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Re: Voodoo in my blood

Sam 18 Sep 2021 - 22:55

Maeve avait toujours suscité en lui une émotion qu’il ne définissait pas totalement. Longtemps ils s’étaient perdus dans les bras l’un de l’autre, non pas dans une relation à proprement parler mais juste, le besoin de se raccrocher à quelqu’un par moment, dans ce monde parfois vide de sens, les avait rapprochés de nombreuses fois. C’était une histoire d’amitié et de respect, mêlée à une certaine tendresse qui n’avait de fond que ce lien un peu spécial et peu conventionnel qu’ils avaient eu autrefois. Pour autant, aucune attente – aucun espoir – n’était ressorti de ces étreintes. Ils n’avaient de toute façon jamais rien eu d’autre à s’offrir que ces moments-là, intime. Si leurs chemins s’étaient peu à peu éloignés, ce n’était que la vie finalement, qui en était responsable. Pas les ressentiments, ni la rancœur. Friedrich avait travaillé dur – aussi pour elle – pour alléger sa situation et ce vaccin défaillant qui l’avait rendue dangereuse si elle n’était pas sous le contrôle du sérum qu’il avait conçu pour alléger les symptômes. Le nouveau vaccin était prêt, cependant. Il savait déjà qu’il lui garderait une dose, pour quand son état s’améliorerait.

Elle a le regard un peu brumeux, elle semble peiner à remonter à la surface. Pourtant un léger sourire sur ses lèvres vient le rassurer un peu. Le rire s’élève alors, et l’autrichien lui sourit en retour, gardant sobrement le silence quand ce rire se transforme en pleurs de soulagement. Elle vint alors chercher sa main, inquiète de voir du monde débarquer dans sa chambre une fois qu’il ne serait plus là pour les en empêcher. « Ne t’en fais pas, je peux faire prolonger la quarantaine jusqu’à ce que tu sois prête. C’est un des avantages d’être le Roi du Labo’ » Ajoute-t-il, avec un sourire et un clin d’œil qui se veut complice. Ses doigts sont un peu froids dans sa main, il ne peut que l’attribué à son état de stress et de fatigue. Qu’elle soit sortie d’affaire ne signifiait pas qu’elle était au mieux de sa forme.

« Oui, tu es toujours toi. Avec une cicatrice en plus, on va dire. » Cette prévenance qu’il avait n’était pas adressée à nombreuses personnes dans son entourage. Il fallait dire que l’autrichien n’était pas des plus populaires depuis qu’il avait pris à charge la responsabilité du laboratoire. Celle-ci s’accompagnait d’une certaine méfiance de la part des habitants de Fort Ward et d’une carapace pour lui-même se protéger des opinions extérieures. Alors il compense, évidemment. Dur, distant et froid au quotidien, il n’inspirait pas tant que ça la sympathie et la chaleur de ses échanges d’autrefois s’était faite plus rares. Mais il y avait encore des personnes qui comptaient, avec qui il pouvait tomber le masque – peu importe que cela fasse un moment qu’il ne les fréquentait plus. Maeve avait été une amie précieuse pour lui, s’inquiéter pour elle était naturel, finalement. Alors quand elle le remercia, il faut autant surpris que touché. Son pouce vient alors caresser le dos de sa main, dans un geste rassurant. « Tu me remercieras quand tu auras ta prochaine dose du vaccin, celle-là te permettra de plus être dépendante du sérum, et te protègera de la nouvelle souche de rôdeur. » Lui dit-il, néanmoins touché par ses paroles. « Je pense juste qu’il va te falloir attendre un peu pour l’avoir, je ne voudrais pas que le vaccin vienne te fragiliser alors que ton corps se remet de cette morsure. Mais il y a une dose qui t’attend, c’est promis. »

