Nous parvenons bon gré mal gré à communiquer avec Mimi. Je ne sais pas si c'est vraiment son nom, j'ose espérer que oui. Au moins un surnom, au pire. Et je fixe la jeune fille dans l'espoir de tirer quelque chose de ce qui né entre nous. Après ce qu'elle a traversé, c'est normal de ne pas être facile d'approche, mais je crois qu'elle sera bien entourée ici, les gens la prendront en charge, sauront la conseiller, la protéger et probablement l'aider à se relever de ses blessures. Nihima et Lily, qui l'ont ramené visiblement, auront néanmoins du travail pour lui assurer l'avenir qu'elles lui ont promis.

Tu as raison, moi aussi je préfère le sucré, que je lui souffle avec un sourire en coin.

Nous sommes complices à cet instant. Evidemment comme beaucoup, j'aime les deux mais j'ai une préférence pour le sucré. Peut-être que la patisserie me rappelle les moments que nous passions avec ma grand-mère, en cuisine, justement. Nous préparions beaucoup de choses, mais je me souviens que nos moments de vraie complicité, c'était en préparant le quatre-heure avant tout, les dimanches que nous passions ensemble.

Les pêches par exemple, ou les fraises, que j'ajoute alors avec un sourire plus grand, en songeant à toutes les manières qu'il y a de les préparer quand l'occasion se présente. Certes, les pêches ne sont pas ce que nous pouvons le plus produire, et ça a du mal à se conserver, frais. Mais bon, ça importe peu, nous en avons déniché dans des vergers, mis en bocaux pour pouvoir les conserver sur plusieurs mois. en bref, le pied ! Je pourrais te faire des compotes en dessert si tu veux, nous avons ce qu'il faut pour ça, ou des sortes de smoothie, c'est bon, de quoi lui mettre l'eau à la bouche ! Quand il faut chaud, je prépare des sorbets aux fruits, un soupir m'échappe.

C'est elle que je reviens scruter. Pour l'instant, ce n'est pas grand-chose, tout du moins ça ne semble pas. Mais d'ici quelques semaines, Mimi pourra manger comme nous.

Progressivement tu recommenceras à te nourrir avec un peu plus de solide, que je lui souligne. Tu sais écrire, Mimi ?

Je crois que j'ai capté l'attention de Mimi, mais il va me falloir prendre quelques dispositions pour réussir à me faire comprendre d'elle, et surtout à la comprendre. Le fait qu'elle ne puisse pas communiquer normalement est un frein, mais je crois qu'elle saura mettre en place un langage propre à elle. Ou même simplement elle apprendra le langage des signes quand le moment se présentera. Je ne sais pas encore comment nous parviendrons à faire ça, quoi qu'il en soit, nous trouverons.

Je reviens ce soir, que je lui assure en me redressant du lit.

Elle a fini son plat de toute façon, et il n'est pas encore l'heure pour elle d'enchainer. De toute façon, je lui prépare des portions qu'elle peut avaler sans avoir à se faire mal au ventre. Nolan m'a demandé de faire assez attention à ça, je la salue et m'esquive dans la foulée, pour aller me consacrer au reste de ma journée. Mimi ne sait probablement pas qu'il y a tout un campement autour. Pour l'instant, son monde se résume à l'intérieur de cette infirmerie mais d'ici quelques jours, je suis persuadée qu'elle saura se faire à l'intégralité du fort. Un soupir m'échappe néanmoins.

Il me faut solliciter Ludwig pour parfaire le reste. Nous nous retrouvons en cuisine avec nos deux enfants, à devoir travailler sur tout ça. Lorsque je rejoins Mimi le soir venu, c'est avec un plateau qui contient différentes vérines dessus, et finalement un grand bol d'une mousse à la fraise. Elle avait l'air enthousiaste avec ça. Du coup, j'ai eu à coeur de lui préparer ce qui avait vraiment l'air de lui faire plaisir.

