21 juillet 2021

J’inspire alors que je regarde tout autour de moi, pas franchement convaincu par ce que j’ai sous les yeux. Pourtant, c’est comme ça que je l’imaginais les derniers jours, que je pensais à ça. J’ai récupéré un matelas, un paquet de coussins pour donner l’impression que c’est un canapé. Des espèces de guirlandes de lampions que j’ai trouvés au Store à Olympia et qui marchent à piles. Et, clou du spectacle. Un lecteur DVD chargé à bloc. Avec une batterie de secours au cas où. Sans compter les DVD qui vont bien juste à côté.

Parfait pour un rencard non ?

Sauf que ouais, maintenant que j’ai tout mis en place, j’ai l’impression que c’est franchement de la merde. Faut dire que ouais, rapport à ce qu’on pouvait faire avant, c’est carrément pas terrible. Et j’ai un soupir alors que je repense à tout ce qui a pu se passer depuis notre rencontre à tous les deux. J’vous jure, j’ai tout fait pour être sage et qu’elle s’imagine pas tout et n’importe quoi à mon propos. D’autant qu’elle aurait pas eu foncièrement tort en plus. Finalement, on a commencé à explorer la maison et en vrai, y a carrément moyen d’en faire quelque chose. Tout a été pillé ou presque à l’étage, mais on peut arranger des trucs. Ce qu’on a commencé à faire ce jour-là.

Et le lendemain aussi, alors que j’lui rendais son appareil photo en lui disant de garder le blouson. Pourquoi j’l’ai pas repris ? Parce que je me suis rendu compte que j’avais plus besoin de ça. De ce symbole d’appartenance. Que j’avais enfin fini par m’en détacher et par l’accepter. Ce qui est cool. Je crois. Même si ça n’a fait que mettre en avant le fait que j’aurais grave aimé croiser Locke pour en parler. Et pour voir avec lui ce que je peux faire de ma vie maintenant.

En tout cas, on a acté que c’était pas un vrai rencard, vu que c’était professionnel de base. Et on en a profité pour continuer de fouiner et pour ramener quelques meubles. En vrai, c’était carrément marrant. Bon, possible que mes lèvres aient un peu trop souvent cherché les siennes mais j’ai pas cherché plus. Histoire qu’elle disparaisse pas dans un nuage de fumée quoi. Ouais, ouais, j’ai encore des doutes sur le fait qu’elle existe réellement. Je sais que c’est débile, mais on peut se poser la question quand on voit son sourire et ses yeux pétillants.

Je regarde par la fenêtre, alors qu’elle arrive toujours pas. Et, forcément, je commence un peu à baliser. J’suis parti pendant trois jours. Ptet qu’elle a plus envie de me voir finalement. Ou qu’il lui est arrivé un truc. Ou… qu’elle est reparti dans son monde parallèle. Allez savoir. Je commence potentiellement à m’impatienter en vrai. Mais je prends sur moi. Plus ou moins.

Je finis par descendre dans la boutique alors que j’entends du bruit. Bon en vrai, je me précipite un peu, comme un crétin, ouais, ouais. Et je lâche, alors que j’suis encore dans les escaliers. « Sasha ? C’est cool ! Je commençais à me dire que tu vi… ah… » Je me fige, alors que je vois un chien, babines retroussées qui me fixe en grognant. « Okay, t’es pas Sasha toi. » Ou alors elle s’est transformé en molosse sauvage, prêt à me sauter à  la gorge. Violent comme changement en trois jours. Je jette un regard à ma batte, posée à quelques mètres de là. Trop loin pour que je la chope direct en passant. J’ai dû mal fermer la porte, comme un bleu, persuadé qu’il y aurait personne de vivant capable de rentrer. Visiblement, j’me suis bien raté.

« Trop lent ! »

Elle se retourne pour décocher un petit clin d'oeil enthousiaste au rôdeur qui s'est lamentablement vautré en essayant de l'attraper. Elle ne lui en veut pas. Elle ne cherche pas davantage à se venger. Pour un peu, en fait, elle serait presque encline à lui tendre la main pour l'aider à se relever. Car oui, une fois n'est pas coutume, Sasha Critchlow est d'excellente humeur.

