Putain la journée passe affreusement lentement, et je me sens au pire de ma forme là. Mon ventre me tire, j'ai du mal à me déplacer, et Esther a décidé qu'elle allait vadrouiller partout où elle pourrait sans que je puisse la surveiller. Stanley devrait être là mais comme c'est un homme important, et vu que je lui ai que passé la bague au doigt, je suis pas forcément au fait de tout ce qu'il trafique, où et avec qui. Là, j'aimerais quand même pouvoir l'appeler, parce que mon ventre est tellement tendu, parce que j'ai eu quelques contractions ce matin, que je me dis que bouger seule est pas une grande idée.

Heureusement, Cole a prévu de passer, c'est surtout lui que j'attends pour me sauver la mise. Le souffle qui se coupe par instant à cause de la douleur, je tâche d'avoir l'air concentré, au moins pour ne pas me laisser aller à crier quelques injures sous les oreilles innocentes de ma première qui veut pas être d'une grande aide. La porte en bas s'ouvre, je vais pour appeler mon ami à l'aide mais me retrouve coupée par une pointe encore pire que la précédente, et l'envie de surtout rien faire. Esther se bouge, de son côté, vadrouille jusqu'à la porte qu'elle arrive pas à ouvrir de notre chambre. Merde, voilà.

Coooooole ! que je l'appelle finalement : On est dans la chambre, je suis une grosse baleine échouée, viens m'aider !

A me mettre debout pour commencer, ou alors à faire taire cette affreuse contraction qui m'empêche de respirer comme il faudrait. Je souffle un grand coup, alors qu'Esther attire un peu plus l'attention de mon ami dans notre chambre - en bordel évidemment.

Cole ! Articule-t-elle avec joie en le voyant, lui offrant son plus beau et son plus grand sourire. Ses cheveux ont bien poussé, ses yeux sont restés d'un bleu perçant. Elle se retourne et me désigne du doigt, comme pour lui signaler qu'il faut faire quelque chose pour moi.
Hey, je t'accueille pas avec une hola, mais j'aurais besoin d'un petit coup de main pour me mettre debout, que je lui souffle avec une oeillade désolée.

Le débarquement de Cole à la maison a ça de rassurant que je me sens vraiment pas bien actuellement. Un soupir m'échappe, de soulagement évidemment, alors que j'adresse un sourire crispé à mon ami. Il se rapproche et m'aide à gérer Esther - ce qui est déjà un bon début avant de m'aider à me remettre debout dans la foulée. La douleur à mon ventre se fait plus forte encore l'espace d'une seconde, quand une vilaine contraction me prend dans la foulée et que je sens une vive humidité entre mes jambes. Quand elle cesse, je réalise ce que ça veut dire, et relève un sourire vers mon meilleur ami :

Ok Cole, merci d'être là mais t'inquiète pas, ok ? Que j'entame dans la foulée.

Lui qui est venu pour me filer un coup de main doit pas voir que son après-midi chill vient de se transformer en guerre ouverte contre mon utérus. Mon sourire se crispe un peu, je me doute qu'il va pas trop garder son calme si je lui hurle dessus que j'ai mal et que ça va pas du tout. Du coup faut que je relativise et que je prenne le temps de respirer profondément :

Il vient de se passer un truc un peu... Enfin... Non mais trouver les bons mots pour expliquer les choses aussi évidentes quand t'as mal, c'est pas exactement la chose la plus facile, forcément. Je viens de perdre les eaux en fait, que j'ajoute à l'attention de Cole en essayant de conserver mon sourire de circonstances. Ce qui veut dire que je suis en train d'accoucher !

Enfin, je vais pas lui faire un dessin, il se retrouvera assez vite avec un bébé dans les bras si c'est ce que j'essaie d'entamer. Et comme il est pas question que je fasse comme Indiana et que je mette mon enfant au monde dans la baignoire, je m'accroche à l'épaule de Cole :

Mais t'inquiète pas, je l'ai déjà fait une fois, donc ça va bien se passer là, encore ! Y'a pas de raisons du contraire en tout cas : On va se rendre lentement vers le dispensaire tous les trois...

Ok, ok, on y va doucement par contre, que je souffle à Cole avec un regard suppliant en pinçant les lèvres. Je me sens grave pas bien de lui infliger ça, d'autant que je sais qu'il est du genre suffisamment sensible pour faire une crise de panique si les choses se déroulent pas au mieux. Et en terme d'accouchement, entre la douleur et le choc de l'événement, le mieux est pas défini pareil que le mieux ordinaire, quoi ! Parait que la marche ça accélère un peu le processus, et je tiens pas à le mettre au monde sur le trottoir !

Même carrément pas. Cela dit ça fera une anecdote sympa à raconter aux repas de famille, je dis pas. C'est juste que j'espère mieux pour Esca. Car ouais, c'est comme ça qu'on va l'appeler, on a hésité un moment avant que je rappelle à Stanley qu'il avait un meilleur ami avant, auquel il tenait comme la prunelle de ses yeux, et qui est plus là pour faire les conneries avec lui. Même si le nom est pas un coup de cœur, j'dois que le symbole compte d'avantage à ce sujet et ça me va que mon enfant soit associé à un bout en train que Stan a aimé comme jamais.

Surtout reste calme hein, parce que si tu paniques, je vais paniquer aussi et on aura l'air de sacrés abrutis, que j'ajoute à l'égard de Cole avec un sourire qui se veut confiant. On sort de la maison, on referme derrière, c'est pas exactement ultra fluide entre nous mais franchement, ça pourrait être bien pire que ça. Je souffle. Une contraction me reprend et me force à me baisser doucement pour encaisser la douleur. Je me sens honnêtement pas très bien. Les jambes sciées, je sais pas comment je fais pour marcher. Tiens, parle-moi de ce que tu veux !

Je sais pas, il a forcément des nouvelles ? Il voit plus le monde que moi dernièrement, vu que je peux pas faire grand chose.