C'est qu'elle avait du caractère la petite, enfin bon, je ne voyais pas bien ce que j'avais pu dire ou faire de mal susceptible de m'attirer son courroux. En quoi lui demander après ses capacités plutôt que de m'en rendre compte sur le coup, quitte à nous mettre en danger, était vexant? Je ne la connaissais pas, pas plus qu'elle me concernant, alors s'informer sur l'autre en terrain dangereux était légitime....enfin bon, les gens et leur sensibilité c'était toujours quelque chose.
Dans le fond, nous avions bien défoncé leur défense et leur maison, c'était peut-être normal qu'elle soit à cran et que devoir me suivre pour quelque chose qu'elle aurait peut-être fait naturellement soit agaçant, je n'étais pas non plus jouasse que de devoir concilier avec une inconnue. Allez, soyons bonne joueuse, un point pour elle donc.

Sa répartie et sa hargne était presque adorable, je la laissais prendre les rennes sans rechigner, amusée par son agacement autant qu’intéressée par ses aptitudes. Son regard se détache du mien, sa tête se tourne vers le sol et la voilà partie. Elle n'hésite pas, avance avec aplomb, elle est douée, c'est un fait. Mes pas se calquent aux siens et nous avançons pour rapidement nous trouver des trainards.
Elle est silencieuse et bouge avec aisance, ok elle savait, c'était plutôt rassurant. Plus que de devoir se trainer un boulet bruyant et maladroit.

J'acquiesce à sa proposition, me retenant de justesse de lui demander si ça irait, j'avais retenue la leçon, si elle s'en sentait capable. Il ne manquait plus qu'a espérer que ce soit réellement le cas.

Je me sépare d'elle et prends un sentier à peine esquissé par le passage d'une faune désormais peu farouche. Je m'approche sans réel problème du rôdeurs piégé. Il est plus dur de le rejoindre à cause de la végétations et des ronces qui ont accroché sa chair et l'ont entravé qu'à cause de sa vigueur. La bestiole n'était pas morte récemment au vu de l'odeur et de son état. Tant mieux, moins il y avait de chair, moins ça tenait et moins c'était robuste. Bref une proie facile. Il me remarque et s'agite de plus belle. Je taille dans les ronces et les branches, il se débat et claque des dents. Je détestais ce son, mais j'arrive finalement à sa hauteur, sans le libérer, l'achever ne met pas trop de temps.

Je ne vois pas ma nouvelle acolyte, la végétation me la cache et je n'ose pas l’appeler pour ne pas risquer de la mettre en danger. Je ne peux que rebrousser chemin rapidement et aller l'aider.

Laissant sa complice partir d’un côté, Selene finit par trouver de quoi faire du bruit. Une large pierre, qui tenait même difficilement dans sa main. Elle retint son souffle, arma son bras et l’expédia de toutes ses forces dans la direction opposée à celle qu’allait prendre Nova. Ça fonctionna, les deux charognes se retournèrent maladroitement et titubèrent vers le point de chute de la roche. A pas de loup, la musicienne les suivit, pour être certaine de ne pas les perdre de vue.

Ce qu’elle n’avait pas anticipé, ce fut le buste de charogne qui s’extirpa de sous un buisson pour lui saisir la cheville. Vu son état, il avait été charcuté par un animal sauvage. Sans doute un ours. Ses boyaux trainaient dans l’herbe, sa chair était lacérée à plusieurs endroits. Le sang avaient évidemment cessé de couler et les plaies étaient putréfiées, alors ça datait de plusieurs jours, mais ce semi-cadavre, même empêtré dans les branchages, avaient suffisamment de force pour la retenir.

- Chiotte ! Maugréa Selene.

Elle écrasa son pied libre à plusieurs reprises dans la face du vorace, mais l’os de la boîte crânienne était encore trop dur. Il résista, elle ne fit que lui réduire le cartilage du nez en charpie et à lui déchirer la peau de ce qui restait de son visage. Finalement, d’un geste rageur, elle abattit violemment sa semelle sur l’avant-bras du mordeur et cette fois, les os se rompirent net. La pianiste put se dégager, mais les râles avaient attiré les deux rôdeurs qu’elle avait fait s’éloigner un peu avant.

Selene bondit en arrière, échappant de peu à la poigne de l’imposante charogne qu’elle avait repéré plus tôt. Elle trébucha sur une racine et tomba en arrière. Ses coudes amortirent le choc, foudroyant ses bras d’une décharge douloureuse. Les prédateurs putréfiés ne lui laissèrent pas de répit, ils fondaient sur la jeune femme avec avidité. Celle-ci roula sur le côté, se redressa en quatrième vitesse, non sans glisser dans la terre meuble. En deux grandes enjambées, elle avait repris ses distances. Maintenant… il allait falloir se débarrasser de ces pots de colle !

Un rôdeur en moins, c'était une bonne chose, mais empêtré dans les ronces qu'il avait été, ce n'était pas le plus problématique, disons que ses râles comme une alarme aurait rapidement pu attirer d'autres de ces monstrueux compagnon, mais en l'état il n'était pas dangereux à proprement parlé. Ceux encore en état de bouger et surtout de mordre...C'était une autre pair de manche. Heureusement, pour le moment aucun déviant ne semblait être de la partie. Sinon ça aurait viré à l'enfer.

Je rebrousse chemin et rejoint rapidement Sélène à l'endroit ou nous nous étions séparés. Personne. Cela dit je la retrouve pas beaucoup plus loin et pas en si bonne posture que ça, en atteste les feuilles dans ses cheveux et la terre qui macule sa peau. J'aurais pu lui balancer je ne sais quelle vanne, mais disons que c'était pas tout à fait le moment.
"Ca va aller? Pas de morsure?"

Plus besoin d'être discrète maintenant que les deux rôdeurs l'avaient acculé. Je dégaine mon couteau de chasse et gesticule en faisant du bruit pour en attirer sur moi. Pour la finesse et l'élégance on repassera, cela dit c'était efficace car le plus proche de moi finit par dévier malgré une obsession tenace pour le gibier qui était devant eux en la personne de Sélène. Faut dire que s'il n'avait pas bouger, j'aurais fini par lui faire un câlin tellement je m'étais rapproché.
Celui là est plus vif que son homologue définitivement mort. Tant qu'il n'y avait pas de surnombre je pouvais gérer. Je réussis à le faire tomber en crochetant ses pieds de sorte à ce que même ces créatures incapables de ressentir la douleur ne puisse plus tenir debout. Il s'écrase lourdement au sol et je profite du mouvement pour lui enfoncer mon couteau dans l’œil.
Clairement, il était en trop bon état pour que la lame traverse l'os sans rechigner. Le son qui en résulte est absurde, dégoutant, mais il cesse de bouger.

Utiliser une arme à feu aurait été plus simple, rapide et prudent, mais ça aurait pu en ramener d'autre, en plus avec le vent qui commençait à se lever, le son pourrait porter bien plus loin que la simple plaine et c'était pas le moment de ramener une horde dans le coin.
Je me relève et fais un état de la situation. Un rôdeur qui grognait à terre en rampant, mais incapable d'aller bien vite, il pouvait attendre, et un autre qui avait jeter son dévolu sur la demoiselle.