La question qu’elle lui pose néanmoins lui fait froncer les sourcils. Un petit garçon ? Il n’avait pas fait spécialement attention. « Je ne pense pas, non. Je n’ai vu personne près de nous en tous cas. Mais je peux demander à Jacqueline, je t’avoue que je n’étais pas vraiment concentré sur ce qu’il se passait autour. » Après, Maeve était en proie à la fièvre à ce moment-là. « S’il est au dispensaire, alors il est entre de bonnes mains, tu t’en doutes. » Après tout, c’était elle la responsable de cet endroit. Elle connaissait mieux que quiconque son équipe et ses capacités. Il vint alors poser son autre main sur la sienne, dans un geste protecteur, toujours, en essayant de comprendre un peu cette inquiétude soudaine pour ce petit garçon dont il n’avait nullement souvenir.


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Re: Voodoo in my blood

Dim 3 Oct 2021 - 17:53

Les yeux clos quelques secondes, elle laisse le soulagement de l’isolement faire redescendre son rythme cardiaque. Si la solitude lui pèse, elle est une prison dans laquelle la chirurgienne se réfugie avec sérénité. Elle refuse de lire l’apitoiement dans le regard de ses rares proches, l’inquiétude sur leurs traits, la pitié dans la maladresse de leurs paroles. Elle refuse les reproches qui pourraient naître de sa décision suicidaire de se porter en première ligne d’un danger qu’elle n’a pas assez affronté. Elle refuse de se soumettre à leurs tentatives vaines de la sortir de cet état de torpeur, presque cathatonique. De même que leur complaisance, leur soutien, leur affection… bon sang ce qu’elle est horrible, humainement parlant. Mais c’est trop. Tout est toujours trop, aujourd’hui plus qu’hier encore. Et comme tout devient futile, là, après être passée si près de la catastrophe. Son bras a été le dernier rempart avant sa gorge. Et si elle n’avait pas eu ce réflexe stupide, c’est sur sa jugulaire que les dents se seraient refermées, ne lui laissant aucune chance. Un concours de circonstances. Voilà ce à quoi elle doit sa survie. Un banal concours de circonstances. Mais y’a-t-il plus banal que la mort? Combien de fois l’expérience a-t-elle été vécue depuis que l’Homme foule cette Terre? Combien de milliards d’êtres vivants et jugés conscients ont vécu cette ultime épreuve avant-elle? Oui, des milliards depuis que le monde est monde. La sienne - évitée de justesse - n’aurait rien au d’extraordinaire. Quelques pleurs, quelques larmes et un souvenir périssable. Mais d’une banalité sans nom.

Une seconde chance, peut-être de trop, pour trouver un sens qui lui est encore inconnu. Pour se libérer du poids d’un passé qui la restreint encore trop. Une seconde chance pour avancer et enfin définir ce qui est bon pour elle et ce qui est nocif et doit être éliminé.

Une cicatrice en plus…
Les premières strient son ventre, symbole honteux de son infertilité, de ce que la vie lui a refusé. Et maintenant, celle qu’elle devine ignoble sous ce pansement, marquant ce que la mort lui a refusé. Paradoxe à son paroxysme quand l’une et l’autre se jouait ainsi de sa personne. Pas assez bien pour être mère et visiblement trop pour s’échapper du monde des vivants. Elle, l’égoïste, la prétentieuse, mais qui sauvait des vies, pansait les blessures, absorbait les problèmes. Tant d’années passées à prendre soin des autres. Et qui avait pris soin d’elle? Qui le ferait? Un ancien amant déjà marié et ses promesses futiles? Une amie aux sentiments trop forts qui s’oubliait et se rendait malheureuse? Une amante qui refusait la complexité qu’impliquait fatalement une relation exclusive et qui lui échapperait tôt ou tard? Qui? Personne. Absolument personne. Une citation lui revient en mémoire, sans pouvoir situer son auteur : Il serait égoïste d’être seul tout seul, autant l’être à deux. Un pansement, voilà tout ce que cette maxime lui inspirait présentement. Un pansement qu’il lui faudrait arracher, d’un coup ou lentement. Et se connaissant, nul doute qu’elle opterait pour la seconde option. Masochiste jusqu’au bout.

