C'était terminé. Impossible d'avoir raison. Elle ou moi. On était tous les deux dans notre coin, avec notre avis, et c'était terminé. Elle me tapait réellement sur les nerfs quand on se disputait. C'était rare, mais quand ça arrivait, ce n'était pas rien. Et même si ce n'était pas dans mon habitude, j'étais souvent le premier à me résigner. Parce que bon. On avancerait pas à se faire la guerre pendant des jours. Je ravalais ma fierté, parce que j'étais le meilleur des deux à ce petit jeu là. Mais pas réellement cette fois-ci. Pas quand il s'agissait de sa santé à elle, et de la santé de notre fils. Mais j'étais face à un mur.
Alors je ne pus que soupirer, hausser les sourcils, et laisser tomber.

- C'est toi qui décide de toutes façons.

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Le soleil et la température supportable étaient de retour, mais les aléas de la météo avaient eu raison de la santé de Lukas. Il était malade. Rien de bien méchant, mais un rhum pouvait être dangereux, actuellement, et à son âge.
Alors on était partis chercher des plantes dans la forêt du coin. De la sauge magique, et d'autres trucs. J'en avais pris en partant, mais les stocks étaient partis en fumée pendant l'hiver.

J'avais toujours en tête la dispute que j'avais eu avec Yulia quelques temps avant, mais je me retenais de faire un trait d'esprit quelconque. L'atmosphère avait été froide quelques jours, à chaque fois qu'il était question de sortir.

- Si tu trouves des plantes avec des feuilles ovales et des fleurs jaunes, c'est super, c'est des primevères. On peut la broyer pour en faire de l'huile, mais il en faut une certaines quantité quand même.

C'était la saison, pas réellement la région, mais la météo et les plantes étaient devenues chaotiques depuis quelques années. Mes repères étaient perturbés. Alors qui sait. On pouvait bien tomber sur une primevère sauvage.

On va aller voir, on essaie d'faire vite, que j'souffle à Valérian alors que j'suis équipée pour sortir. C'est Emilie qui va s'occuper de Lukas en attendant, pas vraiment la grande forme pour lui, et c'est ce qui m'oblige à sortir pour aller trouver des solutions. Sans traitement, le rhume pourrait dégénérer en quelque chose de plus grave, j'ai aucunement envie qu'ça arrive. Perso, j'ai déjà mis du temps à aller mieux, à me remettre, c'est pas pour voir mon fils perdre ses forces petit à petit.

Je hoche la tête à la remarque de Jaren, sondant autour de nous alors qu'on a marché un petit moment dans la forêt. Je m'arrête, et lui montre une plante du doigt : Tu veux dire, ça ? Feuilles ovales et bourgeons un peu jaunes, ça devrait le faire, pas vrai ? Je le fixe un instant pour le confirmer avec lui, mais comme c'est bon, je souffle : Il t'faut quoi d'autres ? peu importe si ça peut aider Lukas a se remettre, j'suis prête à nager jusqu'à Seattle. Est-ce que ça va l'aider à mieux respirer ?

Sacrés yeux de lynx. A peine j'avais terminé de décrire la plante qu'il nous fallait, qu'elle pointait déjà du doigt un petit groupement de primevères. J'étais bluffé.

- Oui exactement ça ! Très bien vu !

Je me penchais, pour couper un peu de la terre autour de la plante, pour la prendre entièrement, et la glisser dans mon sac. Trois plants, c'était peu, mais ça pourrait déjà aider pas mal. Lukas n'avait pas besoin d'une dose bien forte.
J'allais pouvoir écraser un peu le tout pour faire chauffer la mixture et voir ce qu'on pouvait en faire.

- Ca devait arranger un peu les choses oui. J'espère. Je sais pas trop ce qu'il a, du coup c'est compliqué de viser juste. Mais ça, ça fonctionne pour pas mal de trucs.

On continuait notre recherche, et je réfléchissais aux autres plantes qui pourraient avoir une utilité quelconque.

- De la lavande aussi ça serait super. Juste pour en mettre dans sa chambre. Ca aide à respirer un peu, le parfum de lavande. Ca débouche le nez.

Je regardais autour de moi, et aperçu vite un petit tas violet, bien caractéristique.

- Hé bien, la chance nous sourit aujourd'hui. Il va pouvoir dormir tranquillement cette nuit, j'espère !