Elle va revoir Zack !

Cela fait maintenant une petite poignée de jours qu'ils ne se sont pas revus. C'était prévu. Mais trois jours, c'est trop long. Beaucoup, beaucoup trop long. Et il peut s'en passer des choses dans un laps de temps très court pour le commun des mortels mais horriblement long pour des tourtereaux. Est-ce qu'il a rencontré une autre photographe ? Est-ce qu'il s'est rendu compte que la pharmacienne n'était pas une fée ? Est-il encore vivant ? Il y en a, des questions qui l'assaillent. Un peu trop, sans doute. Alors elle accélère encore le rythme de ses pas tout en regrettant de ne pas pouvoir s'envoler, à l'instar des oiseaux, pour rejoindre le motard un petit peu plus vite.

Arrivée dans le quartier où elle a rencontré Zack pour la première, elle s'accorde une petite pause à l'angle de la rue. La voici qui se penche sur un rétroviseur brisé pour arranger sa crinière désordonnée et lisser son haut. Et puis elle tire la petite fiole qu'Hayden lui a offert, celle qui contient de l'huile essentielle. La photographe en dépose quelques gouttes le long de son cou en espérant que le Hell's Angel appréciera.

Et puis elle reprend la route lorsque les grognements de ce rôdeur qui semble décidément bien résolu à la bouffer s'élèvent à nouveau. « Tu m'bousilles pas ma journée, toi hein ? » le met-elle en garde en agitant son doigt. Et avec un sourire. Parce que Sasha, elle aime sourire. Et encore plus depuis qu'elle a rencontré Zack ! C'est peut-être un peu niais, dit comme ça. Mais qu'est-ce que c'est vrai...

La future trentenaire poursuit sa route en trottinant. Les derniers mètres sont les plus longs. Traverser la rue pour rejoindre la boutique lui semble équivalant à la traversée de la mer rouge par les esclaves fuyant le pharaon. Elle s'accorde un bref instant pour chasser une mèche derrière son oreille et croit entendre son prénom. Alors elle se place à l'entrée de la boutique de cette boutique qu'ils sont joliment commencé à transformer en planque et adopte une pause de starlette. « Tadaaam ! » Ses incisives se déposent sur le bas de ses lèvres. Elle pétille. Est-ce que cette entrée en scène n'était pas un peu... exagérée ?

C'est là qu'elle le remarque, le toutout. Ou plutôt, ce gros molosse qui se tient entre un Zack positionné dans les escaliers et elle. « Oh ! Tu t'es quand même décidé pour le chien ? » Elle s'avance avec innocence. Et puis elle s'interrompt lorsque le chien se tourne vers elle et dévoile ses canines. Le grognement qu'il pousse lui fait bien comprendre qu'il n'a rien de sympathique. Ah ben... merde ! « Eh, gentil ! Tout doux ! » ordonne-t-elle avec le plus parfait des manques d'autorité.

Dans les films, l'animal aurait dû s'approcher gentiment pour lui renifler la main. Mais là il se contente surtout de la charger. Et Sasha a à peine le temps de monter sur l'une des étagères. La mâchoire claque à quelques centimètres de sa cheville, dans le vide. « Zack ?! » Un petit coup de main serait très très apprécié. « ZACK ?! » C'est peut-être elle la magicienne mais là, elle a oublié sa baguette magique. Et il se trouve que le motard a probablement la sienne. Parce qu'il a pensé à prendre sa batte, quand même ?!

Forcément que ça allait pas bien se passer. Y a toujours un truc qui foire de toute façon. Genre la loi de Murphy vous connaissez ? Bah voilà, on est en plein dedans. Déjà que j’étais pas super content de la façon dont j’avais agencé l’étage pour lui faire la surprise, faut qu’il y ait un chien qui décide de se taper l’incruste. Et pas du chien mignon à qui on a envie de faire des papouilles hein. Le chien qui, à bien y réfléchir, a probablement déjà mangé de la chair humaine, a trouvé ça super bon et a probablement envie de recommencer.

