Voilà quelques semaines qu'on était arrivé au château des Fuckers. Je sais pas si le château était immense ou si j'étais pas doué pour croiser du monde dans les couloirs, mais j'avais pas vraiment sympathisé avec grand monde jusque là. Peut-être que j'étais pas vraiment dans le moule des gens auxquels on va taper la papote entre deux portes, aussi. J'ai l'impression qu'ils avaient quasiment tous dix ou quinze ans de plus que moi, voire plus, et je parle pas seulement d'âge biologique.
En fait, j'avais l'impression d'être coincé, entre eux et les expendables, entre une armée de gosses, et une armée de parents présents ou à venir. Disons qu'on avait pas les mêmes priorités dans la vie. Ni les mêmes intérêts. Ni... Bordel, quel enfer ! J'avais même plus le plaisir de faire chier Alex, qui se faisait rare. Du moins, qui avait mieux à faire que de me casser les couilles... Et je le regrettais presque.

Ajoutez à ça une météo d'hiver, pluvieuse, froide, chiante à mourir, et disons-le franchement : je me faisais bien chier. Habituellement je trouvais toujours à faire, mais perdu au milieu de nulle part, les activités marrantes étaient pas foule.
Et comme je n'avais plus l'occasion d'aller me défouler la journée, je dormais une bonne partie du temps. Du coup je passais des nuits merdiques à regarder le plafond de la chambre que j'avais "empruntée".

Ce soir-là, je finis par me relever, après avoir compté pour la centième fois les fissures du mur, et enfilai mon manteau pour faire un tour dehors. La nuit était déjà largement tombée, mais chance dans mon malheur, le ciel était dégagé et la lune quasiment pleine. En somme, on y voyait plutôt pas mal. Je me dirigeai du camping des expendables, espérant tomber sur un noctambule avec qui passer un moment, mais c'est une silhouette à quelques mètres de là qui attira mon attention. Je m'approchai prudemment, une main sur mon couteau au cas où, avant de reconnaître une des nanas qui habitaient ici. Reed, si je me souvenais bien.

Je sais pas ce qu'elle foutait là, mais je m'arrêtai à quelques mètres avant de la saluer d'un signe de tête.

- Hey. T'es somnambule, insomniaque, ou tu t'apprêtais à aller tuer quelqu'un en douce ?

Une d’adolescence, Reed repartait dans ses travers de jeunes justes pour cette nuit, un élan de ce caractère rebelle qu’elle avait mis quelques instants de côté, résistant de toutes ses forces pour ne pas y succomber respectant les réglés ériger par Peter et Elena. Mais l’appel du dehors, en ce soir était plus forte que les autres jours, donnant cette impression que le château en ce soir étouffait. Alors, ce soir, les mauvaises habitudes de Reed refaisaient surface, se fichant bien des réprimande que cette expédition nocturne pourrai engendrer.

Mais contrairement à son adolescence, elle passait nullement par la fenêtre de sa chambre, escaladant la façade de la bâtisse. Non, elle passait dans les couloirs, discutant quelques minutes avec d’autres personnes du château faisant comme si de rien n’était, puis elle prenait la direction de l’extérieur avançant tranquillement dans le froid de cet hiver. Une première bouffée d’air frais, avançant doucement sur le chemin de l’extérieur. Un sourire sur le visage, un regard en arrière alors qu’elle s’éloignait petit à petit du château, scène aux allures nostalgique ce voyant quitté la demeure de son père, étant presque au loin le bruit du moteur de la voiture d’un de ses amis, entendant déjà les protestations de sa sœur aînée. Alors un rire sortant d’entre les lèvres de la blonde.

Elle continuait à marcher dans la nuit, avançant de plus en plus loin, profitant de ce moment et de cette sensation de liberté qui lui était offert dans un silence et une solitude qu’elle ne pouvait d’apprécier. Quand soudain, le silence qui était tout autour d’elle, se volatilisait, dans une interpellation qui la fit souffler. Elle se retournait, plissant légèrement les yeux pour voir qui venait de lui parler. Un homme à l’allure excentrique qui ne passait nullement inaperçu, venu avec les groupes que les IF accueillaient au sein de château. Répondant sur un, ton simple au jeune homme “Un peu des 3, on va dire.” Un sourire sur le visage. Quelque chose laissant entre voir à Reed que cet homme n’était pas du genre à respecter toutes les règles qu’on leur imposait comme elle-même. “Tu es avec les expendables. Derek. Je compte sur toi pour ne rien dire. ” Prête à reprendre son vagabondage, qui lui permettait de vider son esprit, voilà qu’elle se retournait vers Derek lui proposant de venir avec elle. “…Tu veux m’accompagner dans mon moment de folie nocturne ?” Renonçant ainsi à son escapade en solitaire, mais ces quelques pas à l’extérieur l’avait quelque peu adoucis son humeur et son envie d’être seule.