Le pouce contre le dos de sa main, que Maeve a l’impression de ressentir avec plus de détail comme si ses sens étaient plus sensibles la sort de la noirceur de ses pensées et elle trouve la force de relever ses yeux dans ceux de Friedrich. “Tu prévois de vacciner les autres quand?” Ils savaient tous deux combien ce genre de campagne était problématique. Pour la suspicion qu’elle inspirait, pour les effets secondaires qui inquiétaient, pour les retombées sur le corps médical et principalement sur le laboratoire et en particulier le généticien. Et si l’homme semblait se moquer de la pensée commune, la quadragénaire n’ignorait pas le poids sur ses épaules. De réputation et par la pression qu’il se mettait seul. Les autres ne le comprenaient pas. Mais elle savait. Maeve savait.

Resserrant sa main dans la sienne, autant que sa force le lui permet, elle fait l’effort d’étirer ses lèvres dans un sourire reconnaissant. “Merci.” Pas seulement pour la seconde dose ou sa présence ici, mais elle le savait suffisamment intelligent pour comprendre ce que cet énième remerciement englobait. Il n’en aurait probablement pas d’autres, pas des autres habitants, qu’il se nourrisse donc précieusement de celui-ci.

Quant au petit garçon, elle détourne le regard, honteuse d’avoir douté de sa réelle présence. Ce n’était pas comme si la doc n’en avait pas rêvé à de multiples reprises, lui conférant des traits uniques et une aura particulière. Des yeux si bleus, des cheveux d’ébène, un teint pâle… elle ne l’avait jamais imaginé autrement que lui ressemblant, loin de l’image d’un père qui ne se serait jamais occupé d’eux. “Je… c’était la fièvre… j’ai imaginé des choses… laisse tomber…” répond-elle, plus émotionnelle qu’elle ne le voudrait, qu’elle ne l’est en temps normal. “Il ne peut pas être ici…” Une nouvelle larme roule sur le côté de son visage et elle s’en veut de se montrer si faible, épuisée, dans les limbes des produits chimiques et des effets médicamenteux. Une douleur dans son ventre, elle le sait, purement psychosomatique.
Alors la chirurgienne se concentre sur son état, sur la suite des événements, à défaut de se laisser entraîner dans un passé révolu. “Qu’est-ce que je devrais surveiller après? Est-ce que tu soupçonnes des changements dans mon comportement? Est-ce que je devrais me méfier de certaines réactions? Je sais qu’il n’y a pas beaucoup de précédent et que chaque cas est unique et je refuse d’être seulement un sujet d’étude.” D’être simplement spectatrice.
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Re: Voodoo in my blood

Dim 10 Oct 2021 - 21:37

Maeve était une créature somme toute intrigante pour ceux qui ne faisaient que la côtoyer. Elle avait ce port de tête altier et ce regard perçant qui semble vous toiser à chaque fois qu’elle vous regarde. Sa peau diaphane contrastait avec la couleur naturellement pourpre de cette bouche qui semble rarement accorder autre chose qu’un rictus sarcastique. Nul doute qu’elle avait son propre fardeau à porter, comme chacun ici, dans ce monde. Mais la chirurgienne savait vous tenir à distance de ce qui comptait le plus pour elle, sa vérité. Son histoire, son passé. Elle n’accordait aux autres que ce qu’elle voulait bien en somme. Et même si l’autrichien pouvait le voir et spéculer sur ce caractère intriguant, il ne pouvait se vanter de bien la connaitre, malgré l’intimité que leur relation a pu avoir par le passé. Parce qu’elle ne lui avait jamais donné que ce qu’elle était capable de lui donner – et inversement. Friedrich aurait été bien incapable de combler le vide qu’elle semblait porter – même si elle l’avait voulu. Sans doute était-ce parce qu’ils avaient été tous deux conscients de ça que cette éphémère histoire s’était déroulée sans accro aucun. Pas d’attente. Pas d’espoir. Juste, l’instant présent.

