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Voodoo in my blood
Ven 16 Juil 2021 - 15:47
Juin 2021.
Des bras la portent. Des chaussures crissent sur les graviers à allure rapide. Ils sont plusieurs. Des voix lointaines lui parviennent, quelque part dans la brume. Les mots n’ont pas de sens, comme parlés dans une langue qu’elle ne maîtrise pas, ne maîtrise plus. Le soleil perce ses paupières closes de façon désagréable et elle grimace. Elle rêve de silence absolu, d’obscurité la plus totale, de plonger dans un sommeil sans rêves où la douleur n’existerait plus. Mais cette dernière lui cisaille les entrailles, fait se tendre à l’extrême chaque muscle de son corps dès qu’une nouvelle décharge la maintient sournoisement dans le monde de l’éveil. Son bras est en feu, bien plus que dix minutes auparavant. Ou deux heures? Combien de temps depuis la morsure dans ce couloir sordide, dans les sous-sols crasseux de ce qui a un jour été comme une seconde maison? Combien de temps depuis cet enfer, qui ne fait de toute façon que se prolonger un peu plus. Ce n’est pas seulement sa blessure, dont elle maîtrisé au mieux l’hémorragie mais tout son corps qui semble vouloir la rappeler à l’ordre.
C’est étrange. Peut-être que ce ne sont que ses réflexes de médecin, son esprit analytique qui sonde et cherche des réponses là où il n’y en a pas, mais la toubib a l’impression de sentir l’infection progresser. Chaque veine semble devenir un réceptacle à ce poison. Elle peut presque la sentir, cette lutte interne du virus qui la ronge et du vaccin qui, elle l’espère, fera son œuvre. Chaque réussite médicale a son lot de défaillances, d’échecs, de rejets. Sa confiance en Friedrich a beau être totale, ce n’est jamais du cent pour cent. Quand bien même le vaccin fonctionnerait, la morsure seule est un nid où pullulent elle ne sait combien de bactéries. Elles sont partout maintenant. Et le sang perdu… AB négatif.
Tu es AB négatif, rappelle-toi
Le groupe le plus rare. Elle n’a même plus la force de rire nerveusement au sort qui s’acharne sur elle. C’est son erreur, sa bêtise, et ses conséquences.
Dans une semi-inconscience qui ne la sauve guère de la souffrance, elle sent le monde s’agiter autour d’elle. C’est une lumière électrique qui lui vrille un peu plus la tête maintenant et les bras l’ont déposé sur une surface molle. Sa raison flanche, ses pensées s’étiolent, alors Maeve se raccroche à tout ce qu’elle peut. À la sueur qui perle sur son corps, aux vêtements qui collent désagréablement à sa peau, à ses cheveux collés à son visage et au sang déjà coagulé de sa blessure à l’arcade, à ses muscles qui se contractent si subitement et avec une telle violence que son dos s'arc-boute pour tenter de contenir la douleur, serrant les mâchoires à l’extrême tandis qu’un long gémissement parvient à franchir sa bouche pourtant scellée dans une grimace. “Le coupez pas…” parvient-elle à articuler dans une faible supplication quand son dos rencontre à nouveau la surface molle. “Le coupez pas…” répète-t-elle encore plus faiblement entre deux crispations, en parlant évidemment de son bras. Pas ça, tout mais pas ça. C’est la seule pensée, autre que la douleur, qui parvient encore à se frayer un chemin là-haut. “Le coupez pas, le...coupez...pas….le….” Sa force l’abandonne, avant qu’une nouvelle crispation de ses muscles l’oblige à serrer à nouveau les dents pour encaisser la décharge.
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Re: Voodoo in my blood
Lun 19 Juil 2021 - 20:34
«C’est le Dr Wheelan, elle a été mordue. »
C’est ainsi que Clarke le tire de son poste alors qu’il était en train de veiller sur la fabrication de la nouvelle génération de vaccin. Plus sûrs, plus efficaces, autosuffisant. C’était l’objectif visé, et bien que les effets secondaires à long terme ne fussent encore connus, les prévisions étaient encourageantes. Dans quelques semaines ils seraient prêts à proposer cette nouvelle formule au reste des habitants de Fort Ward. Il fallait y croire, c’était nécessaire. La mutation du virus était inquiétante, ces nouveaux spécimens de rôdeur représentaient un réel danger pour chacun d’entre eux, et l’urgence de ce nouveau vaccin se faisait plus pressant encore. De toute façon, jamais ils n’auraient le temps nécessaire pour évaluer tous les risques qu’ils encourraient. Il leur faudrait alors faire confiance et – bien que l’autrichien ne soit en rien croyant – avoir la foi.
