Je n’étais pas rentrée de la nuit. J’espérais que personne ne se soit inquiété, même si… Ca devrait aller. Jusqu’à preuve du contraire, Lennox était resté seul au phare avec ses enfants. Et clairement, il était dernier qui s’inquiéterait de ne pas me voir revenir. Les deux autres étaient partis au No Man’s Land la veille, l’un pour se rendre à la Cage, et l’autre au No Man’s Land pour le rapport hebdomadaire fixé avec Cora. Je ne m’attendais pas à les revoir de si tôt.

Pour ma part, les traces d’un cerf m’avaient mené plus loin, bien hors de la ville, sur un ancien chemin de randonnées à moitié effacé par le temps. En forêt, aucune carte ni boussole ne pouvait vous aider à sortir plus rapidement. La végétation avait repris ces droits et tous les chemins se ressemblaient, surtout quand la nuit finissait par vous prendre au dépourvu. J’étais rentrée fourbue et sale au petit matin, quand les premières lueurs de l’aurore m’avaient permise d’y voir plus clair. Bien entendu, ma prise m’avait également filée entre les doigts… J’avais donc également le ventre vide.

J’avais esquivé Lennox tant bien que mal. D’une humeur massacrante, je n’avais pas tellement envie de me retrouver confronter à lui pour couronner le tout. Par contre, le véhicule de Tiago était arrêté non loin du phare, ce qui me laissait comprendre qu’il était revenu. J’allais m’enquérir des nouvelles fraiches en provenance du No Man’s Land quand je me retrouvais subitement nez à nez avec une silhouette féminine à la chevelure de feu. « Mais… D’où ?! » Je me figeai, comme un lapin pris dans les phares d’une voiture. Je ne la connaissais pas celle-là. Qu’est-ce qu’elle faisait dans notre planque ?! « Tu es arrivée avec Tiago ? » Je ne voyais pas d’explication plus logique. Lennox n’aurait laissé passer personne. S’il était souvent de mauvaise composition, c’était quelqu’un d’efficace qui ne laissait rien au hasard. Il n’aurait pas laissé n’importe qui entrer dans notre planque ! « Je peux savoir qui tu es exactement et… Ce que tu fais là ? » Oui, mieux valait commencer par là.

J'avais passé la nuit au chaud relatif dans le phare, en présence des autres, un peu inconfortable par cette nouvelle situation. Surtout par la présence d'enfants qui me mettaient franchement mal à l'aise, quoi que je fasse. Je ne sais pas quel instant de la situation m'avait laissé sur un sommeil léger, mais il allait falloir faire avec. Après de nombreuses positions inconfortables, j'avais fini par me lever définitivement, abandonnant l'idée de récupérer un peu plus de sommeil. J'étais montée en haut du phare un long moment, pour observer l'horizon, le ciel, les étoiles. J'avalais l'air frais de la fin de nuit dans mes poumons, heureuse et inquiète de cette nouvelle situation. Je n'avais toujours pas pu rencontrer Alice, juste de plus en plus d'inconnus.

Alors que le ciel s’éclaircissait doucement, je m'étais glissée silencieusement jusqu'à l'extérieur pour mon jogging matinal. J'avais fais mon maximum pour ne déranger personne. Une fois à l'extérieur, je m'étais étirée puis j'avais remonté mes cheveux en queue de cheval maintenu par l'une de mes mèches rousses. J'avais fais un petit tour, d'une demi heure environ, profitant du doux lever du soleil pour admirer la mer qui était décrite comme si dangereuse par Lenny. Ou Lennox, je savais plus trop du coup. C'était sûrement un surnom. Je faisais attention à être seule, ne pas être suivie et ne pas ramener de problèmes à ce groupe qui m'avait laissé rentrer chez eux.

Après ma course, j'étais revenue, les lueurs du soleil s'étant bien installées. J'avais pénétré le logement, m'étirant encore un peu, tentant de rester silencieuse et respectueuse de l'endroit qui ne m'appartenait pas quand la porte fit un peu de bruit. Une voix s'éleva rapidement. Je faisais volte face pour voir une petite femme blonde figée, son regard bloqué sur moi. Je sentais un poids se poser vivement sur mes épaules. La surprise laissa place aux questions, je répondais vivement. Oui c'est ça, je suis arrivée avec Tiago. affirmais-je accompagné d'un mouvement de tête.

