« Ça ne peut pas être compliqué. » avait dit Valérian d’un air dégagé tandis qu’il s’approchait en compagnie de Jaren du terrain de basket improvisé. « Il suffit de dribbler et de passer le ballon dans le panier. C'est à la portée de n'importe qui. »

Lorsque Cesare était venu le trouver pour lui proposer de les affronter, lui et Isha, le grec l’avait considéré des pieds à la tête, comme on évalue une proposition incongrue, puis avait accepté d’un vague hochement de tête. Il n’avait jamais été un grand sportif, loin s’en fallait !, et suivre les matches à la télévision n’avait jamais représenté un grand intérêt à ses yeux. Vraiment, comment pouvait-on se passionner pour une activité pareille ? Une telle chose le dépassait et lui inspirait même une pointe de dédain.

Et pourtant, il avait accepté la proposition de Cesare. Parce que le grec ne refusait jamais un défi et parce qu’il était intimement convaincu de la facilité avec laquelle il relèverait celui-ci. Ce serait un jeu d’enfant, ah ! Suite à l’attaque de ces rôdeurs, il avait en outre grand besoin de se changer les idées. La proposition de Cesare tombait par conséquent à point nommé. D’après ce que lui avait dit Sasha, que la perspective d’assister à ce match réjouissait tout particulièrement, faire de l’activité physique était extrêmement bénéfique au moral et lui permettrait de chasser de son esprit les préoccupations qui le tenaillaient depuis quelque temps... ce qui pourrait bien le rendre aimable, avait-elle gracieusement ajouté.

Les travaux du Merchants s’annonçaient en effet conséquents, et ils avaient tous du pain sur la planche pour se prémunir de la menace que représentaient ces rôdeurs. Et pourtant, une trêve avait ce jour-là était décrétée pour que chacun se détende et oublie, l’espace de quelques minutes, leurs tracas quotidiens. Pour cela, le grec était reconnaissant envers Cesare et Isha. Le groupe, en proie à une certaine morosité, avait certainement besoin de cette distraction.

Chaussé de baskets confortables, Valérian retroussa tranquillement ses manches puis se passa une main dans les cheveux. Il jeta un coup d’oeil à son voisin tandis qu’ils avançaient vers Cesare et Isha qui les dévisageaient d’un air goguenard, affichant de façon ostentatoire l'assurance de futurs vainqueurs. « Ils vont vite déchanter et perdre leurs petits sourires. » glissa-t-il d'un air entendu à Jaren avant de se féliciter : « nous allons les battre à plate couture, j’en suis convaincu ! Le mot « défaite » prendra tout son sens après ce match. » Après tout, le garde-chasse était si grand qu’il lui suffisait de lever le bras pour passer la balle à travers le filet. Comment pouvaient-ils perdre dans de telles conditions ?

Les lèvres étirées d’un sourire affable, le grec se planta face à leurs adversaires du jour et les considéra avec indulgence, comme si cette partie de basket n'avait été qu'une ennuyeuse formalité. « Très bien. Pouvons-nous commencer ? » demanda-t-il poliment.

Je sais pas dans quoi je m'étais lancé. Mais dans une sacrée mouise. Ca faisait des lustres que j'avais pas touché à un ballon, et j'avais accepté le défi un peu pour rire. Pour rire plus qu'autre chose. Mais vu la tête que tirait tout le monde, c'était sacrément sérieux. J'avais l'avantage de la taille, mais c'était à peu près tout. Et tous les coups étaient permis.

Mais malgré cette ambiance tendue de défi, j'étais content de pouvoir m'amuser un peu. Ca faisait longtemps qu'on s'était tous un peu perdus dans nos discussions sérieuses, notre survie, et tout un tas de trucs pas si intéressants. Enfin si, mais pas bons pour le moral.
Alors, même avec un peu de volonté de vaincre, je marchais avec Valérian, le sourire aux lèvres. Un peu d'auto-dérision ne pourrait faire de mal à personne.

Je soufflais du nez devant la détermination du grec. Il semblait avoir une sacrée confiance en mes compétences, et ce n'était pas rassurant. Plus hautes sont les attentes, plus dure sera la chute. Mais un coup d'épaule bien placé pouvait nous donner l'avantage. Accidentel, bien entendu. Bien entendu.