Sauf que j’aimerais autant qu’il touche pas un cheveu de la jolie blonde. Outre le fait que ça risquerait un peu de foutre en l’air notre rencard, j’ai surtout pas envie qu’il lui arrive quoi que ce soit. Et j’ai pas le temps de la prévenir qu’elle tente de l’apprivoiser Mais visiblement, il aime pas les fées et ses dents claquent près, beaucoup trop près de la mienne. Enfin pas que ce soit ma fée à moi ou que je me sente des poussées de propriétaires hein… juste que…

… bref, le chien donc.

Je bouge aussi doucement que possible, attrapant ma batte et mon sac à dos et prenant une grande inspiration. Avant de souffler, à mi-voix. « Non il a décidé de se taper l’incruste tout seul. Mais visiblement, il a pigé qu’on préférait les chats. Et il est pas super ravi de l’apprendre. » Okay, pas de geste brusque. Je l’entends gronder d’ici mais je fais quelques pas, tenant fermement la batte d’une main alors que, de l’autre, j’fouille dans mon sac pour en sortir des morceaux de viande séchée. Au temps pour le bon repas de prévu hein.

Je siffle entre mes dents et je vois les deux oreilles du chien se redresser vers moi. Il hume l’air alors que j’avance doucement mais surement en direction de la porte principale. « Hey ! Tu veux pas de la bonne viande hein ? » Je relève la tête vers Sasha. « Pas que tu sois pas bonne hein. Enfin à mang… enfin… hem. » C’est moi ou j’ai déjà réussi à régresser mentalement alors qu’elle est là depuis genre 30 secondes ? C’est quand même dingue ça. Je secoue la tête et je me concentre de nouveau sur ma cible. Ou alors c’est moi sa cible. Difficile à dire. Je chope la poignée de la porte pour l’ouvrir en grand et je lance la viande, espérant que ça l’appâte suffisamment.

… et étonnamment, il se précipite dehors d’un bond, chopant la viande et se tirant aussi sec avec. Je referme la porte dans un claquement, tirant le verrou dans la foulée et je pousse un profond soupir, posant mon front dessus quelques secondes. Okay. Cool. Ca va. J’aime autant éviter d’exploser la gueule des chiens si j’ai pas besoin de les manger. Donc là, c’était vraiment mon plan B. « Désolé, je crois qu’on a plus rien à manger. »

Je me rapproche à toute vitesse de Sasha, autant pour vérifier qu’elle a rien que… bah parce que j’en ai envie. Et sans réfléchir, je la ramène contre moi pour l’embrasser sur le sommet du crâne. « Okay t’as rien. Tu vas bien. » Je la relâche juste pour la regarder, mes yeux plongés dans les siens. « Je confirme, je veux pas de chien. » D’autant que là, rien ne prouve que dans 5 minutes, il va pas sauter sur la porte pour essayer de la fracasser. Je m’attends à ce que ça arrive à tout moment mais, dans l’immédiat, elle est là. Alors j’ajoute, dans un murmure. « Salut… j’suis content de te voir. » Comment ça je fais tout dans le désordre ? Détail.

« Mais dis pas çaaaa ! »

Il cherche à énerver le chien, là, Zack ? La pharmacienne ne pense pas que l'animal comprenne ce qu'il dit mais parler à haute voix des chats et en plus, dire qu'ils les préfèrent aux clebs, c'est pas malin du tout. « Faut pas l'provoquer ! » Surtout qu'il a l'air déjà plutôt enclin à leur bouffer les fesses. Et pas au sens figuré, s'il-vous-plaît ! « Il rigole, hein ! Il l'pense pas ! » souffle-t-elle au molosse d'une voix qui se veut apaisante mais qui est surtout chargée de stress.