Oui pardon, moi c'est Alaska. Thomas, mon nom de famille si tu veux savoir, même si ça a plus trop d'importance. dis-je en réalisant que ce fait était futile. Je suis là parce que je cherche Alice, enfin, son groupe, enfin, je cherchais du coup puisque je vous ai trouvé. Mais à la base je cherchais Alice. continuais-je en agitant mes mains avec mes explications. Elle m'avait parlé de son groupe en été, mais on a été séparé, puis j'ai rencontré Tiago et il m'a dit que c'était pas lui de décider si je restais, et je suis là.

Je levais un peu les mains pour souligner que je n'étais pas un danger. Là, je reviens de dehors, j'étais partie courir. Je voulais pas causer de problèmes en sortant de nul part. Mes explications étaient à la fois concises et confuses, dans un mélange en pagaille qui n'aidait pas tellement à la compréhension.

J’écarquillai les yeux, sous le coup de la surprise. Mon cœur battait la chamade, à voir cette inconnue sous notre toit. Heureusement, elle me rassura bien vite sur sa présence en ces lieux. Elle n’était pas à proprement parlé une intrus. La rousse était bien arrivée la veille en compagnie du gitan. Je poussai un soupir de soulagement, sans même savoir encore exactement ce qu’il en était. Je faisais seulement suffisamment confiance à Tiago pour ne pas ramener n’importe qui. Il avait forcément ses raisons.

« Daccord, d’accord… » Alaska, donc. Elle avait l’air d’être plutôt du genre bavarde. Le nom de famille n’avait effectivement plus aucune utilité de nos jours… Ou peut-être que si, quand on s’appelait Alaska. « C’est un nom de pays. » C’était bien la première fois que j’entendais quelqu’un se nommer comme ça. « Tes parents ne t’aimaient pas ou quoi ? » Je souris un peu en coin, avant de retrouver rapidement mon sérieux. C’était une amie d’Alice ? « Vos naviguiez sur les mêmes eaux ? » Je me demandais si elle était une membre de son ancien équipage. Etait-elle fiable ? Alice avait pris du temps avant de dévoiler son plein potentiel… Et je ne lui faisais toujours pas pleinement confiance. Qu’en était-il pour Alaska, dans ce cas ? Apparemment, Tiago ne s’était pas beaucoup mouillé avant de nous la ramener.

J’eus une moue ennuyée. « Alice est partie en mer avec une bonne partie de notre groupe. Il a dû te le dire… Nous attendons leur retour prochain. » Sans bien savoir quand il aura lieu, ou même si il aurait lieu. Le temps commençait à me paraître long, alors forcément, je m’inquiétais. « Tu peux rester en attendant qu’ils reviennent, mais il va falloir te rendre utile pour mériter ton repas le soir. Qu’est-ce que tu sais faire exactement ? » Je n’étais pas réfractaire à l’idée de recruter quelques personnes de plus, surtout si nous étions encore amputés pour un moment de la majorité de nos membres. J’aurais cependant dû me présenter plus tôt. « Je suis Ruby. Avec Joaquin et d’autres qui sont en mer, on a formé ce groupe et… Les suivants sont venus ensuite nous prêter main-forte. Nous vendons de l’information principalement, mais aussi des services de mécano ou d’ingénieur. »

La blonde avait poussé un sourire de soulagement après mes explications. C'est comme ça que je détendais doucement mes épaules qui s'étaient serrées automatiquement par la surprise, un sourire sincère et doux s'installant sur mes lèvres. J'essayais de ne pas parler trop fort, histoire de ne pas se retrouver avec les gamins de Lenny qui feraient tout foirer. Il suffisait de voir ce qu'il s'était passé la veille. La jeune femme m'avait lancé ce qui aurait pu être une pique sur mon prénom, mon sourire se renforçait un peu plus alors que je détachais mes cheveux en répondant. Je suis pas sûre ouais, enfin, en tout cas ils ont paniqués, mais comme ça personne n'a d'excuse pour ne pas savoir prononcer mon prénom, non ? lançais-je avec un clin d’œil. De toute façon, il fallait toujours voir le positif.

Est-ce que je lui dirais que j'étais une erreur inattendue ? Seulement si la femme posait la question. En attendant, le sujet redevait sérieux, je l'entendais à sa voix légèrement plus directe. Mes doigts se glissaient dans mes cheveux, faisant tourner une mèche alors que j'allais m'appuyer contre un meuble un peu plus loin. Sur les mêmes eaux ? On a pas eu le temps de parler assez, donc je sais pas. En tout cas, j'ai navigué sur l'Océan Pacifique principalement. Après certainement, vu que par élimination si elle est sur Seattle, elle a dû naviguer pas loin et moi aussi. Le visage de l'inconnue m'indiqua tout ce que j'avais à savoir, ajoutant doucement. C'était pas ta question c'est ça ?

