Les expressions fugaces qui traversent son visage barré de son bandeau trahissent une certaine réflexion. Son visage laisse transparaître, en plus de cette concentration, une certaine excitation ; qui s'illustre par des traits et des plis que les gouttelettes provenant de ses cheveux encore humides font luire et mettre en valeur.

Elle acquiesce à sa première affirmation ; c'est du bon sens, une thèse déjà prouvée et admise dans le monde qui était le sien.

Les signes de sa réflexion s'amplifient à son interrogation qui suit. Elle ne tarde cependant à répondre, affirmant tranquillement dans un premier temps :

" La même que je t'ai présentée. À quelques détails près. Je m'adapte toujours sur le moment au contexte et à les interlocuteurs "

Ce petit jeu est risqué, mais nécessaire ; car si la cohérence est importante, l'adaptabilité est nécessaire. Elle doute recroiser d'anciennes connaissances, mais l'hypothèse est loin d'être improbable. Le monde immense est devenu petit pour ceux qui respirent encore en le parcourant. Alors, la légende qu'ils doivent se constituer doit correspondre à toutes ces exigences ; parce qu'un doute serait une erreur qui pourrait leur coûter la vie.

Elle se mord la lèvre inférieure, lève son regard, avant de terminer ses analyses et le tri de ses idées. Elle énonce calmement :

" Nous nous connaissons d'avant. Nous nous sommes rencontrés au Moyen-Orient, où tu faisais… quoi exactement ? J'y faisais de l'humanitaire. Tu pouvais être chargé de sécurité, un autre bénévole, ce que tu souhaites et te semble cohérent. Si tu accentues ton accent, nous aurions un motif légitime pour communiquer dans une langue que peu comprendront. En justifiant d'autant plus notre aisance et notre ressource en tant qu'itinérants, tout en justifiant le fait que nous restions ensemble après ces huit mois. Qu'est ce que tu penses de cette base ? "

Consciente de son temps de parole, au bord du monologue, elle se retire un peu, en se taisant mais également en se reculant physiquement, collant son dos au dossier de sa chaise. Après tout, il ne s'agit pas de son histoire, mais de la leur. Elle prendra du temps, et de l'investissement à écrire, mais elle pourra se révéler tellement utile pour leur groupe. Même si elle ne le fait pas pour la communauté, pas pour les filles ; elle le fait pour elle, pour tenter de retrouver une braise de l'ardent brasier de sa vie d'avant.

De la protection, ça se justifie, répondit Levi à la fin de l'histoire qu'elle lui avait raconté. Chargée de sécurité pour des diplomates du Moyen Orient, précisa-t-il même.

Plus ou moins ce qu'il faisait dans ses dernières missions en tout cas. Un dignitaire en voyage ici, un travail de longue durée, quelques lettres de menace à étudier, pour le protéger activement de ce qui pourrait lui tomber sur le coin de la figure. Certes, il n'avait exercé à ses côtés que quelques mois sans vraiment parvenir à s'établir plus durablement. L'apocalypse avait tapé à la porte du monde dans la foulée, de toute façon. Il pinça les lèvres, soupirant alors qu'il réfléchissait à son tour à tout ça :

Bref, y'a de quoi faire, résuma-t-il d'un bref haussement d'épaules. L'envie de se griller une autre cigarette le prit. Peut-être parce que ça l'aidait à réfléchir, à se montrer un peu plus créatif. Mais il devait se défaire de cette addiction, qui n'en était pas une si on lui posait la question. Levi était trop têtu pour être accro à quoi que ce soit. Jusqu'où sommes nous allés, et pourquoi revenons-nous dans le coin ? Demanda-t-il à Elizabeth dans la foulée.

Ils devaient forcément avoir un parcours de route. Même savoir où se trouvait leur campement avant qu'ils ne le quittent. Si jamais, ils devaient aussi établir les raisons de leurs départs. Envie de liberté ou chute de l'endroit où ils vivaient ? Pouvaient-ils mentionner l'endroit où avaient vécu Jackson et les siens pendant de longues années avant d'atterrir à Bainbridge ? Non, Levi était frilleux à ce sujet. New Eden savait que Bainbridge les avait récupéré. Ou en tout cas, pouvait s'en douter.

On peut tabler sur des villes que nous avons bien visité ces derniers mois, suggéra-t-il en désignant la carte : Ou a proximité de ces villes, mais à différentes périodes, il haussa les épaules. Tu parles juste l'arabe ? Demanda-t-il en relevant les yeux vers elle, plantant un regard franc dans celui de la brune. Pas l’hébreu ? Apparemment pas. Je t'apprendrais, ajouta-t-il en fin de compte, comme si ça n'importait pas, comme si c'était facile.