Mais à l’annonce de la morsure de Maeve – partie en expédition à Seattle avec d’autres – le généticien s’inquiète et appelle Saint-Germain pour prendre sa place afin qu’il puisse aller surveiller l’état de la chirurgienne. «Les nouveaux rôdeurs ? » Demande-t-il à Clarke qui l’accompagne une partie du chemin. Elle hausse les épaules, elle n’en sait pas plus. A cette heure la chirurgienne est emmenée d’urgence au dispensaire pour ses premiers soins. Si ce n’était pas la première morsure d’un primo-vacciné, le généticien prenait chaque cas à part – car malgré tout ce qu’ils savaient aujourd’hui, ce premier vaccin n’était pas plus prévisible que ce nouveau qu’ils étaient en train de fabriquer. Chaque personne réagissait différemment.
Au dispensaire, le corps médical s’affaire autour du lit d’une patiente agitée et fiévreuse. L’autrichien s’approche à son tour après s’être lavé les mains et enfiler un masque. Il se glisse à la tête du lit, à un emplacement qui ne gênera pas le travail des médecins qui s’occupent d’elle et s’affairent à vérifier complètement son état de santé. Un gémissement s’échappe de la bouche de la chirurgienne, comme une litanie presque difficile à comprendre. Mâchoires crispées, le généticien observe les gestes de Jacqueline qui coordonne le reste de l’équipe. La blessure à l’arcade est rapidement inspectée avant de se concentrer sur la morsure à son bras. Maeve semble s’agiter dans sa fièvre et puisque personne ne répond, le généticien finit par venir poser ses mains sur son chaque côté de son visage. La fraicheur de ses mains contrastant avec la fièvre qu’elle subissait. Il agissait ainsi autant pour concentrer son attention sur lui que pour essayer de la tenir un peu plus immobile pour faciliter le travail des médecins. «Maeve. Personne ne te coupera le bras. » Affirme-t-il, en plongeant ses iris glacées dans les siennes. «Tu es vaccinée. Personne ne te le coupera. » Qu’il répète encore, espérant qu’elle l’entende alors qu’il peut voir la brume dans son regard clair. «Le rôdeur, il était normal ? » Lui demande-t-il, en essayant de masquer l’inquiétude qu’il réponse négative causerait. Ils ne savaient pas encore à cette heure, si ces nouveaux spécimens étaient confirmés à Seattle.
«Quelqu’un sait si ce rôdeur était normal ? » Demande-t-il de façon autoritaire, en levant les yeux vers les gens qui avaient accompagnés Maeve. Il revint à elle, l’instant d’après pour lui expliquer – peut-être la rassurer, bien qu’il ne soit pas assez doué pour ça. Au moins savait-elle qu’à elle, il ne mentira pas. «Nous allons laisser les médecins te soigner, et je vais faire des analyses complémentaires pour être certains que tu n’aies rien. C’est d’accord ? » Pas de promesse encore, un protocole d’abord. Il laissa autour de son visage ses mains froides, écartant quelques mèches de ses cheveux pour qu’elle puisse voir clair, dans un geste attentionné malgré le visage sérieux et clinique qu’il arborait sous ce masque.
We could stay like this forever, lost in wonderland, with our head above the clouds, falling stupid like we're kids. Wearing rose-colored lenses, let's just play pretend. Wearing rose-colored lenses, pretend we'll never end.
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Re: Voodoo in my blood
Mar 20 Juil 2021 - 20:25
Dans cet entre-deux brumeux, elle lutte entre sa volonté farouche de rester consciente et le désir sournois de son corps et son esprit de se laisser glisser vers des limbes doucereuses et salvatrices. L’agitation continue mais la chirurgienne n’a pas la force d’ouvrir les yeux pour constater cette fourmilière humaine qui opère tout autour d’elle. Rendu à l’état de vulgaire patient, elle, la brillante petite toubib assez stupide pour se faire mordre. Comment avait-elle pu être bête, ou, à défaut, assez présomptueuse pour penser qu’elle serait d’une aide quelconque dans l’enfer des sous-sols de l’hôpital. À nouveau un rire nerveux passe ses lèvres et si la force ne lui manquait pas, elle est certaine qu’elle partirait en éclat. La fièvre, à n’en pas douter.