Un petit Oups gêné suivit ma pseudo question, avant d'être accompagné d'un léger rire. Nous n'étions clairement pas dans des positions émotionnelles similaires, et j'essayais de toussoter pour souligner la reprise de mon sérieux le plus total. Cette fois-ci, je la laissais parler un peu plus longtemps, en hochant doucement la tête quand elle évoqua Alice. Ruby donc, c'est comme ça qu'elle s'appelait et j'apprenais ainsi qu'elle avait fondé le groupe avec Joaquin principalement, c'était donc cette petite femme qui prenait les décisions. Et là, on me demandait ce que je savais faire.

Dans ma tête, je revoyais déjà le quiproquo qui s'était déroulé avec Tiago, qui tout de suite avait pensé que je vendais mon corps, mes joues se gonflaient inconsciemment. Toujours appuyée, je regardais Ruby dans les yeux, tentant de ne pas m'éparpiller dans cette réponse. J'étais biologiste marine avant, j'ai pas eu le temps de choisir de spécialisation malheureusement, mais du coup, je sais naviguer, plonger, reconnaitre des espèces maritimes. J'ai quelques bases de pêche, mais c'était surtout un hobby. Après, depuis tout ça... dis-je en montrant ce qui nous entouraient, pour souligner, la fin du monde... J'ai beaucoup couru, je suis assez rapide, j'aime explorer tout et n'importe quoi, je suis volontaire et puis j'échange mes serv... J'allais faire la même connerie, je me reprenais immédiatement.

J'ai pris l'habitude de récupérer des informations ou des objets pour les autres, afin de les échanger contre de la nourriture ou des produits dont j'ai besoin. J'accorde qu'on dirait pas comme ça. Je ressemble à une clocharde, je suis arrivée avec mon couteau de plongé, mon sac banane et mon sac à dos vide, donc c'est pas pour montrer mes capacités. Je me remettais à sourire un peu plus après avoir remarqué que le rictus avait fuit mon visage. C'était le problème des discussions trop sérieuses. Je suis studieuse et toujours positive, un sourire en tout circonstance. lançais-je en montrant mon visage.

Encore une fois, si on oubliait l'évènement de la veille qui ne jouerait pas forcément en ma faveur. En tout cas, je pourrais rester jusqu'au retour d'Alice, et ça, ça me rendait heureuse. Si j'ai quelqu'un pour surveiller la mer, je peux aller nous récupérer des fruits de mers aussi, contre les rochers en bas dehors. Vu que tu parlais de mériter son repas. Je ferais tout pour revoir Alice ! C'était la pure vérité, et je mettrais tout ce que je pouvais en avant pour qu'on m'accepte au moins temporairement, et pas à reculons.

Elle n’était pas sûre que ses parents l’aiment ? J’haussai un sourcil quelque peu dubitatif, alors que me le déclarait avec un large sourire plaqué au visage. « Hm, d’accord… » Qu’est-ce que je devais répondre au juste ? « Et ils aimaient juste le pays ou… ? Enfin, laisse tomber. » Si elle me disait venir d’Alaska en prime, leur manque d’imagination allait virer à l’absurde pour moi. Je ne saurais même pas comment réagir. Elle s’appelait Alaska, donc.

C’était un curieux numéro, cette fille-là. Elle semblait tout prendre à la légère, et pourtant au premier degré. A croire qu’elle était constamment dans son monde. Je la laissais me raconter qu’elle avait navigué sur l’océan pacifique, avant qu’elle ne se rende compte d’elle-même que sa réponse était à côté de la plaque. J’eus une légère moue. « Ce n’était pas la question, non… Mais tu y as répondu indirectement. » De toute évidence, si elle n’en savait pas plus sur Alice, elle ne devait pas se connaître d’avant ni avoir travaillé ensemble. J’aurais préféré. Son côté loufoque m’aurait paru un peu moins tracassé si Alice avait été là pour me dire que tout était normal. « Et… Pourquoi tu as arrêté ? » Si je n’étais pas plus explicite, elle allait encore me répondre complètement autre chose. « Je veux dire… Où est ton navire maintenant ? »

Et si je ne m’attendais à rien de particulier venant de cette fameuse Alaska, elle savait visiblement se vendre auprès des autres. Si elle savait naviguer, aucun doute qu’elle se montrerait rapidement utile avec notre nouvelle acquisition. « Nous avons récupéré un navire il y a peu de temps. Si tu es à l’aise avec ça, tu pourras assister Alice dans les explorations des îles. C’est devenu récemment une priorité pour nous. » La demande était devenue plus forte maintenant que nous retrouvions un semblant de civilisation. Certains navires avaient repris la mer, et surtout, elle constituait un atout majeur contre les nouvelles menaces qui rôdaient à Seattle. Prendre le large assurait une certaine sécurité de nos jours.