Et cet instant, Friedrich décidait de le vivre près d’elle, à s’occuper d’elle alors qu’à son arrivée au dispensaire, il avait eu un doute et une inquiétude. Il était resté là, du début jusqu’à maintenant – pour des raisons purement professionnelles au début, jusqu’à ce que le souvenir de cette amitié ne refasse surface et ne l’incite à prendre le temps de veiller sur elle. C’était sans doute la distance de ces derniers mois d’ailleurs, qui incitait la quarantenaire à le laisser rester, alors qu’elle n’avait qu’un désir ; garder ses proches loin d’elle, le temps de se remettre. Elle n’avait pas besoin de cacher cette faiblesse à un ancien amant.

« Le temps nous presse un peu, mais début juillet nous pourrons vacciner la population entière – du moins, ceux qui le désirent. » Evidemment. La confiance en leur remède était faible, il le savait aussi ne mentiraient-ils pas sur leur manque de recul et leur incapacité actuelle de prédire d’éventuelles complications. « Je vaccine deux de nos sujets dans les prochains jours, afin de garder une avance d’approximativement deux semaines. En cas d’effets secondaires sur l’un d’eux, nous aurons une petite marge pour prévenir la population et réagir en conséquence. » Les erreurs d’hier ne seront pas faites demain, c’est ce qu’il tenait à lui faire comprendre en la mettant au courant. En tant que responsable médicales, Maeve n’ignorait pas ce qui se cachait dans les sous-sols du laboratoire – de plus, ne lui avait-il pas promis un jour, de ne jamais lui mentir ? Il s’y employait du mieux qu’il pouvait.

Elle le remercia alors, et le ton qu’elle employa le fit ciller un instant. Pendant quelques secondes, elle put observer le poids de toutes ces responsabilités qui pesait sur ses épaules. Ce que la plupart des citoyens de Fort Ward semblait volontairement occulter, pour mieux lui reprocher ce qu’ils n’étaient pas en mesure de prévoir. Elle comprenait, évidemment. Comment en aurait-il été autrement. Il a un mince sourire, reconnaissant, avant qu’il ne reprenne contenance et ne réenfile ce masque que l’un comme l’autre savaient si bien se parer au quotidien.  

Puis vint cette réflexion sur ce petit garçon qu’elle pensait avoir vu. Son regard l’évita soudain, alors qu’il lui disait ne pas se souvenir de lui. La fièvre. Très probablement. Il pouvait se contenter de cette réponse, si elle le désirait. Il l’observa un peu plus sérieusement, comme s’il tentait de déchiffrer ce qu’elle ne voulait pas lui dire. Friedrich, en réponse, se contenta de presser un peu sa main dans la sienne, pour la soutenir. « La fièvre. D’accord. » Le message qu’il lui glissait restait subtil. « Si jamais tu veux me parler de ce rêve » L’invite-t-il, dans un demi-sourire. Elle n’était obligée de rien, évidemment. Mais sa nature curieuse le poussait à lui demander quand même.

« Je ne veux pas que tu te surveilles de trop non plus, tu risquerais de t’épuiser plus encore. » La psychose n’était pas une bonne idée dans son état. « L’agressivité, la faim peuvent être des symptômes. Mais cela peut être lié à ton vaccin et la réaction du virus. Je t’ai injecté une dose de sérum pour l’apaiser, mais peut-être en auras-tu à nouveau besoin plus tôt que d’habitude. Cette morsure a stimulé le virus, tu es au régime viande rouge, encore quelques jours. Mais si tu ressens… des excès d’humeur, ou l’impression que ce qu’on te donne à manger ne te suffit pas, alerte-nous. Nous avons de quoi soulager ces maux. Mais je ne m’attends pas à autre chose, vu comment tu te remets. » Dit-il, avec une certaine assurance. Effectivement, chaque cas était différents, mais l’autrichien était certain qu’une transformation n’était plus à craindre. Il fallait surtout stabiliser sa faim et ses humeurs, avant de pouvoir lui injecter la version définitive du vaccin.


