Il était tard, alors qu'elle fermait enfin la porte de l'infirmerie pour rejoindre la salle commune. Si la faim restait présente, elle n'aspirait pourtant qu'à une dernière cigarette avant d'aller s'écrouler dans son lit, et laisser le sommeil lui autoriser quelques heures sans réfléchir à quoi que ce soit. La journée avait été intense, la soirée tout autant, et le calme du domaine avait au moins le don de l'apaiser un peu, alors qu'elle récupérait une tige de son étui pour l'allumer, rejoignant enfin le salon avant d'aviser une silhouette. Fronçant les sourcils avant de reconnaître Otis, offrant un sourire bref au jeune homme.

Tu n'es pas couché à cette heure-ci ? Elle avait supposé que l'heure avancée l'aurait laissée seule, mais visiblement pas. Agitant la main pour faire signe au brun de se décaler sur le côté pour qu'elle puisse prendre place à son tour, soupirant d'aise en se laissant tomber sur le sofa. Comment ça se fait que tu veilles encore ?

Le château est calme. Tout le monde semble être allé se coucher. Tout le monde, sauf Otis. Le jeune homme s'est finalement relevé pour s'installer sur le sofa de la salle commune, ne trouvant pas le sommeil, comme souvent ces derniers temps. Tellement de questions, d'angoisses qui l'empêchent de se laisser aller dans les bras de Morphée. Alors, comme toutes les nuits qui précédées celle-ci, il dessine pour penser à autre chose... Mais comme souvent, c'est à Lucy qu'il pense et cela se ressent sur le papier. Des portraits de la rousse, il n'y a que ça ou presque... Comme s'il se refusait d'oublier le moindre de ses traits, comme s'il craignait de la perdre à jamais.

Concentré, il sursaute finalement lorsqu'une voix résonne dans la pièce. En relevant les yeux, il reconnaît Faith. Il lui accorde un sourire, avant de se décaler pour qu'elle puisse s'installer à côté de lui. Et s'il hésite un instant à lui dire qu'il n'a pas sommeil, tout simplement... Il finit par lui avouer. « Je n'arrive pas à dormir depuis que je suis ici... » Des nuits complètes, elles se comptent sûrement sur les doigts d'une main. Et pourtant, cela commence à faire un moment qu'ils vivent ici...

Comment ça se fait ? s'inquiète la brune à cet aveu d'insomnie, fronçant légèrement les sourcils à cette idée. Venant prendre place à ses côtés en lui glissant un regard inquiet, reprenant avec douceur à l'attention du brun. Tu veux que je te donne quelque chose ? Il me reste de quoi te faciliter le sommeil, à l'infirmerie. Une dose bien moins forte que ce qu'elle pouvait prescrire à Camila et ses cauchemars, mais suffisamment pour qu'il fasse une nuit de douze heures d'affilée si ça pouvait le soulager. Venant glisser son index contre la joue de son cadet, l'incitant à relever la tête pour croiser son regard.

Ou alors, tu fais partie de ceux qui pensent trop ? Comme elle sans doute ? A quand remontait sa dernière nuit entière, sans se réveiller pour cogiter de longues heures durant ? Au moins, à avant l'annonce de sa grossesse. Au moins, avant la disparition de Tori et Emily. Peut-être à cette fameuse soirée à la cage, qui semblait désormais venir d'un rêve, plutôt que d'un souvenir agréable.

Tu veux en parler ? propose t-elle en récupérant l'un des plaid tombés au sol pour le mettre sur leurs genoux, allumant l'une lampes factices dont elle avait réussi à trouver des piles correspondante, pour leur apporter une chaleur supplémentaire.

Otis pose son crayon sur son carnet avant de le refermer. Il le laisse glisser sur ses genoux alors que Faith s'installe à ses côtés. Une légère moue se dessine sur ses lèvres alors qu'elle lui demande ce qui ne va pas. Si seulement, il le savait ? Avec Lucy, ils ont pourtant été séparés de très nombreuses fois... Alors pourquoi c'est différent cette fois ? Il sait que la naissance de sa fille y est pour quelque chose mais il n'y a pas que ça.