Je lui rendis un sourire également de circonstance, quand elle souligna son caractère positif et son propre naturel à sourire. « J’avais remarqué. » Quant au reste… « Si tu es douée pour l’exploration et la négoce, tu es tombée au bon endroit. Je ne doute pas que tu sauras te montrer utile. On a quelques missions en cours… Actuellement, on s’est divisé en deux. Ceux partis en mer se chargent de retrouver la trace de pirates qui mouillent dans la baie de Seattle. Quant à nous, nous sommes sur la trace d’un groupe d’esclavagistes. Il est prévu qu’on parte dès que Joaquin sera revenu. Tu en seras ? » Elle n’avait pas trop le choix si elle souhaitait revoir Alice. Et on avait besoin de bras, donc ça tombait bien. Mais son entrain était incompréhensible pour moi. Elle n’avait pas l’air si proche de la navigatrice alors… « Tu pourrais m’expliquer pourquoi tu souhaites tellement revoir Alice ? »

La blonde abandonna très vite la discussion sur mes parents, pas sans se questionner pour autant. Je lui répondais avec un grand sourire et un léger haussement d'épaules, après tout, ça m'importait peu. Et puis encore moins maintenant. Je continuais à lui parler, enjouée, mais tout de même soucieuse de lui répondre sincèrement. La femme finit par me demander pourquoi j'avais arrêté de naviguer, en étant bien claire dans ses propos. Un petit rire s'extirpa à sa précision, après c'était compréhensible de vouloir des réponses censées. Hum, avec les autres on a navigué un moment en longeant la côte, mais on avait jamais su ce qu'il se passait à quai. Du coup quand on l'a découvert, on est parti précipitamment et la coque avait été abimée. On a fini par l'abandonner sur la côte près de Neah Bay. Enfin, on avait pas trop le choix, puis les autres voulaient éviter les grandes villes. Je m'arrêtais un long moment, mes yeux glissants vers le mur le plus proche, réfléchissant.

Du coup il est sur une plage abandonné ou alors la mer l'a déchiré en morceau, je sais pas. Oh, et avant que tu demandes les autres vont sûrement bien, ils m'ont juste foutu dehors. Après que les mots soient sortis de ma bouche, je réalisais la bêtise que je venais de prononcer, un groupe m'avait déjà foutu à la porte. Un sourire pincé se dessina sur mon visage alors que j'espérais que le détail ne soit pas relevé. Jusque là, je m'étais pas trop mal débrouillée, j'avais esquivé les pièges de ma présentation, il fallait bien que je me loupe quelque part. Finalement, Ruby parla du bateau qui avait été récupéré par leur groupe, titillant ma joie. Je me redressais vivement, encore plus quand elle évoqua Alice, me retenant de sautiller comme une gamine.

Oui oui, bien sûr ! Je veux dire, si déjà je peux revoir Alice et rester avec et qu'en plus, on peut prendre la mer ensemble pour explorer des îles ! Ma voix étaient devenue rapide, un peu plus enjouée alors que j'en oubliais le volume que je maintenais pour ne pas déranger les autres. Instantanément, je me recroquevillai un peu, comme si ça allait attirer sur moi le boucan que j'avais fais. Toutefois, un sourire avait fini par se dessiner sur les lèvres de mon interlocutrice, me rassurant doucement alors que je l'écoutais. La belle blonde m'indiquait ce que faisait le groupe en ce moment, me proposant de participer à une expédition en lien avec de l'esclavagisme.

J’acquiesçai, prête à faire mes preuves et à me montrer utile au plus tôt. Bien sûr que je viendrais ! Après, je me bats pas énormément, à part contre les infectés. Je sais pas si c'était utile à précisé, avec mon pauvre couteau, mais le fiasco du début du mois me poussait à en parler. Un petit silence se posa et une nouvelle question, cette fois moins stratégique fut posée. Pourquoi je tenais tant à revoir Alice. Honnêtement ? Pour pleins de raisons et en même temps aucune. Je souriais un peu plus, mon regard remplit de pensées. Je l'ai rencontrée qu'une fois, la discussion était si facile, tout était si simple, comme si ça faisait des années que je la connaissais. J'ai eu l'impression d'avoir une amie pour la première fois de ma vie alors qu'on a à peine parlé. Et puis, elle m'a pas repoussé pour ce que je suis.