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Re: Voodoo in my blood

Jeu 21 Oct 2021 - 15:01

Compartimenter, même quand son esprit lui semblait scindé en un millier de morceaux. Mettre de côté le personnel, l’intime, au profit de faits scientifiques, de données mathématiques, de certitudes. Le vaccin, la population. Les possibles effets secondaires, l’animosité que cela risquait d’engendrer. L’inimitié sur les blouses blanches ou la consécration de l’équipe scientifique. Toutes ces étapes, tous ces sacrifices. Mais l’immunité. Sans tout ça, elle ne serait plus là. Mais sans tout ça, aurait-elle seulement pris le risque de quitter ces murs, se serait-elle jetée en avant vers le danger, aurait-elle été si stupide? N’y avait-il pas un lien ténu et insidieux finalement entre cette toute puissance et la naïveté dont elle avait fait preuve? Mettez un gilet par-balles à quelqu’un et il craindra moins les balles, voilà un fait. Vacciner quelqu’un contre la grippe et il oubliera les gestes sanitaires les plus simples. Vacciner quelqu’un contre le virus qui les avait décimés et…

Non, pourquoi s’infligeait-elle ce genre de pensées? C’était une bonne chose, ça l’avait toujours été, alors elle acquiesce, fermant les yeux quand le sujet des cobayes est soulevé, même brièvement. Maeve ne veut pas savoir ce qui se trame dans les sous-sols du laboratoire. Consciente de ce qu’il faut pour mettre au point un remède mais plaçant volontairement des œillères pour ne pas avoir à réfléchir aux moyens employés. Ce n’était pas sa responsabilité si elle n’en parlait pas, vrai? Et tout le monde ici savait qu’il ne valait mieux pas évoquer le sujet face à elle. Tout dans ce procédé allait à l’encontre de chacune de ses convictions les plus profondes. Si la nécessité primait sur ses idéaux, si elle ne blâmait pas les autres, ne faisait pas dans le commentaire moralisateur et hypocrite, ça ne retirait rien à ses sentiments face à la chose. Ses yeux traînent à nouveau sur le bandage à son avant-bras. Oui, il fallait des victimes pour parvenir à un tel résultat. Et tant que les cobayes n’étaient qu’une idée évoquée, un sujet  succinct dans la conversation, que la doc ne pouvait ni leur conférer un visage ni une identité propre, elle continuerait d’avancer.

La pression masculine sur sa main, le regard qu’elle croise et n’est pas complètement dupe, ses failles qu’elle sent exposées comme les chairs à vif de son bras. Elle se sent soudain étouffer, là, à l’intérieur. Trop de pensées, trop de sentiments et c’est un nouveau tourbillon qui menace de la submerger. Elle aimerait trouver la valve, le bouton ou qu’importe pour éteindre tout ça, replonger dans cette semi-conscience salvatrice et se laisser bercer par l’effet des médicaments. Tout pour cet état larvaire et cotonneux qui met toute sa vie en pause. “En parler n’y changera rien” finit-elle par souffler, épuisée, refusant de se laisser aller dans cette voie. Maeve a sans doute encore conscience qu’elle regrettera ses confessions dans quelque temps et toujours la préservation. Même si elle n’apporte rien d’autre que la solitude et le regret.

Et la doc a beau essayer du mieux qu’elle peut de se raccrocher aux certitudes de son collègue, ancien amant et peut-être encore un peu ami, à son professionnalisme et capacités hors-normes dans le domaine, le doute est plus insidieux, sa parano également. Elle le sent. Et tous ses beaux principes n’y changent rien. Là, qui coule dans ses veines, qui la rongent de l’intérieur, grattant depuis ses entrailles pour se répandre. Et comment dissocier des changements d’humeur quand tout lui semblait si… démultiplié déjà? Comment dissocier l’agressivité du virus à sa rancoeur déjà présente? Mais elle se tait, refuse de se plaindre plus qu’elle ne l’a déjà fait ou d’offrir une raison supplémentaire de la garder ici. La faim… oui, peut-être que c’est le seul signe qui la soulage un minimum. Son peu d'appétence à s’alimenter et l’écoeurement devant toute source de nourriture. La faim est absente. Assurément. “Je suis fatiguée…” murmure-t-elle finalement pour ne pas avoir à mettre des mots sur ses maux. Sur ses pensées. Sur la lave qui bout en elle.