Les rues de Seattle me manquaient. Enfin, les rues pré-invasion. Celles où je pouvais me balader de jour comme de nuit sans risquer de me faire bouffer à tous les coins d'immeuble. J'avais clairement une préférence pour les flics que pour les rôdeurs. Ils couraient plus vite mais ils étaient moins nombreux.
L'autre truc qui me manquait, c'était les boites de nuit. Les ambiances chaudes et la musique à fond, cet abandon total au monde de la nuit. Aujourd'hui je n'avais même plus de musique. Encore moins de possibilités de faire des soirées. Ce qui y ressemblait le plus étaient les soirées à la Cage, mais depuis que New Eden avait envahi la ville, même ce substitut de fête était devenu impossible.

Du coup il me restait plus que les balades champêtres.. Et à choisir je préférais moisir dans ma piaule froide, franchement. La campagne, ça avait jamais été mon délire. Je suis même pas sûr d'avoir vu des vaches en vrai avant l'invasion. Ni après d'ailleurs. Les chiens errants étaient à peu près les seuls animaux que je côtoyais.
Bref, au risque de me répéter, je m'emmerdais sec, et cette rencontre nocturne était une véritable aubaine pour tromper l'ennui.

Je lâchai un bref rire à la réponse de la demoiselle, m'approchant d'avantage en renfonçant mes mains au chaud dans mes poches. Ça fait beaucoup pour une seule personne. Je hochai à ses mots, inclinant le nez en guise de salut. T'as tout bon, c'est moi-même. Et j'dirai rien, j'me mêle pas de vos affaires..
Je la dévisageai un instant avant de froncer les sourcils en reprenant : Par contre.. t'as pas l'air d'une gamine qui a besoin d'une autorisation pour sortir. Sérieux, vous êtes parqués dans le château ?

Les IF étaient donc aussi peu marrants qu'ils en avaient l'air. Je tournai les yeux vers l'amas de caravanes des Expendables, pensif. On ne m'avait jamais interdit de sortir du campement, et je n'avais jamais eu de "recommandations" à ce sujet, en-dehors des basiques de sécurité. Ne pas ramener d'étrangers, ne pas se faire suivre, ce genre de trucs. Du coup je me demandais ce que diraient les patrons en sachant que je me baladais la nuit sans prévenir personne. Je haussai les épaules en revenant à Reed. Peu importe.

Je retrouvai un sourire en l'entendant me proposer de l'accompagner. Putain oui. Carrément même. Je sais pas où tu comptes aller mais je suis partant. N'importe où serait parfait en fait. Mon regard s'alluma à l'idée d'un peu d'action, quelle qu'elle soit.
Tu connais un peu les environs ? Ou on part à l'aveugle ?

Rencontre inattendue, ballade imprévue. C’était le genre de soirée qu’elle aimait, le genre de soirée qu’elle avait toujours affectionner à l’époque où leur vie était toute autre. Un rappel nostalgique qui se faisait à elle , alors qu’elle regarde derrière elle afin de vérifier qu’aucun de son groupe ne la poursuivait après l’avoir pris en flagrant délit. Un sourire à ce Derek, face à sa demande répondant de manière énigmatique “Disons que certaines situations nous force à être prudent. Mais je n’aime pas me sentir enfermé et puis c’est juste une balade de quelques minutes, histoire de prendre l’air.” Des choses qui n’était guère des plus plaisantes pour certains membres du groupe, qui les avait force à ramener la blonde au sein de la demeure familiale, réveillant le côté rebelles de son adolescence, celui-là même qui avait tant cause de soucis à sa famille. Mais qu’importe, Reed était prête à affronter la colère de Peter et celle d’Elena, pour un peu de cette liberté dont elle avait la sensation qui lui avait été prise, assumant totalement cette immaturité dont elle faisait preuve à cet instant précis.