Et à raison, d'ailleurs. Parce que quelques infimes secondes plus tard, elle se retrouve agrippée à une étagère et manque de se faire arracher la jambe. Ou du moins, la cheville. Et le pied qui va avec. Mais c'est sans compter sur Zack, sa batte et puis surtout, la viande séchée qu'il ne tarde pas à présenter au clébard. Lorsqu'il demande au chien s'il ne veut pas de la bonne viande, c'est plus fort qu'elle : elle décoche un petit regard vexé à son réparateur personnel. « Genre j'suis pas comestible ? » relève-t-elle. Il corrige de lui-même sa remarque et elle, elle se rend bien compte qu'elle s'offusque un peu pour rien. Parce qu'elle ne souhaiterait pas être comestible, en cet instant.

Et donc, après un merveilleux lancer de viande qui restera probablement gravé dans les annales du post apocalypse, la menace s'élance à l'extérieur pour dévorer l'offrande. Zack claque la porte dans son sillage et la pharmacienne, elle peut enfin redescendre de son perchoir. Et sans se casser la figure, s'il-vous-plaît ! Chose suffisamment rare pour être relevée, n'est-ce pas ?

Quant au fait qu'ils n'aient plus rien à manger, honnêtement, ça ne la dérange pas particulièrement. Parce que le fait qu'ils aient faim, dans le fond, ça veut tout de même dire qu'ils sont encore vivants et pas en train d'être digérés dans le ventre d'un animal redevenu sauvage. « C'est pas grave... » assure-t-elle en se retournant pour observer la menace qui s'éloigne en agitant la queue. « C'était un doberman, ça ? » Elle ne s'y connait pas trop en chiens. Comme Zack l'a très justement dit, leur truc à eux, c'est plutôt les chats. Ceux qui ronronnent et qui n'essaient pas de vous bouffer ! « Regarde, j'ai d'quoi compenser la bouffe ! » Parce que OUI ! Cette fois, elle a emporté de l'alcool ! Et la bouteille n'est PAS cassée ! Elle l'extirpe d'ailleurs fièrement. Ca va les déshydrater, ça. Mais au moins ils n'auront pas l'estomac vide !

Et la voici qui apprécie sa sollicitude. Elle le laisse l'observer pour s'assurer qu'elle va bien et elle, elle fait la même chose en retour. Et puis il l'attire contre elle et la pharmacienne, clairement, ne fait même pas mine de résister. le temps de lâcher un petit rire lorsqu'il lui confirme qu'il ne veut pas de chien et la voici gratifiée d'un baiser sur le front. Clairement, elle prend. Et elle lui rend la pareille en déposant ses lèvres sur le bout de son nez. Parce qu'elle trouve ça mignon. « Coucou ! » Ils n'ont même pas eu le temps de se saluer correctement, avec tout ça. C'est maintenant chose faite !

« Moi j't'avoue que ça m'saoulait un peu d'venir ! J'pense que l'effet d'nouveau est un peu passé et après avoir longuement réfléchi, j'en suis parvenue à la conclusion que tu étais l'exemple parfait du mâle blanc toxique... » avoue-t-elle lorqsu'il lui indique qu'il est content de la revoir. Bon, bien sûr, elle plaisante. Et leurs lèvres qui s'unissent pour de vrai, cette fois. le prouve avec élégance. « J'ai amené la demande de divorce ! Ca t'dirait d'la signer sans faire d'histoire ? » Elle se sent d'humeur taquine, Sasha. Et même si ses gestes emplis de tendresse et les bras qu'elle referme délicatement autours de son cou prouvent qu'elle n'en pense pas un mot, elle a un peu envie de l'embêter. « C'était bien, ton truc ? » Cette chose pour laquelle il s'est absenté. Elle n'a pas vraiment osé le questionner sur le sujet. Pour qu'il se sente libre de faire ce qu'il souhaite. Après tout, il ne lui doit rien sinon un appareil photo réparé. « T'as rencontré des gens ? » Des gens du genre féminin, par exemple ?

Quoi ? Je dois pas dire quoi ? Elle est vraiment en train de me dire de pas provoquer le chien ? Mais c’est lui qui a commencé ! Je lève un index en direction de Sasha, avec à peu près 1500 arguments aussi logiques et rationnels les uns que les autres. Avant de me dire que non seulement ça servira à rien, vu qu’elle va trouver des parades et que, en vérité, je dois surtout trouver un moyen de nous débarrasser du visiteur indésirable.