Caressant de son pouce la main du généticien, elle relève les yeux vers lui, presque implorante. “J’ai besoin de dormir” et se forçant à lui offrir un maigre sourire de consolation, elle finit par retirer sa main de la sienne, récupérant ainsi son espace et se replongeant dans cette solitude qu’elle affectionne tant.

Il y aurait de toute façon d’autres examens, d’autres rencontres, d’autres échanges. Le docteur devenu cobaye. Si elle n’était pas si épuisée, probablement un rire sardonique résonnerait dans la pièce. Mais déjà ses paupières deviennent lourdes et ses yeux commencent à se fermer.
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Re: Voodoo in my blood

Mer 27 Oct 2021 - 13:59

Quand il la regarde, allongée comme ça dans ce lit d’hôpital, il ne peut s’empêcher de se demander quel genre d’ami il était, finalement. Parce qu’en cet instant, il pouvait la voir dans un certain état de vulnérabilité qui laissait se marquer sur son visage la fatigue sous ses yeux, les rides d’inquiétudes sur son front, le stress sur sa peau diaphane. Depuis combien de temps n’avait-il plus pris des nouvelles d’elle ? Depuis combien de temps ne s’était-il plus intéressé à sa réponse quand elle lui disait que tout allait bien, comme d’habitude ? L’autrichien n’était certainement pas l’ami le mieux placé pour l’aider. Il était parfois plus facile de se satisfaire de ce banal mensonge, que de creuser plus loin. Et puis, cela faisait un moment qu’ils ne se voyaient plus – plus de cette manière en tous cas.

« Fut une époque où tu pouvais me raconter, même si ça ne change rien. » Dit-il, sans lui faire le moindre reproche cependant. Elle savait bien pourtant, qu’il serait la dernière personne à la juger elle, et ses idées noires. Ils en avaient partagées quelques-unes, fut un temps. Depuis, de l’eau avait coulé sous les ponts. Quinn était venue vivre chez elle, et mal à l’aise avec les rapports entre lui et la scientifique, lui et Maeve avaient trouvé plus sage… d’en rester là. Quinn était à cette époque, leur priorité – chacun à leur manière. Elle, en prenant soin de son amie. Lui, en la laissant partir. Il esquisse un petit sourire triste, alors que la fatigue la gagnait. « Je vais te laisser, je voulais juste m’assurer que tu ne sois pas seule en te réveillant… » Il presse encore sa main, une dernière fois, avant de se relever du lit, pour la laisser seule dans cette chambre.

Sur le seuil, il s’arrête un instant, tournant son visage à demi vers elle. « Tu comptes pour ces personnes… » Dit-il, en faisant référence à ceux que la chirurgienne tenait tant à éloigner de cette chambre. « Ne les tiens pas trop à l’écart… Elles sont là pour toi. » Et lui aussi, autant qu’elle en aurait besoin. Autant qu’un ancien amant et ami pouvait l’être, si elle en exprimait le besoin.

***

Une quinzaine de jours était passée depuis qu’elle s’était réveillée. Comme promis, il avait prétexté un prolongement de la quarantaine, pour éviter les visites dont elle ne voulait pas – si celles-ci n’en avaient pas tenu compte, ce n’était pas de son fait. Mais cette quarantaine touchait à sa fin, à présent. S’il était venu quelques fois en qualité de scientifique, il s’était attardé plus d’une fois, comme un ami – autant qu’elle en exprimait le besoin. Il comprenait un peu mieux certains sermons que lui faisaient Calypso concernant le comportement déplacé qu’il pouvait avoir envers les autres. L’égocentrisme de Friedrich le faisait souvent passer à côté de choses importantes, entretenir ces liens d’amitiés n’étaient pas si facile que ça en avait l’air. Mais puisque la statisticienne croyait qu’il pouvait s’améliorer ; il essayait.