D’ailleurs, une source de fraîcheur qu’elle n’identifie pas immédiatement lui soutire un râle de soulagement. Il lui faut cependant toute la force qui lui reste pour réussir à lever ses paupières et les maintenir ouvertes. Une forme aux contours floue entre dans son champ de vision et quelques longues secondes sont nécessaires pour que le focus se fasse et qu’elle reconnaisse Friedrich.
Le vaccin.
La morsure.
La perte de sang.
Ab négatif. Tu es AB négatif.
À la vision du généticien elle se sent aussi soulagée qu’inquiète et ses mots ont du mal à passer le nuage qui obstrue son cerveau. Une question? Les mots s’étiolent avant même de faire sens et elle referme les yeux. Ils ne vont pas le couper. Il l’a dit. L’a promis. Peut-être pas. Mais c’est ce qu’il a dit. Se forçant à nouveau à ouvrir les yeux tandis que le ton monte et devient autoritaire, elle le repère, là, juste derrière le scientifique, à quelques mètres du lit. Un enfant. Moins de dix ans. Des cheveux d'ébène qui lui retombent légèrement sur le front. Des yeux d’un blond profond fixés sur elle, dans une attitude de reproches. Elle fronce les yeux, tente d’accaparer l’attention des médecins sur place, en vain. Trop faible.
Une voix familière mais lointaine répond à Eden. Elle n’en comprend pas la teneur, ne peut qu'en deviner le contenu. Oui, le rôdeur était normal. Et qu'en sait-elle au fond? Elle qui en a croisé si peu.
Se concentrant sur le scientifique, son regard perd en intensité. Elle tente de simplement hocher la tête pour confirmer ses propos, mais c’est peine perdue, une nouvelle crise la fait se tendre à l’extrême et elle ne peut, cette fois-ci, contenir un cri de douleur. “Je le sens” murmure-t-elle de façon inaudible. “Je le sens….” Là, à l’intérieur d’elle, se répandre, courir dans ses veines, dans ses muscles, dans ses terminaisons nerveuses, grattant depuis ses entrailles pour sortir.
On lui retire ses chaussures, puis son pantalon et son haut, couvert de sang, est rapidement coupé par une paire de ciseaux. Elle le devine plus qu’elle ne le sent, c’est ce qu’elle aurait fait. On la retourne, et son dos finit par rencontrer de nouveau la surface molle d’un lit. “Sarah Widmore” articule-t-elle dans une dernière tentative. “AB négatif. Sarah Wid…” Elle n’y arrive pas. C’est la meilleure donneuse. La seule compatible. Les yeux de Friedrich apparaissent de nouveau près des siens. Le vaccin. C’est sa seule chance. “Me laisse pas devenir l’un d’eux” supplie-t-elle. “Me laisse pas…”
De nouveau, ses yeux se portent sur le garçon debout à quelques mètres de son lit. Pourquoi personne ne semble faire attention à lui? Lui dire que ce n’est pas sa place. Elle tente de redresser, en vain. “Tu n’as rien à faire là” lui lance-t-elle dans une voix faible qu’elle ne reconnaît même pas. Il s’approche et passe entre les médecins. C’est impossible. “C’est de ta faute. Pourquoi tu n’as pas voulu de moi, maman?”
Là, quelque part dans son ventre, une douleur cuisante qui lui déchire les entrailles.
Tu n’existes pas. Tu n’es pas réel. Ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible.
Delirium
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Re: Voodoo in my blood
Mer 18 Aoû 2021 - 16:09
Il peut la sentir sous ses doigts, la fièvre qui la ronge et qui la pousse à s’agiter vainement, entre les mains des médecins qui s’occupent d’elle. Il analyse stoïquement chaque geste, chaque mouvement, écoute chaque décision sans intervenir aucunement – il n’est pas là pour soigner, mais pour aider. Quand les vêtements de la chirurgienne lui sont ôtés, découpés au ciseau chirurgical, son regard se fait plus clinique et distant. Les médecins ne négligent aucun détail, et le bras de Maeve est saisi pour être ausculté plus attentivement. Le souffle court de la brune attire de nouveau son regard dans lequel il se perd devant l’intensité du gouffre dans lequel elle semble partie. Ses sourcils se froncent, soucieux, alors que ses lèvres s’entrouvrent, essayant d’articuler quelques syllabes. Je le sens…. Le poison insidieux qui tente de traverser ses défenses pour la transformer en une de ces créatures innommables. Il se fait plus ferme au-dessus d’elle. «Non. » Il assène, sombre pour cacher son inquiétude. Il y avait toujours un pourcentage de chance que… «Non. Tu ne te transformeras pas. » Il y croit, il le faut. Bientôt ce poison ce heurterait aux défenses du vaccin qui protégeait son ADN de la transformation. La faim se ferait peut-être plus dévorante quelques temps. Mais elle ne se transformerait pas. Il en était hors de question.
