« Pour une fois qu’il ne fait pas peur à quelqu’un en souriant simplement… » Je lâchai un bref rire amusé. Ce n’était pas bien de se moquer de Joaquin, il avait réalisé de sacrés progrès depuis. Mais quand même, si je l’avais croisé dans la rue avant l’épidémie, j’aurais certainement changé de trottoir.

Je poussai un soupir, avant d’abonder dans son sens : « J’ai même envie de dire que la liberté est tout ce que le nouveau monde peut nous offrir de bien. » Mettre un bon coup de pied dans les anciennes conventions faisait parfois du bien. Même si nous n’étions pas complètement libres à proprement parlé, les règles du jeu avaient seulement changées. Ce qui était onéreux et indispensable à la vie d’avant ne l’était plus aujourd’hui, mais… D’autres choses l’étaient devenues. La nourriture, les médicaments, l’essence… Ils constituaient les nerfs de la guerre. La liberté restait un luxe, car nous avions souvent besoin des autres pour survivre. Rester seul était dangereux. Bien souvent, ça finissait par mal tourner. Je ne l’espérais pas pour elle.

Nico avait néanmoins pleinement conscience du danger que cela représentait pour elle, encore plus avec ce nouveau type de rôdeurs dans la nature. Elle n’avait pas prévu de rester seule. J’hochai la tête en signe d’assentiment, avant de me poser dans le canapé pour souffler un peu. J’attrapai la cannette qu’elle lança dans ma direction, avant d’en lire rapidement l’étiquette. « Il reste encore de ces trucs-là ? » Je me demandais bien qui avait réussi à dégotter ça. Je l’ouvris finalement, avant de trinquer avec elle. Je faillis m’étouffer avec ma première gorgée quand elle me demanda si je n’étais pas une psy ou un truc du genre. « Non, franchement pas. Je faisais des études d’ingénieur en aéronautique, à la base. » Je lâchai un bref rire en me retournant vers elle. « C’est seulement… J’étais comme toi avant. Je voulais rester seule, pour que personne ne puisse me chier dans les bottes. J’en avais assez des groupes qui tournaient mal. Joaquin a eu du mal à se faire une place dans ma vie, et après… On s’est dit que ce serait mieux de rejoindre tous les deux un autre groupe de survivants, pour avoir la force du nombre et un endroit où dormir tous les soirs, tout simplement. » J’eus un sourire nostalgique en repensant à cette époque désormais révolue. Nous avions été bien à la distillerie, le temps que ça avait duré. « Maintenant, la vie nomade a du bon. On peut aller où bon nous semble. »

Je poussai du pied des débris de verre qui restaient au sol, pour en faire un petit tas compact du bout de ma chaussure. « Tu faisais quoi avant, toi ? »