Sentant la main de Faith s'approcher, il relève la tête lorsqu'elle pose son index sous son menton. A nouveau, ses lèvres se pincent et il ne sait pas vraiment quoi lui répondre. Mais parler lui fera sûrement du bien. « Je ne crois pas que ce soit mes pensées le problème. Je ne suis pas du genre à me prendre la tête. C'est juste... Je ne sais pas... J'ai la sensation de ressentir un manque permanent. J'aimerais être présent pour Lucy, pour ma fille mais... » C'est impossible pour l'instant. « Et... Je... Je crois que rester éveiller c'est aussi un moyen de pouvoir contrôler mes angoisses. J'ai peur... J'ai peur de m'endormir et de me réveiller en faisant une crise. Cela ne m'est plus arrivé depuis longtemps. Mais... » Il sent que ses angoisses n'attendent que ça pour prendre le dessus.

Je comprends. Souffle la brune avec douceur à Otis, ne pouvant qu'imaginer ce qu'il pouvait ressentir en l'état, sans aucune nouvelle de la femme qu'il aimait et de leur enfant. Si Edwin et elle étaient séparées, elle avait au moins la chance de les savoir toujours proche d'elle, à quelques pas. Mais lui ? C'était une attente, sans savoir quelle serait l'issue.

Tu es sujet aux crises d'angoisse alors ? demande t-elle avec douceur, venant ancrer son regard dans le sien. Si jamais tu en ressens le besoin, tu sais que tu peux m'en parler. J'ai assez eu de cas d'anxiété à gérer, pour t'assurer que tu es entre de bonnes mains.

Camila n'en était qu'un petit exemple. Combien de patients avait elle connu, qui étaient prompte aux crises de paniques ? Elle la première, peu de temps après la fausse couche de Marietta, par ailleurs. C'est normal, de ressentir ça. Mais plus tu cherchera à la bloquer, plus ça sera intense. le prévient-elle avec douceur. Crois moi en connaissance de cause. LA chute n'en était toujours que plus intense, pour chaque jour de bloqué à se refuser à céder.

« Depuis l'adolescence... » Avoue-t-il en affichant une légère moue. Mais Faith semble comprendre, d'ailleurs elle lui explique qu'il peut lui en parler s'il le souhaite. Visiblement, elle a déjà dû gérer ce genre de situation. Elle lui propose son aide. Le métis lui accorde un sourire, à peine perceptible. Néanmoins, les mots de la brune l'ont touché et il n'hésite pas à se confier. « J'ai souffert de phobie scolaire durant plusieurs années... A cause du harcèlement d'autres élèves à mon égard. Au départ, ça allait mais les crises sont devenues de plus en plus régulières et ingérables en grandissant. J'ai développé des troubles obsessionnels compulsifs ; de rangement, de comptage, de répétition... » Il hausse les épaules, elle doit savoir de quoi il parle... Dire que les tocs avaient fini par se faire de moins en moins présents ces derniers mois... L'absence de Lucy, la situation à Seattle, la soirée chez les forains... Trop de choses qui ont fait qu'il n'arrive plus à gérer aujourd'hui.

« J'étais suivi régulièrement avant... J'allais mieux y'a quelque temps. Mais dernièrement, je n'arrive plus à gérer quoi que ce soit. Et... J'ai peur qu'un jour ça compromette ma propre sécurité et celle des autres... » Il baisse la tête, songeant aux difficultés que cela pourrait engendrer s'il venait à retrouver Lucy et sa fille. Et s'il était incapable de s'occuper de son enfant ?

Otis se confiant, la brune l'écoute avec attention. Mémorisant les termes qu'il utilise, cette phobie scolaire dû à l'harcèlement, et tous les troubles qui en avaient malheureusement découlé. Le laissant néanmoins terminer et exposer son ressenti, jusqu'à cette révélation de crainte de ne plus être apte à gérer alors qu'elle vient avec douceur le ramener contre elle. Bien que pas spécialement tactile, les choses étaient différentes avec Otis. Lui offrant un sourire encourageant, avant de reprendre.

C'est déjà très courageux d'en parler, et je t'en remercie. qu'elle souffle, se doutant que ce n'était pas le genre de discussion agréable à avoir, quand il s'agit de se mettre à nu de la sorte. Je ne peux pas te promettre un suivi régulier à ton départ, il faudrait voir avec Connor. Mais, si le coeur t'en dis, et que tu te sens assez en confiance, je peux déjà t'aider le temps que vous êtes là.

D'autant que les thérapies n'étaient plus vraiment une nouveauté. Qu'il s'agisse de Camila, Clara, et même Zack à l'époque ou il était encore avec eux...

Tu n'auras rien à payer bien évidemment. Si ça peut t'aider à te sentir mieux, ce sera le meilleur des paiements. Et ça te permettra d'arrêter d'imaginer le pire.