Elle reste silencieuse dès l'instant ou Camila reprend la parole. L'observant sans mot dire alors qu'elle évoque les Oblivions, et ce déchaînement d'horreur qui n'a fait qu'ajouter de l'enfer au tumulte de son existence. Sa machoire se contractant légèrement quand elle parle de ces viols, de cet enfant tout juste né qu'elle à pris la décision de tuer, avant de parler du reste. De toute ces choses, assurément trop lourdes à porter pour une seule et même personne en une seule vie d'à peine trente années.

Et si son regard reste neutre, c'est la tempête dans son esprit. De telles horreurs auraient dû rendre fous n'importe qui, leur faire perdre la raison. Camila dans tout ça, se contentait de pleurer. De vider ce sac de toute les pierres qui heurtaient son dos depuis la rencontre des Oblivions, avant qu'enfin, elle ne vienne poser une main contre la sienne, sans mot dire.

Tu as très bien fait de me parler. murmure t-elle avec douceur à la jeune femme, lui tendant la boîte de mouchoirs en lui laissant le temps d'épancher toute ces larmes qu'elle s'est sans doute interdite de faire rouler avant ce rendez-vous.

Tu es encore en vie, devant moi. Et tu n'as pas fait toute ces choses par plaisir. Tu les as faite pour survivre. lui rappelle t-elle avec douceur, songeant de nouveau à cet enfant qu'elle à empêché de vivre plus longtemps dans un monde qui lui aurait certainement servi les pires horreurs comme une norme dangereuse.

Je n'ai pas été à ta place, et je ne peux pas te confirmer ce que j'aurai fais. Mais ton acte envers ton enfant n'est pas un crime, si c'est ce que tu as besoin d'entendre.

Elle avait fait ce qu'elle avait pu. Avec les rares moyens en sa possession. Tu es en sécurité ici. vient lui rappeler la sexologue avec douceur, se relevant pour venir à ses côtés, lui laissant toute la possibilité de reprendre ses esprits, ou continuer de vider son sac.

Ce que tu as vécu, personne ne le mérite. Et personne ne devrait avoir à te donner un avis sur les actes commis à ce moment là. Et sans doute que personne ne saurait, en dehors de ce bureau et de Sebastian, si Camila ne le souhaitait pas. Ce n'était pas elle qui irait raconter les détails sanglants qu'elle venait d'essuyer, et dont elle encaisserait le choc une fois seule, loin de sa patiente du jour.

Est-ce que ça va ? s'enquit-elle avec douceur, une fois sûre qu'elle ne va pas pleurer à nouveau. Je ne te cache pas qu'il faudra travailler certains points. Mais je ne doute pas une seule seconde que tu y arriveras sans problèmes Cam.

La culpabilité, l’horreur, la peur, les traumatismes, la peine, la colère, un réel maelstrom d’émotion me déchirent les tripes et l’esprit. J’hoquette à cause de mes sanglots. J’ai l’impression de n’être que ce corps perdu dans les méandres de la noirceur et c’est la main de Faith sur la mienne qui me ramène ici, sur ma chaise, dans le sous-sol du château de Woodinville. Si j’ai pour réflexe de vouloir retirer ma main, je ne le fais pourtant pas. J’apprécie ce contact, mais la peur qu’il vienne avec autre chose rôde toujours dans mon esprit brisé. Bons ou mauvais, j’ai appris à éviter ces touchés.

Cette main sur la mienne est un tout petit baume sur mes blessures. Elle ne m’a pas mise dehors, pas encore. Elle m’a écouté. Juste ça, aussi douloureux que ça été de revivre mes cauchemars, je lui suis reconnaissante. C’est la première fois que j’en parle, que je verbalise tout ça et… en quelque sorte, ça fait du bien.

Je relève mon regard brouillé sur la sexologue, tandis qu’elle me dit que j’ai bien fait de lui raconter, de parler. Elle me tend une boite de mouchoir et j’essaie de reprendre le contrôle sur mes sanglots, j’essaie de m’arrêter, de reprendre mon sang-froid. Je prends de grandes inspirations, puis j’expire lentement. Ça va calmer ma crise de pleurs et mon hoquet… éventuellement.