Elle lui adresse un murmure, comme une urgence. Sarah Widmore. Il écoute, comprend, avant d’adresser les mêmes paroles à l’équipe médicale qui n’a pas pu entendre son souffle. «Sarah Widmore, c’est elle qu’il faudra appeler si vous avez besoin de sang. » Leur dit-il, calmement. Un faux calme qui l’habille alors qu’il s’inquiète, évidemment. Il lui faut pourtant garder cette froideur, cette distance scientifique pour observer et analyser tout ce que son corps subit pendant cette fièvre – et s’assurer que tout se passe bien. Le vaccin marchait, il l’avait déjà vu. Mais une seule morsure sur une vaccinée ne signifiait pas qu’ils étaient tous protégés.
«Je ne vais nulle part, Maeve. Je suis là pour toi. » C’est difficile, mais il a tenté d’ajouter un peu de chaleur dans sa voix. Ses pouces viennent légèrement masser ses tempes, pour l’aider à se détendre. Le généticien comptait sur ses mains ses amitiés, celle qu’il avait eue autrefois avec la chirurgienne s’était quelque peu étiolée après le déménagement de Quinn de chez lui. Parce que l’épidémiologiste avait plus besoin d’elle que lui, il s’était effacé. Cela n’empêchait pas que Maeve fasse partie de ces gens à qui il tenait. Elle avait été comme une bouée de sauvetage à la mort de Vaughn, mais n’avait-elle été que ça ? Non, sans doute pas. Mais le lui avait-il dit, un jour ? Probablement pas. Friedrich n’avait jamais été très doué pour nommer ce qu’il ressentait – quitte à paraitre plus égocentrique qu’il ne l’était réellement. Peu importe. Il était là pour elle maintenant. Et pas seulement comme responsable du complexe.
Sous ses mains, elle s’agite encore. La fièvre l’emporte et la fait délirer. Ses doigts contre sa peau ont fini par se réchauffer sous la brûlure de ses joues. «Est-ce qu’on peut faire quelque chose pour la fièvre ? » Demande-t-il, agacé d’être aussi inutile. Il peut voir quelqu’un injecter un antibiotique dans l’intraveineuse posée à son bras indemne. Quelqu’un part chercher un linge humide et frais pour le tendre au généticien. Ce linge, il vient la poser sur son front, alors que le regard de Maeve fixe un point invisible. «Maeve… Maeve, regarde-moi. Ils sont là pour t’aider. » Dit-il, en pensant qu’elle parlait des médecins. Il repose ses mains sur ses joues, essaye de capter son regard par-dessus le masque de tissu qu’il porte. «Ils sont en train de désinfecter la plaie, il y a quelques points de sutures à poser, puis c’est terminé. Il faut attendre. Ton corps va lutter encore, mais tu ne te transformeras pas. Je resterai là. C’est promis. » Il capte son regard évanescent. Elle est loin, il peut la sentir lui échapper alors qu’elle est juste là, sous ses mains. Elle s’agite encore, et il fait de son mieux pour la maintenir, pendant que Jacqueline s’occupe de ses blessures. Widmore est envoyée chercher, pour un don de sang rapide. Le généticien reste à son poste, stoïque et solide, jusqu’à ce que la fièvre la fasse sombrer dans un sommeil agité.***
Lui-même piquait du nez, assis sur une chaise inconfortable positionnée à côté du lit de Maeve, bercé par le monitoring qui surveillait les battements réguliers de son cœur. Il était resté pour surveiller ses constances, mais aussi pour elle – comme il l’avait promis. La pression retombée et le calme revenu dans la chambre, il avait rapidement cessé de tourner en rond et d’étudier l’ordinateur pour se poser une minute – juste une minute. Mais il était tard à présent, et la journée avait été longue. A moitié endormi, il eut un léger sursaut en sentant sa tête partir en arrière, ce qui le réveilla une fois de plus. Passant une main sur son visage pour se réveiller, il tourna la tête vers le monitoring, avant de réaliser que la chirurgienne ouvrait péniblement les yeux. «Bonsoir… Comment tu te sens ? » Demande-t-il, prudemment. Il lui laisse le temps d’émerger, avant de lui préciser : «Tu es encore en quarantaine. Mais tu as vu, tu ne t’es pas transformée. » Oserait-il même un sourire ? Faiblement, oui.