- Ménages-toi tout de même, ils risquent de pleurer.

Isha et Cesare étaient tout aussi déterminés que nous. Voire peut-être même plus. Mais bon. Ca ne nous empêcherait pas de leur mettre une rouste nécessaire.

Avant le début du match, je jetais un oeil dans le public, qui regardait avec autant d'intérêt cette rencontre hétéroclite que nous. Yulia me faisait signe sur le côté, et je lui rendis son sourire.

- Bon allez les nuls. On commence ?

Au moins, les bases étaient posées. Les tensions au grand jour. Le combat ne se jouerait pas à la vie ni à la mort, mais bien au panier.
Je tendis mon poing à Valérian pour qu'il le frappe contre le mien. Pour une fois, on était une équipe, et on pourrait faire quelque chose de bien. C'était un geste probablement stupide, mais ça représentait pas mal de choses.

Les règles:

Spoiler:

Déconcerté, Valérian papillonna des yeux à la répartie d’Isha. « Je ne suis pas vieux ! » s’indigna-t-il aussitôt, les sourcils froncés. « Ce n’est pas parce que tu as encore du lait maternel au coin des lèvres, Isha, que tous ceux qui ont quelques années de plus que toi le sont ! » Vieux, lui ? Ce gamin ne manquait vraiment pas d’air !

Un sourire narquois étira les lèvres de Valérian à la provocation de Jaren. Il inclina la tête sur le côté et dévisagea ouvertement leurs adversaires. L’esprit de compétition le gagnait rapidement, et diffusait dans ses veines une féroce détermination ; comme un incendie aurait embrasé ses nerfs. Il lui paraissait à présent inconcevable que lui et Jaren perdent cette partie. Absolument inconcevable. Ils ne pouvaient pas perdre ; il en allait en effet d’une fierté inconséquente.

La risette du grec s’élargit, carnassière, lorsque son partenaire lui présenta son poing : Il heurta sans hésiter ses phalanges des siennes. Ce geste muet, en apparence simple, avait une signification bien particulière en cet instant. « Allumons-les. » chantonna-t-il, un éclat féroce dans le regard. Il se tourna vers Cesare qui détaillait succinctement les règles de la partie qu’ils allaient disputer : ne pas effectuer deux pas sans dribbler, ne pas sortir des bandes blanches… Valérian épingla dans un coin de son esprit les indications de Cesare et hocha machinalement la tête.

Ses yeux s’écarquillèrent ensuite lorsque leurs adversaires se déshabillèrent intégralement. Partagé entre l’effroi, la stupéfaction et l’indignation, le grec resta un instant bouche bée face à la virilité fièrement exhibée de Cesare et Isha. Le jeune homme ne manqua pas de s’enorgueillir de ce prétendu coup de génie. « Tout ce que je constate, c’est que vous n’êtes décidément pas de taille à nous affronter. » répliqua Valérian avec un sourire charmant. Ils avaient tout intérêt à protéger ces précieux petits appendices. S’ils imaginaient que quelques remords le dissuaderaient de heurter inopinément leurs parties, ils se mettaient le doigt dans l’oeil… et jusqu’au trou du cul, comme dirait une certaine russe.

Cesare s’empara rapidement du ballon et tenta de se frayer un chemin jusqu’à leur panier. Jaren intercepta cependant l’italien. Rapide, Isha récupéra ensuite la balle et contourna avec une aisance déconcertante le grec pour marquer. « Quoi ? » Stupéfait, Valérian contempla le jeune homme qui les provoquait ouvertement. Les ailes de son nez frémirent dangereusement : « ce n’est pas terminé ! » vociféra-t-il en récupérant d’un geste brusque le ballon.

Il entreprit à son tour de dribbler, tant bien que mal. L’exercice n’était effectivement pas aussi simple qu’il l’avait imaginé. La suite lui échappa de fait quelque peu : alors qu’il progressait rapidement vers la zone adverse, le grec perdit subitement le contrôle du ballon qui le heurta… en plein visage.

Étourdi par le coup, Valérian vacilla un instant et porta une main à son visage. Une douleur sourde se répandait dans sa joue et le fit grimacer. Il dressa alors un index menaçant en direction de ses compagnons. « Ne dites rien. Ne dites surtout rien. »

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