Tiens, j'ai demandé à un ami de dessiner quelques légumes, sur le plateau, les bols sont associés à des oeuvres rapides créées par Ludwig. Au moins ainsi, Mimi sait ce qu'elle mange, c'est très ressemblant. Et tout est écrit à côté. Je lui laisse le temps de voir pour bien comprendre la mise en place. Et je te les ai préparés en purée à côté, tu vas pouvoir les goûter et me dire ce que tu aimes ou non, c'est l'équivalent à chaque fois d'une cuillère à soupe, rien de bouratif mais ça va lui permettre de savoir. Et ça, c'est pour toi, ensuite, que je lui assure à propos du bol.

Elle goute, elle mange, se montre curieuse, apprécie. Je crois que c'est la meilleure récompense possible pour mon investissement de la journée. Sari m'a prêté main forte, même si je sais qu'elle a clairement pensé que j'en faisais beaucoup pour une seule et même personne. Je ne sais pas pourquoi ça m'a semblé cependant naturel, comme une évidence. Je n'ai pas besoin de me justifier, je crois. Je fais ce qui me semble normal de faire, après tout. Et puis, advienne que pourra pour la suite, non ? Je pousse un bref soupir, avant de sentir la main de la jeune fille sur la mienne. Le contact est très bref, mais passé la surprise, c'est un sourire que j'esquisse à son attention :

De rien, Mimi, que je lui souffle.

Je la fixe un moment, et pousse vers elle le bol qu'elle convoite le plus jusqu'ici. Elle s'est prêtée au jeu, a apprécié énormément de ces petites préparations, je ne doute pas que son ventre doit être déjà bien rempli. Mais par pure gourmandise, je sais aussi jusqu'où on peut aller, en espérant qu'elle ne se rende pas malade. De toute façon, j'ai testé des aliments qui rendent rarement allergique, c'est au moins une épine en moins dans notre pied. Et le fait qu'elle puisse tester les choses ici nous donne l'occasion d'intervenir rapidement si quelque chose se passe.

Tiens, tu peux le finir totalement, que je lui indique alors. De toute façon, je le lui laisserais, au cas où elle est un creux durant la nuit. Je n'en ai fait que pour toi ce soir, même les autres n'ont pas eu le droit d'en profiter.

Je la fixe, la laisse profiter en silence. De mon côté, je prends juste des notes pour le prochain repas, autant celui de la jeune fille que pour les membres du groupe.

On t'a expliqué où tu te trouvais, au fait ? Qui nous étions, ce que nous faisions ? Que je lui demande soudainement en relevant les yeux vers elle. Et quand tu auras l'occasion de sortir ?

Le silence de la jeune fille ne devrait pas m'interpeller plus que ça, mais en voyant son visage se décomposer légèrement, je me rends compte que quelque chose ne va pas trop pour elle. Je ne dis rien, garde le silence à mon tour, mais tâche d'être attentive néanmoins. Et finalement, elle fond sur moi pour cacher les larmes et les sanglots qui lui étranglent la gorge. Je suis surprise forcément, raidis par le contact, avant d'évidemment refermer les bras sur elle et bien la tenir :

Oh, Mimi, que je soupire. Une pointe de culpabilité m'étreint la fatigue. Est-ce que je lui ai fait peur ? A-t-elle compris qu'on allait la mettre dehors dès qu'elle serait remise ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Que je lui demande. Elle ne peut pas me répondre évidemment, mais je m'inquiète d'autant plus : J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

Peut-être que nous nous sommes mal comprises. Et encore, je crois que je n'imagine même pas tout ce qu'elle a pu traverser ces derniers temps. Elle n'a que dix ans, à peine. A son âge, que vit-on dans ce nouveau monde ? D'autant qu'elle est seule, mais je n'ai pas du tout l'historique de tout ça pour comprendre ce que ça signifie, être seule, à son âge. Avait-elle ses parents ? Qu'a-t-elle vu ? Des sœurs ? Des frères ? Les deux ?

On ne va pas t'abandonner, tu sais ? que je lui souffle à l'oreille, pour la rassurer comme je le peux. Ma main frotte son dos doucement, dans une friction réconfortante. Tu ne resteras pas toute seule, tu ne repartiras pas dehors si tu veux un abri, il n'en a même jamais été question, aucun adulte ici ne pourrait se dire que c'est normal de laisser une enfant à la merci du monde. Allez, allez, que je lui murmure. Tout va bien, Mimi, ne t'en fais pas, je suis là...

Maintenant en tout cas, ça va. Avant, c'est une autre histoire.