Je lève les yeux au ciel quand elle me demande si elle est pas comestible. « Vraiment ? Tu veux vraiment qu’on parte sur ce terrain ? » Non parce que si je dois la mordre pour lui prouver, moi, je dis pas non. Oui, non, on va éviter de partir là-dessus hein. Ca devient n’importe quoi avant même que je l’ai énoncé à haute voix. Enfin, au moins, au final, j’arrive à nous défaire du chien. Forcément, j’suis inquiet à l’idée qu’il ait pu la toucher, mais on dirait que ça va. J’ai une grimace quand elle me dit que c’est pas grave pour la bouffe et je souffle, avec un haussement d’épaules. « J’avais envie que ce soit parfait. Enfin… autant que possible. Ca démarre pas terrible hein. » Ouais, je crois que je vais arrêter d’essayer et prendre les choses comme elles viennent, ça vaut encore mieux. Sinon ça va vite me saouler et je vais finir ronchon.

Et j’ai un sourcil interrogateur, avant de voir la bouteille. « Ouuuh une bouteille ENTIERE. J’suis impressionné là. C’est quoi ? » Et boire l’estomac vide, meilleure idée du monde, mais on va pas s’arrêter à ce genre de détails hein. Forcément, j’esquisser un sourire, avant de la ramener contre moi. Sourire qui se fait plus large quand elle m’embrasse sur le nez. Y a cette douceur-là, bien présente, presque palpable. Qui me fait un bien fou. Pour un peu, je pourrais rester comme ça tout le temps. Pour le principe, je plisse des yeux quand elle repend. « Quoi ? Le quotidien a déjà pris le pas sur la magie ? Ca, c’est moche quand même. » Je passe une main autour de sa taille avant de laisser filer un rire. « Mâle blanc toxique… tant de qualités en une seule personne. Tu devrais pas être impressionnée plutôt ? » Et je l’embrasse dans le cou, inspirant longuement. « Tu sens super bon. » C’est vraiment agréable. « Je te préviens, si on divorce, je te laisse le chien. Et je garde le home-cinéma. » Ou ce que je qualifie pompeusement de home-cinéma plutôt et qui n’est en vrai que mon pauvre bricolage pour essayer de faire de ce rencard un truc cool.

J’effleure ses lèvres des miennes avant de hausser une épaule à sa question. « Ouais c’était cool. J’ai rencontré le mec d’Ana. J’ai aidé à retaper une barricade foutue en l’air par une attaque de super-rôdeurs. Je me suis baigné avec le gosse. » Je lui ai déjà un peu parlé d’Ana et du fils de Symea. Il est marrant ce môme et je l’aime bien. « Et j’ai découvert un coin qui ressemble au no man’s land. » J’en profite potentiellement pour l’embrasser entre chaque information, avant de laisser filer un sourire à sa dernière question. « J’ai rencontré les gens chez qui on a squatté. Sont sympa. Oh et j’ai recroisé une copine qui était venue faire des travaux à l’hôtel y a quelques semaines. Ca répond à ta question ? » Rien qui me laisse une marque indélébile. « Tu m’as manqué. » Ouais, juste en trois jours. Bon, cette fois, peut-être que le baiser est un peu plus appuyé. Il faudra que je lui montre ce que j’ai fait à l’étage mais là, de suite, mon cerveau se fait un peu la malle. « T’as fait quoi de beau toi ? »

« Heu... Non, en fait ! »

Zack a raison : ce n'est pas le moment de partir sur ce terrain-là. Surtout alors qu'un molosse s'est mis à confondre sa jambe et son nonos préféré. « J'suis pas comestible, t'as raison ! » indique-t-elle au réparateur ainsi qu'au chien. Mais ce dernier ne la croit pas exactement sur parole. Et fort heureusement le sacrifice d'un joli morceau de bidoche éloigne la menace et lui permet de rester entière, et étanche.