Car oui, cette balade était des plus immatures et elle s’en rendait compte, s’étonnant même qu’elle n’ai pas pensé à faire une leurre sous ces draps avec quelques vêtements, même si en soit cet acte aurait été exagérer. Mais il faut dire ce qu’il en était parti ainsi, la nuit, alors que tout le monde était sûrement en train de dormir n’était pas sans rappeler à qui que ce soit le mur que chacun avait fait durant son adolescence. Un autre sourire à Derek, annonçant avec fierté qu’ils allaient tout deux partir à l’aventure, émerveillant de cette escapade nocturne qui s’offrait à eux “On part à l’aventure. Sa fait des lustres que je n’ai pas fait ça.” Laissant entre voir ce côté indomptable qui faisait toujours partie de la blonde avec ses yeux qui pétillait rien de penser à cet interdit qu’elle allait franchir, laissant comprendre que sûrement elle avait été habitué à ce genre d’exercice. Pourtant, encore une fois, elle se disait en elle-même que normalement elle avait passé l’âge de jouer à ces genres de jeu. Elle entraînait Derek avec elle, profitant pour prendre une longue respiration, espérant également qu’ils ne rencontraient pas de problème lors de cette balade. Commençant la conversation pour apprendre qui était ce jeune homme aux allures excentrique qu’elle appréciait “Alors raconte moi, la vie avec les expendables? Comment tu les as rencontrées?” Avançant dans la nuit, s’éloignant du château petit à petit, ainsi que du camp que leur inviter avait établie. Reed profitait de chaques secondes, laissant son rire se faire entendre alors qu’elle regardait en arrière encore une fois “Je n’aurais jamais cru faire ça à 31 ans. ” S’étirant un bon coup les bras en l’air “Mais j’avais besoin de sortir du château. Faudra juste qu’on rentre en un seul morceau.” Tournant la tête vers son partenaire d’escapable “Alors, on reste pas longtemps dehors et pas de folie, même si j’aurais aimé qu’une boite de nuit se trouve pas trop loin” Oui, cela lui manquait, ces vies nocturnes, ces fêtes fait dans l’insouciance sans se demander si un mort allait surgir d’un coup voulant le mordre

Je me demandais quel âge elle pouvait bien avoir. Elle semblait jeune. Peut-être pas autant que moi cependant, mais sa dégaine ressemblait presque à celle d'une ado. Enfin.. une grande ado, quoi. Une jeune adulte. Quelque chose comme ça. Bref, c'était pas une vieille croulant, en somme.
Je parcourus brièvement les alentours du regard : Des tours de garde étaient évidemment organisés jour et nuit, et ça aurait été bien dommage qu'ils nous tombent dessus. Fin prématurée de la petite escapade. Morte dans l'oeuf, même. Mais les parages étaient silencieux, et déserts. Pour le moment du moins.

- Je vois, la sécurité avant tout, tout ça. Tout ce qui me saoulait dans le fait d'être dans un groupe. Ne plus être libre de mes mouvements. Mais ce qu'il ne savent pas ne peut pas les contrarier.. J'esquissai un sourire amusé pour Reed. Elle était certainement du même avis, puisqu'elle était là, justement.
Je ris de plus belle quand elle m'annonça qu'on partait à l'aventure. Ça sonnait bien, dit comme ça. Un petit côté chevaleresque, quoi ! Même si je tenais plus du bandit de grand chemin que du Chevalier. Et qu'elle n'avait pas grand chose de la princesse qui attend sagement son sauveur en haut de sa tour.
En plus tuer des rôdeurs c'était moins classe que déglinguer du dragon, faut bien avouer.

- Tu m'vends du rêve ! Ça m'manque aussi. Je lui emboîtai rapidement le pas, la suivant sans me poser de questions. Après tout elle vivait ici depuis un moment, elle connaissait sans doute les abords. En tout cas mieux que moi, c'était certain. Rien que de marcher d'un bon pas en pleine nuit et en bonne compagnie, ça me redonnait le moral. Ça rechargeait mes batteries. J'étais définitivement pas fait pour rester au même endroit indéfiniment... D'un sens j'avais hâte qu'on reprenne la route, à la fin de l'hiver. Je remontai la fermeture de ma veste en cuir avant de lui répondre : La vie avec les Expendables.. franchement c'est plutôt cool. Ils sont sympa. J'ai mis un moment à m'faire ma place, je vais pas mentir. Mais maintenant je m'y sens bien. Puis, j'aime bien qu'on soit nomade... j'ai un peu la bougeotte, en général. Je pris quelques secondes avant de reprendre : Et j'les ai rencontré à la Cage, quand ça existait encore. Ils cherchaient du monde, pour aller s'battre contre les Divas. J'sais pas si tu vois qui c'est ? En tout cas plusieurs membres du groupe étaient prisonniers là-bas. Moi j'avais la dalle et besoin de me poser un moment pour reprendre des forces.
C'était une demi-vérité. Je les avais aussi rejoint parce que Milow faisait partie de leur faction et que j'avais déjà des vues sur lui, à l'époque. Mais bon, ça je le gardais pour moi.

- Et toi, depuis quand t'es avec les IF ? Comment tu les as connu ?

