Elle est réveillée ? J'avise Erika qui relève un regard surpris vers moi. Depuis combien de temps est-elle plongée dans ses pensées à attendre que ça passe ? J'ai les mains chargées, je la fixe longuement. La brune laisse échapper un soupir avant de tourner un bref regard vers les lits de l'infirmerie.
Je ne pense pas, souffle-t-elle en se raidissant. Ses yeux passent sur le repas que je réserve à Mina. Mais tu peux lui déposer à côté du lit, assure-t-elle.
Vous avez réussi à lui "parler" ? Que je demande dans la foulée, curieuse. Je sais le traitement qui a été réservé à la jeune fille, je sais aussi que c'est à cause de ça que je dois lui réserver quelques repas particuliers. Je vois, que je soupire.

Je me défais d'Erika, avançant dans les allées avant d'arriver au niveau du rideau qui me concerne. Tirant ce dernier, j'arrive sur un lit défait et... vide. Froncement de sourcils, je regarde à gauche, à droite.

Hm, où est... Je m'arrête en apercevant vaguement du mouvement sous le lit, avant de comprendre. C'est bon, que je souffle à Erika qui a failli faire la route. Elle soupire, agacée d'avoir dû se bouger pour rien. Qu'importe. Je m'avance, pose le plateau sur la desserte à côté avant de m'asseoir sur le bord du lit. Je suis petite, mes pieds touchent le sol néanmoins. Je me permets de les balancer un peu en attendant qu'elle sorte de sa cachette. Et ça ne fonctionne pas vraiment, il va sans dire. C'est vraiment dommage que la jeune fille dormant dans ce lit ne soit pas là, je lui ai préparé une soupe encore meilleure que celle d'hier, que je dis à haute voix en faisant mine de parler seule.

L'intonation innocente est là pour parfaire le tableau, je tente de faire comme si de rien n'était, en avançant la desserte vers le lit. Bien sûr, je n'en mangerais pas, mais s'il y a moyen que ça fasse sortir la souris de son trou, c'est l'idée :

Tant pis, j'imagine que je devrais la boire à sa place, que j'ajoute en trempant la cuilère dedans.

Un gargouillis derrière attire mon attention et je me retourne doucement avant de voir la fillette se hisser sur son lit. Au moins, elle est sortie de sa cachette, c'est un bon début. Je lui offre un sourire, mutin, alors qu'elle s'installe le plus loin possible de moi, sans doute pour bien regarder mes faits et gestes, me surveiller :

Oh, tu étais là ? que je l'interroge, haussant les épaules. Depuis que je passe ici pour déposer son repas, je ne l'ai pas vraiment vu. Seul le personnel médical a cette faveur, peut-être parce qu'elle est fragilisée par ce qu'il s'est passé dehors, et qu'ils ne veulent pas la brusquer. Alors, un pas à la fois, c'est très bien pour commencer, je crois qu'il ne faut pas attendre plus pour être bien. Ou réapprendre à l'être : Je ne suis pas sûre qu'on se soit croisées, je m'appelle Olivia, que je lui souffle en lui tendant la main.

Des salutations officielles, ça n'est pas plus mal pour avoir l'air civilisée, et donner l'occasion à la jeune fille d'avoir le pouvoir de décider également pour elle. J'ai un sourire à son geste avant de secouer la tête :

Et tu n'as pas à partager avec moi, je l'ai préparé juste pour toi, que je lui précise avec amusement. Quoi qu'il en soit, c'est gentil à elle de me le proposer, même s'il m'en reste assez pour être comblée. Je n'ai pas mis de sel ou d'épices pour que ça ne te fasse pas mal, que j'ajoute dans la foulée.

Vu ce qu'on lui a fait, son régime est strict jusqu'à cicatrisation, Nolan est impitoyable là-dessus. Et je comprends, il n'est pas agréable de souffrir en mangeant, donc autant essayer de l'épargner comme il faut.

Mais s'il y a des choses que tu aimes, je peux tenter de te cuisiner ça pour la prochaine fois, que je lui suggère alors. On va bien trouver un moyen de communiquer. Tu as qu'à... Hocher la tête si j'énumère un aliment qui te plait ?

Mi... Je lis, vaguement, en fronçant les sourcils. Je ne parviens pas à décrypter le reste, faute à un oeil à moitié aveugle qui ne me permet pas de décrypter ce que je lis. Mila ? Je ne suis pas sûre. Mimi ?

Je ne suis pas sûre de moi. Je ne suis pas sûre non plus qu'elle sache écrire. Du coup, pour se comprendre ça risque d'être laborieux. Mais on va se débrouiller, je suis confiante sur le fait qu'on puisse réussir. Je la regarde en train de prendre une première cuillère à soupe de son plat et je vérifie qu'elle apprécie ça. Et ça a l'air. J'espère que ça ne lui fait pas trop mal, je ne peux pas imaginer ce que ça fait en soi de ne plus avoir de langue, de se faire meurtrir comme ça, malmener par quelqu'un, pour quoi ? Je n'ai pas les détails de son intégration, comment on l'a trouvé, pourquoi. Ce qu'il s'est passé.

On a de courges, des citrouilles, des carottes, des tomates, évidemment des pommes de terre et des poireaux, quelques navets, que j'énumère alors en avisant son regard.

J'y lis surtout du trouble à cet instant, comme si elle ne comprenait pas ce que je lui disais, ou qu'elle ne savait pas ce que c'était pour certains. Elle a une dizaine d'années, quand tout ça a commencé, elle devait en avoir cinq ou six, grand maximum, autant dire qu'il y a beaucoup de choses qu'elle ne doit pas connaitre. Pour des aspects d'une vie qui me semblent évident, pour elle, c'est sûr que ça n'est pas du tout le cas.

Hm, j'ai l'impression de te perdre, tu vois quel goût ça a ? que je lui demande tout simplement, dans l'attente d'une réponse. On va rester sur des choses simples, qu'elle puisse hocher ou secouer la tête. Tu préfères le sucré ? Je lui fais un signe de l'index. Puis un second : Ou du salé peut-être ?