« Oh, tu sais... » hésite-t-elle lorsque son partenaire lui indique qu'il voulait que tout soit parfait mais que ça ne commence pas très bien. « C'était une... expérience assez... intéressante ! Ca commence pas vraiiiment mal, c'est plus que c'est... tu vois ? » Elle essaie de lui remonter le moral, là. Un peu maladroitement, certes. Mais ce n'est tout de même pas de sa faute si le clébard antipathique du quartier a décidé de venir leur rendre visite. Alors elle lui indique d'un sourire - et d'une caresse sur la joue - qu'elle ne lui en tient pas rigueur et qu'elle n'a pas dans l'idée de se faire rembourser sa place.

Et la voici qui prend une pose héroïque, presque altière, alors qu'elle dévoile sa bouteille et que Zack semble très sincèrement impressionné. Même si ça pue l'ironie, un peu, tout ça. « J'casse pas toujours tout, tu sais ? » lui fait-elle remarquer avec d'observer plus attentivement la bouteille. « J'suis pas sûre que ça aie un nom, ce truc ! On peut dire que c'est un espèce de croisement entre de l'alcool et de la pisse... » résume-t-elle avant de se sentir obligée de préciser un truc très important : « Mais j't'assure que ça désinfecte le cerveau bien comme il faut ! » La première fois qu'elle a goûté ce truc, c'était lors de sa première soirée chez les Exilés. Et le lendemain, elle était suffisamment dans le mal pour dégobiller sur Isha...

Mais tout ceci n'est qu'une dangereuse et étrange interlude à leurs retrouvailles. Le duo s'enlace, se cherche et se sourit. Et lorsque les lèvres du motard - qui n'est plus vraiment motard puisqu'il n'a plus de blouson officiel ! - viennent s'échouer dans son cou, la voici qui se retrouve à rire un peu bêtement. Et presque à roucouler, même. « Tu aimes ? » demande-t-elle juste pour qu'il lui confirme à nouveau qu'il aime l'odeur qu'elle dégage. Merci Hayden ! « On a un home cinéma ? » s'étonne-t-elle dans la foulée lorsqu'elle hérite du droit de garder le chien mais pas de ce concentré de technologie. « Ah non mais j'prends tout ! J'vais engager une avocate croisée avec un requin et te laisser sur la paille, dans la rue ! J'suis une terroriste, moi ! » plaisante-t-elle avant d'imiter l'homme et découvrir sa nuque de ses doigts et son cou, de ses lèvres.

Et les voici qui se sont trouvés mais qui continuent pourtant de se chercher. Zack lui explique ce qu'il a fait ces derniers jours et si les informations intéressantes ne manquent pas, c'est bien le prénom qu'il vient de prononcer qui mobilise la plus grande part de l'attention de la photographe. Elle s'écarte un peu du réparateur de l'extrême et l'observe d'un regard un brin suspicieux. « Ana ? » Elle arque un sourcil. Il ne lui a jamais parlé de cette fille, si ? « C'est qui, ça ? » Un soupçon de jalousie se manifeste un peu contre son gré. Même si cette femme semble avoir un mec. Reste qu'il a aussi évoqué une copine... « Une vraie copine ? » Ou c'est une sorte de code qui signifie qu'elle est bien plus que ça ?

Alors la pharmacienne en oublie de répondre à la question - pourtant légitime - de Zack. Elle ne lui dit pas ce qu'elle a fait, elle. Déjà parce que ça n'a rien de bien passionnant. Mais aussi parce qu'elle vient de se rappeler que d'autres femmes ont survécu. Et que le motard - qui n'est pas redevenu motard - possède la gueule type du mec qui nourrit les convoitises. « Et t'en as beaucoup, des Ana et des copines dans ta vie ? » Elle esquisse une petite moue quand bien même elle fait de son mieux pour paraître détachée, et simplement curieuse.