Il franchit alors le seuil de cette chambre toujours aussi austère. Heureusement, la patiente n’était plus dans un aussi sale état qu’aux premiers jours ; mieux ! Elle était déjà habillée, prête à partir. « J’arrive au bon moment, on dirait. » Quelques minutes plus tard, et il aurait probablement trouvé la chambre vide. Il s’approche d’elle, et malgré que cela fasse plusieurs jours que toutes les constantes étaient bonnes, le généticien la força à se redresser et à le regarder, venant poser sa main sur son front pour vérifier sa température. « Toujours pas de fièvre, de démangeaisons, de douleur… ? Tu manges ? » Qu’il la questionne, sérieusement. La campagne de vaccination arrivait à grand-pas, il aurait aimé pouvoir la compter parmi les vaccinées mais… ce serait encore trop tôt.


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Re: Voodoo in my blood

Lun 1 Nov 2021 - 18:48

Elle aurait aimé que les mots fassent écho à sa raison, à son désir d’abandon, mais si un sourire reconnaissant peut se lire sur ses traits, elle sait qu’elle les oubliera ou, comme souvent, se les remémorera trop tard. Lâche et têtue ne faisaient jamais un mélange des plus parfaits dans les liens sociaux et intimes. Et Maeve était malheureusement les deux. Alors quand la porte se referme, quand la voix apaisante du scientifique ne berce plus son esprit trop encombré, elle préfère opter pour le sommeil médicamenteux, lourd et sans rêve. Une pause. Salutaire. Bien plus qu’elle ne peut encore le soupçonner. “Tout ira bien…” soupire-t-elle déjà à moitié dans les bras de ce bon vieux Morphée sans même reconnaître le son de sa propre voix.

***

Quatre jours? Peut-être cinq?
Le refus d’anti-douleurs va de pair avec le retour de ses insomnies. Un instant, assise sur son lit, elle pense s’éclipser juste quelques minutes au clair de lune pour respirer autre chose que l’air chargé de cette pièce. Si la solitude lui est bénéfique l’enfermement devient pesant et la chambre prend des allures de prison. Mais même si le dispensaire est calme de nuit, le risque de croiser un collègue, ou pire, un patient alité, reste trop grand.
Se redressant, seulement vêtue d’un short de nuit et d’un débardeur à cause de la chaleur encore étouffante, elle fouille dans le peu d’affaires qu’on lui a apportées pour dégoter un paquet de cigarettes presque vide. Artisanales évidemment, merci Jill...Si elle se fait griller ma foi… il y aura au moins un peu d’action dans son quotidien ritualisé.

Le bruit de la pierre, les quelques étincelles, la flamme qui jaillit et le crépitement du tabac qui s’embrase calme déjà le stress qui et l’énervement qui menaçaient de la rendre chèvre depuis plusieurs heures déjà qu’elle tente vainement de trouver le sommeil. La fenêtre ouverte en grand, elle profite du courant d’air qui s’engouffre par l’ouverture pour inspirer à plein poumons, la tête lourde et la migraine jamais loin. La cigarette ne fera que la rapprocher plus rapidement mais entre la peste et le choléra…
Prenant place sur le rebord de la fenêtre, elle souffle la fumée vers le ciel, admirant les volutes informes s’y disperser et disparaître, tentant de faire le vide, en vain.

