
Ewen n’avait que six ans. Il n’aurait pas dû payer pour mes propres forfaits. Jena s’en voulait déjà tellement de ne pas avoir su le protéger correctement, quand on lui avait arraché à Redmond avant de la laisser pour morte. Comment le prendrait-elle quand elle connaîtrait la vérité sur son sort ? Si elle savait que j’avais tué tant des leurs, que j’avais mené cette vendetta jusqu’au point du non-retour… Pour rien ? Il n’y avait plus rien à sauver, même pas moi-même.
• Octobre 2018, Redmond
« On devrait partir Locke… Ca fonctionnait avec eux un temps, mais ce n’est plus possible maintenant. » Jena me suivait après mon retour d’expédition jusque dans le garage de Redmond, en proie à ses propres craintes. « S’il te plaît… » Elle avait fini par me rattraper pour me prendre la main, me suppliant du regard. Je m’arrêtai enfin pour la fixer, d’un air froid qui la désarçonna un peu. « On a déjà eu cette discussion. » Je posai mon arme sur le comptoir pour m’occuper de ma moto en sale état, considérant l’incident clos. « Je ne veux pas qu’il arrive quelque chose à Maelys… Elle a besoin d’un endroit plus sûr où elle pourra grandir. » Ma mâchoire se crispa. « Ils auraient été jusqu’en enfer pour qu’on puisse récupérer Ewen. Tu me demandes d’abandonner mes frères ? » Je me relevai pour me rapprocher d’elle en quelques pas rapides. Et pour la première fois depuis que je la connaissais, Jena recula. Elle se méfiait de moi. Depuis quand exactement ? Pourtant, elle me défiait du regard. « Mais il est mort, Locke. Tu dois penser à ta f… » C’était le mot de trop. Je fis voler l’outil que j’avais en main dans un éclat de colère, qui laissa un impact dans le mur d’en face. « Ne me dis pas ce que je dois faire pour ma fille ! » Elle était toujours persuadée de savoir ce qui était bien pour elle, mais est-ce qu’elle lui avait demandé son avis ? Elle avait douze ans maintenant. Elle était assez grande pour comprendre comment le nouveau monde fonctionnait. Maelys s’adaptait à une vitesse impressionnante, contrairement à Jena qui restait résolument ancrée dans le passé. Après quatre ans à vivre cet enfer, elle pensait encore trouver un éden quelque part ?
Les choses ne faisaient qu’empirer avec les mois qui s’écoulaient. J’avais le sentiment que la mort d’Ewen avait brisé quelque chose entre nous. Je ne supportais pas ses reproches, alors que j’avais consenti à tous les sacrifices pour les garder en sécurité. J’avais tué à maintes reprises pour eux. J’avais fermé les yeux sur ce qui était inavouable. Jena ne me le disait pas en face, mais j’étais persuadé qu’elle me reprochait d’avoir été trop loin, d’avoir provoqué sa mort par mes actes. Je lui avais tu la vérité sur tout ce qu’il s’était passé à Portland, mais elle avait bien fini par l’apprendre d’une façon ou d’une autre. Le regard qu’elle posait sur moi était… Changé. Elle avait peur de moi, de ce que j’étais capable de faire. Nous savions tous les deux que le retour en arrière ne serait plus possible.
• Printemps 2019, Washington/Idaho
La communication avec Jena était plus ou moins rompue. On se contentait bien souvent de longs silences, parfois brisés par nos disputes, parfois brisés par nos ébats… Parfois les deux à la fois. Elle ne me disait pas tout non plus, surtout sur ce qu’il se passait au camp durant mon absence. J’avais le sentiment que quelque chose avait changé, sans que je ne parvienne à définir exactement quoi. Maelys était devenue plus mutique également, mais avec elle, je savais toujours comment m’y prendre. Je m’adoucissais toujours en sa présence. Je continuais à lui proposer des virées en moto, simplement pour revoir ce sourire naître sur son visage. Je savais toujours comment trouver ce qui pouvait lui faire plaisir. Il avait fallu une apocalypse pour que je devienne meilleur à ce jeu-là.
Je partais de plus en plus loin, de plus en plus souvent. De l’état de Washington, il nous était arrivé de monter des raids également dans l’Idaho. A cause des événements de Portland, nous avions perdus pas mal des nôtres, et les têtes pensantes de notre groupe initial étaient tombées également. Mais les motards étaient une grande fraternité soudée, les Hell Angels étaient notamment présents dans plusieurs autres états encore à l’heure actuelle. De nouvelles têtes se rajoutaient souvent au tableau. Le problème était plutôt quand des bandes entières roulaient avec nous, car l’ambiance changeait beaucoup en fonction des pièces rapportées. Et clairement, ceux en provenance de l’Idaho étaient encore plus violents que mon propre groupe. Tony avait décidé de les rejoindre plus durablement, mais Zack se méfiait d’eux. Il avait toujours été le plus mesuré d’entre nous malgré son jeune âge. Je ne les sentais pas non plus, surtout qu’ils s’étaient un peu trop approchés de Jena et qu’il avait fallu encore rappeler les règles… Sauf qu’ils n’avaient pas l’air de vouloir les respecter. On avait bien failli en venir aux armes ce jour-là. J’avais l’impression qu’ils profitaient un peu trop de mes absences pour faire comme bon il leur semblait.