Je lâchai un rire à ses recommandations, levant un sourcil taquin. Faut rentrer en un seul morceau, vraiment ? Parce que j'suis mal parti. J'agitai ma main gauche devant elle, mettant en évidence les deux doigts dont il ne restait qu'une phalange chacun. Compris, on fonce pas dans un tas de rôdeurs. J'ai quand même le droit de grimper aux arbres...? Puis je laissai échapper un long soupir envieux. Putain ouiii... une boîte de nuit bordel ! Ça me manque tellement ! La musique, danser, boire, juste.. s'éclater quoi. Juste pouvoir être insouciant. En avoir rien à foutre de ce qu'il se passait dehors.
Tu faisais quoi, avant toute cette merde ?

Le château s'éloignait lentement mais surement, nous laissant enveloppés dans une semi-obscurité blafarde, sous les rayons de la Lune. Ça valait pas les toits de Seattle, mais c'était pas mal du tout.

Elle continuait s’enfonçant un peu plus dans ce paysage enveloppé par la noirceur de la nuit. Elle marchait droit devant elle, laissant cet air remplir ses poumons, laissant derrière elle les tracas qui était encore bien présente dans ses pensées. Et cette compagnie improviser, participait à cet éloignement, de par cette conversation simple qui s’en découlait. Parlant de leur vie dans leurs factions respective. Ainsi, elle apprenait à connaître cet étrange personnage aux allures excentrique qui, quand on le regardait bien, semblait être le rebelle du groupe. Un peu comme elle, elle qui n’avait jamais été vraiment présente au sein du groupe, elle qui avait toujours trouvé le moindre prétexte pour fuir cette vie communautaire, restant dans cette vie de solitaire. Elle eux un rire en l’entendant dire qu’il avait la bougeotte. « Je comprends tout à fait. »Elle laissait cette pause s’installer, entendit le jeune homme reprendre la parole, lui parler de cette rencontre avec ses amis, de la cage, du fait que ceux-ci étaient prisonnier et lui cherchait un endroit ou se reposer, retournant ensuite la question que Reed lui avait poser contre elle. La replongeant dans cette période, dans cette ferme, les moments passés avec Peter riant, discutant, dans ces années d'errances ayant pour seul but de retrouver ces personnes qu’elle avait connu. Elle prenait une grande inspiration, avant de répondre à Derek un sourire sur le visage « Je connaissais Peter avant la création des IF. On avait été séparé par une horde et je l’ai retrouvé quelques années plus tard. Mais je ne les ai pas rejoins tout de suite et comme je suis de nature solitaire même après les avoir rejointes, je n’étais pas souvent là. Ce qui fait de moi en quelques sortes la rebelle du groupe, on va dire ça comme ainsi. »

Ils continuaient à avancer dans ce paysage voilé par la nuit, recommandant qu’ils rentèrent tout deux en un seul morceau, c’est à ce moment qu’il fit cette réflexion, laissant une question dans l’esprit de l’ancienne pompière. Mais elle, lui répondit dans un sourire presque amusé face à cette désinvolture de sa part « Disons que dans ton cas, avec les morceaux qui te reste. Et dans le mien, vaudrais mieux que je reste en un morceau » Sans lui demander ce qui lui était arrivé. Au lieu de cela la conversation repartait sur cette nostalgie que l’ancien monde leur provoquait, les distractions qu’ils avaient la joie de connaître et profiter avec isolante. « Les soirées dont tu n’attends rien et qui pourtant te réservent plein de surprise, où tu ne penses pas à la gueule de bois du matin. » Cette vie lui manquait, aucun rôdeur dans ce monde. Oui ce monde, elle le regrettait quelques fois, parfois, elle n’y pensait pas trop occuper à sauver sa peau. Puis être derrière un bar lui manquait.

Elle répondait encore une fois à Derek « J’ai été pompière pendant 5-6 ans, part après j’ai travaillé derrière un bar homosexuel pendant 2 ans. Ce qui était plutôt pratique pour draguer les filles. Et toi ?» Ça, elle devait le reconnaître. Elle s’amusait même de ces filles qui pour changer de leur quotidien venait à l’époque et commençait à la draguer, alors qu’elles étaient toutes hétéros. Puis elle changeait de sujet, demandant à celui qui l’accompagnait ce qui était arrivé à ses doigts « Comment, tu as perdu quelques bouts de toi ? »

Je n'avais jamais eu de difficulté à nouer des liens, mêmes temporaires, entamer des discussions ou les tenir avec des inconnus. On pouvait me reprocher beaucoup de choses, mais je savais être très sociable et agréable, si je le voulais. Et je n'avais pas à me forcer, c'était de bons moments pour moi aussi. Et les choses se faisaient assez naturellement avec Reed, qui semblait aussi peu prise de tête que moi.

