L’hiver est une saison que beaucoup associent à la mort, mais pas moi. En toute sincérité, quand je vois la neige, les arbes sans feuilles, je vois ça comme le repos, comme la nuit qui précède le jour. L’hiver n’est là que pour permettre la renaissance et je le respecte pour cela. Quand bien même je souffre réellement de cette neige et que mes mains me font mal tant il fait froid.

Ce jour là, je m’en souviens, j’étais en exploration un peu au nord de Seattle, je cherchais d’autres navires, des ports ou éventuellement des signes de vie pour nouer de nouveaux liens. Un soir, je me suis amarré le long d’un quai le temps d’aller chercher un peu de bois pour faire une gravure, mais alors que je revenais vers mon navire, j’ai entendus des bruits de pas discrets qui me suivait, j’ai d’abords pensé à des hommes creux, alors je me suis mis en embuscade pour les attendre : « Par Njord ! »

Ce n’était pas des hommes creux qui m’avaient suivit, mais une jeune femme qui semblait avoir froid. Je ne l’avais jamais vu : « Vous ne devriez pas vous approcher comme ça des gens ! » Je baisse mon piolet pour montrer que je ne lui veut pas de mal, je n’irai pas chercher la guerre contre une femme seule qui semble plus attiré par la chaleur de mon navire que part l’idée de me le voler. En tout cas je l’espère ou alors je suis quelqu’un de beaucoup trop naïf. J’éclate presque de rire pour tenter de la mettre à l’aise : « Vous m’avez fait peur ! » Mais une fois la peur passé, il n’y a plus de raisons de se montrer agressif ou quoi que ce soit envers la jeune femme.

En fait, mon cœur me dirait bien de lui offrir la chaleur d’un foyer pendant quelques heures, qu’elle puisse passer la nuit sans risquer de mourir de froid : « Si vous n’avez nul par où aller ce soir, je peux vous inviter à vous réchauffer, j’ai à manger et du vin chaud, ça ne pourrait vous faire que du bien. »

J’ai un petit ricanement à sa réponse, c’est typiquement américain ce genre de réaction, ils n’ont pas le même rapports aux alcools que chez nous en europe. Le vin chaud c’est une autre culture : « C’est amusant, le vin chaud ne contient plus d’alcool justement. » Au pire je lui ferai du thé si elle ne veut pas de vin, mais quoi qu’il en soit, elle me parle d’argent, de paiement tout de suite. Alors je la coupe très clairement dans sa phrase : « Je ne pense pas que les dieux exigent quoi que ce soit quand un homme ouvre sa porte. »

Je prendrai comme une insulte qu’elle veuille me faire payer mon hospitalité, c’est une notion qui m’est très chère, elle est mon invité et en tant que telle, il lui est interdit de participer ou de rembourser les choses que je lui offrirai : « En d’autres termes, j’apprécies que vous vouliez cuisiner ou coudre pour moi, mais ça ne sera pas nécessaire, car je vous invites. » C’est un concept que j’aime et auquel je suis attaché.

Quoi qu’il en soit, je l’invite à me suivre et à prendre pieds sur le pont supérieur de mon bateau, la conduisant ensuite dans la petite cabine. Directement en bas de la petite échelle, il y avait la cuisine, puis le petit salon. Au fond au centre, la douche et les cabinets et de chaque côté de la salle de bain, une petite cabine avec trois couchettes : « C’est petit mais c’est mon navire. Njord, le dieu de la mer, fendant les flots. » Je dépose mon manteau sur une des banquettes et je m’étire, il fait une bonne quinzaine de degrés dans le bateau, bien plus qu’à l’extérieur. Et pour quelqu’un qui a vécu dans un pays nordique, c’est une température suffisante pour se mettre en t-shirt. Je sors ensuite deux timbales et je les poses sur la table, invitant la jeune femme à s’assoir : « Je m’appelle Tomas au fait, et vous ? »

Elle semble encore réellement surprise de mon accueil et de mon bateau, je vois bien que ses yeux sont admiratifs et si ça me fait plaisir, si je suis fier, je tente quand même de rester modeste : « Le voyageur doit pouvoir trouver de l’aide auprès des autres, c’est un précepte sacré pour moi. » Elle me demande aussi si je pense qu’il existe plusieurs dieux, la remarque me fait lever un sourcil, elle semble candide à me poser la question comme ça, c’est assez mignon en soit.