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Re: Voodoo in my blood
Jeu 19 Aoû 2021 - 10:33
Ici, les syllabes arrivent au compte-goutte dans un étrange écho, si bien que les mots perdent leur sens. L’un s’imprime parfois dans la brume, mais, privé des autres, il ne lui offre ni garantie, ni certitude, ni réalité à laquelle se raccrocher. Ici, la douleur s’estompe. Les mains qui la retournent et la palpent, la souillant toujours un peu plus, deviennent presque caresses fantomatiques. La torpeur la gagne. Elle a si sommeil…
L’éclairage électrique qui lui agressait encore les yeux quelques instants plus tôt semble perdre en intensité. Le contour de sa vision s’assombrit et ne reste bientôt qu’un halo lumineux en son centre, flou, trouble, inconsistant. Le visage face à elle lui apparaît en des vagues qui ne font que nourrir un peu plus son tournis. À plusieurs reprises il tente de la ramener dans la douleur, dans les frissons, dans les crampes, entre toutes ces voix qui profanent son corps, crachent sur sa pudeur, la relèguent au statut de vulgaire patiente. Mais elle n’a plus la force. De résister à l’appel du brouillard. Il fait bon ici. Le silence, l’obscurité, la douceur. C’est cotonneux, apaisant. Alors elle se laisse glisser malgré les protestations de l’homme - Friedrich? - qui lui arrivent trop faiblement.
Quelque part, loin derrière la fièvre, dans une conscience maintenue, elle sait ce qu’on va lui faire, connaît les risques, ne veut pas les affronter. C’est une vérité que la quadragénaire n’est pas prête à entendre ni à accepter. Et puisqu’elle ne peut fuir de corps, c’est son esprit qu’elle laisse s’enfoncer dans ce brouillard épais.
Elle a juste le temps de sentir une douleur cuisante sur son bras, ses chairs agressées par un désinfectant quelconque, de serrer les dents, d’arquer son dos une dernière fois avant de retomber mollement, pour de bon.
Ne reste soudain que le néant. Sans souvenirs, sans futur, sans promesses, sans risques, sans morsure, sans amour, sans faiblesse. Blackout.***
Son couloir, sa maison. Tout est si familier et pourtant si différent. Les peintures sur les murs, les photographies accrochées, les voix qui résonnent au rez-de-chaussée, le rire cristallin d’un enfant. Ses pas la portent sans qu’elle ne les contrôle vraiment dans les escaliers. Chaque marche semble flotter vers la suivante et il semble ici inutile de fournir le moindre effort. C’est léger, et l’écho à ses oreilles n’a jamais eu de tonalité plus douce. Tout est feutré. Même la lumière prend un spectre nouveau ici. Arrivée à l’avant dernière marche, une tornade noir de jais jaillit devant elle et deux iris bleus perforent les siens avant que le garçon ne disparaisse. Maeve a beau tenter de courir derrière lui, elle est impuissante. Son corps refuse de lui obéir et elle est obligée d’avancer dans une lenteur qui l’angoisse et la frustre.
Dans le salon, caché derrière la table, elle ne peut discerner que sa toison d’un noir profond. Un pas. Deux. Plus elle avance, plus il lui semble que la distance entre eux s’allonge inexorablement. Et quand la chirurgienne n’est finalement qu’à un mètre de lui, ce dernier s’engouffre dans son bureau, fermant les portes derrière lui. Un pas. Puis deux. Sa main se referme sur la poignée et quand elle l’ouvre…
...elle se retrouve dans sa salle de bains. Sans comprendre, sans chercher de connexion logique, ou en l’occurrence, leur absence de cohérence, elle sent une douleur aiguë dans son ventre la clouer sur place. La seconde suivante, elle est couchée au sol, sur le côté, une main sur son abdomen, l’autre un peu plus bas. Le sang… une quantité bien trop importante de sang… et elle sait. Que c’est fini. Que les questions n’ont plus de sens. Qu’il n’existera jamais. Adieu...
