C'était une belle journée de juin. Le soleil approchait du Zénith et irradiait le paysage d'une réelle chaleur. L'été pointait définitivement le bout de son nez. Il s'annonçait beau. Au loin, une voiture apparut au détour d'une rue. Une vieille Ford grise. Tout était parfaitement désert, au milieu de cette ancienne zone industrielle abandonnée. Pas âme qui vive, en apparence du moins.

- Ici.

La caisse s'arrêta subitement dans un crissement de pneus. La portière s'ouvrit. Le corps entièrement nu de Chad fut expulsé du véhicule et il se ramassa salement sur la chaussée. Il lâcha un grognement, lors du choc. Il venait de s'écorcher les jambes, rien de méchant.

- Putain, tu vas m'laisser là, t'es sérieux ? Il se releva et déplia sa grande taille pour se tenir droit et planter ses yeux bleus dans ceux de son chef. Enfin ancien chef. Ion. Il soutint son regard, faisant fi de son intimité apparente. Il n'avait jamais été particulièrement pudique, il s'en fichait.
- Estime toi heureux que j'te coupe pas la bite, lui balança le type en retour et machinalement le brun baissa le regard une seconde vers son anatomie. Tu t'approches plus du camp, j'veux jamais revoir ta vilaine face de rat, c'est compris. C'môme verra jamais le jour, tu m'entends.

Ion pointa le trentenaire du doigt dans un geste menaçant. Chad lui jeta un regard mauvais. Il avait les boules. De laisser Serena, à laquelle il s'était attachée, de laisser cet embryon qui s'était accroché en elle. Pourtant il n'avait pas la trempe pour s'opposer à cette situation insensée. Il serra la mâchoire, alors que la Ford fit demi-tour, avant de s'éloigner.

- Connard, souffla-t-il entre ses dents avant de regarder autour de lui.

La priorité, c'était de trouver de quoi s'habiller ? Pas vraiment, puisqu'un peu plus loin, un rôdeur l'avait repéré. Et trois autres non loin le suivaient. Merde. Le regard de l'homme balaya de nouveau le champ de ses possibilités à proximité. Pieds nus, l'attirail toujours à l'air, il s'élança vers un petit arbre et grimpa sur les premières branches avec agilité. Avant de se mettre à essayer de couper l'une d'entre elle, à la simple force de ses mains. Il s'excita dessus de longues secondes. Ça laissa le temps au premier mort de s'approcher, levant les bras pour essayer d'accrocher les chevilles du gaillard.

- Allez putain, allez, grogna celui-ci en forçant sur la branche prête à céder. Elle se brisa alors que les trois autres rôdeurs arrivaient à leur tour et que le premier venait de se saisir de sa jambe. Il la secoua pour se défaire de cette prise, avant de brandir le bout de bois qu'il venait de briser, pour transpercer la boîte crânienne du monstre.

On était venu trainer dans la zone industrielle aujourd’hui en espérant trouver quelques trucs utiles.
L’air de rien, ça grossissait chez nous et à une vitesse ! On avait de beaux projets grâce à ça, ou en tout cas ils semblaient bien plus réalisables maintenant qu’on était plus !

Forcément, parmi les différentes entreprises et usines dans le quartier, on trouverait plusieurs choses à ramener. Des clous, des outils, des machines qu’on pourrait repérer et revenir chercher, des briques, des tuyaux, tout ce qui nous paraitrait pratique en somme. J’étais contente d’être de sortie avec Julian, j’me sentais moins… inutile, un peu plus comprise même avec lui. Moins ridicule à ses côtés qu’avec des gens plus comme… Tariq ou Nora par exemple. Je pas forte comme eux, je sais que ça les agace de devoir me trainer des fois, mais jamais Julian m’a fait me sentir de trop ou pas apte à faire un truc. ÇA viendra bien sûr, comme avec tout le monde. Il découvrira comment j’suis vraiment, je vais le décevoir d’une façon ou d’une autre et ça deviendra comme avec les autres. Sauf que je veux en profiter pendant que ça dure…

On sort de l’entrepôt qu’on vient de fouiller. On reste silencieux en surveillant les alentours puisqu’ici, il y a trop de cachettes pour les rôdeurs. J’ai l’Estomac qui se noue aussitôt qu’on est à nouveau à découvert. J’essaie de respirer un bon coup pour par laisser ma nervosité prendre le dessus. Je me dis qu’au moins, il y a peu de chance pour qu’on tombe sur un drame familial comme à la ferme. Ça me hante depuis… Ce qu’on a vu, ce qu’on a deviné, ce qu’on a dû faire. J’ai déjà flanché depuis l’attaque de Selene et j’ai pigé dans ma petite réserve, mais ça… ça n’a fait qu’augmenter ma consommation que j’essayais de contrôler. Une fois sur deux les médocs me font presque rien, mais parfois quand j’en prends plus les effets sont vraiment là, entêtants, me délivrant quelques heures de mes états d’âme.