Envahissante, oppressante, nonchalante, gamine pour certains. Absurdement candide pour d'autres, source de problèmes infinis. Y a un truc en moi qui m'attire jusqu'à elle, c'est bidon comme explication hein ? dis-je avec une moue un peu confuse. Même moi, je ne savais pas, Alice m'inspirait le bonheur, l'acceptation, l'amitié. Ou alors étais-je seule depuis si longtemps qu'un brin de compassion pour moi m'avait fait perdre la tête ?

J’écoutai le récit d’Alaska d’une oreille attentive, même si la fatigue accumulée ces derniers jours me faisait un peu décrocher. J’avais le ventre vide après ma chasse avortée. Je n’aspirais qu’à me poser un peu dans notre caravane avec un bon thé chaud, en attendant d’avoir davantage de nouvelles des autres. J’eus pourtant un sursaut de conscience quand Alaska m’avoua subitement que son ancien équipage l’avait mise dehors. « Comment ça ? Pour quelles raisons ? » Qu’elle ait perdu son navire était regrettable, mais assez prévisible. Par contre, une certaine camaraderie existait entre les membres d’un même équipage… Alice peinait encore à se remettre de la perte du sien. Et ils auraient mis Alaska à la porte ? Ils ne l’auraient pas fait sans une excellente raison. Forcément, sa déclaration me rendait un peu plus méfiante.

Son débit rapide et forcé trahissait son stress après avoir révélé une information préjudiciable pour elle par erreur. Elle n’était pas si finaude, en fin de compte. Son beau sourire couplé à sa jovialité aurait fait d’elle une négociatrice hors pair, si elle réfléchissait un peu plus à ce qu’elle disait avant de parler. J’allais devoir la tester sur le terrain pour m’assurer qu’elle ferait l’affaire. « Si tu te sais te battre contre les infectés et te mettre en sécurité ou rester discrète, c’est l’essentiel. Nous cherchons de l’information avant tout. Si on peut le faire sans effusion de sang, ça nous arrange et nous évite bien des problèmes. » Je descendis le regard sur elle, à l’affût d’une arme à feu mais… Elle n’en possédait aucune. « Tu sais tirer ? Sinon, tu vas devoir apprendre. » C’était la base.

Elle était trop floue en ce qui concernait Alice. Je devrais démêler le vrai du faux avec la principale concernée, ce qui me permettrait aussi de me faire une meilleure idée sur les raisons qui l’avaient poussé à lui parler des S.T.A.R.S. Elles ne s’étaient à priori vues qu’une seule fois. Ce n’était pas suffisant à mes yeux pour me faire un avis sur la question. « D’accord… Si je comprends bien, personne ne veut de toi, ne serait-ce que comme amie, hormis Alice. Sauf qu’elle te connaît à peine et… » Je me mordis la langue. Autant aller jusqu’au bout de ma pensée maintenant, non ? « Si tu m’expliquais plutôt le problème que les autres ont avec toi ? Je saurais mieux à quoi m’attendre. » Du reste, son explication concernant Alice était effectivement un peu bidon. Je lui rendis un regard dubitatif avant de l’enjoindre à me suivre. « J’ai besoin d’un bon thé chaud et toi aussi. » Je la dépassai pour quitter l’ancien magasin de souvenirs et me rendre dans notre caravane. Les autres étant occupés ailleurs, je ne croisais personne, hormis Lennox qui montait la garde plus loin. J’attrapai deux mugs et entrepris de faire chauffer un peu d’eau. S’il y avait bien encore une chose qui était facile de se procurer et qui ne me coûtait pas grand-chose à offrir, c’était le thé. Je m’assis dans le canapé de la salle commune, lui faisant face. « Tu as l’air de quelqu’un de très volontaire. Je veux bien te prendre à l’essai sur cette mission. » Il n’y avait rien de mieux que le terrain pour voir si quelqu’un faisait l’affaire. Et entre Lennox et Joaquin, elles n’auraient pas l’occasion de nous faire faux bond. « Et si tu nous ramènes du poisson dès ce soir… Tu pourras rester. » Parce que c’était le nerf de la guerre. J’avais faim là. « Tu pourras bénéficier de nos installations et de notre protection en retour pour attendre le retour d’Alice avec nous. Deal ? »