• Décembre 2019, Idaho
Ca devait être comme d’habitude. Zack et moi prenions nos motos pour amener la horde sur la barricade de ce camp, et on repartait avant de se faire prendre. Pendant ce temps, les autres profitaient de la diversion pour piller les réserves et tuer tous ceux qui se dresseraient sur leur route. On devait agir en un éclair et repartir aussi vite pour disparaître à nouveau dans la nature. On était rôdés sur ce genre de plans, pourtant il vira rapidement au désastre.
La horde était à peine en vue des barricades quand une balle se logea soudainement dans mon pneu arrière. Je lâchai une exclamation surprise en perdant le contrôle de mon véhicule dans la pente suivante. Putain mais d’où venait ce tir ?! Il n’y avait aucun tireur à portée, et les miens étaient censés me couvrir ! Un long cri de douleur m’échappa quand ma moto finit par m’entraîner sur le côté, me traînant sur quelques mètres avec ma jambe coincée en-dessous avant de s’immobiliser. Le temps de reprendre mes esprits, les rôdeurs étaient déjà sur moi. Je dégainai mon arme pour me débarrasser des plus proches avant qu’ils n’arrivent sur moi. Elle cliqueta rapidement dans le vide. Je la rangeai précipitamment pour tenter de m’extraire de sous le véhicule, mais je tenais à peine sur mes jambes. Du sang poisseux maculait toute ma cuisse droite. « Putain… » Des dizaines de rôdeurs arrivaient encore. Je n’arriverais pas à fuir, c’était foutu.
« Locke ! Lâche rien ! » Ma vision était floue. Je reconnus pourtant la voix de Zack qui passait en moto à proximité. Il tira sur plusieurs d’entre eux avant de faire suffisamment de bruits pour en emmener la plupart dans son sillage. « Allez… » Je refermai ma main sur mon couteau et commença à tailler dans le vif pour me frayer un passage. Je sentis à plusieurs reprises des crocs tenter de lacérer mes chairs, mais le cuir arrivait encore à me tenir à l’abri. Je traînai ma jambe blessée aussi loin que je le pouvais avant de m’écrouler au sol. Il n’y avait plus de bruits de moteur, seulement le grondement des rôdeurs en fond. Ils étaient vraiment tous partis en me laissant pour mort après ça ?
• Janvier 2020, Idaho
« Hey, Locke… Tu reviens de loin, on dirait. » Zack me rendit un sourire compatissant. Il avait l’air d’en avoir connu des meilleures, lui aussi. « Où on est là… ? » Sa mine grave ne m’annonçait rien de bon. « T’as déliré un moment, mec. A cause de ta blessure… On n’a pas pu repartir. » Dans notre malheur, on avait eu de la chance. Zack avait réussi à me mettre à l’abri dans un ancien lotissement non loin d’ici. Mon pantalon était foutu, mais il n’avait pas décelé de morsures de rôdeurs sur moi. La fièvre n’était pas due à la transformation, uniquement à la longue brûlure causée par ma chute qui avait été soignée avec les moyens du bord. « Il faut qu’on retourne à Seattle… » Zack haussa les épaules. « Ouais bah… Pas maintenant. » Il avait l’air affaibli, lui aussi. Et préoccupé autant que moi. « T’as vu le tireur embusqué ? » Il me fixa longuement, sans bien savoir quoi me répondre, avant de secouer la tête. « Il n’y avait pas de tireur embusqué, Locke. » Ce que ça sous-entendait me glaça les sangs. Si on avait été trahi… Qu’est-ce qu’il resterait encore à Seattle à notre retour ?
>>> Post-apo 2020/2021
Survie
Depuis son intégration au camp de Fort Ward, Locklan essaie de se rendre utile là où il le peut. Il a principalement retrouvé ses habitudes du début de l’apocalypse, occupé la plupart du temps à retaper et entretenir les véhicules du camp. Il ne rechigne pas non plus à les nettoyer après les virées pour éviter d’endommager le matériel, plutôt consciencieux quand il s’agit de garder en bon état les véhicules qu’on peut lui confier. Si on lui demande d’en remettre un en état, il s’y emploiera également volontiers, avec l’enthousiasme des passionnés. Avant l’apocalypse, il passait après tout son temps libre à bricoler des motos pour les rendre plus performantes. Les véhicules – terrestres en tout cas – ont assez peu de secret pour lui qui a l’habitude de les bidouiller.
Après sa journée de boulot, il n’est pas difficile de le retrouver au bar. C’est bien quelque chose qui lui manquait après six années à faire avec ce que son groupe et lui pouvaient trouver sur les routes. Il a d’ailleurs encore du mal à s’acclimater, Fort Ward bénéficiant d’un confort dont il n’a pas pu jouir depuis bien longtemps. Il a encore des habitudes de ceux qui étaient sur les routes.
En dehors de ça, Locklan ayant à cœur de faire ses preuves, il accepte un peu tout ce qu’il sera en mesure de faire et qu’on voudra bien lui confier, tant que ça ne lui paraît pas hors de propos. Même si son arrivée est récente, il a eu l’habitude de vivre dans une communauté soudée et fait de son mieux pour s’intégrer, ce qui n’est pas toujours évident pour lui avec son sale caractère.
time to met the devil
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- Jacob E. Ross
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