Ca fait partie d’mon rôle. J’crois. De cerner les personnes qui nous rejoignent, de voir de quoi elles sont capables, si elles pourraient prendre un flingue et descendre quelqu’un qui viendrait nous attaquer ou si faut pas compter dessus. Savoir dans quelle catégorie les mettre. Mais Alaska c’est encore une autre histoire. Déjà cette gonzesse, elle est improbable. On peut pas décemment être aussi de bonne humeur et optimiste après avoir survécu autant d’années dans ce merdier. J’veux dire, elle nage dans le déni ou elle est cinglée, j’ai pas d’autres options. Mais ça la rend attachante quelque part et j’ai surtout pas envie qu’elle se fasse buter parce qu’elle aura pas su réagir comme il faut.

Au final, même si j’ai vaguement envie de lui dire de se démerder parce que j’ai l’impression qu’elle va vouloir se la jouer pacifiste, ses réactions m’incitent à faire un effort. Et comme dit, se tirer, c’est pas forcément la mauvaise option, faut juste réfléchir au moment de le faire. Sans laisser tomber les gens. Enfin, j’vais pas lui faire un cours sur l’individualisme, on est pas là pour ça. Un simple hochement de tête quand elle me promet d’écouter ce que je lui dis et je l’écoute, quand elle répond à mes questions.

« Ouais, donc va falloir que tu découvres par toi-même c’que ça fait. Parce que c’est clairement différent que quand on regarde quelqu’un tirer. C’est loin d’être aussi simple qu’on pourrait le croire. » Après avoir bien vérifié que l’arme est déchargée, je lui dis de me viser, histoire de voir comment elle tient l’arme et surtout, pour guetter ses réactions. Et je le vois bien à sa gueule qu’elle tire qu’elle passe clairement pas un bon moment. Je finis par poser une main sur la sienne. « Respire Alaska. Tu vas buter personne aujourd’hui. Mais au moins, t’es bien consciente que c’est pas un jouet. T’as la vie de quelqu’un au bout du canon. Et la tienne de l’autre côté. » Tout en parlant, je remets un peu sa prise en place, je relève son coude et je reprends, mon regard rivé dans le sien. « Vas-y. Appuie sur la détente. » Il se passera rien de toute façon. Mais faut qu’elle fasse ce geste au moins une fois avant qu’on se focus sur des cibles en carton. Parce que ouais, tirer sur un type qui vous regarde, c’est pas la même que de viser un mannequin. « Rappelle-toi un truc important aussi. Si ça se trouve, un jour, tu devras tirer sur l’un d’entre nous. Pour nous rendre service. » Eviter qu’on se fasse bouffer, qu’on finisse comme une de ces saloperies. Et j’attends de voir si elle va appuyer sur la gâchette, sans bouger d’un centimètre.