… Une autre porte, un autre couloir. D’un blanc immaculé, sans doute trop. L’hôpital grouille de cette fourmilière humaine. Patients, médecins, infirmiers, brancardiers… Ici elle se sent dans son élément, chez elle. Maeve a le contrôle. Toujours. Respectée. Parfois crainte. Elle longe le couloir. Au bout, son bureau. Elle ne se souvient plus du nom du prochain patient. Les bruits sont diffus, comme lointains et son cerveau ne les analyse pas. Une main à nouveau sur la poignée, elle pousse la porte…
...Elle est revenue au point de départ. Mais rien n’est plus immaculé. Rien n’est plus sous contrôle. L’obscurité, seulement balayée par les lampes. Le bruit des tirs, des corps décharnés qui tombent au sol. Et puis Jill, au sol, en train d’en éliminer le plus grand nombre. Elle ne voit pas celui dans son dos qui se rapproche et Maeve a beau tenter de crier, elle ne l’entend pas. Elle a beau tenter de courir dans sa direction, ses jambes ne répondent pas. Le mort se rapproche encore, et encore et encore. Les battements de son coeur tambourinent dans sa poitrine. Pourtant, quand la mâchoire se referment sur la gorge de la jeune femme, c’est son avant bras qui la lance douloureusement.***
Elle se réveille en sursaut, les yeux pourtant maintenus clos. La lumière derrière ses paupières l’éblouit déjà. bip...bip… Le bruit régulier l’incommode. Elle le connaît trop bien. N’a pas envie de reprendre pied dans cette réalité. La quadragénaire ouvre les yeux, grimace face à la luminosité et les referme aussitôt. Le dispensaire. Sa tête est lourde. Elle a chaud et pourtant des frissons parcourent chaque parcelle de peau. Dans un sentiment paradoxal de quête de sommeil inassouvie et de sensation d’avoir déjà trop dormi, c’est finalement la voix tout aussi familière de Friedrich qui la force à s’ancrer dans l’éveil.
Il lui faut de longues secondes pour s’acclimater à l’endroit et conserver les deux yeux ouverts, tournant légèrement le visage vers le généticien. Comment elle se sent? bip...bip… Elle...n’en sait sincèrement rien. La seconde remarque, en revanche, la fait prendre effectivement conscience qu’elle est encore douée de raison. Fermant les yeux, cette fois-ci de soulagement, elle finit par fixer ses yeux au plafond, laissant une larme rouler le long de son visage. En vie. Elle est en vie. Pas seulement dans cette opposition anciennement évidente d’une mort définitive. Elle est en vie et pense, ressent.
Ses yeux finissent par glisser sur ses bras. D’abord, celui relié à une perfusion. bip...bip… puis sur celui, fraîchement bandé, qui cache l’ignominie. Elle suppose que la perfusion a été boostée d’antibiotiques et d’antidouleurs car elle ne sent rien. bip...bip… “Éteins ça s’il te plaît!” tranche-t-elle avec agressivité, le bruit caractéristique de la machine lui tapant sur les nerfs. Elle ne sait pas d’où lui vient cette soudaine colère et se sent gênée de cette approche vindicative. “Désolée…” souffle-t-elle tandis que son ami coupe le son du monitoring. Expirant de soulagement, son attention se reporte à nouveau sur son bras. Elle tente de bouger ses doigts mais ils sont encore gonflés, légèrement bleuis. Relevant ses prunelles dans celle du scientifique, elle hésite entre repartir dans cet endroit où elle ne ressent rien ou affronter la réalité. Mais puisque même le brouillard porte avec lui d’ignobles cauchemars et altérations de la vérité… “Verdict?” Oui, elle ne s’est pas transformée. Mais qu’en est-il du virus dans son corps? De ses anticorps? Est-ce que la vaccin l’aide à lutter efficacement contre ça ou est-ce qu’il retarde simplement l’inévitable. Maeve veut l’entendre. A besoin de l’entendre. Et son bras. Qu’en est-il de son bras?
Les questions mentales lui donnent déjà le tournis. Elle se sent épuisée, physiquement, et moralement. Tout lui apparaît dans un étrange contraste et ne sachant pas quand elle replongera, mieux vaut profiter de chaque seconde de ce plein éveil.