- Peter... J'ai pas eu l'occasion d'lui parler. Ça a pas vraiment l'air d'être un mec... Sympa. Enfin t'sais, pas du genre à plaisanter facilement quoi. Un peu comme Connor. J'en déduisis qu'être chef était chiant et rendait grognon, en conclusion. Ouais je comprends. J'ai pas vraiment eu l'occasion de quitter le groupe en solo après les avoir rejoint.. y'avait des blessés, dont Milow. T'sais, le petit qui tire la gueule tout le temps. Et j'ai joué les infirmières pendant un moment, donc j'ai dû rester sur place. Et puis après ce petit idiot s'était fait péter des côtes, il s'est fait irradier... bref, ça faisait un an et demi que je faisais garde-malade pour un malade moyennement consentant. Moi je suis le mec chelou du groupe, c'est sympa aussi comme titre. Je re-tournai un sourire en coin vers elle, en continuant d'avancer.

Je tirai machinalement sur la fermeture de ma veste une fois encore, constatant qu'elle était déjà au plus haut. Bon ben j'allais me cailler les couilles pour le reste de la soirée, c'était acté. Faut dire que je comptais pas sortir très longtemps à la base, sans quoi j'aurais enfilé un sweat en plus du reste. Dans un soupir bruyant je hochai à ses mots. Définitivement l'insouciance du lendemain, ou même de l'instant présent, me manquaient particulièrement. Prendre une cuite et pouvoir traîner ma gueule de bois tout le lendemain sans que ça pose de souci.
Mon regard revint se poser sur la blonde quand elle parla de son passé de pompière. Surprenant, elle avait pas le look. Enfin, disons que je les voyais plus.. formels.

- T'as bossé dans un bar homo ? Trop bien ! Je passais mes soirées en boîtes gays à l'époque. Mon look passait mieux qu'en boite classique, surtout quand j'me ramenais en mini-jupe et bas résilles.. Puis l'ambiance était quand même pas la même, faut bien avouer. Je levai brièvement les yeux au ciel, détaillant les constellations dont je n'avais aucune connaissance, avant d'ajouter dans la continuité : Même si je suis pas gay, ceci dit. Je m'en fous juste de qui j'ai en face tant qu'il est consentant. Ou "elle".
Y'avait probablement un mot pour ça, mais je m'étais jamais intéressé à la question, et je n'avais de toute façon jamais eu l'occasion de me renseigner sur le sujet. Moi... Baaaaah. J'était SDF, figure-toi ! Donc j'ai jamais vraiment eu de boulots. Genre à part gagner quelques dollars ici et là en travaillant au black tu vois. Mais rien de fixe. Pis comme je me suis barré de chez moi à seize ans, j'ai jamais eu assez d'études pour chercher un vrai job de toute façon.

Finalement la question dériva sur mes doigts manquants, et je sortis ma main de ma poche pour la regarder un instant, un peu plus sombrement. Je donnais l'impression de tout prendre à la légère, c'était ma façon à moi de me préserver. On ne pouvait pas m'attaquer si je ne laissais voir aucune faille.
Pour autant, je gardais un souvenir profondément ancré et glaçant de ce jour-là.

- Ça date d'il y a.. j'sais pas, deux ans peut-être ? J'ai tenté de voler une caisse. Pas de bol pour moi, le propriétaire était juste à côté, et surtout c'était un putain de psychopathe. Il m'a secoué dans tous les sens, menacé évidemment, laissé croire un bon nombre de fois que j'allais crever, et finalement il a trouvé plus marrant de me couper deux doigts, l'un après l'autre. Je sais même plus comment j'ai réussi à m'enfuir. Demi-mensonge. Alex était avec lui, contre son gré. C'est elle qui m'avait coupé les doigts. Et je m'étais enfui uniquement parce qu'elle lui avait sauté dessus pour me le permettre. Mais ça, c'était un peu trop compliqué à raconter et justifier, surtout maintenant qu'Alex était le bras-droit des Expendables. T'as jamais fait de mauvaises rencontres depuis le début de cette merde, toi ?

A force de parler, on s'était vraiment éloigné du Domaine, et le mur d'enceinte n'était plus qu'à quelques mètres. Un bruissement me fit sursauter et j'attrapai instinctivement le bras de Reed pour l'arrêter, lui indiquant la zone d'un mouvement de la tête, aussitôt sur mes gardes. Avec un peu de chance c'était un écureuil. Avec moins de chance, c'était un putain de rôdeur..