Aujourd’hui j’ai presque rien pris pour être certaine d’être alerte pour notre sortie, mais j’avoue que quand on tourne le coin de la rue et que je vois un mec à poil dans un arbre qui se bat avec une branche de celui-ci contre quatre rôdeurs, je cligne les yeux quelques fois.

J’fais un trip ? Non, impossible…

- Julian ? Je me retourne vers lui pour être sûr qu’il voit la même chose que moi, mais vu sa tête… On peut pas le laisser comme ça. Que j’souffle en reposant mes yeux sur ce qui se déroule plus loin. Viens. Je l’attrape par le bras pour qu’on s’approche et vite.

On parcourt la distance en un rien de temps et je brandis ma batte pour l’abattre sur un des rôdeurs en espérant faire mouche. Je grimace parce que ça me fait toujours pas plaisir de devoir faire ça, de devoir vraiment tuer ce qui reste de cette personne infectée. J’entends le crac distinctif que j’espérais et le corps s’avachit rapidement au sol.

- On va vous aider ! Que j’lance à l’inconnu, sans oser le chercher du regard. Je tiens pas trop à le voir de si près à poil.

Spoiler:

Alors, sur une échelle de 1 à 10, à quel point j’ai proposé de faire cette virée avec Hazel juste pour le plaisir de passer du temps avec elle ? Ouais, je préfère éviter de trop réfléchir à la question. On peut pas vraiment dire que notre sortie à la ferme se soit super bien passée. Oh, on a réussi à ramener le métier à tisser pour Amy et elle était ravie. Mais ce qu’on a vu à la cave nous a ébranlés tous les deux.

Sauf que je retiens surtout qu’Hazel fonctionne un peu comme moi. A se faire un peu trop sentimentale dans un monde où faudrait juste éviter de faire dans le sentiment. Y un truc chez elle qui me touche vraiment et qui, à mesure que le temps de passe, me plait. Et ça n’a rien à voir avec le premier ressenti que j’ai eu, où elle me faisait penser à la mère d’Amy. Y a autre chose, que je serais bien incapable de définir. Et auquel vaut mieux pas que je réfléchisse.

Je ramasse ce qui peut nous être utile dans l’entrepôt, alors qu’on communique silencieusement sur la direction à prendre. Je l’entends prendre une grande respiration, comme à chaque fois qu’on se retrouve à découvert et, en retour, j’esquisse un sourire que j’espère rassurant, tout en soufflant, à mi-voix. « On s’en tire bien. On a trouvé quelques trucs utiles. »

Mon fusil à l’épaule et le tisonnier que j’ai récupéré il y a quelques jours bien accroché à la ceinture, je marche d’un bon pas à côté d’elle, pour repartir en direction de la voiture. Mais je me fige en voyant… alors, je vais pas dire le spectacle, ce serait un peu malvenu. La scène. Oui, c’est bien ça. « … Hazel. Y a bien un mec à poil dans l’arbre là hein… » Juste histoire qu’on soit raccords. J’ai pas le temps d’ajouter quoi que ce soit qu’elle m’attrape par le bras pour aller l’aider. « Okay, okay. » Le pire ? C’est de la voir choper sa batte de baseball direct pour dégommer un rôdeur. Quand on sait que la violence, c’est clairement pas sa tasse de thé, ça surprend un peu. Tellement que, de mon côté, quand j’attrape mon fusil, je glisse comme un con dans la boue et je me retrouve sur les fesses. Je laisse filer quelques jurons. Tu parles qu’on va l’aider. Si je me casse rien avant. Et je me relève en grimaçant, me frottant le bas du dos. « On va essayer d’vous aider quoi. »

Evidemment, j’ai fait du bruit et j’en ai un qui s’est retourné. Il grogne vers moi et s’approche doucement mais surement. Au moins, ça en fait un de moins autour de l’arbre, c’est toujours ça de pris. Vache, qu’est-ce que j’ai mal au cul sérieux.

Spoiler:

Chad fit une grimace alors qu’il forçait pour récupérer le morceau de bois qu’il avait planté dans le premier mort. Mais porté par son poids qui s’affaissait, il n’y parvint pas. Chiottes, il avait de nouveau perdu son arme de fortune. Par chance toutefois, un couple arriva alors, comme par miracle, pour le sortir de cette mauvaise posture. Toujours perché dans son arbre, sans vrai moyen de défense et surtout : à oilpé ! La femme lança immédiatement une batte de baseball à l’arrière du crâne d’un premier monstre. Le type glissa de son côté, le fusil en main, mais l’intention y était. Leur intervention permit du moins d’attirer l’attention des deux derniers rôdeurs, ce qui offrit au trentenaire une nouvelle occasion de s’armer. Il sauta ainsi de son perchoir, avec relativement de souplesse, et ôta le bâton de la boite crânienne de sa première victime. Sans attendre, il s’approcha pour chopper l’un des autres macchabés pour l’achever à son tour. Le dernier était géré par ses sauveurs du jour.

