Au départ, Milow était jamais trop chaud pour les cassages de gueule à plusieurs contre un. Pas qu'il avait une conscience réellement travaillée – il avait fait de belles saloperies par le passé -, mais ça lui disait rien. Puis, au final … il y avait pris goût, grisé par les autres – ou influencé -, les interrogatoires musclés lui laissaient toujours une sensation d'euphorie qu'il camouflait sous son éternel masque de neutralité.

Il se changea en silence, comme toujours, évitant toujours soigneusement de relever les yeux dans ces moments-là – même si des coups d'oeil pouvaient se perdre -. Son jean enfilé, son t-shirt puis son gros sweat par-dessus sa tête, il replaça distraitement ses cheveux avant de se pencher pour mettre ses chaussures, le temps que tout le monde quitte leurs vestiaires, histoire de rentrer chez lui et ne pas avoir à être traîné de force au bar. Toujours aussi fun, le Milow, oui.

Ses sourcils se froncèrent quand il se redressa pour constater qu'il ne restait plus que Cesare, et qu'il était tourné vers lui. Pire : qu'il lui barrait la sortie.

Y'a un problème ?

Nooon pas un tête à têête …
Il obéit pourtant, pas franchement ravi, et se laissa tomber sur le canapé sans détacher son regard clair de son aîné. Mains dans les poches, dos légèrement courbé en avant, il tomba des nus quand la question fusa, sans détour, sans pincette.
Il ouvrit la bouche, cligna des yeux et lâcha un petit hoquet qui devait s'apparanter à un rire maintenu.

T'es sérieux, là ?!

Il détourna les yeux, secoua la tête, éberlué, mais sa peau sensible vira au rouge au niveau des pommettes sans qu'il ne puisse rien n'y faire. Décidément putain …

C'est quoi votre problème, à tous, avec ça ?

D'un élan, il se remit sur ses jambes, avec la ferme intention de se barrer d'ici au plus vite. Lui qui commençait doucement à imprégner l'idée qu'il puisse éveeeentuellement l'être, voilà que Cez venait de le faire faire un bond en arrière. Juste par fierté, et honte.

Juste occupe-toi de ton cul, Cez, okay ?

Il contourna son coéquipier et récupéra son sac qu'il jeta sur son dos.

Il fut renvoyé sur le canapé aussi sec, hop, retour au point de départ. Balançant la tête en arrière, il passa ses mains sur son visage et grommela dans ses paumes, maintenant sa colère et sa honte.

Putain mais c'est pas possible …

Il abaissa vivement ses bras pour braquer un regard assassin sur cet enfoiré de Cez qui n'était visiblement pas prêt de lui lâcher la grappe. Entre Clyde, Connor, Otis, Derek, Kaz, ça commençait à faire beaucoup. Même Lucy, à l'époque, lui avait posé la question. A croire que le brusquer, ça allait l'aider à s'accepter.

Mais qu'est-ce que ça peut t'foutre en vrai ?

Malgré tout, il ne put s'empêcher de lâcher un rire surpris, un brin estomaqué quand son aîné admit sans pudeur qu'il était un grand pratiquant de la fellation, aussi. Balançant son regard sur le côté pendant une seconde, le temps de se mordiller l'intérieur des joues, il tourna de nouveau la tête vers lui, un air presque provocateur posé sur ses traits.

J'ai jamais dis que c'était une insulte.
Si t'aimes les garçons, vaut mieux que tu sois au courant, non ?

Cette dernière phrase parut moins … plus … sincère ? Que les autres. Il ne saurait dire, mais il sentit quelque chose de différent dans la voix de Cesare, qui lui fit fermer sa bouche à lui, pour finalement l'écouter. Comme si une barrière s'était brisée en lui. Sans pour autant qu'il se détende physiquement, bien sûr.
Il souffla du nez et croisa les bras contre son buste en s'enfonçant dans le sofa, son sweat remonté jusqu'à son nez et le regard posé sur un point invisible. Okay, il voulait parler, qu'il parle, lui. Milow, lui, était décidé à faire la gueule et à ne plus ouvrir la bouche, jusqu'à ce que l'autre en ait ras le cul et abandonne.