Bon, ça va, elle a décidé de pas la jouer contrariante. Faut dire que là, niveau timing, ça aurait pas été terrible. Heureusement, ce petit interlude ne dure pas et je vire l’importun avant de revenir vers la jolie fée qui a investi les lieux. « Une expérience intéressante hein… ma foi. Au moins, ça a le mérite d’être original. » Même si ouais, ça m’agace que ça ait dérapé comme ça. Ca va qu’elle a rien, sinon ça m’aurait franchement déprimé là. J’ai un sourire idiot qui se dessine sur mes lèvres quand elle m’effleure la joue, mon regard se perdant un peu dans le sien alors que j’oublie même le fil de la discussion pendant quelques secondes.

Elle se rappelle à moi avec la bouteille qu’elle a ramenée. Forcément, j’ai un rire à sa remarque. « J’ai pas dit ça voyons. Ce serait être mauvaise langue. Je peux ? » Je tends la main pour attraper la bouteille et l’ouvrir, histoire de renifler son contenu. Je plisse le nez. « Ca a l’air fort ouais. Et ça va bien désinfecter en effet. Mais remarque, ça sera épongé avec les gâteaux que j’ai trouvés. T’en as déjà bu ? » Non parce que si c’est ça qu’elle a l’habitude de torcher, finalement, elle peut éventuellement arriver à me mettre minable. J’bois pas des trucs aussi forts moi. « On va pouvoir goûter ça alors. »

Enfin ce sera pour plus tard. Là, on se retrouve et j’avoue que ouais, l’avoir dans mes bras, ça me fait quelque chose. C’est plus qu’agréable et j’oublie, même si ça va pas durer, le monde extérieur. Elle a un effet apaisant sur moi qui est assez dingue. Possible que je sois un peu – beaucoup – accroché. Et, alors que mes lèvres se perdent sur son cou, je hoche la tête à sa question. « Ouais, c’est sympa. J’aime bien. » Beaucoup. J’ai un sourire en coin qu’elle peut sentir contre sa peau à son rire, avant que je finisse par relever la tête. « Alors, c’est pas le home cinéma dernier cri, mais j’suis plutôt fier de moi. » Au reste, je lève un index dans sa direction. « Teuh teuh teuh… tu sais pas à qui tu confrontes là. J’ai peur de rien. T’as vu comment j’ai géré le chien ? Tu crois que ton requin-avocat me fait peur ? »

Et là, c’est la boulette. Enfin non, pas vraiment. J’veux dire, je pense pas à mal, d’autant que je lui cache rien de mes … fréquentations ? Ouais c’est pas mal ça… bref… je lui cache rien. Même si j’ai pas particulièrement de comptes à lui rendre, pas que je sache en tout cas. Mais j’ai un sourire amusé quand elle lève un sourcil. « Tu serais pas un peu… jalouse ? Ou c’est juste des questions pour me piéger avec l’avocate ? Ou pour la science ? » Sans lui répondre pour le moment, j’attrape son menton et je vais l’embrasser plus longuement. Bien plus longuement. Jusqu’à lui faire perdre le souffle. Et le mien aussi au passage. Mais autant dire que c’est le cadet de mes soucis.

Mon bras vient enlacer sa taille pendant que je l’embrasse, la ramenant contre moi avec un mélange de douceur et – je veux bien le reconnaitre – un semblant de possessivité. Je finis par déglutir contre ses lèvres avant de reprendre, avec un sourire. « Il n’y a pas [i]beaucoup de Ana, Dieu merci. C’est ma boss, la proprio de l’hôtel. Je t’ai déjà parlé d’elle. » Bon, pas dans les détails, pas besoin de lui donner du grain à moudre. « Et c’était une simple copine. Pas ma petite amie. C’est toi ça si je dis pas de conneries. » Je me redresse un peu, la relâchant avant de poser mes deux mains sur le meuble, de part et d’autre de sa charmante petite personne. « Enfin pour le moment, tu es plutôt la fée qui est apparue dans ma vie pour être exact. » Faut utiliser les bons termes, c’est important. Et possible que j’aime bien qu’elle soit un peu jalouse. « Je note que t’as pas répondu à ma question. T’as vu plein de… copains ? » Même un, ça pourrait un peu m’agacer, j’avoue. Elle aura pas le monopole de la jalousie sur ce coup-là alors que bon, en temps normal, je m’en contrefiche.