- Vous êtes tombés à pic ! Leur lança-t-il, reconnaissant.

L’homme regarda ainsi un court instant les quatre corps qui gisaient maintenant au sol, réalisant seulement son souffle court et le tambourinement de son cœur dans ses tempes. Ouais, il avait eu un sérieux coup de flip, admettons-le ! Ses yeux bleus se posèrent alors sur ses bienfaiteurs et il prit un peu plus le temps de les dévisager. Un homme et une femme donc, dans la trentaine, comme lui, relativement propres sur eux et en bonne santé. Deux points essentiels quand on abordait de nouveaux individus. Ils n’entraient effectivement pas dans la case des « désespérés », personnages dont il fallait généralement tout particulièrement se méfier. Encore que Chad ne s’arrêtait la plupart du temps pas à ces clichés.

- Merci, enchaina-t-il ainsi avec simplicité, en faisant un mouvement du menton pour appuyer son mot. Je vous revaudrai ça, quoique… Son regard se baissa sur son corps nu, je vais peut-être commencer par essayer de trouver un slip ! Il fit un sourire un peu gêné. Il ne chercha toutefois pas vraiment à se cacher. C’était la nature après tout. Ils n’en perdraient pas la vue. Je ne suis pas vraiment un naturiste dans l’âme, je vous rassure, précisa-t-il néanmoins en faisant un sourire crispé, il ne savait pas ce que le duo avait vu ou entendu de son dialogue avec Ion, c’est… une longue histoire. Bref, l’une de ces habitations suffira sûrement à trouver ça. Il fit un mouvement vers une série de pavillons, qui se dessinaient un peu plus loin, derrière un ancien cuisiniste.

Oui, les rôdeurs éliminés, s’habiller pouvait être la prochaine étape à combler. Avant de faire connaissance !

J’me retourne quand j’entends Julian tomber un peu plus loin. Est-ce qu’il y a d’autres rôdeurs derrière ? Est-ce que quelqu’un l’a attaqué ?

- Julian ! Ça va ? Je peux pas faire autrement que de m’inquiéter, mais bien vite je remarque la flaque de boue et fais 1+1 dans mon crâne.

Dans d’autres circonstances, j’aurais sans doute souri, mais avec la menace des autres morts-vivants toujours à claquer des dents et à râler… L’inconnu descend d’ailleurs de son perchoir, maintenant qu’on a attiré les mordeurs à nous. Ni d’une ni de deux, il en tue un, pendant que je m’approche pour tuer le dernier. Je déteste ça, c’est incroyable à quel point je me sens mal à chaque fois. Sauf que quand il y a quelqu’un à aider, je n’y réfléchis pas souvent à deux fois.

Je reviens quand même près de Julian, puisque je ne connais pas le nudiste. Bon, je veux pas être trop près de lui non plus justement parce qu’il est nu comme au jour de sa naissance.

- De rien. Que je souffle à l’inconnu, en tentant de regarder ailleurs, n’osant pas trop risquer un coup d’œil dans sa direction.

Il a pas l’air trop gêné en plus. Tant mieux pour lui j’imagine. Comment il a fait son compte ? Se retrouver à poil comme ça… C’est juste… mortel comme situation.

- Tu crois qu’on devrait l’accompagner ? Que je chuchote à Julian. On devrait l’accompagner hein… On va vous accompagner ! Que je dis finalement à voix haute.

On peut pas le laisser tant qu’il aura pas au moins des vêtements et une arme. Moi en tout cas, je m’en voudrait de pas m’assurer qu’il est ok pour continuer sa route. J’ai déjà assez sur la conscience. On le suit donc jusqu’aux habitations pas trop loin, si tout n’a pas été pillé, il devrait se trouver deux trois trucs à enfilés j’imagine, même si c’est pas complètement à sa taille.

On marche en silence un moment, je regarde plutôt mes pieds pour pas poser le regard sur les fesses du type devant. On approche d’un premier bâtiment et j’me dis qu’on ferait peut-être bien au moins de connaitre le nom du gars.

- J’suis Hazel, lui c’est Julian. Vous êtes ?