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Re: Voodoo in my blood
Lun 23 Aoû 2021 - 20:45
Le son régulier du monitoring aura fait gagner à l’autrichien une petite heure de sommeil, tout du moins. Ainsi que quelques courbatures alors qu’en s’éveillant, il sent sa carcasse longiligne, mal installée sur ce fauteuil sommaire, craquer en s’étirant. Il sent déjà une pointe le long de sa colonne vertébrale, un peu à droite – ça lui apprendra à s’endormir comme ça, au lieu de passer de véritables nuits de sommeil dans son lit douillet. Et puis, Maeve s’éveille. Difficilement, comme réveillée d’un coma pâteux qui l’empêche de bien éclaircir son regard diaphane. Il l’aide un peu, prononçant quelques phrases qui doivent sûrement l’aider à se resituer à nouveau – dans une chambre clinique, à l’abri du vacarme incessant du dispensaire toujours en activité. Il n’imagine pas comme se tenir à cette place là – cette place de patiente – doit lui faire horreur, non. Lui, pense juste avoir bien fait de l’avoir fait mettre à l’écart pour qu’elle puisse se reposer sans être dérangée.
Mais c’est un premier excès de rage qui la prend alors qu’elle lui ordonne sèchement de couper le son de l’appareil qui surveille ses constances. C’est comme si cet éclat de colère ne lui appartenait pas. Si le généticien s’exécute dans la seconde – sentant presque le bas de son dos grincer à cause de la position inconfortable dans laquelle il se trouvait engoncé – il revint rapidement à elle pour l’observer un instant. «Non ce n’est rien. » Dit-il, un peu distrait alors qu’elle s’excuse de son attitude. Accès de colère abrupte. Ce n’était pas le genre de signe qu’il prenait à la légère, pourtant il n’en démordait pas : elle ne se transformerait pas. Le vaccin luttait peut-être encore contre le poison qui s’était répandu dans ses veines, stimulant une partie de son cerveau prompt à la férocité de ce virus qui empoisonnait le corps de chacun, mais elle ne se transformerait pas.
Verdict ? Il soupire, avant de venir se poser à moitié au bord de son lit, à la hauteur de ses jambes – parce que définitivement il ne retournerait pas dans ce fauteuil. «Le vaccin lutte encore, mais la fièvre est tombée. Cela dépend d’une personne à l’autre, mais ton corps est en train de combattre le virus. Tes constances sont bonnes, les analyses vont dans le bon sens. » Dit-il, en ponctuant d’un prudent sourire. «Tu restes encore en observation stricte, et en quarantaine temps que tes analyses n’ont pas franchis le seuil attendu, pour le reste… Je ne suis pas médecin, mais Jacqueline a dit que tu aurais besoin de temps et de repos, pour savoir combien de temps tu devras rester ici, il faudra lui demander » Il leva les yeux vers le bandage à son bras, à sa main encore gonflée. «Ton bras guérira, sans séquelle de ce que j’ai entendu. » Lui dit-il, enfin.
«Et en attendant de pouvoir voir du monde à ton chevet, tu devras te contenter de ma présence, je le crains. » Une tentative maladroite peut-être, d’alléger la situation. Les nouvelles étaient bonnes cependant. Il voyait pourtant bien dans son regard qu’elle était perdue, qu’elle n’était pas sûre de ce qu’elle entendait. Alors il répéta encore une fois, parce qu’il lui avait toujours dit la vérité jusqu’à ce jour et il ne comptait pas changer maintenant. «Les risques pour que tu rechutes sont vraiment faibles, Maeve. Je les estime à moins de 3 %, je reste ici pour surveiller tes constances et je te prélèverai encore un peu de sang tout à l’heure pour réduire encore ce pourcentage. Le vaccin fonctionne. » Lui dit-il, en ancrant son regard dans le sien, en insistant bien sur ce dernier point. Si son arrivée chaotique l’avait fait douter l’espace d’un instant, il n’émettait plus aucun doute à présent.
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Re: Voodoo in my blood
Lun 23 Aoû 2021 - 22:33
Les multiples informations ne sont pas aisées à assimiler. Trop de mots qui percutent sa boîte crânienne. Ils se mélangent, partent dans des directions opposées et il lui faut fournir un effort surhumain pour les rattraper, les décortiquer, leur redonner place et surtout sens. Les yeux toujours fixés au plafond, elle sent le poids de l’homme alourdir un peu plus le matelas mais ne bouge pas d’un millimètre, se répétant inlassablement tout ce qu’il juge bon de lui partager. Tu penses. Tu ressens. Sa voix est apaisante. Peut-être parce qu’il n’est pas son subordonné et que la quadragénaire en oublie la honte de se trouver dans cet état, cette condition. Peut-être parce qu’il n’appartient plus à cette sphère intime qu’ils ont, plusieurs années, partagée. Loin des regards, loin de la rumeur et des jugements, loin dans qu’en dira-t-on. Familière, sans posséder ce degré d’intime. Plus aujourd’hui. Non pas que ça lui manque ou qu’elle y trouve une nostalgie illusoire. Pas plus qu’elle ne regrette de lui avoir ouvert sa couche quand ils en avaient tous deux besoin. Deux électrons perdus à la recherche d’un noyau. Elle n’a jamais eu la sensation d'être utilisée et elle l’a toujours secrètement remercié de n’avoir jamais attendu plus qu’elle n’avait à offrir.