Justement, si t'en as rien à branler, pourquoi tu m'emmerdes ? Ne put-il cependant s'empêcher de lâcher. Et j'm'en branle que tu suces des bites, c'est ton problème. Pas l'mien. Tu me fous la paix, maintenant ? Tu veux m'pécho ou quoi ?

Ultime provocation. Il puisait dans ses ressources de petit con, probablement pour assurer sa défense personnelle sans comprendre qu'il ne s'agissait pas, en face, d'attaque.

Il haussa les épaules, détourna le regard, ne sachant jamais comment réagir quand quelqu'un affirmait bien l'aimer. Sujet à l'impulsivité, il eut envie de lui répéter une fois de plus que c'était pas ses oignons, mais il se mordit la langue, pressé d'en finir avec cette discussion forcée.

Il lui lança malgré tout une petite pique, lui demandant au passage s'il lui demandait ça pour le pécho. Pure mauvaise foi et provocation, à laquelle l'aîné répondit sur la même intonation, mais sans passer par quatre chemins. À l'évidence, ils étaient deux têtes de con face à l'autre. Cesare était doué dans son genre, mais heureusement que Milow prenait sur lui depuis quelques temps. Les voix auraient pu très vite beaucoup plus grimper dans les tours.

Cez reprit. Et le jeune adulte prit un soin particulier à garder son regard braqué sur le côté, essentiellement car les mots tapaient juste, et que ça le faisait chier. Il prit une inspiration par le nez, avala sa salive, et ne bougea pas plus quand son aîné le rejoignit sur le canapé. Le corps bouillant, la gorge serrée, il avait envie qu'il se taise. Mais en même temps … peut-être qu'il avait besoin d'entendre tout ça. Une bonne fois pour toutes.

Son menton s'abaissa légèrement. Et merde putain … il avait les yeux pleins de larmes, et il n'osait plus cligner.

Les choses sont pas assez compliquées comme ça, finit-il par lâcher, après un silence.

Il secoua la tête, déglutit encore, et fut contraint de lever une main pour essuyer d'un revers rageur ses yeux trempés.
Lui qui pensait être en parfait contrôle de son être et de sa vie se prenait claque sur claque. Ça, c'était le coup de grâce, qu'il endurait depuis des mois voir années, en refoulant, en se disant que, peut-être qu'en ignorant assez longtemps, ça finira par disparaître. Mais il devait se rendre à l'évidence. Ruben, Kaz, Lee, à présent, Derek, même. Et la manière dont il regardait Connor. Ce n'était pas que de l'admiration.

Il laissa filer un lourd soupir entre ses lèvres, ravalant son envie de juste pleurer, là, comme ça, comme un débile. Sous le nez de Cesare, sérieusement, c'était vraiment pas cool, déjà qu'il se faisait pas mal charrier tout le temps.

Peut-être que j'le suis.

Et une moue brièvement écoeurée passa sur son visage juvénile. De toute manière, même s'il ne l'était pas, il s'était quand même fait agresser par des homophobes à une période, juste par rapport à son physique. Le nier, ça ne changeait pas la vision que les gens avaient de lui.

Pourquoi j'peux pas contrôler ça ? Ou juste … aimer rien du tout. J'ai pas … pas envie d'avoir la tête à tout ça.

Ses deux mains se levèrent pour se frotter le visage. Bordel … il était vraimen en train de confier ses états d'âmes à Cesare, là ?

J'ai pas envie de penser à tout ça. Que ce soit les hommes, ou n'importe quoi.

Mais plus il le disait – Otis et Kaz connaissaient ces excuses -, moins ça avait de valeur. Bien sûr que si, il voulait connaître ça, il voulait grandir. Son corps contredisait son esprit, si sûr de lui à une certaine époque. C'était sans doute vrai, avant, d'ailleurs, qu'il ne veuille que se concentrer sur sa survie. Mais la valeur des choses changeaient. Il le sentait.