Faith se prononce finalement sur mon calvaire, sur mes crimes… Je suis au plus bas. Ma fierté et mon orgueil sont en miettes et je ne peux que m’accrocher à ses mots, à ce regard, à cette douceur dont elle fait preuve malgré tout. Survivre… le prix à payer a été trop important. Est-ce que je ne saurai jamais apprendre à vivre avec ?

Elle se lève pourtant et avale la distance qui nous séparait jusqu’ici, se plaçant à mes côtés. Je l’écoute toujours, essuyant mes larmes, me mouchant, mon corps toujours secoué par le hoquet qui ne disparait pas, malgré que je ne sanglote plus.

En sécurité. Personne ne peut me juger.

Pourrais-je un jour me pardonner à moi-même cependant ? Puis-je tout justifier par la survie ? Ou suis-je le monstre qu’ils ont fait de moi ?

- Je… oui. Ça ne va pas du tout, mais en même temps je ressens cette espèce de sentiment indescriptible. Un genre d’apaisement. J’aimerais avoir ta conviction. Que je souffle à Faith, un peu désabusée. Mais… je… Je veux plus sentir ça en moi, cette lourdeur et cette noirceur qui me bouffent. Cette douleur constante. Je ne veux plus fuir. Je chuchote presque, la gorge serrée par l’émotion. Si tu penses pouvoir m’aider Faith, je veux essayer. Même si ça prend du temps. Je n’en peux plus… Je ne peux pas vivre comme ça. Je ne peux plus vivre comme ça.

Et avant d’en arriver à une ultime décision, il faut que je tente cette solution.

N'ai pas ma conviction. Contente toi de me croire sur parole. Affirme t-elle à la jeune femme avec aplomb, laissant Camila s'épancher sur cette douleur qui donnait sur la fin, la sensation de ne jamais vouloir quitter le corps. Elle ne pouvait que le confirmer. La mort de John, la disparition de Tori et Emily. Ce cocktail explosif aurait finalement pu la tuer, si Ana n'avait pas été la pour l'aider à se relever.

Je sais. murmure t-elle avec douceur à sa patiente qui évoque cette douleur constante. Mais je te promets que ça va s'apaiser Cam. Tu viens déjà de faire le plus dur, en l'admettant, et en étant prête à faire en sorte que ça change.

En parler, évoquer les traumatismes. La douleur, les horreurs vécues, n'étaient qu'un premier pas vers la guérison. La promesse un peu timide qu'un jour, elle pourrait se lever en acceptant ce qu'elle avait pu vivre, et être apte à aller de l'avant.

Je peux t'aider. Je ne peux pas te promettre que ça sera réglé en quelques jours, parce que ce serait te mentir. Mais si tu es prête à avancer, je t'aiderai à faire en sorte que tu y arrives. Peu m'importe le temps que ça prendra. On y arrivera toute les deux.

Elle avait vu de tout, au cours de ces consultations. Et si certaines étaient plus difficiles que d'autres à appréhender, elle n'avait jamais faibli. S'était toujours faite violence, pour inciter ceux qui en avaient besoin à avancer. D'une simple histoire de deuil, à des horreurs bien plus traumatisantes comme celles que venait de lui évoquer la jeune femme.

Est-ce que tu arrives à dormir le soir ? Plus de quelques heures, j'entends. Sans faire de cauchemars. J'ai besoin de le savoir pour évaluer à peu près comment entamer ta thérapie.

Et surtout... Elle ne pourrait pas la soulager aussi simplement qu'avec une ordonnance. Les médicaments se faisaient rares, et si elle était prête à lui offrir quelques doses minimes, le plus gros devrait se faire de toute manière par le psychique. Elle visualisait déjà assez aisément comment aborder les thématiques. Peut-être même un peu de thérapie neuro émotionnelle, pour au moins apaiser dans un premier temps les plus gros traumatismes. Certains accessoires ici pourraient faire l'affaire, à commencer par faire travailler ses mouvements occulaires à l'aide d'une petite lampe torche. Moins conventionnel qu'une lumière douce, mais qui fonctionnerait sans doute tout aussi bien en situation d'urgence.

Est-ce que tu es sujette à des épisodes de paniques ? Crise d'angoisse, envie de pleurer, montée de colère ?

La croire sur parole… Ça me semble moins insurmontable que de développer cette assurance que tout ira bien, que j’irai mieux. Alors je me contente d’hocher de la tête. Ai-je vraiment fait le plus dur ? J’aimerais y croire. Sincèrement. Tout ce que je peux faire toutefois c’est de laisser le temps faire les choses, laissez Faith essayer de m’aider et voir si… si on peut m’aider, si je ne suis pas une cause perdue.