Sa présence est rassurante, plus qu’elle ne l’admettra jamais. En tout cas ici. En tout cas maintenant. Perdue dans cet état paradoxal, il lui faut de longues secondes, de très longues secondes, pour assimiler ce qui l’intéresse réellement, ce qui la cloue littéralement dans la peur et le doute. Son bras guérira. Fermant les paupières, Maeve se répète la phrase qui devient litanie douce à ses oreilles. Une nouvelle larme glisse sur le côté de son visage et un faible sourire étire ses lèvres. Il s’élargit, encore et encore, avant qu’un rire nerveux mais sans joie résonne dans la pièce. Rire qui se transforme rapidement en pleurs de soulagement. Elle est si fatiguée… épuisée. Finalement, elle ne sait même plus si elle est en train de rire ou pleurer et finit par abandonner toute tentative d’exprimer un sentiment quelconque. Elle s’en moque. Elle ne veut rien ressentir. Ni joie. Ni peine. Ni douleur. Et le cocktail qui pénètre son bras à l’aide de la perfusion en un débit régulier l’y aide grandement.
Le trait d’humour du généticien l’arrache à l’oubli et la canadienne se force à ouvrir les yeux, les plantant sur lui. Un instant, elle tente de suivre dans le sarcasme d’un “youhouuu” faible et teinté d’ironie, avant de lui adresser un sourire fugace. Son regard se porte un instant sur la porte de sa chambre, celle la plus à l’écart de la salle commune, elle l’a reconnu. “Je ne veux voir personne. Ne laisse pas mes amis me voir comme ça. S’il te plaît. Ni Arizona, ni Jill…” Surtout pas Jill.
Sa main, celle encore valide, vient attraper doucement celle du scientifique, comme une supplique muette. Qu’il invente un mensonge, pieux ou non, pour les éloigner, même quand sa quarantaine serait terminée. Chaque situation en son temps, et là, c’était sans doute le moment idéal pour justifier de cet égoïsme latent qui la poursuit. “Trois pour cent…” répète-t-elle un peu laconiquement. Trois pour cent de risque. Si peu, qui lui apparaissent pourtant tellement. “Alors… je suis toujours… moi?” Le ton est étrange. On pourrait lui attribuer celui de la supplique, mais il porte presque une pointe de déception.
Et puis elle prend conscience, que si c’est sa bêtise qui l’a conduite ici, son imprudence, et surtout ses sentiments, c’est grâce à Friedrich qu’elle est en vie. Qu’elle n’est pas une de ces choses. “Merci” souffle-t-elle doucement, faiblement. “Je sais qu’on n’est plus très… proches. Et que je n’ai pas toujours été très tendre avec toi concernant le vaccin. Mais c’est grâce à toi Fried. Si je suis vivante. Si je peux continuer à exercer.” Elle resserre l’étreinte de sa main sur la sienne, autant que sa force le lui permet, c'est-à-dire peu.
Et parce que ses yeux sont sans cesse attirés par la porte, parce que même dans l'éveil elle est encore portée par ses cauchemars, après de longues secondes de silence elle reprend. "Est ce qu'il y a un petit garçon en ce moment au dispensaire? Huit, peut-être dix ans. Les cheveux noirs, les yeux bleus. J'ai cru le voir quand j'étais..." en plein delirium. Elle a besoin de savoir. S'il est réel et s'est infiltré dans ses rêves dans un schéma logique ou s'il n'est que le produit de remords jamais évoqués. Jamais traités. Jamais surmontés. C'était encore une possibilité. Elle ne soignait qu'un tiers de la population ici. Elle ne connaissait pas chaque habitant. Et elle a besoin de se raccrocher à cette banalité. Au fait que ce petit garçon existe. Qu'elle n'est pas en train de virer folle.
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