Heureusement pour moi, mon amour-propre n’est pas lié au nombre de fois où j’ai pu me retrouver le cul par terre. Je ne suis pas particulièrement maladroit, mais je grimpe suffisamment partout pour avoir un nombre de chutes supérieure à la moyenne. Enfin, c’est quand même douloureux et forcément, Hazel s’inquiète. Le contraire aurait été étonnant. « Ca va ! » Mon enthousiasme est peut-être un peu forcé, mais là, on a des sujets de préoccupation un peu plus importants.

Je plisse quand même des yeux en direction de l’inconnu quand il dit qu’on tombe à pic. C’est une blague ou il est juste terriblement maladroit ? Non parce que, s’il déconne, elle est pas mal. Sinon c’est un peu… malvenu. Bon, au moins, la menace est rapidement éradiquée. Certes, c’est pas grâce à moi, mais je ne m’arrête pas à ce genre de considérations.

Je vois notre inconnu se remettre sur ses pieds et je réprime un sourire amusé en voyant la gêne d’Hazel qui regarde partout où elle peut, sauf dans sa direction. J’ai même pas le temps de lui répondre oui ou non qu’elle propose déjà de l’accompagner Et je lève les yeux au ciel, chuchotant à mon tour. « T’aurais au moins pu faire semblant d’attendre mon avis. » Non mais je vous jure. Elle va vraiment ramasser tous les chiots perdus de la région à ce train-là. Si au moins celui-là avait des fringues, ce serait un peu plus simple à gérer.

Et je lève un index en direction de l’inconnu. « Oui, un slip. Et quelques vêtements. Ce serait… approprié. » Un truc dans le genre oui. En attendant, je sais pas trop si je dois lui filer mon t-shirt ou pas. Ce serait probablement plus ridicule qu’autre chose en vrai. Et je souffle, en direction d’Hazel. « Tu crois que je dois lui donner un truc à moi ? » Je tire sur le t-shirt, pas franchement convaincu. « Vous savez que… enfin que ça suscite quand même pas de questions hein… » Enfin, en tout cas, on prend la direction de la maison la plus proche, histoire de trouver un truc pour le rendre un tant soit peu civilisé. Parlant de ça, Hazel fait les présentations. C’est vrai que j’avais totalement oublié ce détail. Mais faut dire que le premier contact a été un peu… particulier. Ouais je crois que le terme colle plutôt pas mal hein. Je regarde autour de moi, attendant une réponse, alors que j’essaie quand même de m’assurer qu’il n’y a personne de mort ou de vivants. « Ca a l’air plutôt tranquille ici. » Probablement que tous les rôdeurs du coin sont allés le chercher dans son arbre.

La gêne de ses interlocuteurs, vis à vis de son accoutrement, se devinait, mais que pouvait-il bien y faire ? Il n'avait pas choisi de se retrouver nu comme un ver dans la nature. C'était même tout l'inverse. L'urgence de sa situation - sa nudité mais surtout les rôdeurs - l'obligeait à ne pas penser à Ion et ce groupe qui venait de le rejeter. Il connaissait certaines de ces personnes depuis trois ans ! Et personne ne prenait sa défense ?! Cet exil forcé avait un goût amer. L'idée de se bébé avorté aussi. Il allait devoir digérer et ça ne serait certainement pas instantané. Mais plus tard... oui il ruminerait plus tard. Pour l'heure, le couple se proposa de l'accompagner pour récupérer des vêtements. Des vrais gentils, il était convaincu que ça existait. Il devait vraiment faire de la peine ! Et puisqu'il n'était effectivement pas à l'abri de croiser encore quelques macchabées, il ne lui vint pas à l'idée de s'y opposer. Quel intérêt ? Il fit un mouvement du menton, les remerciant une nouvelle fois.

- J'imagine… répondit-il au bonhomme. Si tout à l'heure, vous aurez un peu de temps, on pourra l'évoquer. Dans l'immédiat… Ils devaient aller à l'essentiel. Inutile de déstabiliser davantage cette jeune femme ! Je suis Chad, enchaîna-t-il en répondant naturellement à cette dernière qui se présenta avec son compagnon, tout en s'approchant du premier pavillon. Tentons celle-ci d'abord.

Il contournèrent la maison pour rejoindre la porte arrière, vitrée. Le trentenaire tapa avec son bout de bois sur le carreau et patienta quelques secondes en tendant l'oreille. Un râle se devina, juste avant qu'une silhouette fantomatique ne se dessine à l'intérieur. La vitre était sale, presque opaque, mais il ne faisait aucun doute quant à la nature de la créature qui errait là.

- Je peux vous emprunter une arme ? Ou je vous laisse entrer en premier ? Demanda-t-il, courtois. Après tout, ils avaient choisi de l'accompagner, ce n'était probablement pas pour le laisser entièrement se démerder !