J’hoche à nouveau de la tête quand elle me dit que ça ne prendra pas quelques jours. Je le conçois très bien, ce serait idiot de ma part de penser que c’est possible. Ce sont des rêves d’enfants et de naïf ça. On m’a volé ma naïveté depuis longtemps…

- Ne t’inquiète pas, je ne vois pas les choses avec des lunettes aux verres roses. Je tente un petit trait d’humour sans même être capable de sourire.

Je replonge le regard dans ma tasse de thé à la fleur d’oranger. Il en reste peu et c’est tiède, mais j’en prends une autre gorgée, me raccrochant à ce breuvage comme à une bouée de sauvetage.

- Je dors peu et mal. J’ai la plupart du temps des cauchemars. Les meilleures nuits sont les nuits noires, sans rêve. Je gérais un peu, jusqu’à ce que… je… Sawyer. Je bredouille les derniers mots, la culpabilité me tiraillant les entrailles.

Je pose la tasse sur un meuble et enfouis mon visage dans mes mains. Je me sens tellement fatiguée, mentalement, émotionnellement, physiquement. Je ne sais pas ce que Faith pourra bien faire de moi, mais j’ai confiance. J’ai au moins ça. Je réponds d’ailleurs à ses prochaines questions en marmonnant dans mes mains, le visage toujours caché par celles-ci.

- J’ai toujours été du genre colérique, mais c’est pire. Je suis devenu un peu agoraphobe aussi… depuis Portland. Je ne me suis pas aidé en allant à la cage, mais c’était la seule façon de gagner ma croûte sans voler ou tuer… Je n’en suis pas fière, mais voilà. J’ai fait ce que je pouvais avec ce que j’avais. Mes crises de panique c’est surtout quand je me sens coincée, menacée… par un homme ou des hommes. Quand j’ai entendu parler de Oblivions après tout ce temps. Après avoir pensé m’être enfin assez éloignée…

Elle ne doutait pas une minute, qu'elle ne soit pas apte à observer la vie en rose. Pas après tout ce qu'elle avait vécu. C'eut été un non sens total. Esquissant un sourire bienveillant à son égard, avant d'hocher la tête à ses nouveaux propos. Peu de sommeil, beaucoup de cauchemars. Un classique. Et le prénom de Sawyer achève de noircir le tableau déjà bien sombre que lui dresse Camila.

Ce n'était pas ta faute, Cam. lui rappelle la brune avec douceur, posant son regard sur elle. Regarde Edwin. Il à tiré sur la mère de son propre fils, et à déclenché un accouchement. Est-ce que je devrais lui en vouloir, alors qu'il était intoxiqué au même titre que toi ? Bien sûr que non. Et si Cam avait ôté une vie, personne dans ce groupe ne pourrait l'accuser de l'avoir fait de son plein gré. Tout le monde avait perdu la tête, ce soir là.

Je vais t'administrer de quoi dormir. tranche t-elle néanmoins, récupérant un ensemble de cachets qu'elle vient poser sous ses yeux. Tu n'en prends qu'un quart avant de te coucher. On va démarrer sur une semaine, et voir comment tu te sens à la fin. Je n'ai pas envie que tu tombe dans une addiction, mais ton corps à besoin de souffler. Ca commence par faire de vraies nuits de sommeil.

Quand à sa gestion de la colère et son agoraphobie... Il y avait de quoi l'être. Un traumatisme peut te déclencher des tocs, ou des phobies. Et entendre parler de tes bourreaux à forcément rallumé ton amygdale. Tes réactions sont parfaitement saine, quoi que tu puisse en penser. Dans le contexte actuel en tout cas, son cerveau transmettait les meilleurs éléments prouvant qu'il restait choqué des événements, et non pas désabusé. Une sorte de mal pour un bien, dans le fond.

Ce soir, tu vas te reposer. Pas de garde, pas de surveillance. Je te lève de tes fonctions, et je m'arrangerai pour que quelqu'un d'autre prenne le relais.

Le cachet donné ne lui permettrait de toute manière pas de pouvoir tenir debout. Tu vas aller dormir rapidement, et je te revois demain matin pour une seconde séance. D'accord ?