Je lui réponds avec assurance : « Evidemment, Le royaume des Ases est plein de dieux, Thor, Odin, Frigga, Loki, même si ce n’est pas vraiment un dieu, ça ne vous parle pas ? » J’imagine qu’en plusieurs années, les gens peuvent oublier ce genre de choses. J’en profite aussi pour lui répondre sur plusieurs sujets : « Je suis un voyageur dirons-nous, j’explore pour le compte des miens. » Je ne pense pas que ça soit judicieux de lui dire quel est la nature du mon groupe pour le moment, je suis généreux, pas stupide :

« Pour le moment je suis seul, mais peut-être qu’à mon voyage suivant un de mes compagnons viendra avec moi. » Nola, Ludwig ou n’importe qui d’autre qui veut explorer la baie et quitter un peu le confort de notre campement. Le frisson de l’aventure, l’exploration et l’inconnue, je me rendais compte que c’était ce que j’aimais le plus et de loin quand je mettais les voiles.

Je dépose devant la petite un plat, de simples céréales cuites dans un bouillon et une pomme de terre, c’est toujours mieux que rien et je m’assois en face d’elle : « Vous voyagez seule également ? » Je suis curieux de savoir ce qu’une fille aussi candide peut chercher à faire seule par de telles températures, ça pourrait être un piège évidement, mais j’espère que ce n’est pas le cas qu’elle est sincère, que nous sommes sincère quand nous partageons ce repas. Je lui tends une coupe de vin chaud, un simple vin avec quelques épices et un peu de miel dedans, idéal pour se réchauffer.

J’écoute la jeune femme m’envier et me parler de la personne qu’elle cherche, alors même que je me ressers un verre de vin, je lui réponds : « Si vous me donnez le nom et la description de votre amie, je me ferai une joie de la chercher si l’occasion se présente. » Je lui fais également signe qu’elle n’a aucun risque de devenir ivre avec ça, il n’y a pas ou très peu d’alcool dans son verre.

J’enchaine également sans trop relever ce qu’elle m’a dit, pour ne pas lui donner d’espoirs sur l’idée même de l’accepter chez les miens : « Et pour ce qui est de ma communauté, je suis d’accord, c’est beaucoup de travail mais c’est rassurant d’être avec eux. » Et je ne lui proposerai pas de nous rejoindre, je ne peux pas prendre ce risque malheureusement. Pas ce soir du moins, mais si d’aventure je la recroise, pourquoi pas ? Elle semble un peu naïve mais pleine de bonne volonté.

Je vais continuer à parler avec elle et si la conversation me laisse cette bonne impression, je parlerai d’elle au conseil : « Rendez-moi service alors, restez assise. » Voilà, elle me rendra la pareil comme ça. Je me lève pour commencer à faire à manger et je reviens sur la question des dieux : « Si je vous disais que nous avions tous les deux torts ? » Je sais parfaitement que la terre n’est pas en train de reposer sur un arbre magique : « Les scientifiques étudient nos origines et remontent à des milliards d’années. Ils nous donnent des explications sur la formation et la structure de notre univers. »

Toutes nos croyances, les miennes comme les autres sont des métaphores de ça, ça ne veut pas dire que je ne crois pas au Vahalla ni même à Thor et Odin ni aux principes et histoire de la mythologie. Mais il faut aussi être conscient de ce que la science nous apprends et accepter les limites de nos croyances : « Un dieu, plusieurs, aucun, une énergie sans nom. Nous croyons tous à une chose qui colle avec la réalité scientifique pour tenter d’expliquer le monde. » Ma logique peut être compliqué à suivre, mais je pense que la petite peut le comprendre.