La chirurgienne est un volcan en éruption. Tout l’insupporte, tout l’afflige. Les gens, la situation, l’endroit, les conséquences. Tout s’entrechoque dans d’immondes contraires ingérables. La solitude la tue mais elle refuse pourtant les visites. Le dispensaire lui manque et lui sort par les yeux dans le même temps. L’absence de travail menace de la faire basculer et pourtant elle ne redoute rien de plus que reprendre les rênes. Les regards, les explications, la sollicitude, la pitié, le réconfort, elle ne veut rien et les quémande inconsciemment dans un coin de sa caboche. Elle veut tout et ne désire rien. Et cette guerre infernale dans sa boîte crânienne la fait plonger toujours un peu plus loin. Toutes ces pensées, encore et toujours, sans jamais une seconde de répit et “Aïe!” Se redressant dans un sursaut, elle frotte l’intérieur de sa cuisse où une cendre chaude vient de la brûler. Fermant les yeux quelques secondes, elle se focalise sur le picotement qui déjà s’atténue et expire bruyamment, se sentant comme une parfaite idiote.

Tirant une nouvelle fois sur sa cigarette, le cours de ses pensées reprend et le torrent se déverse à nouveau dans de terribles remous. Et puis… ça fait tilt. Là, durant la minute où son cerveau n’était focalisé que sur la douleur, à quel point le torrent est redevenu une rivière calme. Fronçant les sourcils en baissant son regard sur l’intérieur de sa cuisse, le bout de ses doigts viennent frôler l’endroit où tout s’est dissipé en une fraction de seconde, la libérant de ce trop plein, de cette étouffante déferlante. Une nouvelle bouffée et elle tapote le tube pour retirer le surplus de cendres. Juste une pause, c’est tout ce qu’elle demande. Une minute ou deux de rien. Se fixer sur une seule information. Sans vraiment qu’elle s’en rende compte, l’incandescence se rapproche de ses chairs. Juste une minute ou deux de rien. Alors, contre toutes ses convictions les plus ancrées, contre toutes ses idées et idéaux médicaux, elle écrase la cigarette contre sa cuisse et serre les dents face à la morsure de la brûlure en fermant les yeux pour ne pas y échapper. Se concentrer sur elle. Rien que sur ça. Juste ça. Une minute ou deux.

***

La porte s’ouvre sur Friedrich et un sourire étire un instant ses lèvres alors qu’elle fourre le reste de ses vêtements dans un sac. “Deux minutes plus tôt et tu te rinçais l’oeil gratuitement” rétorque cette dernière dans un léger rire pour faire bonne figure. “Désolée, c’était nul…” Pour sa tentative d’humour ou leur passé commun, peu importe. Levant les yeux au ciel quand il joue les médecins personnels, elle se demande si elle paraît aussi agaçante quand ses réflexes la poussent à agir de même avec ses patients. Probablement, mais la quadragénaire ne lui en tient pas vraiment rigueur. L’inverse l’aurait certainement déçue pour être honnête. Le généticien a été bien plus que le chef du laboratoire ou le généticien attitré du camp durant cette dernière quinzaine, et si elle lui a signifié à plusieurs reprises sa reconnaissance pour tout, ça la touche plus qu’elle ne voudra jamais l’admettre. “Je n’ai pas dépassé les 37.6 depuis neuf jours, les démangeaisons ne couvrent que la peau cicatrisante et ne s’étendent pas, la douleur est plus que normale et… l’appétit est toujours en vacances. Je mange parce que je le dois c’est tout.” Les quatre kilos perdus sur un corps déjà en besoin parlent de toute façon pour elle. “Je suis toujours irritable au possible et j’ai l’impression d’être sous un feu d’hormones h24 mais sinon je dirais que… ça va” Si on retirait de l’équation tout ce qu’elle taisait et ses nouveaux petits rituels masochistes et malsains. “Et si tu me parles de ménopause je te fais une démonstration de mon irritabilité.” Parce que l’un de ses collègues lui avait déjà fait la remarque. “Je peux sortir, Professeur Eden?” Demande-t-elle dans une petite moue de fausse enfant sage, laissant un léger sourire étirer ses lèvres de façon mutine.

Non, rien n’allait vraiment, mais rester ici ne l’aiderait pas à aller mieux. Plus maintenant.
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