Ca servirait d'encens, et espérons, que ça puisse détendre tout le monde. Histoire qu'on ait tous une bonne nuit de sommeil, sans inquiétude, sans guetter le moindre soucis chez Lukas, sans devoir nous assurer qu'il respirait toujours convenablement. Et c'était bien parti pour.

On a ce qu'il faut pour survivre. Même si on rentre pas dans l'immédiat, le silence se fait de plomb entre nous. Ces plantes sont un début pour soulager Lukas, pour autant ça veut pas dire qu'il ira tout de suite mieux. J'appréhende, comme Jaren, que ça puisse pas être le cas tout simplement. La gorge nouée, la conversation se fait muette évidemment, sporadique, sans véritable suivie. Quand nous rentrons, c'est pour commencer les concoctions, dans l'espoir que ça améliore vite la situation. Pourtant quand la nuit tombe, la respiration de notre fils siffle, il peine à inspirer, s'étouffe parfois.

Mon regard se pose sur Jaren. Entre colère et désespoir alors que j'essaie de le soulager. Il y a plus rien ? De médicaments qu'on pourrait lui donner ? Que je lui demande, les yeux rougis autant par la fatigue que l'inquiétude. J'ai du mal à le voir souffrir autant, et de rien pouvoir faire. Je sais même plus quoi prendre pour l'aider à respirer, ni comment le tenir. Il chouine, mais est trop fatigué pour pleurer pour de bon. Demain, il faudra y retourner, trouver quelque chose... C'est pas possible, on peut pas le laisser comme ça ! Que je m'affole sans pouvoir cacher les sanglots dans ma voix.

Maintenant, place au silence. Le retour fut long finalement. Lourd surtout. Aucun de nous deux n'osait exprimer quoi que ce soit. Tous les deux emplis d'inquiétudes, on était retourné à Lukas, pour le voir toujours autant malade. C'était dur à voir. Dur de se dire qu'on ne pouvait pas faire grand chose.

Je m'installe avec Yulia au chevet de notre fils affaibli, toujours dans un silence. Juste sa petite respiration, qui semblait pénible. Tout semblait résonner dans la pièce. Et voir Lukas, si petit et si faible, dans cet état, ça me desespérait.
Puis Yulia finit par briser enfin ce silence. Non, il n'y avait plus rien à faire maintenant. A part attendre. Et espérer que ça fonctionne, que tout aille mieux.

- On lui a donné déjà beaucoup. Plus, c'est risqué. On ne peut plus que attendre que son état s'améliore.

S'il s'améliore. Mais ça, je le gardais pour moi. Pas la peine de rajouter une couche. Si on perdait Lukas, je ne me le pardonnerais jamais. Pas après tout ça. Et je savais que Yulia non plus.
Sa voix craquait sous la tristesse.
Je passais mon bras autour d'elle pour la laisser poser sa tête sur mon épaule.

- On ne peut pas faire de magie. Ce qu'on a eu aujourd'hui c'est déjà très bien. Je vais préparer ça pour demain et les prochains jours. C'est le meilleur qu'on puisse faire. Attendre, utiliser ça, et le garder au chaud. Une maladie, c'est long à combattre. Surtout à son âge.

Je déposais un baiser sur le haut du crâne de Yulia. On n'avait plus de pouvoirs maintenant.

Jaren essaie d'être rationnel, de ne pas s'emporter. La tête posée contre lui, je me sens bouillir de l'intérieur personnellement, et le fait de devoir tenir en place me coute tout autant que de voir Lukas dans cet état. Pourquoi lui ? Pourquoi faut-il que mon fils, mon bébé, soit malade à ce point. J'ai peur de plus l'entendre respirer à un moment donné, que ça s'aggrave encore, que ça soit irréversible. L'idée même de le voir mourir à petit feu me rend folle...

Comment tu peux être si calme, que je marmonne en tentant de pas m'emporter. Je sais pas, si ça lui donne des airs d'indifférence, s'il en a rien à faire, s'il fait ça juste pour me soutenir et me laisser moi être l'inquiéteuse professionnelle. Comment tu fais, que je rajoute dans la foulée dans un soupir sec. Je me redresse pour recommencer à faire les cent pas. J'aimerais que mon fils aille mieux tout de suite, dans l'immédiat, d'un claquement de doigts pour plus avoir à m'en faire pour lui.

C'est ça, être parent ? C'est s'en faire pour un petit être en défense jusqu'à la fin de sa vie ?

Bah qu'on se le dise, c'est vraiment à chier.